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Chrono Trigger - Timey Wimey Wibbly Wobbly

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Depuis 21 ans aujourd'hui, Chrono Trigger porte sa croix. Un fardeau qu'on ne souhaiterait à personne et certainement pas à un petit jeu n'ayant jamais fait de mal à qui que ce soit, conçu par une équipe de fanatiques issus de différentes franchises qui, trop heureux qu'on leur laisse carte blanche, s'étaient juste lâchés comme les grands gosses qu'ils étaient. Vingt-et-un-an jour pour jour que tous les projets de suite avortent1, les uns après les autres, comme si les jeunes générations étaient tétanisées à l'idée de devoir assumer le poids de la légende. Vingt-et-un-an qu'il est plus que temps de solder les malentendus, mais que chacun esquive le sujet pour se cacher derrière de grands mots – "classique", "incontournable", "culte". "Chef-d’œuvre".

Sorti le 11 mars 1995 sur Super Famicom, puis trois mois plus tard en Amérique du Nord, Chrono Trigger n'est pas loin d'être le meilleur jeu à ne jamais être sorti en Europe dans les années quatre-vingt-dix. Cela lui vaut une réputation et une aura très particulière et relativement comparables à celles de Final Fantasy VI, autre grand RPG de Square Soft à n'avoir que tardivement connu les joies de la langue de Molière (ainsi que de celles de Goethe, Dante ou Cervantes), à cette nuance près que ce dernier est sorti cinq après sur PlayStation2 quand Chrono Trigger, lui, a pourri dans les cartons jusqu'à un remake DS en 2009. Soit donc quinze années à être le plus gros hit de l'histoire des émulateurs, l'un des premiers jeux que n'importe quel retro-gamer se doit d'avoir testé avant de prétendre connaître quoi que ce soit sur quoi que ce soit. Sa légende n'en a fait que grandir, d'autant que Chrono Trigger, pour avoir confié son character design à un Akira Toriyama3 alors au faîte de sa popularité en Europe, y fut particulièrement attendu et réclamé durant des lustres. Combien de gosses ont alors fantasmé sur les premières images dans Consoles +, ce héros aux airs de Son Gohan rouquin (mais avec l'épée de Trunks) ? Il n'en fallait pas beaucoup plus pour que petit à petit, année après année, l'aura de Chrono Trigger croisse de manière exponentielle à la manière de celle d'un Gohan furax, chaque nouveau classement des meilleurs jeux de tous les temps le voyant grimper quelques marches par rapport au précédent, jusqu'à ce point de non-retour où il devint plus qu'un jeu : un mythe presque intouchable, bénéficiant dans nos contrée d'une réputation inversement proportionnelle au nombre de personnes y ayant joué. Un vrai jeu culte, oui. Comme il y a des groupes cultes, découverts ou redécouverts sur le tard par des générations suivantes estomaquées.


Aujourd'hui, donc, Chrono Trigger porte cette croix. Le titre – largement usurpé – de meilleur jeu de la Super N.E.S. étant peut-être le moindre de ceux qu'on aura bien voulu lui prêter au fil des décennies. Meilleur jeu designé par Toriyama. Meilleur RPG de la Super NES. Meilleur RPG jamais publié en 2D. Meilleur RPG de tous les temps. Et sûrement d'autres encore, que certains étaient sans doute plus à même d'assumer, parce que l'ambitionnant tout simplement réellement. Le poids n'est pas grand-chose, presque rien, pour un blockbuster comme Final Fantasy VII. Il est sans doute un peu plus lourd à porter pour un jeu dont les principales qualités sont la simplicité et l'humanisme, loin de la prétention et de l'héroïsme pompier affichés par certains de ses concurrents. Chrono Trigger ne peut pas, non, être considéré comme le meilleur J-RPG de tous les temps. Non qu'il n'en soit pas digne – c'est un jeu exceptionnel – mais tout simplement parce qu'il est par bien des aspects construit à contre-courant de tout ce qui définit le genre. Parce que l'y ramener de manière aussi rigide, en un sens, revient à en réduire la véritable portée. Sans oublier bien évidemment que cela l'expose de manière très injuste à l'inévitable Oh, ce n'est que ça ? Bah oui : ce n'est que ça. Et c'est bien pourquoi on l'adore.

Visuellement splendide, même par rapport aux standards de 2016, Chrono Trigger se démarque dans un premier temps de ses contemporains par son intrigue de SF classique (sauver le monde de l'Apocalypse par l'entremise du voyage dans le temps), certes mâtinée des éléments heroïc fantasy et steampunk inhérents à tous les Final Fantasy (il devait au départ en être un), mais intimement liée aux mécanismes du jeu puisque le joueur, plutôt que d'évoluer sur une carte se dévoilant au fur et à mesure, le fait toujours plus ou moins aux mêmes endroits, à différentes époques de l'histoire de l'humanité. Un artifice de scénario qui a ses contraintes (la liberté de déplacement est par moment assez réduite), mais aussi ses nombreuses qualités puisque, fidèle aux principes littéraires et cinématographique dont il s'inspire, le jeu accorde une importance prépondérante aux actions réalisées à chaque époque, qui influent souvent considérablement sur les autres. Whatever Happened, Happened, hé hé.

Preuve que Toriyama n'est jamais loin, c'estévidemment la meuf qui commence à merder avec la timeline.

Ce(s) choix narratif(s) n'est cependant que la partie visible de l'iceberg, celle qui différencie le plus immédiatement Chrono Trigger de ce qui se faisait à l'époque sur Super N.E.S., console qui, rappelons-le, pullulait de J-RPG signés Square ou Enix (concurrents qui ont depuis fusionné et qui s'associaient ici pour la première fois), au point que vingt-cinq ans après, on n'en ait toujours pas fait le tour. Ce n'est pas nécessairement cet aspect qui en fait en jeu si exceptionnel, d'autant que malgré ses fins multiples la trame générale demeure relativement linéaire et rigide, si ce n'est carrément invasive, se contentant souvent de ne donner qu'une simple illusion de liberté : on peut par exemple choisir d'affronter le boss final à de nombreux moments du jeu, mais comme on ne sera jamais en mesure de le battre, l'apport demeure minime. De même, si Chrono Trigger signe l'un des plus gros rebondissements de l'histoire du jeu vidéo (SPOILER : le héros meurt avant la fin !), celui-ci est lourdement contrebalancé par la possibilité – et la quasi obligation – de l'annuler (on peut choisir ou non de ressusciter Chrono... sachant qu'il est dans n'importe quelle partie le personnage le plus balaise du jeu, et qu'il sera par conséquent presque impossible de le finir sans lui, sauf à leveller jusqu'à plus soif – FIN DU SPOILER).

Ce qui achève de faire de Chrono Trigger un indispensable, c'est surtout son système de jeu à la fois très ergonomique et très complexe, dont ne laisse de s'étonner qu'il ait eu finalement si peu de postérité. Rompant avec son épuisante tradition des combats aléatoires, Squaresoft propose tout d'abord des environnements plus proches de l'action-RPG, laissant la possibilité d'esquiver les ennemis (visibles à l'écran) et de tailler sa route ; une nouveauté qui n'en est pas réellement une, mais dont l'utilisation aura rarement aussi peu pesé sur le gameplay, la contrepartie en étant souvent (avant autant que depuis) la nécessité de revenir en arrière pour faire du levelling, suivant cette bonne vieille règle voulant que pour progresser sans trop galérer dans un J-RPG, on ne doit jamais refuser un affrontement. Chrono Trigger rompt de manière assez brutale avec cette tradition, de même qu'avec le principe de levelling dans son ensemble, très rarement nécessaire sauf à avoir vraiment voulu parcourir le jeu en ligne droite sans respirer. Cela n'a l'air de rien, mais Square se libère du même coup des carcans habituels des Final Fantasy, SaGa et autres Seiken Densetsu, consistant la plupart du temps soit à traverser de long en large des zones spécifiques rendues vastes par le nombre de pauses qu'on y fera pour combattre, soit à nettoyer lesdites zones avant d'entreprendre quoi que ce soit d'autre. Les combats eux-mêmes, s'ils se jouent au tour par tour en reprenant l’indéboulonnable Active Time Battle, sont à la fois bien plus dynamiques et bien mieux pensés que ce que l'on était en droit d'attendre, les personnages pouvant permuter et combiner leurs capacités, compensant ainsi leur désavantage stratégique initial (ils sont statiques tandis que leurs adversaires peuvent se mouvoir sur l'écran de jeu). Plus qu'une longue explication, le plus parlant sera sans doute de comparer le rendu avec un jeu du même éditeur partant des mêmes idées, la même année, sur la même console : dans le néanmoins très bon Romancing SaGa 3, les ennemis sont également visibles à l'écran, les batailles reposent elles aussi sur un système de combos... mais le résultat, à se vouloir si original, si élaboré... s'avère tellement fouillis et difficile à prendre en main que les premières heures de jeu sont une véritable purge, quand dans Chrono Trigger tout semble aussi facile et naturel que les décors sont fins et détaillés.


Tout cela confère au gameplay une profondeur et une richesse insoupçonnables tant Chrono Triggeréchappe au sentiment de répétition qui pointe inévitablement le bout de son nez au bout d'une dizaine d'heures de n'importe quel FF. Les combats ne sont jamais pareils, jamais trop faciles non plus même avec un bon niveau d'expérience, et les bosses, tous différents et très réussis, s'avèrent toujours des moments particulièrement immersifs où l'on ne sait jamais vraiment à quelle sauce on va devoir les manger (ou être mangés, à l'occasion, surtout dans le cas des derniers). Le revers de la médaille, c'est que l'on peut du coup avoir par moment l'impression qu'il ne se passe pas grand-chose, et si c'est sans doute de là que découle l'aspect le plus fascinant du jeu, c'est aussi sans doute dans le même temps ici que réside son principal défaut.

Chrono Trigger repose en effet avant tout sur son esthétique et sur sa dramaturgie. On en revient à l'illusion de liberté dont nous parlions plus haut : beaucoup y est possible, mais tout y est écrit, pour le meilleur et pour le pire (ou, disons, le moins meilleur– il n'y a pas de "pire"à ce niveau de qualité). L'atmosphère plus mélancolique qu'épique, l'humour bien dosé et les personnages, extrêmement charismatiques, rendent chaque partie profondément entêtante, même si celle-ci ne dure que cinq minutes et qu'il s'agit juste de causer avec deux-trois PNG égarés. Chacun des héros possède un background très soigné, dispose de son lot de quêtes annexes souvent très bien scénarisées, l'ensemble parvient même à délivrer une charge émotionnelle parmi ce qu'on a vu de plus puissant dans un jeu vidéo (surtout sur la fin). Mais ce faisant, Chrono Trigger inaugure aussi une tendance du RPG (a fortiori chez Square et Enix) qui ne fera que s'amplifier avec les années : toujours plus de trame narrative, toujours moins de liberté de mouvement. Il peut même parfois en devenir frustrant, car il est tellement beau, tellement attachant et tellement addictif qu'il en devient l'archétype du jeu dans lequel on aurait envie de se perdre durant des heures... ce qui, à part dans sa dernière partie, est presque impossible. Magnifiques, fourmillant de détails, ses environnements ne sont tout simplement pas faits pour cela : ils sont trop petits, trop fonctionnels, trop intrinsèquement liés aux développements scénaristiques pour réellement exister par eux-mêmes – à l'exact opposé des personnages, qui hantent le joueur longtemps après que la console a été éteinte. On sent d'ailleurs très bien, une fois qu'il ne reste plus que les quêtes annexes, que ses concepteurs en ont conscience et tentent du mieux possible de donner le sentiment que cet univers continue à exister par-delà l'intrigue principale ; petit à petit, cela deviendra même l'un des principaux chevaux de bataille aussi bien chez Enix (qui y échouera un an plus tard avec Star Ocean) que chez Square (qui finira par y parvenir deux ans après dans Final Fantasy VII). En attendant, Chrono Trigger pèche par cet aspect, d'autant que son aventure centrale est assez courte et plutôt facile, ne proposant pas de véritables énigmes et recelant au final assez peu de secrets : pour se sortir de la majeure partie des situations, il suffit la plupart du temps de bêtement se laisser porter par le scénario, certes passionnant, certes enveloppé d'une ambiance exquise, mais tout de même hyper carré aux entournures. Œuvre majeure d'artistes très conscients d'eux-mêmes et de leur talent4, Chrono Trigger fait partie de ces jeux qui ont fait basculer le genre dans une autre dimension, mais y ont aussi laissé des plumes ; si on le ressort souvent avec plaisir, on éprouve rarement la nécessité de le finir à chaque fois, bien conscient qu'on n'y trouvera peu de chose manquées lors des précédents passages. Cela n'atténue en rien son statut mythique, sa dimension de classique d'une console qu'il aura techniquement jetée dans ses derniers retranchements, au point que les premiers RPG 3D sortis la même année semblent infiniment plus vieux et usés que lui. Le voyage auquel il convie suffit amplement à en faire un des ces (finalement rares) jeux auxquels tout joueur se doit d'avoir joué quelques heures dans sa vie, et s'il n'épate pas par sa rejouabilité, l'avoir terminé une seule fois est une expérience suffisante forte et marquante pour qu'on n'ait de toute façon pas nécessairement besoin d'y revenir – on n'en a déjà pas perdu une miette. C'est tout le paradoxe de ce soft que sa réputation dépasse, dans tous les sens du terme "dépasser" : il est entré dans la légende sans même avoir eu à passer par la case perfection ; il a des défauts, demeure critiquable, tout en étant dans le même temps impossible à évaluer sans lui mettre la note maximale. Il est un classique, un vrai, un des rares jeux vidéo, peut-être, à réellement mériter ce terme emprunté aux arts les plus majeurs. Le meilleur RPG de tous les temps ? Certainement pas mais dans le fond, on cesse très vite de lui demander de l'être. Il est un des plus beaux, un des plus mémorables et un des plus originaux, et se suffit ainsi très bien à lui-même. Il n'a d'ailleurs jamais eu de véritable suite, exercice ô combien superfétatoire dans le cas d'un jeu relevant autant de l'expérimentation arty que du divertissement pur.


Chrono Trigger - Super Nintendo (J-RPG. Squaresoft, 1995)



1. Chrono Trigger a bien eu un sequel, Chrono Cross, paru quelques années plus tard sur PlayStation. Mais ce jeu – au demeurant très réussi – était tellement différent que l'on ne peut pas réellement le considérer comme une suite. Et de fait, Square abandonnera finalement tout projet de fairede Chrono Trigger une franchise, comme pour marquer encore un peu plus son côté exceptionnel.
2.A l'occasion de la parution des compiles Final Fantasy Collection/Anthology
3.Rien d'exceptionnel en soi : l'auteur de Dragon Ball a designé les premiers Dragon Quest dès le milieu des années quatre-vingts, mais la série ne suscitait pas le même intérêt occidental à l'époque.
4. Aucun de ses producteurs n'est un débutant, bien au contraire : on parle outre Toriyama du créateur de Final Fantasy, de celui de Dragon Quest, de l'inventeur de l'Active Time Battle, du scénariste de Mystic Quest et de FFVI, et de celui des six premiers DQ... sans oublier, côté musiques, le futur compositeur de Xenogears !


[GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaines 5 – 7

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AMERICAN CRIME STORY"Oh, la défense va passer une mauvaise semaine !" Si j'ai toujours quelques réserves sur cette anthologie, l'épisode de la semaine était brillant de A à Z. Rien à dire. Ou trop, peut-être, face à cette illustration virtuose de comment le sexisme ordinaire peut épouser les circonstances les plus extraordinaires pour aboutir à un désastre annoncé. Sarah Paulson bouffe la pellicule de tout le monde et c'est bien normal tant elle est formidable dans ce "Marcia, Marcia, Marcia". Elle l'est toujours, dans toutes les séries, depuis American Gothicjusqu'à la dernière affreuse saison d'American Horror Story qu'elle arrivait encore à éclabousser de sa classe. Mais elle l'est encore plus dans celle-ci et encore plus cette semaine. Bravo.

Ok : elle a juste l'air un peu cruche, sur cette photo. Il faut voir la violence muette de la scène pour comprendre.

DRAGON BALL SUPER Je dois être à peu près le seul, mais je ne m'attendais pas du tout à ce que le troisième arc de la série soit un tournoi. Notez que quelque part, ça doit bien me rendre sympathique et enthousiaste aux yeux du reste du monde, vu que s'il y a bien un truc auquel on pouvait s'attendre compte tenu de l'ambition "retour aux sources" de ce nouvel animé, c'était ça. Une chose est sûre : c'est vraiment chouette. Bien plus que les arcs Battle of Gods (qui malgré de bons moments manquait d'un scénario un peu vertébré) ou Résurrection de Freezer (qui malgré de bons moments aura sans doute été l'arc le plus prévisible et dénué d'enjeux dramatiques de toutes les séries Dragon Ball mises bout à bout). Cette fois, en revanche, on frise le sans faute, à condition toutefois d'accepter une volonté de plus en plus affirmée de s'éloigner du trait caractéristique des précédentes adaptations – pour le meilleur ou pour le pire (par exemple des personnages qui ont tous l'air à moitié anorexiques – on s'inquiète particulièrement pour Gohan). Reste que c'est souvent très con drôle ; on ne peut que se féliciter de la volonté très saine de ne pas prendre tout ceci trop au sérieux, en faisant la part belle à la dérision et en mettant le plus souvent possible les personnages les plus austères (Vegeta, Piccolo) dans des situations les plus grotesques. Voilà bien longtemps que la mort ne veut plus rien dire dans Dragon Ball, tout comme le concept de puissance a fini par devenir quasi abstrait. Mieux vaut donc en rire un maximum, et les quatre ou cinq derniers épisodes, vraiment inventifs et bien écrits, font parfaitement mouche – peu importe ce qu'en diront les fans... voire Toriyama lui-même, qui commencerait à prendre ses distances. Je veux bien considérer que pour un Japonais, dire "il m'arrive de me plaindre de Dragon Ball Super" soit plus violent qu'il y paraît, n'empêche que le vénérable mangaka a surtout dit qu'il avait du mal à accepter que quelqu'un d'autre que lui s'occupe de son bébé (ce qui peut être un peu relou quand vous avez créé une véritable franchise... vous imaginez, vous, Stan Lee se mettant à commenter chaque adaptation de Spider-Man, des X-Men et compagnie ?). En fait, ses propos sont surtout embarrassants pour lui tant il a laissé faire tout et n'importe quoi avec Dragon Ball depuis 30 ans, sans jamais rien trouver à redire quand ça plaisait aux fans (extrêmement critiques vis-à-vis de DBS, parfois à juste titre – parfois en idéalisant un peu le passé, aussi). Akira Toriyama est un génie, c'est incontestable, mais on se doit aussi de rappeler qu'il a pris depuis longtemps l'habitude de discrètement pisser dans le sens du vent. Il ne tarissait par exemple pas d'éloges sur Dragon Ball GTà ses débuts, avant de se mettre à lui cracher dessus au moment de revenir aux affaires. Il n'a de même jamais hésité à encenser les qualités des innombrables O.A.V. de la série rien que pour pousser les gamins à aller les voir, alors que la plupart étaient des téléfilms bien pourraves. Et on ne parlera même pas du nombre de fois où il tenta de crasher Dragon Ball pour se consacrer à autre chose avant d'y retourner quasiment en rampant une fois que ses nouveaux projets avaient fait flop. Comment as été vendue Dragon Ball Super, déjà ? Ah oui : comme la vraie suite de DBZ, validée par son auteur en personne. Bizarrement, à ce moment-là, on ne l'a pas entendu dire Non, non, je n'ai rien à voir avec cette daube. A croire que la Toei ne lui avait pas envoyé les DVDs. On est d'autant plus gêné pour lui que malgré ses défauts, DBS est fondamentalement bien plus toriyamesque que ne l'étaient les derniers arcs de Z (oui, même le génial chapitre consacré aux cyborgs). A un moment, il faut aussi accepter que les enfants grandissent, surtout lorsqu'on est l'auteur de BD le plus célèbre et le plus riche du monde. S'agissant d'une œuvre aussi monumentale que Dragon Ball, qui a défini l'imaginaire de trois générations de gosses, on peut supposer qu'elle n'appartient plus depuis longtemps à son créateur ; chacun d'entre nous, chaque personne ayant grandi qui avec l'anime, qui avec le manga, a sans doute dans le fond sa propre idée de ce qu'est un bon arc de Dragon Ball. En dépit de tout ce que l'on peut trouver à lui reprocher, celui diffusé actuellement est assez proche de la mienne.

La caractérisation assez grotesque de Monaka et des autres nouveaux venus n'est pas sans rappeler les adversaires farfelus des premiers tournois (mais chut, faut pas le dire)

FARGO (saison 2) Vous le savez, je n'aime pas être le mec qui nage à contre-courant. C'est pourquoi... bon, ok, ok : j'adore être le mec qui nage à contre-courant, mais j'essaie de rester discret et de ne pas forcer le trait. Ce n'est pas ma faute si la vérité absolue sur, au hasard, la dernière saison de Fargo n'a été écrite nulle part ailleurs (il faut dire que les gens étaient tous lancés dans une séance de masturbation collective, or il n'est pas facile d'écrire sans les mains). Non que cette seconde saison mauvaise, loin de là. Elle est vive, très rythmée, contient quelques excellents moments... mais je ne lui ai rien vu d'exceptionnel et ai même trouvé le tout un peu vide et hors-de-propos ; j'ai même vu des défauts que la série n'avait pas jusqu'alors, qu'il s'agisse d'un certain maniérisme dans la mise en scène, d'une caractérisation franchement faiblarde ou tout simplement d'un côté bavard assez fatigant lorsque tel ou tel comédien se lance dans la énième sentence pseudo-philosophique issue d'une mauvaise parodie de Pulp Fiction. On entend bien que tout cela n'est pas fait pour être pris au sérieux, soit. Le problème, c'est que si on sent bien que Fargo veut préserver son équilibre entre roman noir et burlesque, on rit beaucoup moins devant l'horripilant couple formé par Plemons et Dunst que l'on ne riait devant les pathétiques pérégrinations de Lester Nygaard (qui, c'est vrai, passait au second plan à un moment... peut-être justement pour ne pas user ce ressort). Le casting, d'une manière général, pose un véritable problème tant on a l'impression que la condition sine qua non pour décrocher un job dans Fargo cette année était d'avoir un nom connu et ce qui ressemblerait à une "gueule" dans l'imaginaire d'un mec n'ayant jamais vu autre chose que des films des Coen dans toute sa vie. C'est rigolo mais au final, dans la famille Gerhardt, le plus charismatique est de loin le père, qui ne dit quasiment pas un mot de la saison. Bref, une bonne saison, qui se regarde avec plaisir mais qui, au bout du compte, n'a pas grand-chose à raconter et ne ressemble pas tellement à la précédente, dont elle essaie de reproduire l'attitude générale mais dont elle n'arrive que par éclats à retrouver le fond(et sans déconner, comment est-il possible que Kirsten Dunst ait fini 2015 sans Drawa ?! Vous êtes tarés, les zamis).

LEGENDS OF TOMORROW Rien. Encéphalogramme plat. Depuis la dernière fois qu'on en a causé ici, il y a bien eu un épisode, un seul ("Star City 2046", 1x06), pour laisser entrevoir quelque chose ressemblant à de la vie dans cette série en polystyrène. Mais les choses sont rapidement revenues à la normale et les scénaristes, probablement grisés par leur premier épisode réussi, ont depuis enchaîné les mauvaises idées à un rythme effréné. On ne va pas les lister, cela ne sert rien, comme chaque élément d'une série dont l'ineptie saute encore un peu plus aux yeux chaque semaine. Lorsqu'on en arrive à trouver un épisode potable parce qu'il prend l'initiative de concentrer tous les mauvais personnages dans une seule intrigue, c'est généralement très mauvais signe. Non seulement LOT ne s'améliore pas, mais elle a tendance à empirer en devenant toujours plus molle, toujours plus bavarde et toujours plus bête. On parle tout de même de la seule série à l'antenne (voire de la seule série dans toute l'histoire des séries, daytime soaps inclus) où l'on comptabilise trois fois plus de scènes explicatives que de choses à expliquer. De quoi aspirer à devenir légendaire, en effet...

"Et dire qu'il n'y a pas si longtemps je jouais dans Mad Men. Qu'est-ce que j'ai fait de ma vie, putain ?"

LUCKY MAN Je citais plus haut Stan Lee en exemple de vieux monsieur profitant de la vie et ne se prenant pas trop la tête avec son héritage, mais qu'il soit bien clair cependant que je n'accorde pas plus qu'une attention polie à ce qu'il peut bien branler de ses journées en 2016. Et ce n'est pas Stan Lee's Lucky Man (de son titre entier, qui suinte autant l'humilité que le grippe ayant frappé le service marketing la semaine du lancement) qui risque de me faire changer d'avis. Si la légende vivante des comics n'y sert très certainement que de prête-nom histoire de rameuter quelques spectateurs, il pourrait tout aussi bien l'avoir signée de sa main que l'on n'y verrait que du feu : molle, ne proposant que du vu et revu et pas même sauvée par un James Nesbitt qui semble n'en avoir rien à secouer, Lucky Man passe sans problème pour l’œuvre d'un vieillard sucrant les fraises et prêt à recycler ses vieux gimmciks jusqu'à son lit de mort. Passionnant comme une visite chez l'arrière grand-père d'un autre.

MADOFF On se demandait sincèrement à quoi pourrait bien ressembler l'affaire Madoff revisitée par ABC... naaaaan, j'déconne. On savait très bien que ç'allait ressembler à un gros soap qui ne s'assume pas, avec un acteur ringard qui allait en faire des caisses et des caisses. Et pourtant, il faut bien dire qu'on ne s'attendait pas à ce que ce soit à ce point. Vous vous rappelez Richard Dreyfuss en Dick Cheney dans le très mauvais film d'Oliver Stone ? Multipliez par deux. Oui, oui. Visiblement sur-motivé à l'idée que De Niro ait hérité du rôle pour une série concurrente, Dreyfuss en fait tellement trop... tellement plus que des caisses que ses partenaires, par moment, semblent à peine oser le regarder dans les yeux. Peut-être aussi qu'ils sont consternés de voir que le gars a ruiné tout le surplus maquillage de Robert Carlyle dans Once Upon a Tme pour... rien, puisqu'il réussit la prouesse de ne même pas ressembler à Madoff. Autant vous dire qu'on attend avec impatience la réponse de Bob, bien plus que de savoir à quoi ressemblera l'affaire Madoff revisitée par HBO (vu qu'on sait déjà que ce sera un bon gros soap se prenant très au sérieux et qu'on peut même quasiment écrire d'avance les critiques).

Non mais vous avez vu cet œil diabolique ? Un monstre. Un vrai. Du genre à manger des enfants. Hein ? Il a juste arnaqué une bande de connards de riches arrogants ? Sérieux ?!

The VAMPIRE DIARIES (saison 7) Parfois, dans mon immense mansuétude vis-à-vis des mortels qui m'entourent, je fais un petit effort pour me planter une fois de temps en temps. Pas de bol pour eux, je n'y consens malheureusement que sur des sujets n'intéressant à peu près personne, comme les dix reboots qu'on ne verra jamais ou les saisons impaires de teen-dramas fantastiques ayant déjà largement passé la date de péremption. Bien heureux sont cependant ceux ayant eu l'occasion de discuter avec moi de The Vampire Diaries ces dernières années, qui ont ainsi pu constater que je n'avais absolument aucune vista concernant ce qui est tout de même le plaisir coupable numéro 1 des lecteurs du Golb. J'ai en effet d'abord annoncé que la série était morte et enterrée après la très moyenne saison 4 et la catastrophique saison 5, puis prédit que le personnage de Katherine Pierce reviendrait dès la saison 6 tant la série n'avait plus aucun intérêt sans elle, puis clamé que The Originals allait vite devenir bien meilleure et enfin, logiquement, prononcé l'avis de décès en apprenant que Nina Dobrev (que pourtant je ne pouvais plus encadrer tant son anorexie me rendait physiquement malade) quittait la distribution. Résultat des courses : Katherine n'est jamais revenue (puisque Dobrev a fini par se barrer), la saison 6 était la meilleure depuis longtemps, The Originals est devenue une énorme daube et dans sa septième saison, The Vampire Diaries a retrouvé du poil de la bête, s'est habilement recentrée sur les frères Salvatore... et a même réussi à placer quelques nouveaux personnages destinés à autre chose que mourir dans l'indifférence générale après avoir joué les mannequins H&M pendant une douzaine d'épisodes leur ayant quand même laissé le temps de coucher avec la moitié du casting régulier. Sans surprise, la série vient d'être renouvelée pour une huitième saison qui paraissait pourtant inespérée il y a encore six mois. Enfin, sans surprise... pour vous, bien entendu. Moi, il va sans dire que j'avais prédit que cette saison serait la dernière tant elle fleurait bon la série agonisante qui retrouvait un peu de vitalité avant le clap de fin.

Mieux vaut tard que jamais

LOUIE (saison 5) Qu'il m'ait fallu presque un an pour venir à bout de huit pauvres petits épisodes en dit probablement plus qu'un long discours sur le déclin lent, continue et désormais inéluctable d'une série qui, en l'espace de quelques années, a réussi à faire passer le spectateur de l'émotion la plus profonde à l'ennui le plus intense. Soit, on prend acte que cette saison aura été bien moins irritante que la précédente, ce gloubiboulga arty dont on a déjà presque tout oublié, sinon un sentiment de morne plaine à vous dégoûter des souvenirs d'enfance de Jésus en personne. La saison cinq, elle, est juste molle, vaine, exception faite à la rigueur de son deuxième épisode ("A la carte"), le personnage de Pamela étant toujours suffisamment antipathique pour réellement provoquer des émotions au spectateur. Le reste ne relève que d'une mécanique tournant à vide, à l'image du double épisode final ("The Road"), qui ajoute à un sentiment de déjà-vu une impression de vacuité totale. Louis n'aime pas voyager (on le sait depuis longtemps), il s'ennuie, il n'aime pas les hôtels, il fait son spectacle, il fait pleurer son gentil chauffeur (il fait pleurer quelqu'un dans quasiment chaque épisode de la saison), il est con, il est gentil, il est con mais il a un cœur, il a faim, il mange, il a l'air intelligent avec ses lunettes, il recueille une petite fille perdue, il perd sa valise... c'est répétitif, prévisible mais surtout, ce n'est jamais ni drôle ni même vaguement émouvant. Peut-être parce qu'au fil des années il a accorde de plus en plus d'importance à la carrière de son double dans la storyline du show (ce qui n'était le cas que de loin dans les premières saisons, où elle se résumait aux scènes de comedy club), Louis CK ne touche plus vraiment – normal : il a désormais l'air de ce qu'il est, à savoir une star relativement sympa qui passe sa vie à se plaindre de celle-ci, même quand il ne fait rien de particulier. A en croire la critique, qui comme chacun sait a toujours raison, c'est passionnant.

La poésie de la vie moderne selon Louis CK ? Une conversation philosophique en plein rayon P.Q. Même Houellebecq n'aurait pas osé.

The NEWSROOM (saison 3) J'ai passé un épisode et demi à me demander ce que j'allais bien pouvoir trouver comme excuse pour justifier d'avoir mis tellement de temps à finir The Newsroom. Et puis soudain, l'évidence m'a frappé : n'était-ce pas plutôt Sorkin qui nous devait des excuses pour cette ultime saison lourdingue au possible, plus didactique et réactionnaire que jamais, avec en guise d'apothéose une histoire de déni de viol à vous donner envie de vous mater une compile Youtube des meilleures répliques d'Elliott Stabler ? Si j'ai toujours eu des réserves sur la série, rarement elle m'aura paru aussi absolument détestable que durant ces six derniers épisodes où Papa Aaron vient vous faire la morale quasiment à chaque scène. Mieux vaut tard que jamais ? Non non, dans le cas de cette saison 3, mieux valait jamais. Voire dans le cas de toute cette série qui, à l'heure des bilans, n'aura été qu'un énorme ratage ; un show qui aura plus souvent fait parler de lui pour ses innombrables défauts que pour ses qualités, n'aura jamais réussi à provoquer dans l'Agora les débats qu'il entendait modestement déchaîner, et dont même les fans les plus acharnés sont obligés de reconnaître que ce n'était vraiment pas terrible.

WGTC? DRAWAS : L'Intégrale

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Impossible de composer un best of du Golb sans revenir sur les Drawas, qui depuis 2011 en sont, chaque année, l'article le plus lu au moins jusqu'en mai. Mais impossible également de citer ou de compiler ces sommes qui demeurent très liées à l'actualité du moment. Aussi, le module Maxi Best of accueillera-t-il exceptionnellement toute la rubrique, célébrant les Drawas pour l'ensemble d'une œuvre qui est au moins autant la vôtre que la mienne.



    Marcel Kanche - Rude sensualité

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    L’œuvre de Marcel Kanche n'est faite que de nuances et de paradoxes. L’œuvre et peut-être l'homme lui-même, tant chaque fois qu'on a la chance de l'apercevoir sur scène, son apparence, sa gestuelle, son visage buriné, sa grande réserve... peuvent trancher avec le raffinement et l'emphase dont regorge généralement sa musique. Souvent, écrire un nouvel article à son sujet revient à contredire le précédent, parce que rien dans cette œuvre ne semble figé, parce que tout y paraît perpétuellement en cours de re-création.

    L'artiste, déjà, a fui le succès avec une telle régularité que l'on finit par ne plus savoir s'il faut regretter ou au contraire se féliciter qu'il continue ainsi, plus de vingt-cinq ans après ses débuts sous son nom, à s'ébrouer dans un tel anonymat. On entend bien qu'il n'allait pas, au milieu des années deux-mille, se mettre à accoler à ses parutions des stickers entendu sur Rire & Chansons ou vu au 13 heures d’Élise Lucet. Tout de même, on peut s'étonner qu'un type ayant contribué à d'aussi énormes tubes que "Qui de nous deux ?" ou "Divinidylle" demeure à ce point méconnu non seulement du grand public, mais aussi de nombreux amateurs plus pointus et supposément éclairés. De "tubes", d'ailleurs, sa propre discographie ne manque pas. Indés, certes, mais tubes tout de même – au sens de ces morceaux fulgurants qui parviennent à vous arracher à un album, dont les mélodies vous happent durablement et persistent à résonner en vous longtemps après leur écoute. C'est aujourd'hui "Un dîner avec vous", splendeur illuminant le récent Épaisseur du vide de sa désolation, comme c'était hier "Vigiles de l'Aube", "Elle m'en veut", "La Marée à Marie"... des chansons dont on entend bien qu'elles ne pourraient jamais devenir de véritables hits, pas dans ce monde-ci en tout cas, mais potentiellement capables de briser le plafond de verre de l'underground français pour gratter quelques passages radio sur les ondes les plus musicalement éduquées. Et pourtant non. Rien ou presque. Une fois, c'est un hasard ; un problème de label, un attaché de presse incompétent. Systématiquement durant plus de vingt-cinq ans et en étant de surcroît passé chez Barclay ou Universal Jazz... cela devient un motif récurrent qui quelque part, doit bien avoir un sens. Marcel Kanche aurait dû depuis longtemps, au minimum, accéder à ce statut d'artiste culte auquel l'auteur d'une œuvre si considérable et passionnante serait légitimement en droit de prétendre. Et alors qu'un musicien de standing comparable comme Christophe s'apprête à sortir en fanfare l'un des albums les plus – légitimement – attendus de l'année, trop peu ont semblé s'émouvoir de ce que Marcel Kanche, qui comme on dit en football a un Bevilacqua dans chaque orteil, venait de publier l'un de ses plus grands disques.


    Quelque chose ici cloche, et ce quelqu'un chose concourt à rendre le travail de Kanche plus fascinant encore lorsque, plutôt que de tenter de sortir de la marge, il monte encore d'un cran dans l’exigence. Abrupte même pour le fan, presque austère par instants, Épaisseur du vide s'avance encore un peu sur les terres les plus free, théâtralise le post-rock, réduit régulièrement la mélodie à son échine. On pense par instants à L'Imprudence, bien sûr – donc aux somptueux travaux d'encre, ces comptines ténébreuses dans lesquelles le futur Stranded Horse inventait une forme de minimalisme ampoulé. La comparaison avec Bashung est facile, récurrente, les journalistes étant aussi souvent atteints de comparaisonnite aiguë qu'ils manquent de références lorsqu'il s'agit de qualifier des albums aussi retors que celui-ci. Elle n'a cependant jamais paru aussi juste, si l'on accepte d'oublier que Bashung, qu'on imagine plus volontiers condisciple de Kanche plutôt que modèle, a surtout concentré ses travaux les plus sophistiqués dans les dernières années de sa vie, après trois décennies de tubes et de plateaux télé – quand dès Un département le futur auteur de "Rap mou" plaçait sa trajectoire sous des cieux à la fois discrets et radicaux. On pense donc à L'Imprudence, oui, inévitablement sur un titre comme "Guerriers de poussières"... mais on pense surtout à Marcel Kanche lui-même, Épaisseur du vide se présentant un peu plus à chaque écoute comme la conclusion logique, presque inévitable à un chapitre entamé avec Dog Songe en 2008. Une trilogie imaginaire, superbement poursuive avec Vigiles de l'Aube, qui distordait la bonne vieille chanson française et la recrachait toute tremblante, secouée de spasmes noise, pour finalement achever ici de la déshabiller.

    Dans l'utilisation du piano ou des chœurs, dans le son des guitares, aussi, la filiation avec ces deux superbes albums (surtout celui de 2011) s'installe naturellement, même si Épaisseur du vide en compose un rejeton parfois particulièrement décharné. Plus sombre, plus torturé, porté par un chant à la fois plus douloureux et plus rageur, ce huitième album passe en quelques instants de l'atmosphère marécageuse de "L'indien"à la délicatesse mélancolique d'"Il manque quelque chose", de la torpeur stoogienne de "Fabrique du doute"à des réminiscences du Nick Cave crooner sur "Laissez-nous là". Tous les paradoxes de l’œuvre de Kanche se retrouvent dans ces changements d'humeurs bien moins brutaux qu'ils le semblent lorsqu'on les décrit si froidement, mais au contraire très naturels. Depuis ses toutes premières compositions, l'artiste nourrit cette étrange particularité d'écrire et de chanter mieux que personne la terre et la nature tout en excellant dans le rock le plus industriel. En un sens, il a inventé un genre dont il est le seul dépositaire, la chanson psychédélico-noise ou un truc dans ce goût-là – la formule ne rend pas réellement hommage à la légèreté et à l'onirisme de ce qu'elle entend décrire, ni du reste à sa singularité. SurÉpaisseur du vide un peu plus encore que ses prédécesseurs, les registres en apparence les moins charnels s'ouvrent à la sensualité, à la contemplation si ce n'est tout simplement à la Poésie (il n'est sans doute pas utile d'écrire pour la soixantième fois que Marcel Kanche est le plus grand parolier francophone vivant : il est si rare que j'accepte d'accoler les termes poésie et chanson que tout est déjà dit). Peu de disques d'un abord aussi peu engageant paraissent d'ailleurs à ce point fluides au bout de quelques écoutes – comme s'il fallait un temps de défrichage avant qu'un autre album ne commence, plus doux et fragile. La meilleure manière d'en découvrir les secrets est ainsi sans doute casquée, tant qu'à faire nocturne, en espaçant les passages. C'est vrai de beaucoup d'albums dans une époque où la compression digitale a tendance à ressembler à du compactage ; c'est d'autant plus vrai d’Épaisseur du vide, qui se prête fort mal aux écoutes anarchiques et compulsives. Exigeant sans être inaccessible, il demande de s'abandonner un peu à lui, de le laisser nous habiter – pour ne dire nous hanter tant certaines de ses mélodies sont spectrales. Un maigre prix à payer, croyez-moi, compte tenu de la majesté des paysages qu'il dessine ou de la puissance d'évocation de sa langue riche, si rugueuse et si pure à la fois.



    Épaisseur du vide, de Marcel Kanche (Pbox & Caramba, 2015)

    "Bien sûr, que c'est une histoire de Superman"

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    [Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°60]
    Kingdom Come - Mark Waid & Alex Ross (1996)

    Commencer à parler de Kingdom Come revient presque toujours à rendre hommage à Alex Ross. Son style unique, immédiatement reconnaissable, à la fois démesurément pictural et saisissant de réalisme dans les expressions, a fini au fil du temps par totalement éclipser l’œuvre elle-même, qui s'exposait encore à Paris il y a deux ans, comme ça : privée de son âme, arrachée à tout contexte. Ce n'est pourtant faire offense à l'un des illustrateurs les plus respectés de sa génération que de remarquer que ce n'est pas un hasard si c'est ce livre-ci, plus qu'aucun autre, qui lui vaut encore aujourd'hui un culte fervent chez nombre d'amateurs de comics. J'avoue que je ne suis pas son plus grand fan, son photo-réalisme pouvant aisément paraître pompeux et maniéré lorsqu'il n'est pas mis au service d'une histoire forte (voir par exemple ses World's Greatest Super-Heroes1). Si sa technique est admirable, il m'a ainsi toujours semblé très étonnant que Kingdom Come lui soit toujours résumée, car c'est bien l'alliance du fond et de la forme qui en fait ce qu'elle est – à savoir, très vraisemblablement, la meilleure (mini)série DC Comis des vingt dernières années, au point que son écume n'en soit jamais tout à fait retombée. Suffisamment la meilleure pour qu'elle soit la première (mais pas la dernière) bande-dessinée sélectionnée pour cette rubrique. Et ça, peu importe que Mark Waid ne soit pas le premier initiateur du projet : il n'y est pas pour rien.

    Notoirement obsédé par l'Âge d'Or, qui hantait déjà son run de Flash (l'un des plus longs et mémorables de la série... et probablement le meilleur avec Wally West), Waid trouve en Alex Ross un autre fétichiste des balbutiements du genre. Le partenaire de jeu parfait pour s'amuser à faire du revival sans se cogner le cahier des charges d'un reboot. Si Kingdom Come montre des héros vieillis et usés, c'est bien en effet un retour en arrière qu'elle va opérer, au sens le plus littéral du terme – c'est-à-dire aux fondements mêmes de la mythologie superhéroïque. Il faut replacer les choses dans leur contexte : le premier épisode paraît au printemps 1996, époque où DC commence à sacrément tourner en rond. Ce n'est certes pas la première fois que ç'arrive au vénérable éditeur, mais cela fait maintenant un moment que ça dure : dix ans que dans la foulée du Dark Knight de Miller, les différentes franchises (sauf, hasard ou coïncidence, Flash) ont sombré dans une surenchère de noirceur à la limite du sordide que Waid et Ross, c'est un euphémisme, ne goûtent que très modérément. La référence absolue en la matière ne semble plus être le héros positif incarné par Superman, Flash ou Captain America ; c'est Spawn le torturé, ses atmosphères à couper au couteau et son imagerie que l'on qualifiera poliment de glauquethique, laquelle contaminera jusqu'à Clark Kent lui-même dans le déprimantissime arc de la mort de Superman (paru quelques mois après le succès surprise des premiers épisodes de Spawn). On sous-estime beaucoup le mal que Frank Miller, auteur génial au demeurant, a pu involontairement faire à un genre auquel il offrit pourtant certaines de ses plus belles lettres de noblesse. C'est que dans l'inconscient collectif, particulièrement français, les comics ont commencé à être dignes d'intérêt lorsque, en gros, ils se sont mis à être plus sombres et violents. Comme si cela leur conférait automatiquement une profondeur, voire une maturité que, pourtant, on aura bien du mal à trouver dans la plupart des épisodes du Batman de la fin des nineties (au hasard). Waid et Ross, eux, considèrent que l'on peut tout à fait produire une série sérieuse sans pour autant trahir l'esprit profondément humaniste de l'Âge d'Or – donc de Superman, qui d'autre ? Ils vont réussir à le démontrer au-delà de leurs espérances, tant et si bien qu'aujourd'hui plus personne ne se rappelle que Kingdom Come ne devait être à la base que l'épilogue d'une aventure lambda de la Justice Society of America– et qu'à vrai dire, tout le monde s'en branle. Comme le dira l'un de ses éditeurs à un Waid manquant singulièrement de recul, peu avant la parution du premier épisode : "Bien sûr, que c'est une histoire de Superman [...] Il est tellement essentiel que chaque histoire le mettant en scène devient automatiquement une histoire de Superman."


    Personne d'autre que l'ancien avatar de Clark Kent ne pouvait en effet incarner ce projet chez DC (et probablement pas plus chez Marvel ou un autre), tant le Superman originel est un symbole universel de vertu, dont l'existence-même synthétise de surcroît le thème qui parcourt en filigranes toute la série : le rapport du superhéros à sa part d'humanité, ce qu'elle dit de lui et la place qu'il peut, doit ou va lui accorder au quotidien. L'un des motifs les plus récurrents des différentes œuvres l'ayant mis en scène est assurément son refus d'être considéré comme un être supérieur, constamment opposé à sa notoriété incontrôlable (Superman est, littéralement, "plus célèbre que le Christ") et à la fascination que sa seule présence dans la société peut engendrer. Kingdom Come se propose donc de prendre le problème à bras-le-corps, plaçant enfin Kal-El face à ses innombrables contradictions – et lui redonnant accessoirement un statut (celui de plus grand héros de tous les temps) que ses aventures récentes avaient alors sévèrement ébranlé.

    Afin de mettre en abyme cette surenchère dont ils veulent se démarquer, les deux auteurs choisissent de placer leur intrigue plusieurs décennies après la bataille (avec ou sans grand B), dans une époque où le concept de superhéros tel qu'on l'entend a disparu, rendu obsolète par l'explosion démographique de méta-humains toujours plus puissants et violents. Blessé et humilié par ce peuple qu'il était prêt à défendre jusqu'à la mort, le Général De Gaulle Superman s'est retiré et fait des trucs dans sa ferme en attendant tranquillement le Jugement Dernier, tandis que les autres leaders de la JLA, privés de leur chef, n'ont pas mis à longtemps à dissoudre leur association pour aller vaquer à leurs occupations respectives. Ceux qui en avaient la possibilité biologique ont vieilli. Certains ont continué dans leur coin, et à leur manière, discrète (Flash) ou tonitruante (Batman). Les autres ont attendu le retour du Messie, à commencer par Wonder Woman et Green Lantern (qu'on voit peu mais qui a l'air de vraiment se faire chier tout seul dans l'espace). Le narrateur, dont la nature sera assez longue à identifier si vous n'êtes pas un familier de DC, cueille tout ce joli monde à l'instant de l'inévitable jusqu'au jour où. Mais toute la force de Kingdom Come est de ne surtout pas s'arrêter là.


    Car si la première partie semble prendre un chemin assez évident, avec le retour d'un Superman plus déterminé que jamais à botter le cul des fausses idoles et autres marchands du temple, sa reconquête n'est que le prétexte à des questionnements métaphysiques et politiques plus profonds. Comme dans Watchmen, dont l'influence est aussi criante que revendiquée, le monde dans lequel évoluent désormais les "anciens" héros a changé. Ce qu'ils ne semblent toutefois par percevoir, c'est qu'eux aussi ne sont plus tout à fait les mêmes. Et qu'eux aussi peuvent s'exposer au risque de la surenchère, au propre comme au figuré. Si Batman, rendu plus fascisant que jamais par le tout technologique, a fini par transformer Gotham en quasi état policier, Superman lui-même se heurte à la nécessité d'imposer son autorité sans trahir ses principes – un dilemme rendu d'autant plus délicat par le fait que contrairement à ce bon vieux temps qu'il regrette à demi-mot, personne ne lui a rien demandé cette fois-ci. Il agit désormais par devoir, "fait ce qui doit être fait", mais cet objectif n'existe qu'au travers de sa propre subjectivité, rendue d'autant plus contestable que le récit est narré par les yeux d'un personnage extérieur (un vieux pasteur ayant hérité sans le savoir des pouvoirs du Sandman). Celui qui a toujours refusé d'être considéré comme un Dieu se retrouve bel et bien à se comporter comme tel, refusant certes de tuer mais ne laissant que peu de choix aux méta-humains de la génération actuelle, certes plus anarchiques, plus violents, moins moraux... mais aussi, en un sens, bien plus humains que Superman et Wonder Woman, ces êtres dont le moindre geste transpire la supériorité physique et morale, qui ont à peine pris quelques rides quand trois générations de gens ordinaires ont eu le temps de (tré)passer. "Homme de demain, mon cul. Homme des années cinquante, ouais [...] Il nous a parqués ici parce qu'on embrasse pas les bébés et qu'on salue pas son putain de drapeau !", s'exclamera l'un des super-prisonniers, pas nécessairement à tort. L'une des grandes qualités de Kingdom Come, indépendamment de Superman, c'est aussi de montrer comme le leader le plus juste, le plus sage et le plus humaniste peut facilement se changer en odieux connard moralisateur, si ce n'est en véritable tyran.  Comme le mieux, tout simplement, peut-être parfois s'avérer l'ennemi du Bien.


    C'est évidemment dans leur dernier mouvement (la série en contient plus ou moins trois, pour quatre copieux épisodes) que Waid et Ross illustrent cet aspect de la manière la plus saisissante. Comble de l'ironie (encore que) les seuls à se dresser contre cette tyrannie du Bien que la Ligue de Justice est en train d'installer sont... les anciens méchants, eux aussi largement dévalués dans une époque où les gentils ne s'encombrent plus de scrupules ni de morale ; auto-proclamés derniers remparts de l'humanité contre la domination de ces divinités en roue-libre, ils sont d'ailleurs très passifs, cachés derrière un Lex Luthor dont les sempiternelles prédictions concernant la dangerosité des méta-humains semblent s'être confirmées2. Et c'est bien ici sans doute que le scénario excelle le plus, tant rien de ce qu'on aurait pu attendre ne se produira comme prévu – ni le plan de Luthor, ni l'affrontement programmé (et tellement éculé) entre Batman et Superman. Mais on pouvait s'y attendre tant rien, dans Kingdom Come, ne correspond aux standard habituels de la mini-série de superhéros. A moins que ce ne soit le contraire : tout y est, de manière exacerbée, à commencer par la dimension mythique que trimballent dans leur sillage les plus populaires de ces personnages. Leurs traits de caractères eux-mêmes semblent poussés à l'extrême (particulièrement chez Wonder Woman, autre personnage viscéralement contradictoire – l'incarnation vivante de la paix passe sa vie à se battre et use continuellement d'une rhétorique ultra-guerrière), de même que leurs apparences ou leurs facultés.

    C'est sur ce point qu'il convient de boucler la boucle ouverte au premier paragraphe, car si je n'ai jamais été le plus grand fan d'Alex Ross, personne d'autre que lui n'aurait pu donner à Kingdom Come une telle puissance visuelle, une telle force d'évocation. Que ce soit par ses trouvailles dans le re-design de personnages archi-connus (Flash, Hawkman, Wonder Woman... même Power Girl) ou dans ses plans larges fourmillant de détails fascinants ou amusant, il confère à l'ensemble une impression d'épopée olympienne – homérique, au plus strict sens du terme. Ses (finalement rares) cases de combat ne sont pas des scènes d'action, la sensation de mouvement y est d'ailleurs souvent minimaliste ou confuse ; elles deviennent des gravures, des peintures mythologiques dans lesquelles les Dieux règlent leurs comptes, peu soucieux de ce que peuvent bien en penser les hommes. C'est sans doute pour cette raison que jamais plus son style si personnel ne trouvera meilleur écrin : il est lui-même une allégorie de ces contradictions déchirant Superman, ce presque Dieu qui finit par comprendre qu'il a besoin des hommes (ou de Mark Waid) pour s'accepter comme tel.


    Trois autres titres pour tenter de gravir le Mont Superman :

    The Man of Steel (John Byrne, 1986)
    All-star Superman (Grant Morrison & Frank Quitely, 2006)
    Superman: Brainiac (Geoff Johns & Gary Frank, 2009)


    (1) A l'exception notable du très bon Superman: Peace on Earth.
    (2) Je dis sempiternelles... aujourd'hui, car en 1996, ces convictions devenues depuis constitutives du personnage de Luthor sont encore relativement nouvelles (elles remontent à la réinvention de la fin des années quatre-vingts).

    [GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaine 8

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    The ALIENS Plus les années passent, plus Channel 4 (E4 en l’occurrence, mais c'est la même chose) me fait penser à feu The WB au début des années 2000. A l’époque, la chaîne américaine principalement dédiée (elle aussi) aux teenagers déclinait à l’infini la formule du plus gros hit de son histoire (Buffy) et ça finissait par sévèrement lasser. La cousine britannique fait donc exactement pareil à son échelle, et la moitié des séries qu’elle a lancées ces dernières années ressemblent par conséquent soit à Skins, soit à Misfits... soit aux deux - sachant que Misfits, à la base, n'était jamais qu'un Skinsà la sauce teen-drama fantastique. Après Glue l'an passée (aka Skins version polar dans la cambrousse anglaise), voici donc venir The Aliens (aka Misfits avec des extra-terrestres à la place des méta-humains), laquelle est bien sûr portée (autre similitude frappante avec The WB/CW) par des acteurs du crus renforçant encore les ressemblances - ici Asher D. (très bon dans la mésestimée Top Boy), Michaela Coel (Chewing Gum) et surtout Michael Socha, de This Is England. Et là vous vous dites Non... quand même : une série entièrement portée par Michael Socha, Drawa 2014 du pire acteur dans un second rôle pour Once Upon a Time, c'est pas possible, ça ne peut pas exister, le mec joue vraiment trop trop mal. Eh bien... si, et ça dit déjà tout des ambitions d'une série dont la portée SF n'a rien de bien palpitant (une allégorie de la crise des migrants avec des aliens ? Oh putain, trop original !!!), mais est toujours plus palpitante que les blagues lourdingues dont chaque scène est parcourue, blagues il est vrai transfigurées par la capacité surnaturelle de Socha à avoir l'air totalement idiot à chaque fois qu'il ouvre la bouche (voire se contente de regarder de quelque chose). Oh et sinon, la trouvaille trop marrante de la série, c'est que les poils des aliens agissent comme une drogue sur les humains (oui oui, même ceux du nez. Et du cul, on imagine). Oui oui : The Aliens pompe bel et bien... True Blood. C'est vous d'où elle part...

    En même temps c'est toujours mieux quand on lui file un rôle d'ahuri plutôt que de jeune premier - soit.

    ANGIE TRIBECA Je n'ai pas honte de l'avouer, je ne fais pas partie de ces gens qui considèrent Steve Carell comme l'un des hommes les plus drôles du monde. Je ne fais pas même partie des gens qui considèrent la version US de The Office comme une très bonne série. Au mieux, avant d'entamer Angie Tribeca, je faisais partie des gens trouvant Rashida Jones très mignonne, et adorant Deon Cole dans Black-ish. C'est déjà pas mal, mais assurément pas assez pour apprécier à sa juste valeur une comédie très poussive, parfois inspirée mais aussi bien souvent balourde et très vulgaire. Du moins était-ce que je me disais durant le premier épisode. Puis le deuxième, qui m'a déjà plus fait marrer. Et puis je ne sais pas ce qui s'est passé, il faut croire que j'étais d'excellente humeur mais au final, j'ai regardé les dix et me suis plutôt  délecté de cette parodie de cop shows totalement crétine et franchement eighties sur les bords (on s'attend à chaque scène à voir débarqué Leslie Nielsen), qui tourne déjà un peu à vide dès le pilote, n'a à peu près plus rien dire en milieu de saison, mais continue d'enchaîner les imbécilités à un rythme suffisamment soutenu pour qu'on n'ait pas le temps d'y penser. C'est extrêmement inégal d'un épisode (voire d'une réplique) à l'autre... mais ça passe le temps et au moins, ç'a l'excellent mérite de ne pas être une de ces insupportables dramédies qui donnent envie de buter tous ses voisins ou d'éviscérer Louis CK. En plus, ça m'a permis d'apprendre que Leslie Nielsen était mort bien avant l'année 2016, ce qui confirme son degré de sympathique ringardise.

    COLONY J'ai essayé de garder l'information secrète le plus longtemps possible. J'ai beaucoup prié, oui oui, pour avoir toujours assez de trucs à mettre dans le prochain Golbeur en séries et ainsi ne jamais avoir à vous le révéler. Malheureusement, il est temps que le masque tombe : oui, j'ai regardé Colony jusqu'au bout. En y prenant même un certain plaisir chaque semaine. Je n'ai en revanche aucune idée de pourquoi. Les personnages sont soit des outres vides, soit incarnés par des acteurs insupportables (Sarah Wayne Callies ET Kathryn Morris, ça fait quand même beaucoup pour une seule série), l'intrigue ne décolle pas et le tout, s'il n'est pas exempt de bonnes idées très mal exploitées, ressemble à un mélange invraisemblable de Falling Skies et The Americans (!!!). Et pourtant, chaque semaine, j'ai été au rendez-vous - d'abord laborieusement puis de manière de plus en plus assidue. Une vraie folie à laquelle j'ai tenté de mettre un terme à plusieurs reprises, jusqu'au moment où je me suis aperçu que... le dixième épisode était le dernier. C'était trop tard. J'avais tout regardé. Depuis, je me sens comme qui dirait un peu sale.

    Et le Drawa de la promotion canapé, récompensant le couple d'acteurs totalement nuls qui arrivent chaque fois à se recaser encore plus vite qu'un ex-ministre socialiste, est attribué à...

    DAMIEN Ils sont rigolos chez A&E. Vous aviez remarqué, vous, que leur slogan était "Be original" ? Cela laisse un peu songeur quand on constate qu'en seulement une année de temps, les mecs ont enchaîné The Returned (remake), The Frankenstein Chronicles (72e adaptation du personnage rien qu'à la télé), sans oublier leur principal produit d'appel, Bates Motel (adaptation d'un film adapté d'un livre adapté d'un fait divers - YOLOOOOO!). C'est donc avec un demi-sourire et zéro surprise que l'on accueille aujourd'hui Damien, nouvelle venue sur une chaîne dont on se rappelle subitement qu'il y a encore trois ans elle était surtout connue pour rediffuser jusqu'à plus soif CSI ou Storage Wars. Damien, sous-titrée ou la Malédiction des adaptations de trucs dont tellement personne n'a rien à branler que même la tentative de reboot au cinéma a été un échec, est évidemment la suite du film qui fit de Richard Donner un cinéaste bankable (The Omen), mais attention : pas la suite de ses suites, qui n'ont jamais existé. Sans doute parce qu'elles étaient laides, bêtes et préfiguraient toutes les plus grandes monstruosités esthétiques des années quatre-vingts. Le problème, c'est évidement que les deux premiers épisodes de Damien sont très laids, plutôt bêtes, et rendent assez bien hommage à l’œuvre qu'ils entendent adapter en terme d'esthétique nanar et d'effets spéciaux kitschs au possible. Le générique, aussi bien visuellement que dans son utilisation subtile d'un vieux morceau d'indus-meuuuutal dont même Rob Zombie rougirait, donne le la d'un truc dont on se demande comment il peut sérieusement avoir été développé par... Glen Mazzara ??? Genre, LE Glen Mazzara de The Shield ? Cela semble tellement invraisemblable qu'on peut d'ores et déjà prédire un reboot TV de l'Exorciste pour l'an prochain. Ainsi que la mort de Richard Donner en cours de saison - jurisprudence Scream, the TV Series.

    TEEN WOLF (saison 5) Après les abysses de la saison 4, probablement l'une des baisses de qualité les plus brutales et extrêmes qu'on ait vu ces dernières années à la télé US, Teen Wolf poursuit son déclin d'un pas désormais plus tranquille, comptabilisant, au terme de cette trop longue cinquième saison, plus de mauvais épisodes que de bons. On ne sait trop qu'en penser et on ne sait trop qu'en dire tant la série, qui reste capable d'excellentes idées, semble profondément et durablement... cassée. Il y a des problèmes d'écriture, bien évidemment. Des intrigues bancales bien trop confuses (à force de commencer ses épisodes in media res et de multiplier les flashforwards, le show a fini par perdre tout le monde), des personnages inutiles dont on désespère de les voir mourir, des raccourcis narratifs pénibles ou des scènes totalement ridicules (l'épisode avec les skinwalkers... mon Dieu). Mais il y a aussi, d'une manière générale, de gros problèmes structurels, qui ne pourraient de toute façon pas se solder en virant tous les scénaristes. L'esthétique de la série a tout simplement trop évolué, tout comme certains de ses thèmes. Elle ne raconte plus la même chose, même si elle peut parfois donner l'impression de le raconter de la même manière. Dans cette saison 5B, par exemple, comme dans la 5A l'été dernier, on a une intrigue principale totalement Teen Wolf, donc allégorique (fin du lycée = mutations au sens strict du terme), renouant avec la traditionnelle thématique de l'ennemi intérieur et reposant sur une mythologie très écrite (ou en l'occurrence en prenant le contrepied, puisque les créatures de la série ont la particularité d’obéir à des règles bien plus rigides qu'ailleurs et sont ici opposées à des adversaires souhaitant briser lesdites règles). On a des scènes typiquement Teen Wolf, de course-poursuites anxiogènes dans les couloirs du lycée, d'apparitions étranges d'antagonistes inquiétants et en apparence intouchables. Et en même temps, rien de tout cela ne ressemble à Teen Wolf. Tout ou presque de ce qui faisait le charme des excellentes premières saisons s’est dissipé, voire a complètement disparu. La finesse psychologique, le mélange de comédie et de thriller, les jeux de pistes, la réalisation... même les codes narratifs, devenus plus tortueux que vraiment audacieux, et qui se contentent d'emberlificoter des dizaines de sous-intrigues n'allant nulle part (la Desert Wolf, le retour de Deucalion, l'histoire d'amour chiante à crever entre Liam et Hayden...). Si on ajoute à cela les fluctuations de casting (putain mais même pour sa série star, MTV ne peut pas débloquer un budget afin de conserver ses comédiens ?), difficile de s'y retrouver par moments, pour ne pas dire que les derniers épisodes ont été une véritable souffrance tant on en n'avait plus rien à branler. Quelle tristesse quand on se souvient des formidables débuts de la série...

    Je sais que ça ressemble au film Tortues Ninja 2, mais je vous promets que c'est Teen Wolf.

    à part ça...

    Le duel au sommet pour la domination absolue de la télévision grand public mondiale continue cette semaine avec le lancement de The Catch. Shonda Rhimes mène désormais 4 à 3 contre Chuck Lorre. Ça sent le Drawa d'honneur, tout ça...

    69 joueurs. 1 Golb #3

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    Allons, allons. Nous nous connaissons depuis assez longtemps pour ne plus avoir besoin de nous faire des politesses : vous aussi, vous étiez persuadés de ne jamais voir la fin de cette rubrique. Je ne peux pas vous en vouloir, c'était également mon cas il y a encore quelques semaines. Il a fallu tout le mauvais esprit de Lyle, qui s'est bien foutu de ma gueule en rappelant cet échec à mon souvenir, pour me convaincre de remettre le couvert, et de reprendre les choses là où elles en étaient restées il y a presque trois ans – c'est-à-dire au regard hypnotisant de Paolo Maldini. Cependant, environ un million six-cent-mille potentiels lecteurs du Golb étant nés rien qu'en France dans l'intervalle séparant cet épisode du précédent, je me dois tout de même rappeler le principe : 69 joueurs. 1 Golb, comme son nom l'indique, c'est une rubrique Mes joueurs à moi (et rien qu'à moi) qui ne dit pas son nom. En est éliminé d'office :

    • tout joueur que je ne me rappelle pas réellement avoir vu jouer à l'époque où il était en activité (donc à peu près tous ceux n'ayant pas passé le Mondial 86)
    • tout joueur ayant un jour insulté le H.A.C. (en même temps, je ne vois pas quel rouennais aurait pu y être)
    • toute personne ayant un jour porté le maillot de l'Olympique de Marseille, sauf si elle a brillé en Équipe de France ou au H.A.C., cas dans lesquels la personne pourra être éventuellement repêchée (sauf si elle a porté le brassard de l'OM, faut pas déconner non plus (désolé, Steve)
    • tout joueur allemand, parce qu'il y a quand même des limites à l'intolérable, comme le classement des meilleurs joueurs allemands de tous les temps a entrepris de le démontrer il y quelques semaines sur le site de So Foot.
    • toute personne dont je n'aime pas la gueule, peu importe le nombre de Ligue des Champions et autre Ballon d'Or qu'elle aura remporté.

      Sur ce, c'est reparti pour un tour : nous en étions resté au numéro 49.

      (48) Mathieu Valbuena (2006-) Valbubu, on l'aime très fort et on en a peu près tout dit. Dans le genre numéro 8 en lévitation, c'est peut-être pas Gerrard, mais c'est notre working class heroà nous. Il faut dire qu'on n'en a pas beaucoup, ou alors d'odieux immigrés africains qui ont tout intérêt à se tenir à carreaux. Il est peut-être plus besogneux que d'autres, mais Mathieu... pardon : Petit vélo, c'est un exemple pour la jeunesse. En vrai, moi, il me rappelle plutôt avec tendresse la vieille D1 d'avant. Ses joueurs pas glamours pour deux sous, aux gueules pas possibles et aux mentaux de guerriers. La différence, c'est que Valbuena est un excellent joueur et qu'on ne laisse de s'étonner de devoir le répéter inlassablement depuis des années. On trouve même dans les milieux autorisés certains tarés pour envisager qu'il puisse ne pas être du prochain Euro – comme si l'Euro c'était autre chose qu'une question d'Aura (non non, ne me félicitez pas pour cette splendide allitération). Buteur souvent sublime, formidable pour virevolter entre les lignes, Monsieur Valbuena a bien plus de classe qu'on ne le croit, bien plus de technique qu'on ne lui en prête et bien plus de sens du jeu qu'on le suppose. Comme au bon vieux de temps de la vraie D1 : Jérôme Leroy était peut-être bien laid comme un poux, mais tu préférais toujours l'avoir avec que contre toi. Valbuena, c'est pareil. Pas un hasard si les Marseillais n'ont pas supporté qu'il file chez un concurrent qui n'était pas même pas un vrai rival.

      (47) Roy Keane (1989-2006) Compte tenu de mes relations compliquées avec le football anglais, il était tout à fait normal et même prévisible que le joueur anglais le mieux classé parmi les soixante-neuf soit un Irlandais. De même que compte tenu de mes relations compliquées avec les gentils, il y avait très peu de chances pour qu'il s'agisse de quelqu'un d'autre qu'un méchant. Je n'avais de toute façon pas tellement le choix, Vinnie Jones et Wimbledon n'ayant été que très peu diffusés durant mon adolescence (et s'étant de toute façon déjà bien calmés à l'époque). En plus, à la grande différence de beaucoup de « gueules » du football des années quatre-vingt-dix, Keane avait pour lui d'être un immense joueur, sans doute le meilleur milieu défensif de sa génération – en considérant bien sûr qu'il avait une concept bien à lui des tâches défensives ; la légende en a cependant beaucoup rajouté : Keane n'était pas non plus le plus grand terroriste qu'on pouvait croiser à l'époque sur un terrain de football, encore moins en Angleterre. Mais à l'instar d'un Diego Costa de nos jours, il était en revanche un formidable méchant, ce qu'il n'a d'ailleurs jamais cessé d'être puisqu'il se sera fait un malin plaisir de mettre à feu et à sang les rares vestiaires ayant eu la folie de le laisser les entraîner, avant de se reconvertir en consultant pyromane à vous faire passer Christophe Dugarry pour Christian Jeanpierre. Bon et puis il a sa propre chanson de Morrissey et... oh, wait...



      (46) Christophe Revault (1997-2010) Christophe Revault n'était pas un simple gardien de but. C'était un héros. Un héros très ordinaire, humble, discret – mais un héros quand même. Un type qui a gardé les buts du Havre A.C. durant très exactement huit saisons et deux-cent-seize matches. Pas de quoi en faire, soit, l'équivalent d'un Ettori, d'un Landreau ni même d'un Coupet. Mais relisez bien s'il vous plaît : on parle bien des buts du HAC. Vous imaginez un peu le courage, la passion et l'abnégation qu'il faut pour garder les buts d'un tel club durant aussi longtemps ? C'est bien simple, Revault était tellement héroïque que le seul endroit où il pouvait partir après ça, c'était au PSG, où il gagnera certes les deux coupes... en ne jouant qu'un seul match, sans doute parce que le challenge n'était pas assez élevé. Voilà qui était Revault : un gardien de buts, un vrai, qui ne prenait pas le mot gardienà la légère (et prenait donc, du coup, beaucoup de buts). Pensez donc que le seul club où il évolua presque aussi longtemps qu'au Havre fut... Toulouse. Cela se passe de commentaires. Il est clair que Christophe Revault aimait vraiment garder ses buts. Pas le genre de gars à se planquer derrière des défenseurs monstrueux, plutôt celui qui te réalisait des prouesses au milieu de matches ressemblant à s'y méprendre à des corrections, et donnait tout son sens à l'expression dernier rempart.

      (45) Fabien Barthez (1990-2007) Lui non plus n'est pas un gardien de but. Il n'est même pas un joueur de foot. Il est à la fois beaucoup plus et beaucoup moins que tout cela. Barthez est une attitude. Un art de vivre – peut-être même un concept. Une nonchalance confinant souvent au j'menfoutisme joyeux. Une bonhommie de chaque d'instant, même lorsque celui-ci est critique. Barthez, c'est le meilleur pote de tous les amateurs de foot de français. Une marque déposée (se raser le crâne, c'est une coupe à la Barthez, et ce pour l’éternité; de même que porter le bouc, c'est moche, sauf si c'est comme Barthez). Un mec que tout le monde aimera, quoiqu'il dise (et Dieu sait qu'il a pu dire parfois n'importe quoi) et quoiqu'il fasse (ce dont il ne s'est jamais privé). Cracher sur un arbitre ? Check. Poignarder Coupet dans le dos en 2006 ?  Le mec ne s'en est jamais relevé, à part toutes les nuits depuis dix ans. Terminer sa carrière en fuyant littéralement Nantes comme d'autres filèrent vers Montmédy ? Cochez tout, Barthez a fait tout ça et le pire, c'est que personne ne lui en a jamais gardé le moindre grief. Barthez, c'est un mec plus fort que sa marionnette des Guignols, qui demandait toujours si elle pouvait « dire unE connErie » – lui n'avait pas besoin de demander, il le savait déjà. Barthez, ce n'est pas le meilleur gardien de tous les temps, probablement même pas de l'histoire du football français (Bats, Lama, et même probablement Ettori et Martini étaient objectivement meilleur que lui). C'est à peine à un grand joueur, eu égard à son palmarès rachitique dès lors qu'on écarte les titres glanés grâces à la meilleure ligne de défense de tous les temps. C'est beaucoup plus... beaucoup mieux : c'est un Personnage, un vrai. Le gardien le plus charismatique et le plus cool dont la France ait jamais accouché.


      (44) Robert Pirès (1993-2015)« Muscle ton jeu, Robert ! » On connaît tous la répartie, moins à quel point, sur le coup, elle était presque gentille eu égard à la mollesse du gars sur un terrain de foot. Loin des ailiers supersoniques d'aujourd'hui, Bob demeure un sérieux candidat au titre de joueur de débordement le plus lent de tous les temps, à tel point qu'on se demande encore, en revoyant les vieilles images, comment ce type a pu enquiller autant de buts et de passes décisives. Mais si cela énervait passablement ce brave Mémé Jacquet, nous, ça nous plaisait plutôt bien. Parce qu'il avait du style, ce grand mou. Un putain de style. Trait d'union invisible entre les années 90 et les années 2010, à sa manière inévitablement nonchalante, il rappela jusqu'au bout (disons au moins jusqu'à sa période Villarreal – il avait déjà plus de trente-cinq balais) qu'il a existé une époque où les milieux offensifs étaient avant tout des joueurs se démarquant (ou pas, dans son cas) par une vision et des inspirations venues d'ailleurs (je me rappelle un but complètement dingue en Ligue des Champions avec l'OM – contre Manchester, il me semble... j'en ai encore des frissons – alors que putain, c'était quand même Marseille). Incapable d'arrêter de jouer, au point que l'on crut un temps qu'il finirait avec l’Équipe de France Handisport, celui qui fut l'espace d'une courte (mais magnifique) période le meilleur joueur du monde erre depuis comme une âme en peine, de plateau télé en plateau télé, profondément inadapté à ces médias qui vont tellement trop vites – surtout pour lui.

      (43) Antônio Augusto Ribeiro Reis Junior, dit Juninho (1992-2014) Juninho n'est pas qu'un Brésilien super sympa parlant super bien le français. A tous, il nous l'a un peu appris, par exemple en nous expliquant les synonymes (Juninho et coup franc), voire les pléonasmes (l'expression « un coup de pied arrêté de Juninho»). Des tireurs à de coups francs à tomber, on en a vu avant (Zico, Platoche, Roberto Carlos, Del Piero), pendant (Pirlo, Gerrard, Mihajlović) et après (Pjanic), pour certains plus spectaculaires ou tout simplement plus impressionnants du point de vue comptable. Mais c'était ailleurs. Dans une autre vie voire un autre monde. En France, le plus grand tireur de coups de francs de tous les temps sera toujours Juninho, peu importe que cette légende découle en partie du fait qu'il marquait très peu sur action de jeu. Un mec qui apprit à lui seul à toutes les défenses d'un pays, si ce n'est d'un contient, qu'il valait mieux de ne pas trop faire de fautes à moins de 30 mètres du but (et encore, ça ne marchait pas à tous les coups). Et qui milite bien évidemment contre la mise en place de la nouvelle ancienne réforme de l'orthographe et de la grammaire.

      (42) Arjen Robben (2000-) Depuis des décennies, les plus grands experts en football se torturent l'esprit pour essayer de comprendre comment un pays aussi petit que les Pays-Bas, un endroit à peine plus peuplé que l'Île de France... a pu générer autant de générations d'immenses footballeurs. Il faut croire que les plus grands experts en football ne le sont pas en géographie, tant il est évident à quiconque a déjà foutu les pieds dans un endroit aussi gris, laid et déprimant que la province de Groningen que quelqu'un y étant né a plein de bonnes raisons d'avoir la rage. C'est évidemment le cas d'Arjen Robben, qui a donc certaines circonstances atténuantes au fait d'être devenu l'un des plus gros connards du football moderne, à faire passer Cristiano pour un amant fidèle et attentionné ou Materazzi pour un amateur de poésie chevaleresque du quinzième siècle. Reste qu'Ari a une autre excellente excuse, la meilleure qui soit, en fait : il est tout simplement le meilleur joueur de sa génération, loin devant une concurrence sans doute plus glamour, mieux médiatisée ou tout simplement plus chanceuse. Oui, il a fait plein de mauvais choix, a un gros melon et un jeu archi-prévisible. Quelle importance que tout cela, puisque ça marche quasiment à tous les coups ? Puisque le plaisir est sans cesse renouvelé de le voir évoluer sur un terrain avec toute cette morgue mal contenue, dégueulant d'envie d'humilier l'adversaire sans retenue ni préliminaires. Oh, et sa génération, c'est celle des joueurs née en 84-85. Je le précise car le gars, bien que plus que jeune que moi, semble avoir quinze ans de plus au bas mot. Ce qui n'enlève rien à son charisme, bien au contraire.


      (41) Frank Lampard (1995-) Vous m'aviez tous vu venir avec ma blague pourrie sur Roy Keane : il était limpide que nous n'en avions pas fini avec l'Angleterre, et que l'immense Stevie G. figurerait bien évidemment dans ce classement. Attendez, quoi ? J'ai bien lu Lampard ? Eh oui : bien sûr, que vous avez lu Lampard. Et le simple fait que vous en soyez surpris dit déjà tout d'à quel point la légende de Chelsea aura été sous-estimée durant toute sa carrière. Pourtant, le vrai meilleur milieu de terrain anglais de son époque, c'était bien lui, et pas le gentil Stevie G., dont le soi-disant charisme s'est somme toute toujours résumé à sa fidélité à un seul club. C'est peut-être en partie parce que j'ai souvent été de son côté lorsqu'il jouait, mais je n'ai jamais craint Gerrard sur un terrain ; en revanche, chaque fois qu'une équipe que j'aimais a pu affronter Lampard, j'ai été cramponné à mon siège, incapable de déterminer si je craignais ou espérais l'une de ces fulgurances dont ce grand vicieux, pourtant très sympathique et humble sorti des terrains, avait le secret. C'est bien simple, une grande partie de ma culture tactique vient des heures que j'ai passées à chercher Lampard sur un terrain, à observer ses déplacements, son appréhension de l'espace... on avouera que réussir à ne serait-ce qu'envisager de faire cela avec un joueur anglais de plus de trente ans justifie déjà, en soi, d'insérer le dit joueur dans ce classement. Comme en plus j'ai toujours préféré les petits malotrus aux grands élégants...

      (40) Sylvain Wiltord (1993-2012) 92 sélections. 26 buts, dont au moins un légendaire, et une série de malade où il qualifiera la France pour l'Euro 2004 à lui tout seul. Un titre de Champion d'Europe, bien évidemment. Quatre titres de champions de France avec deux clubs différents. Deux titres de champion d'Angleterre. Deux coupes d'Angleterre. Une place longtemps intouchable de meilleur buteur de la Ligue 1 en activité, en ayant joué quatre ans à l'étranger. Et on ne compte pas les passes décisives et les trophées en bois (mais trophées quand même) de type Coupe des Confédérations et autres Community Shield. Wiltord a fait tout ça, et bien plus encore. Il a fait partie de deux des équipes les plus fortes des vingt dernières années (la France 2000 et les Invincibles d'Arsenal), ainsi que de l'OL imprenable des années Juni. Et pourtant, aussi invraisemblable que cela puisse paraître compte tenu de ses états de services, il n'est quasiment jamais cité parmi les meilleurs joueurs français de tous les temps, traité le plus souvent comme la dernière roue du carrosse, le joker gagnant – en somme, un vulgaire Sidney Govou. Sans doute à cause de son image sympathique, de son attitude débonnaire, de son goût assumé pour la débauche et de son indécrottable sourire, Wiltord est plus souvent passé pour le bon pote avec qui on aimerait bien aller se coller des mines plutôt que comme un athlète d'exception. Ceux qui ont eu la chance de le voir jouer en vrai, pourtant, savent qu'il était l'un des tous meilleurs de sa génération. Un joueur offensif complet bien avant que cela devienne une norme, ailier implacable puis 9 décisif et enfin milieu explosif sur ses dernières années. Wiltord était capable de tout faire et, même sur la fin, lorsqu'il n'était plus qu'un remplaçant de luxe, il continuait à épater quasiment à chacune de ses apparitions, ici par son intelligence de jeu, là par son sens du placement, là encore par sa capacité à prendre la profondeur dans à peu près n'importe quelle circonstance. Il était temps de se décider à l'écrire noir sur blanc, plutôt que le résumer encore et toujours à un même but, certes magique. Parce que ce but-là, simple et opportuniste en apparence, lui seul était capable de le mettre.


      (39) Patrick Vieira (1993-2011)« Oh, il fait du bien à l’équipe ce grand nègre» On ne choisit pas ses souvenirs, et cette phrase odieuse, lâchée par le patron du bar où j'ai regardé la finale du Mondial 98, se trouve être mon plus ancien souvenir de Patrick Vieira sur un terrain de foot. On ne parlait pas encore, pour quelques heures, de France Black Blanc Beur. De même qu'on ne l'appelait pas encore Patoche ou Le Long. D'ailleurs; on ne l'appelait tout simplement pas : avec moins de dix sélections, celui qui n'avait joué en France que durant une très brève période était de loin le joueur le moins connu parmi les vingt-trois futurs Champions du Monde. Le seul dont Chirac aurait éventuellement pu écorcher le nom sans passer pour un con. Mais ce n'est pas grave : on allait apprendre le connaître, Patrick. Avec lui, c'est toute une génération qui allait découvrir l'expression volume de jeu, employée depuis jusqu'à plus soif dès qu'un joueur réussit à couvrir une grande partie du milieu de terrain. S'il restera à jamais associé aux Invincibles d'Arsenal, son chef-d’œuvre aura sans conteste été la Coupe du Monde 2006, dont il fut le véritable meilleur joueur. Insubmersible, donnant l'impression d'être partout, tout le temps, permutant avec Makélélé voire carrément avec Gallas, à gauche, à droite... et même buteur, à deux reprises – lui qui ne cadrait jamais ses frappes et ne marqua en tout que six fois en 107 apparitions. Avec le recul, ce fut déjà un peu le commencement de la fin, pour lui que les blessures ne laisseraient plus jamais tranquille, comme pour l’Équipe de France, dont le milieu de terrain se noierait totalement deux ans plus tard, en l'absence de celui qui était devenu son capitaine. Peu importe : rien que pour cette Coupe du Monde qu'il nous aura presque donnée (soyons clair, une fois pour toutes : le vrai tournant de cette finale mythique, ce n'est pas le coup de boule de Zidane, mais bien la sortie sur blessure de Patoche), il peut bien désormais prendre des douches de pétro-dollars avec les patrons de City et entraîner une équipe d'exhibition à New York. Super Pat' est INTOUCHABLE.


      Pour revoir les épisodes précédents :
      • épisode 1 - Messi, Cristiano, Jean-Pierre François, Debève, Piet den Boer, Xabi Alonso, Thierry Henry, Gascoigne, Mathieu Bodmer, Suarez, Jamie Carragher.
      • épisode 2 - Sócrates, Zola, Scholes, Jérémy Menez, Guardiola, Giresse, Caveglia, Rui Costa, Lizarazu, Maldini.

        Paper Mario Sticker Star - Best of Both Worlds

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        Paper Mario Sticker Star est la typique victime collatérale du phénomène que j'épinglais dans l'article inaugurant cette rubrique. Un rapide tour des sites spécialisés suffit à s'en convaincre : voici un jeu bien moyen, jamais assez ceci, souvent bien trop cela, incapable de se hisser au niveau des standards de l'époque en terme de scénario, de graphismes ou de développement. Oui parce qu'en 2016, rappelons-le, il est très important qu'un jeu offre un scénario extrêmement élaboré. Même s'il est estampillé Mario. On ne le dira jamais assez. Et gare à lui si ses graphismes ne sont pas à la hauteur. On ne dirait pas comme ça, mais sans ces deux éléments déterminants, il est absolument impossible – c'est prouvé – d'avoir droit aux pages cultures de Libération. Im. Pos. Sible. S'il est d'une manière générale assez difficile à quiconque de plus de treize ans d'être d'accord avec la pensée dominante sur les sites référents (jeuxvideo.couilles et gamecul, ou un truc comme ça), c'est carrément la consternation qui prévaut à la lecture des avis concernant ce jeu – ne serait-ce que parce que ces sites pourtant d'un unanimisme à la limite du suspect1 semblent tous s'être passés le mot pour dégommer ce pauvre jeu, symbole de la décrépitude d'une firme dont les dernières sorties sont toutes des bides. Faut-il préciser que dans le monde ultra-mainstream du jeu vidéo, on n'honore jamais que les plus forts ?

        Mais récapitulons. Car avant de déterminer ce qu'est Paper Mario Sticker Star, il convient de rappeler ce qu'est Paper Mario– tout court. Soit donc, à l'origine, un des rares RPG de la Nintendo 64, lui-même émanation d'une aimable plaisanterie parue sur une Super NES agonisante, Super Mario RPG. Si ce dernier, qui ambitionnait de faire du Final Fantasy dans l'univers de Mario (et était d'ailleurs produit par Squaresoft), n'a jamais eu de suite, il a en revanche eu une belle descendance, puisque Paper Mario fut un succès suffisant pour rejoindre la longue liste des franchises maisons (Mario Kart, Mario Party, Mario Tennis, Mario Safari, Mario Curling, Mario Porn ou encore Mario contre Oui-Oui). Et de s'exporter par la suite sur Game Cube (Paper Mario : La Porte millénaire) et Wii (Super Paper Mario), avec toujours plus du succès et de critiques dithyrambiques (il faut dire qu'à l'époque, Nintendo n'était pas encore un vieil animal blessé obligé de produire des remakes de ses remakes de ses hits pour subsister). Précision utile : je n'ai jamais joué à un Paper Mario plus de deux heures, et je suis à peu près sûr que c'est une excellente chose pour découvrir ce premier épisode portable.

        Ah oui au fait : Paper Mario s'appelle comme ça parce que... enfin bon, vous avez compris.

        Paper Mario Sticker Star a en effet pour particularité de rompre avec le gameplay habituel de la série (soit donc celui d'un RPG toadstoolisé) pour initier un système proche de ces antiques (et imbitables) RPG japonais des années 80 transposant littéralement les jeux de plateau et leurs cartes à jouer en version vidéo. Mais si, ne faites pas les innocents : vous aussi, vous avez un jour essayé de comprendre comment ça fonctionnait. Bref, les principes de jeu de Sticker Star sont tout de même nettement plus simples à assimiler, puisqu'en gros, Mario se promène dans des zones ressemblant fortement à des niveaux de Super Mario, décollant des murs des stickers qui seront autant d'armes bien utiles dans les nombreux combats au tour par tour qui l'attendent. Hein ? Quoi ? Dans quel but ? Euh... alors attendez, j'ai fini le jeu il y a un moment... je crois que j'ai complètement oublié le scénario. Il y a un truc avec une fête des stickers qui tourne mal, des stickers magiques qui partent au quatre coin du pays et Bowser qui pète un câble et devient super vénère (apparemment juste avant, il était très calme et sympathique, mais pas de bol ils ont oublié de faire un jeu à ce moment-là pour raviver sa réputation). Anyway! On s'en fout un peu du scénario, ce qui signifie pas que les développements scénaristiques soient inexistants – nous allons y venir.

        Très rapide à prendre en main et, cela va sans dire parlant d'un Mario, extrêmement bien réalisé (la 3D stéréoscopique de la DS fait vraiment des merveilles), Paper Mario Sticker Star s'avère cependant assez rapidement bien plus complexe et bien moins enfantin que ce que son univers coloré laisse supposer de prime d'abord. Très vastes et regorgeant de secrets en tout genre, les niveaux ne se finissent pas en cinq minutes montre en main (comptez plutôt un bon quart d'heure minimum en ligne droite – ce qui est extrêmement long pour un jeu DS moyen), et s'avèrent rapidement non seulement variés et inventifs, mais encore sacrément retorses. En cela, Sticker Star s'inscrit immédiatement aux antipodes des précédentes apparitions de Mario sur console portable, qu'elles soient RPG ou non (je pense en particulier au tristounet New Super Mario Bros. 2, qui se joue quasiment en activant le pilotage automatique). Il faut un certain pour parfaitement comprendre l'utilité de chaque sticker, et une sacrée dose de réflexion pour les utiliser au bon moment. Surtout – et c'est sans doute ce qui lui a valu les critiques tiédasses qu'il s'est attiré – il propose un véritable challenge, ce qui est devenu très inhabituel chez Nintendo, à quelques rares exceptions près. Pis, ce challenge repose pour bonne part sur des éléments typiquement old school (j'entends par-là : typiques des jeux de l'époque où j'étais un gamer de haut vol), soit donc des contraintes, non pas tant dans la liberté de circulation (le monde est assez ouvert et, de toute façon, chaque niveau est suffisamment foisonnant pour que le besoin d'exploration de chacun soit satisfait) que dans l'utilisation des fameux stickers. Car le petit carnet dans lesquels on les stocke est... un petit carnet, précisément. A une époque - et sur une console - où la vie, les items et l'argent infini sont quasiment devenus une norme, où à l'image de The Legend of Zelda : A Link Betweenn Worlds on a habitué le joueur à avoir tout, tout de suite... Sticker Star fait carrément tache, puisqu'il nécessite de surveiller continuellement le stock d'auto-collants et de réfléchir (quelle horreur) à l'utilisation que l'on va faire de chacun. Une réflexion (beurk beurk beurk !) exacerbée s'agissant des "stickers de trucs", transformés à partir d'objets en apparence inutiles ramassés au quatre coins du monde, et qu'on n'utilisera rapidement qu'avec la plus grande parcimonie une fois compris qu'on risquait de bien galérer (ou de dépenser beaucoup de thunes) pour les récupérer si d'aventure ils n'avaient pas été consommés à bon escient. Mais c'est bien évidemment ici que réside tout le plaisir. Quel soupir de soulagement à la fin de chaque monde, de voir une page s'ajouter au cahier... page qui sera bien entendu bien vite remplie et dont on se demandera surtout comment on faisait sans elle une heure auparavant.


        C'est tout le paradoxe de cette mini-réforme des principes de Paper Mario : apparemment bien plus simple, si ce n'est carrément simpliste (il n'y a par exemple plus de niveau d'expérience, l'endurance du héros augmentant à la manière des fragments de cœurs de Zelda), il s'avère rapidement que l'on y avance bien moins tambour battant que dans ses prédécesseurs. Long, riche, parfois assez tordu, il ne se boucle pas en trois heures de temps et mais nécessite de longues phases de recherche, de réflexion et d’observation, sans jamais être fastidieux2. Parce que, cerise sur le gâteau : il est drôle, ce jeu. Très. Voilà bien longtemps qu'on n'avait pas vu une aventure de Mario aussi fantaisiste, enlevée, barrée... parfois presque parodique dans sa manière de revisiter avec humour les conventions et l'univers du plombier. Alors que ce dernier donnait de plus en plus souvent l'impression d'errer dans des jeux prometteurs mais constamment inachevés (une constante sur une console dont les soft ont pris la mauvaise habitude de presque tout donner dans les cinq premières heures), le voici embarqué dans une quête qui occupe durant des semaines, au travers de chapitres extrêmement inventifs et soignés, tant dans les situations qu'en terme de level design pur. Alors non, on n'a pas affaire ici à un véritable RPG, mais plutôt à un jeu d'aventure mixant des éléments de Paper Mario avec d'autres issus de Zelda ou ailleurs. J'avoue même en avoir été un peu surpris – et déçu – durant la première partie, en me disant que tout ceci était fort joli mais risquait de s'avérer un tantinet répétitif au bout d'un moment. C'est tout le contraire qui s'est produit ; Paper Mario Sticker Star m'a non seulement happé durant plus de trente heures, mais encore m'a poussé à faire des choses que je n'avais plus faites depuis des années face à un jeu vidéo : contempler de longue minutes un écran et me torturant les méninges pour déterminer la marche à suivre, suer en affrontant un boss, piailler en le battant, faire la liste des objets trouvés/perdus/utilisés/collectés, éclater de rire en rencontrant Kamek3... et j'en passe. On a assez souvent l'occasion de reprocher à Nintendo de reposer sur ses acquis pour ne pas se féliciter de la voir sortir de sa zone de confort. Alors soit, je n'avais peut-être pas besoin d'insulter la quasi totalité des joueurs du pays pour le faire. Mais franchement, c'était quand même vachement plus marrant comme ça.


        Paper Mario Sticker Star - Nintendo 3DS (Aventures/RPG - Nintendo, 2012)



        1.Rappelons que sur jeuvideo.orgasme, la moyenne générale de tous les jeux chroniqués depuis le dépôt du nom de domaine est d'approximativement 18,7.
        2.Si ce n'est peut-être pour remplir le musée des stickers – d'ailleurs je vous arrête tout de suite : ça ne sert à rien. Ne faites pas comme moi, ne vous emmerdez pas à chercher TOUS les objets dans TOUS les niveaux, vous seriez terriblement déçus.
        3. Ah non, pardon, ça c'était tout nouveau pour moi. Putain, Kamek est drôle. Bordel de Dieu.


        [GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaines 9 & 10

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        11.22.63Ça commençait mal, mais on n'avait encore rien vu du désastre. Rien n'est à la hauteur du projet, à commencer par le scénario qui n'a ni queue ni tête et ne ressemble en rien à l’œuvre de King, ou James Franco, qui ne ressemble en rien à un comédien (comme tous ses partenaires, cela dit, stop au délit de belle gueule). Mais même la réalisation et les productions values prêtent à sourire, s'agissant de ce qui devait être la rampe de lancement de Hulu, LE gros blockbuster qui allait les faire entrer dans la cour des grands. Leur House of Cards, leur Transparent. Autant vous dire qu'à la vue de ce qui n'est qu'une websérie bling bling et prétentieuse, les pontes de chez Netlifx et Amazon se sont resservis un verre de Cognac. Il est vrai que leurs propres débuts prêtaient plutôt à sourire et qu'eux même ont appris à leurs dépends qu'il ne suffit pas de rouler en Mercedes pour avoir l'air blindé - surtout que de nos jours, le prix des Mercedes n'est plus ce qu'il était.

        BLACK SAILS (saison 3) Longtemps, le côté prequel de Black Sails a surtout servi d'argument marketing, totalement inutile au vu la qualité de la série. Il n'était pas réellement traité ; ce n'était tout simplement pas le propos, peu importe qu'il s'agisse de mettre en scène des personnages issus de l'Île au trésor voire ayant, pour certains, réellement existé. Et puis la seconde moitié de la saison deux est passée par-là. L'on y voyait Jack Rackham s'émanciper, avec Anne Bonny collée à ses basques. John Silver, lui, perdait sa jambe et se rapprochait un peu plus du personnage que connaît le public. Dans cet excellent troisième chapitre, il poursuit sa mue. Après deux saisons entières à se promener en périphérie de l'intrigue, il épouse enfin sa destinée de pirate, rencontre celle qui devrait logiquement devenir son épouse et devient, enfin, le pirate le plus connu de toute l'histoire de l'humanité. Long John, quartier-maître, ami et rival d'un Capitaine Flint transformé pour sa part en véritable rockstar des mers. C'est au point que dans l'ouverture, le premier conseillait au second de faire jouer son rôle par un autre, puisque "[son] nom appartient désormais à tous les pirates". Alors que l'on ne s'y attendait plus, et même qu'on en était arrivé à s'en foutre totalement, Black Sails recolle avec la portée légendaire de ses héros (il en va de même pour Hornigold ou dans une moindre mesure Barbe noire) pour réussir, encore, à surprendre. Ce n'est pas la seule raison qui en fait l'une des meilleures séries actuellement à l'antenne. Mais c'est le petit plus qu'apporte cette saison, sans le moindre doute la plus aboutie du show jusqu'alors.


        LAW & ORDER : SVU (saison 17) Les habitués du Golb le savent, cette rubrique se change assez régulièrement en observatoire international des séries que plus personne ne regarde à part moi. Aujourd'hui, prise de pouls de cette bonne vieille SVU (qui ne doit plus être très loin d'être le plus ancien drama à l'antenne, à présent que CSI a mis la clé sous le porte), entrée cette année dans une excellente phase après plusieurs saisons embarrassantes pour tout le monde - mais dont on comprend a posteriori l'utilité. Warren Leight, dont c'est la dernière tournée en tant que showrunner, avait tout bêtement hérité de la tâche ingrate de solder l'héritage de la période Christopher Meloni... voire de Dick Wolf en personne. Cette époque où SVU était un spin-off et non la série principale d'une franchise dont tous les autres titres ont désormais disparu. Il a donc remis Olivia Benson aux centres des intrigues, lié SVUà la nouvelle franchise à succès de Dick Wolf (Chicago Town City Beach Stuff. Je crois), re-designé progressivement tous les décors. Symboliquement, Munch et le Capitaine Cragen, soit donc les deux derniers personnages rescapés de l'ex-empire Law & Order, ont pris une retraite bien méritée. En somme, une redéfinition progressive (et parfois un brin laborieuse) des enjeux d'une série qui se devait de pouvoir être prise en cours par les fans de Chicago P.D. Le paradoxe, c'est que si cette saison dix-sept s'avère particulièrement réussie, c'est tout bêtement parce que ses scénaristes se contentent d'écrire d'excellents épisodes de SVU"à l'ancienne", c'est-à-dire avec des basculements narratifs, une vraie place accordée au procès et des intrigues n'étant pas (ou presque plus) directement liées à Olivia. Mais il fallait sans doute en passer par quelques saisons douloureuses pour trouver un second (pardon : quatrième) souffle. Quand on voit la qualité d'épisodes comme les trois premiers de la saison ou, plus récemment, "Misunderstanding" (17x12), on se dit que tout ça pourrait continuer encore cinq ou six saisons sans aucun problème. Ça tombe bien, la série vient d'être renouvelée.


        MAN SEEKING WOMAN (saison 2) Littéralement, je me suis réveillé un beau matin avec au bout des lèvres cette question : "Et si en fait,Man Seeking Womanétait la meilleure série du moment ?. Il est assez rare que je me demande ce genre de chose à propos d'une comédie pour que l'interrogation, aussi étrange qu'elle puisse paraître de prime abord, mérite d'être considérée. Je n'ai pas tout à fait terminé la saison (je suis un peu en retard, je sais, mais entre la rétro Dragon Ball et le retour du binge watching netflixien de Daredevil, on m'en excusera), mais j'ai rarement vu une série aussi constante dans la qualité... a plus forte raison dans un registre, celui de la comédie totalement barrée et fantasmatique, où la norme est plutôt celle de l'irrégularité. Pourtant, la série de Simon Rich tient formidablement bien la distance et ne présente pour l'heure aucun signe d'essoufflement. C'en est même assez stupéfiant tant chaque épisode en contient virtuellement deux ou trois autres, grillant des dizaines d'idées qui, chez la concurrence, seraient autant de concepts déclinables en arcs entiers. On m'opposera qu'elle ne progresse pas réellement non plus, ce qui est vrai - mais ce n'est pas comme si elle avait eu des masses de défauts sur la ligne de départ. Au contraire, elle est peut-être la seule série actuelle (avec, dans une moindre mesure, Master of None) a pouvoir me réconcilier avec la dramédie high concept casse-bonbons dont raffole tant le câble US, puisqu'elle réussit à conjuguer le meilleur des deux mondes, à la fois brillamment consciente d'elle-même, émouvante lorsqu'il le faut... mais jamais chiante et toujours, principalement, avant toute autre chose... comique. Peut-être pour cela que je la consomme finalement avec modération : ce qui est rare est précieux, on le sait ; l'inverse est également vrai.

        à part ça...

        - je crois que je ne peux plus supporter l'héroïne de Shadowhunters, ses mimiques appuyées, son petit air satisfait et sa couleur de cheveux ridicule. Elle me sort totalement d'une série plutôt divertissante au demeurant : je passe la moitié des épisodes à vouloir lui coller des tartes. Je dis "l'héroïne", je devrais plutôt dire l'actrice, car le personnage ne semble bizarrement pas écrit de la manière dont elle le joue. Elle est comme ça dans les bouquins ?

        - les scénaristes de Once Upon a Time ne sont jamais aussi bons que lorsqu'ils se focalisent sur leur cast original. Tout le monde le sait depuis longtemps. Enfin, tout le monde sauf eux, qui semblent le découvrir à l'occasion de cette cinquième saison qui est peut-être la plus réussie depuis les deux premières. Bon, par contre, les responsables des effets numériques sont nuls quel que soit le contexte. On insiste souvent sur leur côté fauché, mais l'épisode de la semaine permettait de rappeler que même avec de l'argent, ils n'auraient de toute façon pas très bons goûts tant les choix d'effets ou de couleurs étaient d'une laideur à s'en crever les yeux.

        -  je n'ai pas encore eu l'occasion d'en reparler, mais The Magicians a confirmé son potentiel et est clairement la meilleure série fantastique du mom... euh, la seule potable, en fait.

        - BANSHEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEE !!!!!!!!

        J'ai oublié de te dire #4

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        Cheval Blanc est le seul artiste à avoir eu droit, sur ce blog, à plus d'articles qu'il n'a publié d’œuvres. Ce n'est pas grand-chose et en même temps, cela suffit à dire l'essentiel, à souligner la place que ses trois petits disques ont occupé dans ma vie – et occupent encore, même si peut-être un peu moins. Parce que je bois moins. Parce que je me couche moins tard. Parce que je suis moins seul, même si je le suis encore évidemment, comme tout le monde. Parce que je suis de plus en plus dur, en vieillissant. Je crois. Les gens n'imaginent pas à quel point. Il en faut beaucoup me renverser, désormais. Des poignées de morts au moins, ou un film de Disney. L'angoisse est devenue tellement permanente, tellement... banale, pour moi. Je ne sais pas à quel moment je suis devenu dur comme ça. Ça m'effraie, parfois, cette impression que plus rien ne peut vraiment me toucher. Cheval Blanc arrive encore à ça. L'écouter a toujours quelque chose d'une violence. Il n'est pas rare que je me retrouve assis, le regard perdu, le corps mou et les lèvres s'agitant dans la vague en dessinant ces mots que j'ai fini par connaître par cœur. "Ne me dites pas que vous m'aimez / Ce pourrait bien être un problème / Car s'il est vrai que vous m'aimez / Alors je devrais vous tuer". Il y a une pureté dans ces chansons que je ne retrouve nulle part ailleurs. L'évidence des mélodies. La nudité des habillages – Dieu que c'est élégant, d'être ainsi nu. Et jamais l'on a froid, pourtant, lorsqu'on se passe ses disques. Il y a une chaleur dans la voix qui transcende la tristesse de ce qu'elle nous raconte. Ces EPs sont du genre dans lequel on aime à se pelotonner, ils réconfortent sans trop qu'on sache pourquoi. Je sais combien tout cela te semble noir. Je sais comme tu n'aimes pas me voir m'enrober du casque pour me plonger dans "Les Amants morts", dans "À la mort du monde", dans "Alcool". Cette manière que j'ai de chercher des yeux un verre, toujours, dès les premières mesures. Tu m'autorises tout au mieux à fredonner "L'Amour est en guerre", parce que tu sais que tout cela n'est pas sérieux, et peut-être parce que tu trouves les paroles un peu con (permets-moi de te signaler que tu sous-estimes considérablement ma capacité à céder toutes larmes aux mélodies les plus naïves). Je n'y peux rien. Je me sens bien, quand j'écoute ces disques. Je vois l'été. Je me vois moi, traîner un bar, un livre à ma gauche et un stylo à ma droite. La bière au bec, ou la clope. Depuis combien de temps n'ai-je pas fait un truc comme ça ? Marcher sans but, puis m'assoir sans raison. Écrire. Rentrer en titubant légèrement, le front perlant de sueur, en fredonnant ces chansons où "les derniers amants se lèchent les yeux", où "la menace" est "éthérée" et la révolution, "un jeu d'enfant"... les sens à vifs et les yeux errants, à l'horizon ou sur les jambes de quelque "petite pisseuse" au faux air de "gourmandise". Tellement de vie dans ces mots. Tellement de Vrai et de Beau, ces trucs dont je ne sais jamais quoi faire, que j'ai peur parfois de ne plus voir et dont j'oublie, tout le temps, qu'ils sont ce à quoi nous devrions tous aspirer. Je me sens vivant, oui, quand je me pelotonne dans les chansons du Cheval Blanc. Essoufflé, tremblant, perclus de crampes... mais vivant. Je n'ai pas dit que c'était agréable. Mais il y a là-dedans quelque chose de grisant. Non ?



        Qui êtes-vous, Madame, et qu'avez-vous fait de la vraie Sarah Waters ?

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        Parce que Sarah Waters était dès son premier livre l'auteure la plus douée de sa génération, on s'est beaucoup menti à nous-mêmes, nous, lecteurs fidèles, quant au virage très net qui s'est opéré dans son œuvre depuis une dizaine d'années. The Night Watch (2006) n'était pas, non non, un roman décevant. C'était un tournant, un risque, un manifeste de liberté créative de la part d'une auteure qui refusait de s'enfermer dans une formule (celle du roman dit néo-victorien) et entendait démontrer que son univers n'était pas réductible à une époque, à un ton, à une poignée de formules chocs. De même The Little Stranger (2009) n'était-il pas un livre globalement raté dans lequel l'une des pattes les plus immédiatement reconnaissables de la littérature contemporaine réussissait à devenir presque invisible à l'œil, mais une simple fausse note, un texte un peu mineur comme tous les grands écrivains peuvent parfois en signer – et puis nos exigences étaient telles, n'est-ce pas ?...

        Avec The Paying Guests, cependant, on commence à manquer un peu d'arguments pour défendre l'auteure du sublissime Affinity. Non seulement est-ce le troisième ouvrage consécutif de Waters à décevoir (et pas qu'un peu dans ce cas précis), mais encore est-ce le second d'affilée à donner l'impression qu'il aurait pu être écrit par n'importe qui d'autre tant rien de ce qui fait habituellement le charme d'un de ses romans n'y figure. Pas de faux semblants. Pas de soufre. Aucun signe de ce don ailleurs prodigieux pour le basculement d'un récit captivant en un autre encore plus passionnant. La différence avec The Little Strangerétant que si The Paying Guests avait été écrit par Madame No One, on n'est pas sûr que l'on aurait eu la politesse de le lire jusqu'au bout.

        Car si l'on entend bien qu'une auteure n'ait aucun compte à rendre à ses lecteurs, et qu'il est même plutôt sain après une si longue carrière de tenter encore de les surprendre, The Paying Guests est avant tout un livre assez plat ne racontant rien que de très prévisible et/ou ennuyeux. C'est un roman de Sarah Waters au sens où l'on retrouve son style inimitable, son inévitable histoire d'amour lesbien, et où il s'agit de raconter le basculement d'un univers (en l'occurrence celui de Frances, presque-vieille fille vivant seule avec sa mère, au contact d'un jeune couple de sous-locataires hipsters avant la lettre). Mais si la principale qualité de sa trilogie victorienne était de faire voler en éclat tous les stéréotypes du genre (dans tous les sens du terme genre) et de l'époque, force est de reconnaître que ce n'est pas du tout le cas de ce livre-ci. Les cinquante premières pages enfilent les clichés à une vitesse vertigineuse, et les cinq cents suivantes nous laisseront en vain attendre le moment où l'auteure décidera de les retourner. Il est vrai que les balbutiements d'années vingt pas encore devenue folles, comme ailleurs le Blitz et ce qui s'ensuit, constituent sans doute une matière moins vivace et un cadre plus austère que la très glamour époque victorienne. Soit. Le problème demeure cependant la trame général d'un récit dont on ne doute pas qu'il ne serait pas moins soporifique dans un autre contexte, tant l'auteure donne l'impression de n'avoir aucune idée de ce qu'elle veut faire de ses personnages – lesquels, d'ailleurs, se révèlent vite tout aussi caricaturaux que le reste, pour ne pas dire assez creux... et bien loin, en tout cas, d'une Margaret, d'une Nancy, d'une Sue... etc. Dans le fond, The Paying Guests n'est qu'une énième histoire d'adultère, certes entre deux femmes, mais ne cherche pas à être grand-chose de plus et ne remet aucunement en perspective ni l'époque où il se déroule, ni la nôtre par ricochet. Peut-être Sarah Waters avait-elle envie d'expier le péché mortel commis par son précédent roman (dont le personnage central était... un homme !) Le plus probable est malheureusement qu'elle soit désormais trop écartelée entre la tentation d'enrichir son univers et ses propres obsessions, réussissant au final l'inédite performance que de produire un ouvrage décevant à la fois en raison de ses différences avec les autres, et à la fois en raison de similitudes telles qu'on a le sentiment de tout voir venir avec trente pages d'avances. A moins bien sûr que mon titre ne soit un peu plus qu'une boutade et que j'aie des informations concernant l’abduction de Sarah Waters et son remplacement par un sosie fan de Joyce Carol Oates. Vous comprendrez que je n'aie pas le droit de vous en dire beaucoup plus à ce sujet...


        The Paying Guests[Derrière la porte], de Sarah Waters (Virago Press, 2014)

        [GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaine 11

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        12 MONKEYS (saison 2) L'an passé, l'adaptation du remake de La Jetéeétait passée en quelques mois de vraie bonne surprise (oh putain ! c'est bien ! il y a une atmosphère ! Et des vraies idées !) à illustration des pires excès du remakebootval. Le choix de faire des allez-retour temporels à chaque épisode n’était pas très heureux, le rythme s’en était trouvé haché, les incohérences se multiplièrent chaque semaine, et il était très rare que les deux intrigues hebdos (2015 et 2043) soient intéressantes au même moment. S'il semble impossible de revenir à l'état premier, ne serait-ce que parce que les scénaristes ont usé et abusé des timey wimey les plus paresseux qui soient en saison 1 ("je reviens dans une semaine, tu me diras ce qui s’est passé entre temps, et ensuite je reviendrai aujourd’hui pour l’anticiper"... hein ?), la saison 2 aura pour difficile mission de trouver un équilibre dans le bordel sans nom qu'est rapidement devenue l'intrigue et... pour le moment, c'est pas gagné tant l'épisode inaugural n'aura été qu'hystérie narrative. Cela dit, ce "Year of the Monkey" ne fut pas désagréable, bien au contraire. Sûrement pas enthousiasmant ni prometteur ; mais divertissant, oui. C'est déjà plus que ce qu'offrait l'interminable dernier arc de la saison 1.

        "J'ai relu tout le script de la série, je te dis pas la migraine !"

        ARROW (saison 4) Dans cette rubrique où l'on passe du très haut au très bas en l'espace de trois lignes, il est toujours agréable de faire une pause pour évoquer Arrow, série d'une grande fidélité à elle-même si l'on excepte le pic d'inspiration très inquiétant de la saison 2. Avec elle, qui décline inlassablement les mêmes tropes depuis le premier épisode, on n'est que très rarement surpris, et à force, même plus déçu. Aussi c'est à peine avec un haussement de sourcils qu'on a accueilli la révélation de l'identité de la personne décédée dans les flashforwards. Ce n'est pas comme s'il y avait un choix affolant : on savait déjà que ce n'était ni Felicity ni Lance, il ne restait donc que Thea et Laurel (Diggle étant protégé par son pénis). Thea étant encore trop proche de son héros de frère pour passer l'arme à gauche, c'était en toute logique le tour de la fausse-vraie Black Canary, qui c'est vrai n'était plus un love-interest d'Oliver Queen depuis trop longtemps, était devenue trop indépendante, voire badass... pour que cela reste impuni. Le monde d'Arrow est impitoyable mais il faut applaudir cette fatalité qui ne frappe jamais au hasard et ne suit que sa propre logique interne (on aura noté que le Capitaine Lance est pour sa part toujours en vie alors qu'entre son alcoolisme, ses problèmes de cœur, son mariage avec l'autre hystérique de River Song, ses mauvaises fréquentations et les enterrements de ses filles, dont une deux fois... c'est plutôt lui, le pauvre, qu'on aurait pu s'attendre à voir nous quitter les pieds devant). On émettra tout de même quelque inquiétude à l'égard de Thea et Felicity, qui toutes deux ne sont pas passées loin dans cette saison, et qui commencent à émettre des signes d'émancipation de plus en plus inquiétants (c'est qu'ils y tiennent farouchement, nos amis scénaristes, à leur Drawa Soralazemmourien !) Ceci étant dit, l'épisode était plutôt chouette (même si on voyait tout venir à vingt bornes), comme d'ailleurs la plupart de ceux qui l'ont précédé depuis un mois ou deux.

        DOCTOR FOSTER La jalousie et l'adultère sont des thèmes vieux comme l'amour et le mariage - vous conviendrez que cela ne nous rajeunit pas. Traités en long en large et en travers, ils sont cependant assez rarement utilisés comme mécanique principale d'un récit feuilletonnant (voir les circonvolutions stylistiques auxquelles The Affair se sent obligée de se livrer pour les aborder), tant et si bien qu'on est assez surpris que cette mini-série diffusée à l'automne sur BBC One ne ressemble pas à grand-chose, si ce n'est peut-être quelque nouvelle oubliée d'un Simenon, et réussisse rapidement à capter l'attention du spectateur. Thriller psychologique très minimaliste dans son écriture ou sa mise en scène, Doctor Foster repose presque entièrement sur son héroïne éponyme (incarnée par l'excellente Suranne Jones, bien connue des amateurs de télé britannique - c'est notamment elle qui incarnait le TARDIS personnifié dans Doctor Who). Ça ne paie pas de mine, mais cela fonctionne vraiment bien, certaines séquences se révélant particulièrement angoissantes tandis que l'inquiétude le cède à la paranoïa qui le cède au désir de vengeance. C'est dans les vieux pots... etc.


        EMPIRE (saison 2) Étant un homme de peu de foi, en particulier face à un soap de la FOX, j'avoue avoir hurlé devant mon écran lorsque, peu avant l'interminable pause hivernale, le personnage de Jamal s'amourachait d'une... femme. Je trouvais déjà la saison 2 assez moyenne, mais ça, c'était une trahison que difficile à digérer. Le personnage le plus attachant de la série (et de loin) ne se définissait certes pas entièrement par son homosexualité - raison de plus pour ne pas le "salir" en utilisant un artifice de scénario aussi grossier et inutile aux différentes intrigues ! Les relations de Jamal avec son abruti de père, pour leur part entièrement conditionnées par les préférences sexuelles du jeune homme, avait donné les meilleurs moment de la première saison, les seuls à être vraiment touchants et à dépasser le côté purement soap du tout. Faire un truc pareil de ce personnage était vraiment se foutre la gueule du spectateur. Non ? Bah non. Pas si c'était pour en faire une intrigue à part entière plaçant le jeune homme face à ses contradictions, et l'obliger à rendre des comptes à une communauté gay qu'il était bien content de brandir en étendard douze ou treize épisodes plus tôt. On n'instrumentalise pas la détresse d'une minorité impunément, comme Jamal l'a toujours fait, même s'il se croyait sincère. Ce ne sont pas Jason Rothenberg et ses copains de The 100 qui iront dire le contraire. Le reste de la série plafonne à son niveau habituel (entre médiocre et moyen plus), mais ça, pour le coup, c'était plutôt bien vu. Mes excuses aux scénaristes.

        SECTION ZÉRO Mon Dieu. Tout ce pognon claqué pour au final se payer des acteurs qui jouent mal et trois hangars désaffectés en guise de décor. Je ne sais pas s'ils se rendent compte, à Bolloré +, mais il y a des gens qui souffrent, dans ce pays. Pour de vrai - pas que devant le Grand Journal ou les néo-Guignols. Des gens qui dorment dehors, qui ont faim ou sont tout simplement au chômage. S'ils veulent vraiment claquer de la thune, on peut trouver un truc qui enrichira ce pays, il y a sans doute des investissements à faire dans la culture... mais de grâce, qu'ils arrêtent de filer des budgets de la taille du PIB de Bangladesh à cet abruti d'Olivier Marchal, dont le talent - autrefois réel - s'est tari depuis longtemps et qui ne s'intéresse plus qu'à des histoires de garçons baraqués qui se mettent sur la gueule avec ou sans gros engins. Son Section Zéro, là, c'est juste... pas possible. Entre les comédiens recrutés au physique (voire au tatouage), certes pas aidés par des dialogues débiles, la photographie dégueulasse (ah non, pardon : sophistiquée et cyberpunk), la musique qui fait boum boum crack boum à tout bout de champ, le scénario qui ne dépasse pas le pitch rudement énoncé en intro, les méchants affreusement méchants qui se baladent en noir pour qu'on les reconnaissent bien, les pouls des carrières de Tchéky Karyo et de l'autrefois immense Pascal Greggory désormais proches de ceux de baleines à la dérive, les bas-fonds qui évoquent une mauvaise parodie de Blade Runner mixée à un reste de vomi de Jeunet... sans oublier l'inévitable baston au ralenti... c'est simple, en dix ans de Golb, je n'ai jamais utilisé cette expression, mais là... c'est de la merde en barres. Pas moins.

        Il faudra un jour qu'on m'explique pourquoi dans les tyrannies futuristes tout est toujours sale, poussiéreux ou cassé ; à ma connaissance les tyrans aiment plutôt l'ordre et la propreté.

        SUPERGIRL Lorsque je ne suis pas d'une scandaleuse mauvaise foi, il peut m'arriver de temps à autre d'être magnanime et ainsi reconnaître que depuis la dernière fois que nous en avons parlé, le Berlantiverse (un truc qui ressemble aux comics DC en jeune et bien habillé) a plutôt avancé dans le bon sens. Arrow est revenue aux fondamentaux (des femmes dans le frigo, donc, mais encore des flashbacks qui servent à rien et Felicity qui pleure), The Flash a enfin lancé sa saison (à environ huit épisodes de la fin, soit) et Supergirl... eh bien Supergirl, aussi dingue que cela puisse paraître tant elle partait de loin, est devenue une bonne série, très agréable et pas loin d'être meilleure que ses cousines. En tout cas plus cohérente dans son univers, moins branlante dans ses intrigues et moins maniérée dans ses dialogues. Le tableau n'est pas tout rose, loin de là : il y a encore des lourdeurs, une grande difficulté à caractériser ses bad guys girls (même si Indigo, apparue il y a déjà un moment, montrait un mieux), quelques trucs un peu légers ici ou là. Mais outre que la plupart des comédiens (Melissa Benoist en tête) sont désormais parfaitement maîtres de leurs rôles, les épisodes depuis... disons "For the Girl Who Has Everything" (1x13) sont devenus vraiment chouettes, bien ficelés et utilisent brillamment les interactions entre les différents personnages (Kara/Alex, Alex/Hank, Alex/Max Lord, Kara/Cat, Jimmy/Lucy, et même depuis peu Winn/Jimmy et Lucy/Kara... sont autant de relations riches, qui existent et fonctionnent réellement à l'écran). Sur ce point au moins, Supergirl a assez nettement pris l'ascendant sur le reste de la famille, les interactions internes étant assez pauvres dans les deux autres (même si Cisco-Barry/Wells dans The Flash). Hein ? Pardon ? Legends of Quoi ? Legends of QUAND ? Je ne vois pas de quoi vous parlez, M'sieur, désolé.

        Oh et le crossover était chouette ! Benoist et Gustin sont amis dans la vie et leur alchimie crevait l'écran, ç'aurait effectivement été dommage de s'en priver.

        Mieux vaut tard que jamais

        CUCUMBER En théorie, un mec qui arrive avec le grand projet transmedia de produire trois séries devant épouser toutes les facettes de la vie quotidienne des gays en 2016 (15), on le regarde plutôt en arrondissant les yeux. Même si c'est Monsieur Russel T. Davies, qui avant de ressusciter Doctor Who conçut la dernière (et seule ?) série de référence sur le sujet (Queer as Folk, bien sûr). Sur le papier, la trilogie comportant Cucumber (la version adultes sur Channel 4), Banana (la version teen sur E4) et Tofu (la version bricolo sur le site Web du groupe) a quelque chose de totalement mégalo et, surtout, chronophage - ce qui explique qu'il m'ait fallu un peu de temps pour m'y mettre. Sans préjuger de la qualité de Banana (Tofu est incompréhensible si l'on n'a pas vu les deux autres), Cucumber ne réussit le pari qu'en partie mais parvient malgré tout à ressusciter quelque chose des séries brit des nineties... une forme de folie, un sens de la vanne typique de Davies, une capacité à croquer des personnages forts et attachants en quelques scènes - même quand ce sont d'affreux connards. C'est que sur Channel 4, dont Queer as Folk fut l'un des premiers succès internationaux, on s'est un peu égaré depuis. On a beaucoup décliné la formule sex, drugs and pop avec des individus de tous les genres/âges/orientations sans en retrouver forcément la magie (surtout ces dernières années). Rapatrier le concept de Davies (initialement prévu sur Showtime) est une aubaine au moins pour eux, et Cucumber, un retour aux sources pour tout le monde. Le hic, c'est que cette nouvelle comédie dramatique ne fait pas tant que ça oublier son ancêtre, puisqu'elle se positionne beaucoup par rapport à elle. Ni plus ni moins, Cucumber est un Queer as Folk dont le héros aurait vieilli, perdu ses cheveux, trouvé l'amour mais chercherait toujours autant sa place dans la société. Henry est un double outrancier de Davies comme Vince l'était avant lui, et les références innombrables à la série achevée quinze ans plus tôt renforcent encore la comparaison alors qu'elle ne devrait pas subsister au-delà du pilote. Bon, cela reste agréable à regarder - que tout le monde se rassure. Cucumber recèle des moments de loufoqueries irrésistibles, sans oublier des réflexions existentielles assez géniales sur l'étiquetage des pratiques sexuelles gay ou la popularisation des femmes aux visages plats via les films de Michael Bay.

        Pale Grey Skies

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        [Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°113]
        Mechanical Animals - Marilyn Manson (1998)

        Ziggy Stardust a comme un vieux mal de crâne. C'était sympa, ces années soixante-dix ; la dope était bonne – les groupies aussi – mais il en a peut-être un peu abusé. Cela ne s'est guère arrangé après. Les années quatre-vingts ? Aucun souvenir. Le début des nineties ? Il se rappelle vaguement avoir déchiré des jeans cinq minutes après les avoir achetés, mais le reste est assez flou. Non vraiment, tout tourne au ralenti ce matin. Même la date du jour. 14 septembre 1998 ? Déjà ? Ziggy plisse les yeux de douleur. Il va peut-être attendre encore quelques minutes avant d'ouvrir les volets.

        Marilyn Manson a tué son meilleur album en novembre 2000, lorsqu'il se mit à déclarer – a priori dans l'unique but de vendre son gros four artistique du moment – que ses trois derniers disques formaient une trilogie inversée – de l'innocence souillée de Holy Woodà l'apocalypse industrielle d'Antichrist Superstar, en passant par l'on-ne-sait-trop-quoi de Mechanical Animals (une zone de gris, probablement et à en juger par sa pochette). Le genre de déclaration grandiloquente dont il a toujours été coutumier, mais qui cette fois-ci semblait trop grosse, trop sortie de nulle part pour être autre chose qu'un bon gros foutage de gueule. Le premier d'une longue série ponctuée d'autant de sursauts créatifs et de changements de line-up, d'albums de la maturité-car-figurez-vous-que-son-cœur-saigne et de retours aux sources taries de l'indus-metal-en-fusion-que-même-il-fait-fondre-la-couette-One-Direction-de-ta-petite-sœur. Manson n'a plus jamais vraiment été Manson après Mechanical Animals– ou peut-être conviendrait-il de dire qu'il n'a plus jamais été Brian Warner, cet ado précocement vieilli qui voulait se déguiser en Bowie mais ne ressemblait qu'à un vieux travelo alcoolique, vibrait honteusement pour Maiden, Priest et le hard FM le moins avouable, et prétendait ressusciter le glam-rock en publiant l'un des albums les moins paillettes et les plus déprimants des années quatre-vingt-dix. Lui, le meilleur disciple du Duke ? Tu parles : le garçon avait tout pigé de travers, et au lieu d'un climax où il assassinait son double, il nous servit en guise d'apothéose un chef-d'œuvre dans lequel il se supprimait lui-même.


        L'idée-même de trilogie (inversée ou pas) était quoiqu'il en soit absurde, puisque quel que soit le sens dans lequel on la prenait, Mechanical Animals en occupait la position centrale. Soit donc la seule qu'il ne pouvait décemment tenir – si ce n'est peut-être du strict point de vue harmonique – tant il oscille entre préliminaires et apogée, comme s'il avait été conçu pour ne jamais avoir d'avant ni d'après. Mechanical Animals aurait pu être un premier album, oui. Ou un dernier. Des débuts pétaradants, gorgés de hits sous lesquels perce un indicible malaise (ce "Dope Show", tout de même...), ou bien l'épilogue sous assistance respiratoire d'une décennie qui, à quelques gros tubes britpop près, aura surtout ressemblé à un "Coma White". "Posthuman", Manson ? Plutôt post-grunge, post-indus, post-neo-metal. Post-nineties, ces foutues années qui ont vu la mort des grands courants esthétiques du rock'n'roll, des guerres de chapelles et des rockstars faisant se pâmer les stades. C'est toute l'affaire de "Rock Is Dead", énorme hit un peu mal fagoté et au moins tout aussi mal compris. Ce n'est pas le rock lui-même, qui est mort. Lui est là pour rester, comme aurait dit "le seul artiste grunge" que Manson avoua un jour avoir aimé. C'est ce rock-là. Son imagerie et même son iconographie, en ces temps où déjà, les nouvelles stars se contentent de singer les anciennes (et lui donc). Monumentale, cataclysmique et à deux doigts de faire monter des éléphants roses sur scène, la tournée qui suivra en sera le testament logique, une revisitation outrancière et surproduite de tous les excès rock'n'roll possibles et imaginables, comme si dans le fond celui qu'on surnomme encore le Révérend savait que tout cela était déjà terminé. S'il se retrouve à pasticher Bolan à la sauce X-files, ce n'est pas tant qu'il lui voue une admiration démesurée, ni même qu'il entrave quoi que ce soit à T-Rex. C'est tout simplement parce que Bolan, son élégance, sa voix velouté et son charisme animal symbolisent ce rock agonisant dont il est l'ultime hoquet. Lui dont les gestes sont chaotiques, le look aléatoire, la voix calcinée et la présence assez peu tangible une fois tombé le maquillage. Marilyn Manson, on considère trop cela comme un détail, est sans conteste la rockstar la plus moche depuis l'invention de la guitare électrique. Comment s'étonner que ce grand machin mal fichu essaie de se glisser dans les sapes de l'ange Bolan ou du félin Bowie ? Les enfants se choisissent rarement les héros les plus repoussants. Le plus fou, dans son cas, est qu'il ait à ce point réussi à tromper son monde, en proposant des ces icônes déchues – ou pire : vieillies – la version triste, décadente, décolorée.


        Si les compositions de Mechanical Animals, assez exemplaires, ont suffisamment tourné en boucle pour aspirer à l'intemporalité, il convient cependant pour parfaitement en saisir les tenants et aboutissants de les replacer dans leur contexte. On l'a presque oublié désormais, mais Mechanical Animals n'est pas "juste" un proverbial troisième album dit de la maturité. C'est le dernier des années 90, le premier sans Trent Reznor, le premier également – surtout – après la scarification starification. Vedette montante de la scène metal branchée il y a encore une poignée d'années, Warner est devenu entre temps LA plus grande rockstar de son pays, LA plus grande rockstar depuis Kurt Cobain, LE sujet de discussion chez tous les kids white trash des États-Unis. Ce qu'il a toujours rêvé d'être, en somme. Et qu'il vit tellement mal, désormais. Alors qu'il ne se passe pas une journée sans qu'on parle de lui à la télé, que les rumeurs les plus folles circulent à son sujet, qu'il a terminé la précédente tournée en étant menacé de mort quasiment chaque semaine... Manson s'aperçoit que ce n'est pas si cool que ça, d'être Ziggy, et a de plus en plus de mal à faire le lien entre son personnage épouvantant parents et ligues de vertus et Brian Warner, ce fils de prolo timide et solitaire qui rêvait juste qu'on le laisse avoir les cheveux longs à l'école. Écartelé entre la conscience qu'il doit avancer sans son mentor et une compréhensible peur du vide, il se renferme sur lui-même, ne fréquente plus que son vieux compère Twiggy et son néo-complice Billy Corgan1, vire un énième guitariste et ne sort plus la tête du sac que pour se défoncer avec Dave Navarro – ce qui, on ne le dira jamais assez, n'est jamais une bonne idée. Pensé un temps pour paraître sous le titre d'Omega & The Mechanical Animals (qui sera réutilisé pour le merch', il n'y a pas de petit profit), le troisième album prend des airs d'ouvrage solo, chronique autistique et paranoïaque de la vie d'une rockstar qui tremble à l'idée d'être reconnue dans la rue, a juste à se démaquiller pour éviter que cela arrive, mais ne peut décidément pas s'empêcher de le provoquer. À dominante acoustique et malheureux comme les pierres, n'évoquant dans ses texte que solitude, tromperie, trahison et dépression, et dans ses ambiances que les paysages glaciaires qui serviront plus tard de cadre au clip de "The Great Big White World", le résultat est parti pour ne ressembler à rien, c'est-à-dire à un peu tout et n'importe quoi. Fort heureusement – ou malheureusement, étant donné sa saveur – le mésestimé Michael Beinhorn va se pencher sur son cas et en extirper la substantifique moelle, plus sophistiquée quoique tout aussi désolée, pour offrir à "The Speed of Pain", "Disassociative" ou l'éloquent "I Want to Disappear" un son dense à la hauteur de leur claustrophobie.


        Le résultat est incroyable. L'un des albums les plus immersifs de son époque, malgré ses défauts ou son côté bicéphale – moitié confession glauque sur oreiller crasseux, moitié délire de rockstar en plein bad trip. Les titres calmes sont habités par une violence insoutenable. Les morceaux les plus rock'n'roll crient aimez-moià chaque refrain. Alors que quelques mois plus tôt, l'autre groupe américain le plus populaire de sa génération étalait sa vacuité au long d'un disque dont même la pochette par Todd McFarlane sonnait creux, Manson transcende ce vide existentiel, le digère, le rend presque tangible par instants.

        Et pourtant à la minute où paraît Mechanical Animals... à la seconde où l'adolescent que je suis encore l'achète, lui et moi savons déjà que tout est terminé. "This isn't me, I'm not mechanical / I'm just a boy / Playing the suicide king" feule le chanteur dès la plage 3 (le morceau éponyme, comme de juste), sans que quiconque semble prêt à l'entendre. Les pitreries, le grand-guignol... tout cela aurait dû immédiatement voler en éclat. Un Last Tour on Earth histoire d'étrenner le nouveau costume – et n'en parlons non plus. Sauf que non. Inexplicablement, le contraire s'est produit. Peut-être parce que l'heure était plus à la solitude post-moderne et au cynisme qu'à la naïve incandescence de Ziggy Stardust, Marilyn Manson est resté Marilyn Manson. A publié un autre album, puis encore un autre... puis tout un tas d'autres, chancelant sans cesse, un coup je te montre mes muscles, un coup je t'ouvre mon cœur. Un coup je te fais du meutal qui fait boum boum, un coup je te dévoile ma face romantico-torturée. Jamais plus la démarche n'a paru aussi sincère et viscérale que dans ce disque tout en faux-semblants, qui se la joue industriel en étant très organique, glam-rock'n'roll en étant dépressif, pugnace en étant désespéré. Quand son maître Bowie a passé sa vie à changer de masque, Brian a simplement continué de s'effacer, disque après disque. Perdu pour la pop et des milliers de fans endeuillés, il n'aura enregistré en tout et pour tout qu'un seul album, Omega & The Mechanical Animals, paru le 14 septembre 1998 dans l'indifférence générale d'un monde trop occupé à imaginer le prochain scandale scatologique de Marilyn Manson.



        Trois autres disques pour découvrir Marilyn Manson Brian Warner :

        Portrait of an American Family (1994)
        Antichrist Superstar (1996)
        The Pale Emperor (2008)


        1.Qui devait apparaître sur l'album, avant que son auteur ne change d'avis de peur qu'on le rendît responsable d'un virage "pop" au demeurant très relatif.

        [GOLBEUR HORS-SÉRIE #2] Ces séries je golberais tellement de golber...

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        Dans le précédent hors-série de cette rubrique, nous avions évoqué des séries auxquelles il convenait de laisser du temps pour qu'elles prennent leur pleine mesure, chose devenue de plus en plus difficile de nos jours. En toute logique, ce second Golbeur hors-série se devait de proposer l'exercice miroir, soit donc des séries auxquelles j'aurais laissé plein de temps... en vain. Pour être exact, des séries que je golberais de golber– soit donc qui, sur le papier, en raison de leur sujet ou de leur casting, devraient compter parmi mes préférées du moment... mais ne récoltent malheureusement qu'indifférence et (relatif) mépris de ma part, sans toujours que je sois en mesure de me l'expliquer clairement moi-même. Parce que ce n'est pas si facile qu'on le croit, de nager à contre-courant. C'est parfois même assez frustrant (lorsqu'on n'est pas du genre à le faire exprès).

        Vous l'aurez compris, cette sélection ne se compose donc pas de mauvaises séries en soi. Au contraire, il s'agit plutôt de bonnes séries, toutes plus ou moins considérées comme appartenant au haut du panier actuel. J'aime juste vous donner l'occasion de me jeter des trucs.

        Oh et ne réglez pas votre mire : il n'y en a que neuf, car je m'en étais un peu voulu après coup de racler les fonds de tiroirs dans le précédent hors-série.



        The AFFAIR (Showtime, depuis 2014)

        J'en ai vu : 1/2 saisons Hagai "In Treament" Levi qui lance une série mi-thriller mi-drame psychologique avec Ruth Wilson et Dominic West... comment est-il possible que je puisse ne pas aimer ? Je n'ai même pas réfléchi trois secondes avant de lancer le premier épisode de The Affair, le lendemain même de sa diffusion. Et j'ai adoré. Parce qu'en plus, voilà qu'on me tricotait le genre de construction narrative tip top comme j'aime. Dès lors, tous les voyants étaient au vert. Je pouvais tout pardonner, même Showtime. J'étais quasiment prêt à encenser Joshua Jackson. Et puis... plus rien. Au bout de quelques semaines, j'ai commencé à me demander pourquoi je regardais – ce qui n'est que très rarement bon signe. Et la vérité, c'est que je ne savais pas trop quoi répondre à cette question. Je n'ai pas réellement de grief à formuler à l'encontre de The Affair ; mais son univers, ses thèmes... me laissent absolument indifférent. Je me fous des histoires d'adultères de bourgeois blanc auto-centrés comme de ma première capote usagée. Cela ne m'intéresse absolument pas, et si j'entends bien que Levi avait déjà introduit toutes ces thématiques dans In Treatment, sa précédente série avait cependant pour elle un double argument imparable : le "charmisme" de Gabriel Byrne et un format, ultra-épuré et dans le même temps quasi-expérimental, qui ne pouvait que faire mouche. Devant The Affair, j'ai rapidement compris que les gesticulations narratives du scénario n'avaient pour but que de meubler le vide. Lorsque le personnage de West a commencé à me taper sur les nerfs, j'ai arrêté. Sans le moindre remord mais sans vraiment avoir de mal à dire de la série, non plus. De toute façon, il s'agissait d'un drama de Showtime. Il était évident que ça ne pourrait pas s'arranger en saison 2, comme a priori tout le monde a pu s'en rendre compte l'automne dernier.


        ARCHER (FX, depuis 2009)

        J'en ai vu : 5,5/7 saisons Quand j'ai regardé la première saison d'Archerà l'époque de sa diffusion, j'ai trouvé ça assez médiocre et décevant compte-tenu de ce que le show promettait sur le papier. Je n'y suis revenu que des années après, sous l'impulsion de mes camarades du CDB (tous très fans, comme en témoignent sa présence permanente dans le Top 20 et ses passages ponctuels sur le podium. Je crois bien d'ailleurs que la seule raison pour laquelle elle n'est pas plus haut, c'est la note plus réservée que je lui ai mise). Mais alors qu'ils ont réussi à me convertir à Banshee (et d'autres), aucun argument n'est à ce jour parvenu à me convaincre qu'Archerétait autre chose qu'une série moyenne n'exploitant jamais pleinement son potentiel – en tout cas, jamais sur la durée d'une saison entière. Il est vrai qu'elle est doublement handicapée par le fait d'être et une comédie, et un dessin animé, deux registres dans lesquels je suis souvent particulièrement dur à satisfaire. Le pire, c'est que j'aime bien Archer. Je devrais même l'aimer encore plus, tant son style d'humour est proche du mien et tant son univers m'est familier. Sauf que non. Je ne peux m'empêcher de la trouver beaucoup trop bavarde, maniérée et, surtout, répétitive : entre le milieu de la saison 2 et la fin de la saison 3, je n'ai pas été loin de réellement adhérer... le problème, c'est que c'est pile à ce moment-là que la série commence à décliner et à rejouer inlassablement des mêmes gimmicks, usant et abusant d'un comique de répétition qui devient carrément épuisant arrivé à la saison cinq – totalement foirée et que j'ai vraiment dû me forcer à terminer. La triste vérité est que la seule raison pour laquelle je suis presque à jour est que ma liste de comédies à mater se compose principalement de vieilleries extrêmement dures à trouver même sur le Net, alors que les saisons d'Archer sont dispos partout, même à la télévision publique française. Notez que ce dernier détail aurait peut-être dû m’alerter.


        BLACK MIRROR (Channel 4, 2011-15 ; Netflix, depuis 2016)

        J'en ai vu : 7/7 épisodesBlack Mirror est une série absolument géniale, malheureusement elle l'est surtout sur le papier. Moi, on me parle d'une anthologie de SF/anticipation, je cours, peu importe que ce soit produit et écrit par l'auteur du nullissimeDead Set. Avec deux saisons de trois épisodes plus un christmas special, ce n'est de toute façon pas l'investissement de l'année en terme de temps. Las, Black Mirror s'est fait au fil des années une spécialité de trouver des pitches excellents qu'elle finit toujours et invariablement par ruiner en cours de route. Et les rares fois où elle réussit à tenir jusqu'au bout de l'épisode, comme dans le très glauque "15 Million Merits" (1x02), c'est uniquement parce que celui-ci est cousu de fil blanc. Pourtant je vous jure, j'ai vraiment envie d'aimer Black Mirror. S'il y a des consensus qui m'échappent parfois, je comprends très bien pourquoi cette série-ci fait presque l'unanimité tant elle est ambitieuse, parfois surprenante et toujours très intelligente dans son approche (si l'on excepte le très, très mauvais pilote). Mais ça ne le fait jamais complètement chez moi et au final, il a fallu attendre deux ans, une guest de Jon Hamm et l'ultime épisode de la période Channel 4 pour qu'enfin, je me dise ah ! voilà un très bon téléfilm ! Malheureusement, comme la suite sera lessivée par Netflix en une nouvelle saison de douze ou treize histoires, on peut d'ores et déjà présumer que ce plaisir restera sans suite. On parle quand même de mecs qui n'arrivaient déjà pas à être constants sur des mini-saisons très exactement dix fois moins longues.


        DAREDEVIL (Netflix, depuis 2015)

        J'en ai vu : 1,6/2 saisons Je ne sais vraiment pas ce qu'il me faudrait de plus pour adorer Daredevil. Tout y est très bien, de la réalisation au casting en passant par la photographie. Ok, pas trop le costume, mais admettons que ce soit secondaire, a fortiori parce que je ne suis pas un fétichiste du personnage. Réellement, tout est réuni pour que je sois fan de cette série, tout particulièrement dans la seconde saison, bien plus aboutie... et pourtant, je reste assez froid en la regardant – pas vraiment investi, jamais à fond et prêt à enchaîner avec l'épisode suivant. L'an dernier, j'avais mis ça sur le compte de sa diffusion (c'était la première fois depuis House of Cards que je regardais une série de Netflix la semaine où elle sortait), de la lenteur de l'intrigue, du parti-pris ultra-réaliste dont je ne suis pas forcément client dans les adaptations de superhéros (même si j'entends bien qu'aucun héros Marvel ne se prête plus à une démarche post-Nolan que celui-ci). Sauf qu'entre temps, il y a eu Jessica Jones, dont l'esthétique pourtant relativement similaire n'a pas empêché que j'adhère à 100 %. Et qu'en saison 2, l'intrigue est bien plus vive et dynamique que durant la (trop) longue exposition de 2015 ; presque tous les défauts des débuts (les dialogues ultra-sentencieux, les clichés de série B, le manque de second degré et la distance gênante entre le héros et le spectateur) ont été rectifiés. Et pourtant, je ne suis toujours pas fan de Daredevil. J'en ai même un peu marre de voir le pauvre Matt se faire défoncer la gueule dans quasiment chaque épisode, ce qui était compréhensible (mais déjà très excessif) en saison 1 et commence à sérieusement tourner au gimmick (sans déconner : même dans une scène où il flirte avec Elektra, les mecs arrivent à le faire saigner, ils ont vraiment un problème). Le plus dingue, c'est qu'il y a bien un fan de Daredevil chez moi : ma femme, que j'avais un peu forcée au départ, et qui au final aime beaucoup plus. De là à dire qu'il s'agit d'une série de superhéros pour ceux qui n'en ont rien à secouer des superhéros...


        GAME OF THRONES (HBO, depuis 2011)

        J'en ai vu 5/5 saisons En réfléchissant bien, si j'ai pu salué Game of Thrones dans ces pages, c'était surtout à l'époque où la lecture des romans était relativement fraîche dans ma mémoire. Je ne suis pas certain qu'il en aurait été de même si je les avais lus depuis beaucoup plus longtemps alors, et je suis à peu près convaincu que cela n'aurait pas été le cas si je ne les avais pas lus du tout. Il serait mentir de dire que je n'aime pas la série la plus populaire du monde ; ça le serait tout autant de supposer que le buzz grandissant a fini par m'avoir à l'usure – dans le sens inverse de ma mère. En revanche, ce serait encore plus mentir de laisser penser que j'aie quoi que ce soit à ficher de ce qui se passe dans ce show, que je ne suis plus que mollement, un peu à reculons et principalement pour vivre avec mon temps. De même que je lis toujours les best-sellers du moment parce que j'estime qu'en tant que spécialiste de littérature, je suis supposé savoir ce qui plaît à la majorité, je continue à suivre Game of Thrones tout en me faisant royalement chier devant et, surtout, en comprenant de moins en moins le pourquoi du comment de sa notoriété (je pense sincèrement que plus de la moitié de ses spectateurs sont incapables de nommer plus de la moitié de ses personnages). Dans le fond, même quand j’aimais bien, je n'étais pas réellement investi dans la série et avais plus de critiques que de louanges à formuler. A mes yeux, elle n'a jamais su sortir de l'illustration platounette de l’œuvre de Martin, et si j'ai longtemps cru que c'était parce que celui-ci était trop impliqué dans son développement, j'ai pu constater dans les saisons 4 et 5, qui utilisent beaucoup plus d'éléments originaux, que le problème était plus à chercher du côté de la compétence des scénaristes. Pour tout vous dire, j'ai parfois l'impression que Game of Thrones vient à peine de commencer. Sans doute en raison de la disproportion entre le (petit) nombre d'épisodes et le (très très grand) nombre de protagonistes, j'avais le sentiment en saison 5 d'être devant une saison 2, avec toutes les maladresses que l'on peut encore excuser à ce stade. Mais peu importe, puisque deux choses sont déjà acquises : je regarderai la prochaine saison, et celle-ci sera principalement composée de a) scènes de têtes à têtes figées (85 %, dont 69 % en intérieur), b) scènes "choc" qui vont faire piailler Twitter et Facebook (10%), c) scènes de nudité féminine rigoureusement inutiles (5 %).


        IT's ALWAYS SUNNY IN PHILADELPHIA (FX, 2005-2012 ; FXX, depuis 2013)

        J'en ai vu : 7/11saisons La haine enrichit peut-être la lucidité, mais de là à dire que ça ne fait pas grossir, Céline s'est peut-être un tantinet avancé. En tout cas, moi, j'en ai gros sur le cœur chaque fois que je m'aperçois combien je déteste viscéralement les personnages d'It's Always Sunny, au point d'être souvent incapable d'apprécier les épisodes. Affreux, sales et méchants... on connaît la formule, et elle a rarement été aussi bien illustrée. Théoriquement, je devrais adorer ça. It's Always Sunny, c'est tout ce que j'aime. Un humour dur, cruel, mordant, brillant... sans jamais taper dans le cérébral ni le trop référencé. Le hic, c'est que vraiment... je hais ces personnages tous plus cons, idiots, moches et mêmes sales les uns que les autres. Je les vomis. J'ai envie de les frapper chaque fois qu'ils ouvrent leurs sales gueules. C'est viscéral. Incontrôlable. Il m'est absolument impossible d'avoir envie de revenir chaque semaine pour retrouver des gens aussi déplaisants et néfastes, aussi totalement vides, vains et dépourvus du moindre bon côté. Le Gang d'It's Always Sunny, ce sont un peu les enfants difformes de Larry David. Ils composent un groupe d'amis aussi antipathiques que celui deSeinfeld et se retrouvent dans des situations dont aucune ne dépareillerait dans Curb Your Enthusiasm. Sauf que chez David, il reste toujours un fond d'humanité à ces gens, un reste de culpabilité judéo-chrétienne ou tout simplement un vague sentiment de honte. Lui-même, en tant que personnage de Curb, est certes un affreux connard mais il reste malgré tout un être brillant et supérieurement intelligent (peu importe qu'il ne fasse à peu près rien de ces qualités). Les personnages de Philadelphia, eux, sont juste des crétins congénitaux qui en plus changent totalement de personnalités au gré du vent, ce qui les rend encore plus horripilants. Le pire, c'est que malgré cela, la série arrive à être souvent hilarante, et que je n'ai pas complètement renoncé à la voir en entier, même si j'y mets peu de cœur.


        JANE THE VIRGIN (The CW, depuis 2014)

        J'en ai vu : 1/2 saisons Jane the Virgin est une véritable anomalie dans mon système. Une série où tout semble tellement avoir été fait pour moi que je l'adorais déjà avant d'en avoir vu la moindre minute... et qu'à vrai dire, j'adorais certainement beaucoup plus à ce moment qu'une fois que j'ai eu commencé à la regarder. C’est sans doute un peu la faute des critiques, qui ont beaucoup insisté sur l'aspect humoristique du show (sans doute parce qu’elles n’assumaient pas complètement de kifer ce genre de truc), lui donnant une image de parodie de telenovela qui ne correspond que partiellement à la réalité. Jane the Virgin, qui est d'ailleurs adaptée de l'une d'entre elle, est bien plus dans le pastiche décalé, voire dans l'hommage, ce qui n'est pas pour me déplaire dans l'absolu mais se heurte au fait que... je préfère largement le bon vieux prime-time soap à la Dallas (dont Empire est actuellement la plus digne héritière), avec des rois décadents se volant les sociétés comme dans un Monopoly dadaïste, que les histoires d'amour cucul la praline. Si j'ai souri quelques fois au début, il m'a fallu un certain temps pour admettre que cette série tellement faite pour moi ne l'était en réalité pas tant que cela, et que je n'avais dans le fond pas à grand-chose à faire de l'histoire et des personnages, aussi bien interprétés fussent ces derniers (le casting est formidable). Parce qu’il y a un vrai savoir-faire, attention. Je comprends parfaitement que la jeune Gina Rodriguez ait gratté un Golden Globe l’an passé (par exemple). Dans l’ensemble, je trouve ça très bien fichu, original, souvent inspiré... mais nom de Dieu, je m’en... bats les couilles. Ni plus, ni moins. Je n’aime ni le ton (très gnangnan, malgré le second degré), ni le style d’humour (qui manque quand même de soufre et de mordant), et un soap sentimental où les petites filles rêvent du Prince Charmant et où les vierges prolétaires s’arrachent à leur condition pour devenir des princesses, voilà typiquement le genre d'histoire qui me laisse froid comme le marbre. Et croyez-le, ça m'emmerde un peu de le dire. Parce que Jane the Virgin est certainement, objectivement, l'une des séries les plus singulières, fantaisistes et abouties qu'on trouve à l'antenne actuellement.


        PEAKY BLINDERS (BBC Two, depuis 2013)

        J'en ai vu 2/2 saisons De l'inconvénient de ne pas suivre certaines séries de manière soutenue : si j'avais plutôt bien golbé la première saison de Peaky Blinders (je crois d'ailleurs en avoir parlé dans cette rubrique à l'époque de sa diffusion), je me suis aperçu au moment d'entamer la suivante qu'hormis le magnétisme de Cillian Murphy, je n'en gardais pas tellement de souvenirs. Ça partait mal et ça ne s'est pas arrangé : dès le début de la seconde occurrence, j'ai bien senti que je n'étais plus dedans, je ne comprenais pas tout et ai même hésité à revoir la première en diagonale. Mais n'était-ce pas déjà un aveu d'échec de la part de la série elle-même ? Je n'allais quand même pas m'excuser de ne pas avoir été marqué par son intrigue ? La vérité c'est que Peaky Blinders est une bonne série qui en rappelle plein d'autres, tellement d'autres que l'on finit se mélanger les pinceaux. Esthétiquement très soignée (même si la bande son pop rock 1994-2004 finit par soûler au bout d'un moment tant elle est systématique et répétitive), elle souffre pas mal du manque de charisme de ses acteurs secondaires, et gagnerait à simplifier ses intrigues aux ramifications un peu trop évasées. Surtout, elle irrite par instants tant elle semble ne pas assumer, même si l'on n'arrive pas à savoir quoi : est-elle une série anglaise voulant se la jouer américaine, ou au contraire une série américaine déguisée en série anglaise ? Dans tous les cas, l'alliage est branlant et m'a profondément ennuyé en saison 2, alors que pourtant... Peaky Blinders, c'est plutôt cool.


        YOU'RE THE WORST (FXX, depuis 2014)

        J'en ai vu 2/2 saisons Les comédies de FXX me plongent décidément dans des états indescriptibles, entre le malaise d'It's Always Sunny et la fascination muette face à Man Seeking Woman, sans oublier feu Wilfred qui avait une capacité assez hors-norme à me provoquer des crises d'angoisse existentielle (j'y reviendrai un jour, promis). On appelle sans doute cela une politique éditoriale, et You're the Worst n'y déroge pas le moins du monde. Dès le départ, il y a une espèce de décalage entre ce qu'entend être la série (une anti-comédie romantique dont les personnages sont trop égocentriques pour s'oublier dans leur relation), et ce que j'en pense (je trouve ça bien écrit et bien joué tout en restant assez froid à cette vision, alors que l'idée me plaît et que je trouve qu'elle est plus rondement menée, évitant réellement le gnangnan qui lui pend au nez). Les choses ne se sont guère arrangées en saison 2, puisque de mémoire, je ne me rappelle pas d’une série qui aurait à ce point vrillé en cours de route, de manière aussi brutale et incontrôlée. C’est super sombre, super triste, les personnages chialent, se déchirent, se mettent sur la gueule… et paradoxalement, c'est aussi plus drôle et cruel que précédemment. Face à You're the Worst, ce n'est pas tant que je ne sache pas pourquoi je n'aime pas plus que ça – c'est surtout que je ne sais pas quoi penser, tout court. Et que les premières minutes suivant la fin de l'épisode sont principalement consacrées à dissiper la brume du malaise avant de déterminer si j'ai aimé ou non (des sentiments qui, d'ailleurs, trouvent un écho dans ce que m'inspirent les personnages : je ne sais pas si je trouve super sexy et attachant ou carrément repoussants). Quelques mois plus tard, je n'ai pas du tout avancé dans mes réflexions, mais aussi bizarre que cela puisse paraître, je sais déjà que je serai devant la saison 3. Par contre, ne me demandez pas pourquoi.

        The Walking Contradictions

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        [Taux de Spoil – série et comics : 92,4 %] Depuis quelques années, mon instinct de survie me dicte de binge watcher la série la plus regardée au monde (je ne m'y ferai jamais...). J'ai beau ne pas être très friand du principe, qui restera toujours pour moi l'antithèse de tout ce que doit me procurer une série télé (ce sentiment de, attention grands mots, grandir avec ses personnages), il m'est impossible de suivre à un rythme hebdomadaire un show qui en manque tellement (de rythme), et qui se repose sur quelques scènes d'anthologie généralement disséminées dans ses épisodes finaux (car The Walking Dead, série évènementielle même lorsque ses personnages ne font rien – c'est-à-dire souvent – a deux épisodes finaux par saison – on est la série la plus regardée au monde ou on ne l'est pas). Un peu contraint et forcé, j'ai donc pris l'habitude de regarder le season premiere au moment de sa diffusion (histoire de rester dans de bonnes dispositions), puis d'attendre sagement que la saison soit terminée pour y revenir – ce qui explique que la série la plus regardée au monde (peut-être qu'en le répétant, ça finira par rentrer) n'ait pas été évoquée sur Le Golb depuis plus de trois ans (je suis sûr que certains pensaient que je la snobais parce qu'elle était la série la plus regardée au monde). Tellement longtemps qu'un petit rappel des faits s'impose.

        Previously, on The Walking Golb En saison 4, nos héros en ont fini avec le Gouverneur (devenu une parodie de lui-même à force d'avoir tiré sur la cordelette de son bandeau), Hershel (le seul personnage supérieur à sa version comics1) et les gamines sociopathes qui devaient remplacer Sophia parce qu'elle avait été tuée avant épuisement du quota de gamines sociopathes imposé par AMC (en association avec, j'imagine, l'UNESCO et la Fédération Internationale des Gamines Sociopathes)2. Ils ont eu la grippe (aussi invraisemblable que ça puisse paraître, c'était passionnant !), perdu leur prison, marché, campé, se sont éparpillés dans la nature, ont rencontré des gens aux looks franchement ridicules (mais Eugene version TV est quand même bien fun), d'autres au look normal qui voulaient les manger... pour finalement avoir tous droit à de très jolies scènes d'exposition (oui, en saison 4. Il n'est jamais trop tard pour bien faire). Ah et Beth a été au centre du meilleur épisode de la saison, ce qui lui a valu de disparaître immédiatement du casting régulier. Il a dû se passer d'autres trucs mais je ne m'en rappelle plus parce que c'était il y a deux ans et qu'en vrai, j'ai surtout beaucoup dormi. Tellement qu'à mon réveil – CLIFFHANGER!!! : le showrunner n'avait pas été viré, comme le voulait pourtant la tradition à la fin de chaque saison.

        Au premier plan, Carl (qui en saison 4 n'était pas encore devenu un adolescent repoussant) découvre que son père est un apôtre du Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Au second plan, des gens principalement introduits dans la série pour mourir d'une mauvaise grippe.

        En saison 5, donc, pour la première fois depuis sa création, The Walking Dead s'est surprise à afficher une certaine cohérence, dans l'approche générale (dont une volonté assez nette de revenir aux intrigues des comics) comme dans l'écriture (des focales sur différents personnages, quitte à ce que Rick n’apparaisse pas pendant trois épisodes). J'en étais tout retourné, mais pas au point d'en perdre le sommeil – cohérence quand tu nous tiens, cette saison comme la précédente contenait un tunnel d'épisodes soporifiques en son milieu, dégueulant de passages contemplatifs sur fond d'éviscérations, d'épisodes sans dialogues ou de fillers articulés autour de personnages tertiaires juste pour le plaisir de les voir mourir (ne mentez pas : vous aussi, vous avez adoré le spin off L'Hôpital et ses zombies avec Beth dans le rôle de l'infirmière). Reste que les hauts en étaient beaucoup plus hauts et que pour la première fois depuis... le pilote, à peu près, certains passages s'avéraient assez nettement supérieurs au matériau original. L’arrivée à Alexandria, les premières tensions, la montée en puissance, les enjeux psychologiques… tout cela était globalement mieux, voire beaucoup mieux que dans les comics. Soit, cela correspondait aux passages les plus faibles de ces derniers. Et il est vrai également que deux paragraphes pour résumer une série où il ne se passe rien les trois quarts du temps, c'est un peu longuet – enchaînons.

        Cet automne, donc, me voici tout heureux de regarder le season premiere, avec chips et Pepsi Max (je n'étais pas encore désintoxiqué à l'époque), très heureux du cliff complètement overzetop de la saison précédente (les scénaristes n'avaient toujours pas été virés !), et là... la grosse cata. L'un des épisodes les plus chiants et soporifiques d'une série qui en contient pourtant un paquet dans le genre. Une heure cinq dénuée du plus petit enjeu narratif, affublée d'une construction en flashbacks/flashforwards sans la moindre justification, juste comme ça – pour faire joli. Aucun suspens. Aucun rebondissement si ce n'est qu'à la fin, les auteurs de cette purge avaient toujours leur travail et que The Walking Deadétait plus que jamais la série la plus regardée au monde (notons toutefois qu'il est difficile de changer de chaîne lorsque l'on dort). Cette fois-ci, j'ai sérieusement hésité avant de m'y remettre, d'autant que compte-tenu de la fidélité retrouvée des futurs chômeurs à l’œuvre de Robert Kirkman, je supputais que la suite allait plus volontiers ressembler à un crossover entre La Maison France 5 et Silence, ça pousse qu'à Z Nation (la vraie meilleure série de zombies actuellement à l'antenne, on ne le dira jamais assez). Ça n'a pas manqué, et quelques temps seulement après avoir vu la première partie de la saison 6, je suis purement et simplement incapable de me rappeler ce qui s'y est passé, mis à part que les "W" (des méchants intérimaires comme la série en embauche chaque année pour qu'on ait notre quota de sordide en attendant les vrais méchants badass issus des comics) ont fichu un sacré bazar, et qu'on nous a fait croire que Glenn était mort à l'aide d'un subterfuge narratif insultant qui, utilisé à l'identique dans n'importe quelle série de Network, aurait déclenché la fureur de critiques toujours très conciliants lorsqu'il s'agit de la série la plus regardée au monde (oui, cette phrase est très longue, mais je l'espère quand même moins chiante que cette saison 6A). Il a fallu toute la force de proposition du service marketing d'AMC pour me convaincre de regarder la suite, lequel a carrément mis les petits plats dans les grands en annonçant dès le mois de novembre non seulement que le terrifiant Negan serait de la partie, mais encore qu'il serait incarné par Môssieur Jeffrey Dean Morgan en personne. De quoi espérer que a) la moitié de cet horripilant casting meure très vite, si possible douloureusement ; b) qu'enfin, la série retrouve un peu du soufre après lequel elle court désespérément depuis des années, et qu'elle perd aussitôt de vue chaque fois qu'elle parvient à sa hauteur3. C'était entendu, j'allais rester.

        J'allais rester, oui, mais non sans me demander à quoi ressemblerait un personnage aussi vulgaire dans une série si avare en gros mots...

        Mille ans d'épisodes plus tard, "le méchant le plus terrifiant de l'histoire de la télé" (dixit le showrunner, qui n'était même pas bourré) aura pris son temps (huit mois de teasing pour dix minutes de présence à l'écran, même chez Game of Thrones, ils n'auraient pas osé), ce qui ne signifie pas qu'on se soit plus ou moins emmerdé que d'habitude en l'attendant. Je dirais même un peu moins, bien que l'on ait évidemment eu droit aux passages contemplatifs sur fond d'éviscérations, sans oublier cet épisode entier où Morgan ne faisait rien dans une cage. Mais allons : cette année, dans l'ensemble, nos scénaristes auront été sages, presque rapiats sur ces scènes d'un ridicule consommé auxquelles on était habitué – à croire que la sobriété apaisante de leur sister-show (nous y reviendrons) a fini par déteindre un peu sur eux. Ils ont en tout cas mis un point d'honneur à écrire des épisodes à peu près intéressants, voire à rester fidèles à l'esprit des comics... certes au prix d'une saignée narrative en bonne et due forme4– mais ne soyons pas chiens.

        Le revers de la médaille en chocolat, c'est que l'on voyait encore plus qu'à l'habitude les énooooormes ficelles et qu'à l'instar de Carol, il était difficile pour le spectateur de ne pas lentement se laisser envahir par la lassitude. Il est vrai que contrairement aux comics, où on l'en entrevoit à chaque tome (à part un ou deux) une réelle progression, un process tourné vers l'avant... la série exsude de plus en plus un sentiment de répétition, ressassant continuellement les mêmes thèmes avec des personnages différents. Parfois, cela aboutit à des idées intéressantes, voire à la rectification de certaines lourdeurs narratives de la version papier : il est par exemple tout à fait pertinent d'avoir choisi, pour incarner le Pacifisme, un personnage connu, identifié et apprécié du spectateur (Morgan) plutôt que de faire peser ce poids tout entier sur la galerie de nobodies qui compose la population d'Alexandria. Il n'était pas inintéressant non plus de profiter de ce qu'Andrea n'existe plus dans l'univers du show pour rapprocher Rick et Michonne, quitte à ruiner la plus belle amitié homme/femme de la série, en s'autorisant en contre-partie à approfondir une relation forte et complexe laissée un peu en jachère dans les comics (dans lesquels l'attirance entre les deux personnages est patente à un moment, mais jamais consommée). Le problème, c'est que dans The Walking Dead Live Action, ces bonnes idées aboutissent plus ou moins toujours aux mêmes questionnements, qui se rendent eux-mêmes aux mêmes résultats. Plus sombre, quelque part, que la morale des comics, la morale de la série est aussi plus simpliste et binaire : l'homme est un loup pour l'homme, seuls les forts survivent, tuer est un mécanisme de survie à peine moins naturel que manger ou dormir. Je disais plus haut que l'arrivée à Alexandria était à mon sens bien plus réussie dans la série ; c'était vrai l'an passé, cela l'est beaucoup moins cette année où la vision unilatérale de Rick Grimes est rapidement imposée à tout le monde, sans véritable résistance (Deanna finit par adhérer à son point de vue et lui confier les rennes, quand son équivalent dans les comics, Douglas, demeure méfiant et réticent jusqu'au bout). Les rares Alexandriens destinés à ne pas mourir sont d'ailleurs tous, sans exception, ceux qui soutiennent immédiatement les méthodes de Rick (Heath et surtout Aaron, qui devient presque plus royaliste que le Roi). La question de la légalité du meurtre désormais que nos héros ont rejoint une société plus civilisée devrait rapidement devenir centrale, or elle n'est qu'effleurée aux travers des doutes de Carol et de Morgan : ceux-ci arrêtent de tuer parce qu'ils ne le peuvent plus, parce qu'ils sont psychologiquement fragilisés (ce qui est au demeurant clairement identifié comme une faiblesse les mettant en danger5). Leurs dilemmes sont métaphysiques, en aucun cas éthiques. Même par eux – surtout pas par eux ! – la question de vivre autrement n'est jamais soulevée.


        Par bien des aspects, il est beaucoup plus difficile d'adapter en série une bande-dessinée plutôt qu'un roman – y compris lorsque, le cas échéant, l'objet adapté emprunte énormément à l'écriture télévisuelle. La gestion du rythme est totalement différente, sans même parler de l'espace disponible ou du rapport avec la suggestion – essentielle dans une BD, quand la télévision est par essence le medium le plus bavard qui soit. On ne peut pas dire que les scénaristes de TWD, passés comme présents, aient évité beaucoup des écueils qui se dressaient sur leur chemin, notamment une concentration assez bourrine et incompréhensible des intrigues6. Nombre d'entre nous ont d'ailleurs été surpris de constater à quel point Fear the Walking Dead semblait réaliste, presque documentaire dans son approche – rappelant en creux qu'il y avait dans la série-mère une forme de démesure graphique que l'on n'avait presque fini par ne plus voir, à force de lire des critiques très sérieuses de quatre-vingts pages nous expliquant à quel point tout ceci était profond si ce n'est existentiel. On se marre un peu en y repensant, ou bien l'on se demande si par hasard, certains n'ont pas confondu avec la version papier – qui elle, en effet, va aussi loin qu'elle le peut dans ce registre avec des armes aussi minimales qu'un crayon. Plus que jamais dans cette saison, son ombre plane sur la série... tout simplement parce que cette dernière ne lui a jamais été aussi fidèle, à tout le moins dans le strict déroulé des évènements, quitte à en reproduire certains dialogues à la ligne près. Et si tout le monde a pu se féliciter de voir la version télé recoller progressivement à son modèle, c'était avant de s'apercevoir que ses scénaristes entretenaient un rapport à ce point meta-gogol avec le matériau original que cela ne pouvait à terme que les envoyer dans le mur.

        Il va sans dire qu'en être encore à jouer du comparatif au bout de six saisons est plus que problématique : c'est tout à fait anormal. Même Game of Thrones, pourtant longtemps d'une fidélité quasi maladive au texte qu'elle adaptait, a fini par prendre ses distances (pas forcément pour le meilleur, mais c'est un autre débat). Comme toute adaptation d'un tel best-seller, celle de The Walking Dead divisait de facto ses spectateurs entre ceux qui avaient lu, et ceux qui ne l'avaient pas encore fait et/ou s'en fichaient. Deux peuples tout aussi fanatiques que l'équipe actuelle a tenté de réconcilier, avec malheureusement beaucoup de lourdeurs tant les deux premières saisons avaient éloigné le show de ce qu'il était supposé être au départ. La méthode a toutefois porté ses fruits cette année : la manière dont est introduit le personnage de Dwight (sa backstory des comics est partiellement intégrée à l'intrigue principale de la série) en est une preuve parmi d'autres. Voilà typiquement le genre de chose que, pour des raisons de place, les comics ne pouvaient pas faire – et par conséquent le genre de personnage que le show avait tout à fait raison de vouloir approfondir. La technique relève pourtant dans l'ensemble de la fausse bonne idée tant elle est inefficace pour faire oublier à n'importe quel fan des comics ce qu'il est en train de regarder. D'autant que tout n'est pas réussi comme l'introduction de Dwight – loin de là.

        Dommage quand même que le vrai Matthew McConaughey n'ait pas été disponible...

        Les lecteurs du Golb le savent, je considère qu'une bonne adaptation ne se mesure pas à sa fidélité – bien au contraire. J'ai suffisamment reproché aux scénaristes de Game of Thrones de ne pas savoir s'écarter des romans de George R.R. Martin, tout en encensant ceux de Hannibal pour avoir osé faire table-rase de la préexistence des différents livres et films. The Walking Dead a cependant une particularité propre, qui débouche sur des problématiques... plutôt sales : à la différence du fameux cycle de fantasy, en stand by depuis des années (et probablement destiné à ne jamais être fini, soyons lucides), ou plus encore des aventures de Hannibal Lecter, dont la dernière apparition hors télé remonte à plus de dix ans, The Walking Dead continue de paraître en kiosque tous les mois et ramène constamment la série à son statut de "simple" adaptation. Face à cette fatalité, la seule réponse devait être de prendre le plus de distance possible. Les auteurs ont fait exactement le contraire : ils ont rendu les armes avec une facilité déconcertante, signant la première saison de la série à n'introduire aucun personnage original, et ont décidé qu'en fait, c'était super trop cool que les comics existent, parce que cela pouvait faire... des easter eggs. Franchement : comment peut-on être aussi bête ? La série avait déjà du mal à gérer ses propres dynamiques, fallait-il vraiment qu'elle s'encombre en plus d'un discours pseudo-meta à l'attention des fans des comics ?

        Le résultat, inévitable, c'est que ledit lecteur, même conciliant et avide de voir l’œuvre originale révisée et/ou trahie, se trouve piégé dans un éternel et épuisant jeu des sept différences – d'autant plus embarrassant qu'il ne tourne que très rarement en faveur de la version TV. Il est vrai que cela participe d'une incompréhension presque totale des mécanismes narratifs des comics, qui reposent sur des éléments de tragédie antique, non de thriller. Le fait que la mort soit constitutive de ces deux univers parents a été intégré depuis longtemps par tout le monde (sauf, donc, Scott M. Gimple et ses copains) ; voilà des années que ce ne sont plus l'effet de surprise, la violence de l'acte ou la peur de voir un personnage mourir qui rendent les volumes de Kirkman et Adlard fascinants, mais le sentiment de désolation et d'inéluctabilité qui s'en dégage. En conséquence, systématiquement tuer tel personnage exactement de la manière dont tel autre est tué dans la version papier, contrairement à ce que semblent penser les scénaristes, ne créée par un sentiment de danger donnant l'impression que tout le monde peut mourir à tout moment ; cela crée au contraire une distance ludique là où l'on est supposé être immergé dans quelque chose de très sombre (oh là là trop lol, Denise a pris la flèche destinée à Abraham... attends, ils ont vraiment préféré sauver Abraham, le gros bras le plus inutile du monde7, pour sacrifier Denise, la sympathique médecin de l'équipe ? Eh bah oui. Ce qu'ils sont cons, des fois...). 

        Non mais sans déconner ? Vous avez vu cette gueule ??? Je n'attaque jamais le physique, mais il y a des limites...

        Le plus ironique (et gênant) étant que du strict de point de vue de la narration de la série, le procédé ne fonctionne pas du tout. A la différence des comics, on devine presque toujours qui va mourir et quand, ce qui nous ramène à sa morale extrêmement binaire : dans cette version TV, on tue toujours en priorité les personnages identifiés comme faibles. Les exemples sont innombrables, cette saison comme les précédentes : dans le 6x03 ("Thank You"), Nicholas meurt, Glenn survit ; plus tard, au moment de la chute d'Alexandria, la quasi totalité de cette communauté présentée au moins trente fois comme faible, inadaptée... est décimée, à l'exception d'Aaron et Heath (les seuls forts de leur groupe), de Denise (qui meurt quelques épisodes plus tard) et de Spencer (qui devrait rapidement la rejoindre) ; dans le même temps, la Rick Team n'accuse pour sa part aucune perte (dans les comics, c'est ici qu'ils perdent Morgan, et si la ville est effectivement ravagée, il y a tout de même de très nombreux survivants). Les forts meurent parfois, bien entendu, mais pas de la même manière, pas avec le même traitement. Ils meurent avec des violons, des ralentis, au champ d'honneur ou quasiment. Ils meurent, oui, dans les season premiere ou finale – c'est pourquoi le cruel fond noir qui conclut la saison ne l'est pas tant que cela, et autorise un Eugene (faible) ou un Aaron (plus faible des forts) à dormir sur leurs deux oreilles : ils seront encore de la partie l'année prochaine. Ils ne sont pas assez forts pour mériter une mort climatique. Ils mourront plus tard, dans l'indifférence générale, dans la cohue d'une attaque de zombie ou d'une guerre avec les Sauveurs qui sera probablement la plus longue et la plus lente depuis l'invention du bellicisme. Ainsi va la vie mort dans l'univers cyclique et si désespérément prévisible de la série la plus regardée au monde.


        The Walking Dead (saisons 4 – 6), créée par Frank Darabont et Robert Kirkman, d'après l’œuvre de ce dernier (2015-16)



        1. Ok, Carol également, mais peut-on réellement considérer qu'il s'agisse du même personnage ?
        2.Rappelons que l'une des particularités les plus poétiques de The Walking Dead est d'avoir tellement souvent changé de pool de scénaristes que dans les premières saisons, chaque nouvelle équipe passait son temps à détricoter ce qu'avait fait la précédente – telle un vulgaire nouveau gouvernement. Ce qui explique que de nombreux personnages des comics aient été tués très rapidement (lorsqu'ils apparaissaient) pour mieux être remplacés par des clones dans la suite de la storyline.
        3. En même temps, l'arc du Terminus aurait pu être excellent, hein. S'il n'avait pas été écrit avec ls pieds.
        4. Les précédentes équipes avaient, en gros, adaptés six tomes en trois saisons ; eux, dans le même laps de temps, en ont adapté le double. Tant et si bien qu'à ce rythme, les mecs devraient avoir réussi à écluser quatorze ans de comics d'ici l'année prochaine.
        5. Morgan finit d'ailleurs par tuer un homme dans le final, comme pour nous signifier que cette lopette n'avait vraiment rien compris à la vraie vie des vrais survivants.
        6. L'arc Alexandria représente tout de même quatre tomes dans la BD, et la rencontre avec la communauté de la Colline, un entier. On se demande donc pourquoi les scénaristes ont à ce point accéléré les évènements, comme s'ils n'avaient pas une seconde à perdre... pour, in fine, ajouter des tonnes d'épisodes fillers dont le temps d'antenne aurait pu servir à autre chose (caractériser un peu plus les nouveaux venus, au hasard).
        7. D'autant qu'à la différence de Morgan, Carol ou même Shane dans les premières saisons... la survie d'Abraham n'apporte strictement rien à une intrigue qui contient déjà avec Rick, Daryl ou Morgan, suffisamment de "guerriers" trop graves badass ; il n'est ni spécialement approfondi, ni spécialement attachant, et est de surcroît campé par un très mauvais acteur.


        [GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaines 12 & 13

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        AGENTS OF S.H.I.E.L.D. (saison 3) L'information n'est pas nouvelle : Agents of S.H.I.EL.D. est devenue une bonne série, après avoir été en constant progrès. Au fil du temps, les acteurs sont devenus bien meilleurs, les personnages bien plus attachants, les enjeux bien plus prenants, les épisodes bien mieux écrits, le budget bien plus conséquent - tant et si bien qu'une fois n'est pas coutume, une expression toute faite trouve sa juste illustration : Agents of S.H.I.E.L.D., littéralement, n'est plus du tout la même série que celle qui dépita tout le monde au moment de son lancement à l'automne 2013. Mais là, j'enfonce une porte ouverte, car si vous la regardez, vous n'avez pas pu ne pas vous en apercevoir. Ce qui est nouveau en revanche, depuis le début de la saison 3, c'est le plaisir que je prends à la retrouver chaque semaine. C'est au point que lorsque mon camarade Bloom déclara, sur le CDB, qu'elle était la meilleure série de superhéros à l'antenne... je ne l'ai pas pris comme une provocation facile ironisant sur les séries DC en roue libre, mais comme un constat digne d'intérêt, à défaut d'être indiscutable. Tout a changé depuis qu'elle s'est trouvée un ancrage dans l'univers Marvel (ce qui lui manquait clairement au départ, on ne comprenait pas ce que ces personnages foutaient là ni ce qu'ils apportaient aux différentes franchises qu'ils name-droppaient laborieusement tous les deux épisodes), ce qui ne s'est fait ni du jour au lendemain, ni sans heurts. L'intégration du dernier Avengers en plein milieu d'une saison 2 qui parlait de tout autre chose était naze comme pas permis, mais la voir désormais servir de véritable tremplin aux futurs Civil War et Inhumans ajoute un vrai plus, comme si enfin, Coulson est ses ouailles avaient trouvé un sens à leur vie. Le niveau général est un peu en baisse depuis la reprise (il est vrai que le début de saison plaçait la barre assez haut - ça fait encore bizarre de l'écrire), mais l'édifice semble à présent parti pour tenir et ne me plonge plus dans la même perplexité - mis à part quand Chloe Benett essaie de jouer une émotion... mais précisément, la série est devenue suffisamment bonne pour que cet aspect ne soit plus rédhibitoire.

        AOS n'est plus la même série, disions-nous... et Brett Dalton, plus du tout l'acteur fade et mou des premiers épisodes.

        BATES MOTEL (saison 4) Joie. Bonheur. Félicité. Carlton Cuse et Keri Ehrin ont entendu les suppliques du Golb : dans cette quatrième saison, ils cassent enfin la structure très répétitive de leur série, expédient Norman à l'asile et sèment de nombreux indices laissant entendre que le climax du show (l'assassinat de Maman Tordue par Bébé Psycho) pourrait arriver très rapidement (je sens quand même plutôt Romero pour cette année). On en sabrerait presque le champagne, ne serait-ce cette malencontreuse évidence que... Bates Motel est (pour le moment) dans son chapitre le moins maîtrisé à ce jour, ne s'égayant de noirceur que dans les passages - de plus en plus nombreux et glaçants - où Freddie Highmore fait son show. Identifié depuis longtemps, le problème ne semble plus vraiment corrigible à ce stade (renouvelée depuis belle lurette, la série est malgré tout désormais plus proche de la fin que du début) : Bates Motel excelle dans le suspens psychologique et les interactions complexes au sein de son quatuor principal (Norma / Norman / Dylan / Romero), tous remarquablement campés (même Nestor assure), mais est d'une grande platitude (paresse ?) dans l'écriture de ses péripéties, comme si elles n'étaient qu'un détour obligé avant de revenir aux choses sérieuses (les relations très spéciales - et très spécifiques - de Norma avec les trois hommes de sa vie, ainsi que la folie meurtrière du premier d'entre eux). Honnêtement, on s'en tape des histoires avec Chick le vitrier vengeur, tout comme on se bat les steaks des problèmes de Romero avec son ex et comme on se fout même de plus en plus d'Emma, personnage intéressant dans les premières saisons mais qui n'est plus depuis longtemps qu'un (sympathique) satellite. Les scénaristes, eux, semblent trouver cela suffisamment essentiel pour y accorder la moitié du temps d'antenne de chaque épisode.

        BILLIONS est une série devant laquelle on ne sait jamais sur quel pied danser, mais le sait-elle elle-même ? Bien meilleure que ce que peut laisser craindre un pitch évoquant les grandeur et décadence d'un trader de génie incarné par Damian Lewis sur Showtime (brrrr), elle n'échappe pas complètement aux poncifs de la chaîne la plus racoleuse de l'univers et au-delà (quelqu'un là-bas doit bien penser qu'il s'agit d'un style), mais y résiste par moments avec un bel aplomb, notamment en refusant de simplifier son jargon ou en filant des intrigues politico-économico-judiciaires relativement complexes. Le hic, c'est qu'au-delà d'un Lewis dont on avait oublié comme il pouvait être bon tant son rôle dans Homeland avait fini par devenir caricatural, Billions ne semble pas trop certaine de ce qu'elle veut raconter, ni même de son positionnement par rapport au milieu où elle situe son intrigue. Ni satire ni polar, jamais suffisamment technique pour aspirer à un réalisme digne de ce nom, elle manque surtout - et c'est un sacré comble - cruellement du cynisme que lui impose son sujet. En faisant le choix de présenter son protagoniste comme un personnage en décalage avec son milieu, ses auteurs (pour la plupart débutants sur le petit écran) se sont considérablement compliqué la vie : homme du peuple arrivé au sommet en partant de rien, modèle de vertu qui doit être le seul héros mâle de toute l'histoire de Showtime à refuser de tromper sa femme (mêmeDexterl'assexué avait craqué), "Axe" incarne bien trop le Héros Américain absolu pour inspirer autre chose que sympathie et compassion au spectateur, peu importe ses choix professionnels parfois discutables - c'est un mec bien, contrairement à la petite merde de procureur qui essaie de le coincer, un personnage pourtant viscéralement juste mais tellement antipathique (en plus, il se fait dominer par sa femme dès la première scène, ce qui n'est pas loin d'être un péché capital pour un mâle de Showtime). Bref, en voulant proposer une critique d'un système, les scénaristes ne mettent pas même deux épisodes à en rédiger l'apologie, ce qui met presque autant mal à l'aise que la métamorphose médiatique Jérôme Kerviel en Robin de Bois de l'anticapitalisme 2.0.

        Paul Giamatti aussi est très bien, en tout cas dans les scènes où il n'en fait pas dix tonnes.

        MAKING A MURDERER Si j'ai été profondément captivé par The Jinx, son histoire incroyable et sa mise en scène brillante, je n'étais pas forcément enthousiaste de voir son succès générer une mode sentant potentiellement très mauvais. Quand Netflix a annoncé chercher des projets comparables, je sentais déjà venir la prolifération de séries documentaires sur-montées dans lesquelles des aspirants journalistes se prendraient pour des justiciers, ce qui était éthiquement très discutable et, du strict point de vue narratif, se heurtait de toute façon au fait que l'on ne croise pas des types aussi fascinants que Robert Durst tous les deux jours. Peut-être parce qu'il se rapproche plus de Soupçons dans son traitement plus compassionnel (une large place est accordée à l'entourage malheureux des protagonistes), Making a Murderer rassure dans un premier temps sur ce point, même si le revers de la médaille est qu'il faut lui accorder un peu de temps - quand on était happé par The Jinx dès les premiers instants. On ne saisit pas tout de suite l'ampleur de ce qui se dessine tous nos yeux, où s'entremêlent grande faillite du système et petites mesquineries ordinaires qui, misent bout à bout, aboutissent à une terrifiante réaction en chaîne. Le tout n'est malheureusement pas dénué de longueurs, voire de répétitions un peu lourdes (on ne sera pas surpris d'apprendre - comme un écho déformé à un sujet plusieurs fois évoqué dans ces pages - que la série faisait au départ huit épisodes "étalés"à la demande de Netflix...). Il réussit surtout la paradoxale performance de nous donner in fine le sentiment d'être encore plus manipulés que dans The Jinx, lorsque l'on comprend dans le dernier épisode que l'affaire n'a pas été résolue et que Steven Avery est toujours incarcéré ; subitement, tout ce que l'on a regardé précédemment (avec une certaine passion) revêt un sens différent : nous ne sommes plus dans le documentaire aspirant à l'objectivité, mais dans l'enquête à décharge ne s'assumant pas réellement comme telle (ses auteures affirment de manière un tantinet hypocrite qu'elles voulaient replacer l'affaire dans son contexte et non disculper Steven Avery... c'est con, même le titre les contredit), d'autant plus subjective que trois clics sur le Net permettent de constater que de nombreux éléments du procès parmi les plus incriminants ont purement et simplement été rayés du doc.  Arrivé à la non-fin (on peut toujours rêver à une suite, comme ce fut le cas pour Soupçons presque dix ans après), la seule chose réellement certaine - et suffisante à rendre le tout très prenant - c'est que Steven Avery n'a jamais eu droit à un procès équitable. C'est aussi, en un sens, la force de ce genre de récit que de nous faire nous interroger à la fin, aussi bien sur le fond que sur la forme et les intentions. The Jinx ou Soupçons ne provoquaient pas autre chose, et hantaient le spectateur bien après le visionnage.

        Attachants et charismatiques, les deux avocats d'Avery ne sont pas pour rien dans l'addiction générée par le show.

        SÉRIE NOIRE (saison 2) Pas vraiment de progrès notable du côté des deux scénaristes les plus losers de l'histoire de la francophonie - ce qui fait sans doute de Série noire un genre de réussite. Pour ceux qui ne s'y seraient jamais essayé, ce Breaking Badà accent québécois narre les aventures tragi-comiques des (très mauvais) auteurs de la série La Loi de la Justice, inexplicablement prolongée sous les huées d'une critique qu'ils prennent presque aussi au sérieux que leur art (ce qui n'est pas rien). La saison 1 les voyaient donc se lancer dans différentes expériences visant à enrichir leur inspiration et proposer quelque chose de plus consistant, expériences dont ils doivent désormais affronter les conséquences et autres représailles. Je disais plus haut que la série ne progressait pas ; c'est en partie parce qu'elle s'est beaucoup éloignée de ce qu'elle offrait dans ses premiers épisodes, plutôt marrants, pour tenter d'aller concurrencer les anglo-saxons sur le terrain du polar rigolo-mais-pas-trop-mais-avec-grave-du-second-degré-à-l'intérieur, ce qui ne fonctionne à peu près jamais et ne le pourrait de toute façon pas avec une trame générale aussi éclatée et bordélique. Comme dans la première saison, il y a de vraies bonnes scènes, des fulgurances vraiment bien vues... mais noyées dans une espèce de grosse ratatouille poutine pas désagréable sur le coup, mais parfois franchement lourde sur l'estomac.

        à part ça...

        ... chez Syfy, on bipe tous les Fuck (et il y en a un paquet), mais enchaîner une scène de viol qui ne sert à rien avec des plans bien gores ne pose aucun problème. Presque aussi improbable que quand NBC floutait les zizis et les touffinettes sur les tableaux de maîtres dans Hannibal, série ultra-violente et sadique par ailleurs. C'est fou comme les succès de Game of Thrones et The Walking Dead (voire dans une moindre mesure et un peu plus tôt de Dexter) ont pu déplacer le curseur de la violence à la télé. Je ne sais pas si c'est une bonne chose. En tout cas ça n'a pas empêché The Magiciansde se conclure sur un final de haut vol, dosant remarquablement (comme tout le reste de la saison) élans horrifiques (souvent soudains, vifs et crus), merveilleux narnien (esthétisant et kistch comme de juste) et badinage ironico-pop plutôt efficace. Un équilibre fragile, sans doute, assez séduisant la plupart du temps, servi par une très bonne réalisation et une intrigue très chouette (bien que parfois un brin confuse). J'ai quand même un peu hâte de voir la suite, pas vous ?

        Tables de loi de la vidéo-golbitude

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        Ce qui est bien lorsque l'on est un dinosaure de la blogosphère, c'est qu'on apprend à s'organiser lorsqu'il s'agit de créer une nouvelle rubrique. On ne fait plus les choses à l'arrache comme lorsque l'on était un jeune blogueur arrogant et tout juste sorti de l’œuf. On réfléchit à pourquoi (beaucoup), pour qui (pas mal), comment (surtout) et enfin, dans un dernier temps, à quel rythme. Pas mal de lecteurs m'ont ainsi réclamé, depuis la création de la rubrique jeux vidéo, un Mes jeux à moi (et rien qu'à moi), sur le modèle de ce qui se faisait déjà ici pour les disques et les livres (mais, vous l'aurez noté, pas pour les séries). Ce n'était pas exclu, mais ce n'était pas la priorité. Tout simplement parce que mes jeux à moi (et rien qu'à moi) ne sont ni très nombreux, ni très variés. Comme le rappelait Ernesto dans un commentaire sous l'article Golb My Games, le rapport au jeu reste inévitablement lié à la jeunesse, à l'enfance ; si je découvre constamment de nouveaux musiciens ou de nouveaux auteurs, dont certains suffisamment extraordinaires pour arriver tardivement dans mon Panthéon personnel, les jeux vidéo fonctionnent différemment et à quelques exceptions près, ceux qui auront le plus compté dans ma vie sont tous sortis plus ou moins aux mêmes époques, sur les mêmes machines, et appartiennent souvent aux mêmes genres (sachant que je déteste les jeux de bagnoles, que je ne suis pas très client de jeux de sports et que je ne pratique les jeux de tir et de combat qu'à petite dose... il ne reste pas grand-chose, vous en conviendrez). Surtout, à la grande différence de domaines plus clairement artistiques1, il n'y a pas réellement de fil à remonter. Du moins était-ce extrêmement compliqué lorsque j'étais gamin (les jeux étaient nombreux et coutaient cher2), et plus tellement intéressant une fois devenu adulte (les jeux les plus marquants étant très souvent liés aux années de formation, les classiques du jeu vidéo que l'on trouvera dans les listes officielles seront la plupart du temps dépendants de la subjectivité exacerbée de chaque génération de joueurs). Je veux dire par-là que, si vous découvrez Pavement avec émotion du haut de vos seize ans et demi, il y a des chances pour que vous soyez touchés par Jad Fair, puis Dinosaur Jr., puis que vous finissiez par vous intéresser au meilleur de Lou Reed. En revanche, étant entendu qu'un bon jeu est avant tout un bon jeu pour lui-même, en raison de ses mécanismes internes, le fait d'avoir été – comme moi – un fan absolu de Doom II ne signifie aucunement que vous vous mettiez à vénérer tous les jeux du genre (et, de fait, les First Person Shooters ont tendance à m'ennuyer assez vite. Alors que j'ai dû passer l'équivalent d'années entières sur les deux premiers Doom, puis sur Quake).

        Bref, pour toutes ces raisons et bien d'autres encore (par exemple le fait que je préfère toujours découvrir des jeux plutôt que rejouer à ceux que je connais déjà), il n'y aura pas de rubrique Mes jeux à moi (et rien qu'à moi). En revanche, à présent que le décor est planté et que les lecteurs du Golb connaissent un peu mieux ma conception et ma sensibilité en la matière, nous pouvons malgré tout générer une liste de 20 jeux qui auraient pu figurer sans cette rubrique. Oui, vingt. C'est tout. Tout simplement parce qu'il s'agissait d'appliquer les mêmes critères qu'aux rubriques mères, donc :
          – sélectionner des titres m'ayant profondément et durablement marqué, pas uniquement des jeux que j'aurais considérés comme indispensables. Tous ne le sont d'ailleurs pas, tandis qu'à l'inverse, beaucoup de jeux que je considère comme des chefs-d’œuvre ont été instantanément écartés : Chrono Trigger, par exemple, est un formidable jeu qui m'a absolument captivé, mais je l'ai découvert beaucoup trop tardivement (il n'est jamais sorti chez nous dans sa version originale) pour le mettre dans une telle liste. Idem pour des jeux m'ayant emballé ces dernières années : FEZou Donkey Kong Country Returns 3D font à mes yeux parties des meilleurs jeux de plateformes de tous les temps, mais ils sont encore trop frais (2012 et 2013) pour que je puisse dire qu'ils m'ont autant marqué que d'autres du genre, sans doute objectivement inférieurs.
            – me limiter bien évidemment à un titre par licence ou franchise. Et c'est sans doute là que la liste s'est réduite le plus rapidement, car il va sans dire que si je m'étais autorisé à mettre autant de Mario, Zelda ou Final Fantasy que je le voulais, on y serait encore la semaine prochaine.

            Sur ce, c'est parti pour un tour dans les bas-fonds de la golbitude vidéoludique.



            CASTLEVANIA : Symphony of the Night (Action-RPG. PlayStation, 1997) J'ai toujours eu une relation très complexe aux jeux Castlevania, qui donnera très probablement lieu à un prochain article. Tant et si bien que s'il date tout de même d'il y a presque 20 ans, ce jeu mythique – mais passé inaperçu à l'époque – est sans doute celui de cette liste qui m'aura marqué le plus récemment (mais certainement pas le moins durablement). Un jeu qui ne paie pas forcément de mine au premier abord, mais du genre à vous faire relever la nuit parce que vous réalisez subitement que vous avez loupé un truc essentiel. Si j'y avais joué à l'époque, nul doute que j'aurais fait partie de ceux qui se sont félicités du virage "aventures" pris par la franchise à partir de ce septième épisode sur consoles de salon. Comme quoi, je ne me comporte pas toujours comme un odieux puriste réactionnaire.

            Deux autres jeux pour découvrir la série :Super Castlevania IV (SNES, 1991) ; Castlevania II : Belmont's Revenge (GB, 1991)


            Sid Meier's CIVILIZATION II (Stratégie/Gestion. PC, 1996) Plus je vieillis, moins j'ai de patience pour les jeux de gestion, qui demandent par définition du temps, de l'attention et même une certaine forme de dévouement. Je ne connais d'ailleurs pas vraiment les hits récents du genre, et n'éprouve même pas spécialement l'envie de les connaître. Quand je pense aux heures, semaines... mois que j'ai pu consacrer à, littéralement, conquérir le monde, j'ai l'impression qu'il s'agissait d'une autre personne. Il est vrai que ce jeu, pour l'époque, était absolument fascinant, procurant ce sentiment de partir de rien (l'écran noir. Le Néant) pour arriver à Tout (un Empire sans aucune limite). On ne pouvait ni gagner, ni perdre – en revanche, on pouvait apprendre plein de trucs sur l'histoire de l'humanité. Il faudra que je le ressorte du grenier de mes parents un de ces quatre, tiens.

            Un autre jeux pour découvrir la série :Civilization III (PC, 2001), le seul autre auquel j'aie joué (très bon, mais qui n'apportait pas grand-chose de plus)


            Disney's ALADDIN (Plateformes. Megadrive, 1993)Aladdin est assurément LE jeu qui m'aura le plus donné envie à l'époque d'investir dans une Mega Drive (ce qui, du strict point de vue financier, était malheureusement impossible), et probablement le seul à m'avoir jamais fait regretter d'avoir choisi le camp de Nintendo (dont la version, produite par Capcom, était aussi différente que peu mémorable). Un jeu absolument parfait, restituant à la perfection l'atmosphère (et le design) du meilleur film du Disney pré-Pixar, et proposant de surcroît un vrai niveau de difficulté au travers de levels vastes et parfois tortueux. Pour s'en convaincre, il suffit de voir sur quel titre va se porter le choix de l'intransigeant Joueur du grenier lorsqu'il cherche un exemple de bon jeu. Aladdin, c'est comme Prince of Persia, mais en cool.

            Deux autres jeux Disney de l'époque, issus du même studio (Buena Vista Interactive) : Le Roi Lion (Megadrive, 1994 ) ; Gargoyles (Megadrive, 1995)


            DOOM II (First Person Shooter. PC, 1994) Longtemps, Doom fut seul sur le créneau de l'horreur en jeu vidéo. Il fut aussi longtemps le seul digne représentant d'un genre qu'il a en grande partie initié, au point qu'on ne parlait pas à l'époque de FPS, mais de "Doom-like." Violent, intense, par moment extrêmement ardu, Doom II a sans doute été mon premier jeu d'adulte, le premier à faire dire à ma mère que ce n'était peut-être pas une si bonne idée de m'avoir laissé toucher une manette (façon de parler, puisque j'y jouais au clavier). Si la série s'est par la suite vite essoufflée à force de décliner sempiternellement la même recette à des sauces à peines mises au goût jour, le Doom II originel devrait rapidement vous faire comprendre pourquoi : simple, parfaitement jouable et toujours aussi captivant plus de vingt ans après, il avait tout simplement trouvé une formule parfaite. Limitée, peut-être, mais à laquelle on ne pouvait dans le fond rien ajouter de plus.

            Deux autres jeux pour découvrir la série :Doom (PC, 1993) ; Quake (PC, 1996), parce qu'on sait bien qu'en vrai, c'est lui, le seul et unique Doom III.


            DONKEY KONG COUNTRY 2 : Diddy Kong's Quest (Plateformes. Super Nintendo, 1995) Il eût été facile de sélectionner le premier jeu de la série, incontournable, ou bien l'un des derniers... tout aussi incontournables et de surcroît d'une beauté à couper le souffle. Cependant, c'est bien ce deuxième épisode qui m'a le plus marqué – au sens littéral du terme tant il m'aura filé moult cloques et ampoules pour en venir à bout, y compris des années après et alors que j'étais supposé en connaître les moindres recoins. Le pire étant que, sur le papier, ce jeu de toute fin de la vie de la Super NES réduisait considérablement les difficultés occasionnée par le gameplay du premier volet, en supprimant ce lourdaud de Donkey et en permettant entre autres de flotter dans les airs avec la fort chevelue Dixie Kong. Que dalle : d'une exigence quasi indépassable en terme d'attention et de timing, DKC2 est peut-être, tout simplement, le dernier jeu hardcore jamais édité par Nintendo.

            Deux autres jeux pour découvrir la série :Donkey Kong Country (Super Nintendo, 1994) ; Donkey Country Returns 3D (Nintendo 3DS, 2013)


            DRAGON BALL Z : Budokaï 3 (Combat. PS2, 2004) Il aura fallu attendre presque dix ans après la fin du mythique manga d'Akira Toriyama pour, enfin, voir un jeu lui rendant correctement hommage. Certes, c'est en réalité le précédent épisode, paru un an plus tôt, qui a réellement comblé des attentes que je nourrissais secrètement depuis environ 1986. Il n'empêche que, plus rapide, plus nerveux et agrémenté d'un mode histoire plus complet, c'est bien Budokaï 3 qui m'aura le plus fasciné, à une époque où je pensais ne plus du tout m'intéresser aux jeux vidéo – ne squattant que très ponctuellement les consoles des copains. Pour la première fois depuis des années, voilà que je me remettais à jouer des nuits entières, à crier ou à jeter des manettes. C'est au moment où je me suis aperçu que j'étais devenu quasiment imbattable à un jeu que je ne possédais même pas que j'ai compris : Freezer, mon personnage de prédilection, avait tout simplement fait de moi un new born gamer.

            Deux autres jeux DBZ qui valent vraiment le détour (et il n'y en a pas beaucoup plus que deux) : Dragon Ball Z : Hyper Dimension (Super Nintendo, 1996) ; Dragon Ball Z : Attack of the Saiyans (Nintendo DS, 2009)


            FINAL FANTASY IV (J-RPG. Super Nintendo, 1991) Tous les Final Fantasy jusqu'au IX inclus valent plus ou moins le détour, et sont inévitablement le préféré de quelqu'un. Celui-ci fut pour moi une véritable découverte, et pas que de la série : premier RPG, premier jeu acheté en import – même premier jeu à m'avoir fait travailler mon anglais. La saga étant absolument inédite en France, ainsi que dans le plus gros du monde (celui-ci s'appela d'ailleurs longtemps, pour moi, Final Fantasy II, numéro qu'il portrait dans sa version US), je ne me rendais pas vraiment compte à quel point j'étais un privilégié de découvrir ce qui, quelques années plus tard, serait considéré par le grand public comme LA saga RPG sur consoles par excellence. En revanche, je n'avais pas besoin d'en savoir plus pour mesurer à quel point ce jeu était exceptionnel, obsédant, même, avec son intrigue incroyablement fouillée et complexe pour l'époque, son héros torturé et sa richesse presque infinie (on parle sans doute des d'un deux ou trois jeux les plus longs la Super NES). Mine de rien, ce fut le début d'une longue passion pour ce qui demeure mon genre préféré, même si le temps m'a rendu extrêmement critique et difficile à son sujet. Mais que voulez-vous ? Quand on prend sa première cuite au champagne...

            Deux autres jeux pour découvrir la série : Final Fantasy VII (PlayStation, 1997) ; Final Fantasy III (le remake sur DS paru en 2007, j'insiste)


            GOLDENEYE 007 (FPS. Nintendo 64, 1997) Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a bel et bien un mode solo dans le meilleur jeu de la N64. C'est juste que vous étiez beaucoup trop occupés à mettre sur la gueule de vos potes, ou à apprendre par cœur les noms de tous les types de flingues possibles et imaginables alors que pourtant, trois semaines auparavant, vous étiez non-violents et à deux doigts de voter écolo. Voilà ce qu'était Goldeneye, chef-d'oeuvre absolu d'une boite, Rareware, dont la chute brutale reste aujourd'hui encore mystérieuse, et qui s'associait ici, on le sait peu, à Shigeru Miyamoto en personne. Un jeu de tir qui rendait dingue les gens n'aimant pas les jeux de tir, un jeu James Bond susceptible de captiver les gens n'ayant jamais éprouvé le moindre intérêt pour 007, un jeu multijoueur capable de convertir l'être le plus misanthrope (et accessoirement de mettre sa famille à feu et à sang, dans tous les sens que cette expression puisse recouvrir). Un jeu tellement génial, somme toute, que plus personne ne se rappelle le film dont il est – pourtant fidèlement – adapté. En 2016, quand vous prononcez à voix haute le mot Goldeneye, ce n'est assurément pas en pensant à Pierce Brosnan que les gens se retournent sur vous.

            Chaudement recommandé également, l'autre FPS de Rareware sur N64 :Perfect Dark (2000)


            GUN.SMOKE (Shoot 'em up. N.E.S., 1985) En 2016 et alors que je n'y ai plus touché depuis une demi éternité, je peux encore fredonner sans problème – et en intégralité – le thème du premier niveau de ce jeu d'arcade globalement méconnu. Il faut dire que j'ai eu largement le temps de l'apprendre par cœur vu le nombre délirant de soirées que j'ai passées à essayer d'en venir à bout, inconscient (quoique je l'aie très tôt craint en mon for intérieur) que la suite allait être encore pire. Oserais-je le dire ? Gun.Smoke (rien à voir avec le film ou la série télé) est sans doute la source de ma légendaire passion pour les cowboys. C'est aussi et surtout l'un des premiers jeux (le deuxième, sauf erreur de ma part) d'une firme japonaise alors balbutiante mais déjà sacrément prometteuse : Capcom, qui explosera quelques mois plus tard avec Ghouls'n'Ghost et règnera sans partage sur les jeux vidéo de la fin 80/début 90. Quand on voit ce dont ils étaient déjà capable à peine deux ans après avoir créé leur boite, on s'étonnera moins qu'ils aient à ce point changé l'histoire du genre par la suite.


            KIRBY's PINBALL LAND (Flipper. Game Boy, 1993) On l'a tellement aimée qu'on fait tout pour ne jamais y penser : la Game Boy (qu'on appelait "le", dans le temps) a inventé le casual gaming. Ces jeux sans engagement auxquels on peut jouer dix minutes ou une heure, puis plus jamais, en n'ayant pas pour autant l'impression d'avoir laissé quelque chose derrière. Cette adaptation de la petite boule rose de Nintendo (qui jusque là était encore blanche) est un des sommets du genre, à ce détail près qu'elle intègre un système de niveaux digne d'un jeu de plateformes traditionnel. Rien à voir cependant avec l'odieux clone tout terne que Sega en fera avec son Sonic Spinball (un jeu qui réussissait la prouesse d'être moins beau et moins fluide alors qu'il affichait 16 bits) : Kirby's Pinball Land est une petite merveille de fantaisie et d'inventivité, qui met la plus du temps nerfs et réflexes à rude épreuve. Depuis, Kirby a payé cher sa forme ronde et subi mille et un sévices, parfois pour le meilleur – souvent pour le pire. Reste une première expérience en dehors de l'univers de la plateforme qui demeurera sans doute éternellement le jeu de console portable auquel j'aurai le plus joué dans ma vie (et de loin).


            THE LEGEND OF ZELDA : Link's Awakening (Aventures. Game Boy, 1993)Pour sa quatrième aventure, la première en dehors des sentiers battus par les consoles de salon, Link a mis les petits plats dans les grands. C'est simple : le lutin vert (il n'est pas encore officiellement devenu un "kokiri") peut se targuer d'être le seul personnage récurrent de l'univers du jeu vidéo, avec à la rigueur Wario (qui n'a cependant pas la même notoriété) à avoir vécu sa meilleure aventure sur une console portable. Et quelle aventure ! Des séquences absurdes, de la tension, des quêtes annexes réellement prenantes (un art qui s'est perdu), des graphismes splendides, un level design incroyable, une inventivité de chaque instant et, même : du meta avant la lettre. Que demander de plus et, surtout, que dire qui n'ait pas encore été dit à son sujet ? Avec le recul, Link's Awakening faisait tellement avec si peu que la série ne pouvait que décliner inexorablement par la suite. Ce qu'elle fit, comme on l'a déjà dit.

            Deux autres jeux pour découvrir la série :The Legend of Zelda (N.E.S., 1986) ; A Link to the Past (Super NES, 1991)


            LOADED (Run & Gun. PlayStation, 1996) Non content de m'avoir fait découvrir ce qui allait devenir un de mes groupes préférés (Pop Will Eat Itself, qui en signe l'intégralité du soundtrack), Loaded m'a surtout permis de me défouler comme peu de jeux avant ni après lui. Tant et si bien que si je ne l'aurais probablement pas mis dans une telle liste à l'époque (d'autant qu'il n'est pas très original ni techniquement époustouflant comparé à la plupart des premiers jeux PlayStation), c'est peut-être le titre de cette sélection auquel je joue encore le plus souvent aujourd'hui. Ancré dans un univers de comics gore à souhaits, le principe est simple comme un coup de boule : on choisit quel horrible malfrat on veut incarner, seul ou avec un pote, on prend un gros flingue et on s'évade de taule en ne laissant que des cadavres sur notre passage. Simple, mais pas simpliste : assez difficile, d'autant que tous les personnages n'ont pas la même endurance, parfois hyper chaotique, Loaded sait aussi occasionnellement faire appel au cerveau du joueur pour l'aider à de sortir de niveaux pour la plupart sombres et labyrinthiques. En revanche, au cas où cela vous tenterait, évitez absolument la très mauvaise suite, un jeu tellement nul qu'il tua dans l’œuf ce qui avait tout pour devenir une franchise luxuriante.


            MANIAC MANSION (Point & Click. Amiga, 1988) Foncièrement, il n'existe que deux type de jeux d'aventures en point and click : ceux qui sont très beau, très ingénieux et très chiant (exemple : Myst), et Maniac Mansion. Totalement barré, hilarant de bout en bout mais aussi incroyablement stressant tant la moindre erreur peut s'y avérer fatal, le jeu de ce qui s'appelait encore à l'époque Lucasfilm Games a initié une esthétique, une atmosphère et des concepts si parfaits qu'on ne les retrouva jamais vraiment ailleurs, y compris dans les autres jeux du studio (même si certains n'en sont pas moins excellents) ou dans les adaptations de Maniac Mansion lui-même (la version N.E.S. est assez réussie, mais c'est quasiment un autre jeu). Une démonstration valant souvent mieux qu'un long discours, je vous laisse en découvrir un petit extrait, non sans vous conseiller d'acquérir sur le champ ce qui est peut-être, avec The Legend of Zelda, le meilleur jeu d'aventures des années 80.

            Chaudement recommandée également, sa suite :Day of the Tentacle (1993)


            MEGAMAN 2 (Plateformes. N.E.S., 1988) Puisque nous en sommes à parler du meilleur jeu de ceci-cela paru en 1988, profitons-en pour nous arrêter sur le second épisode des aventures de Megaman, qui s'écrit en ou un deux mots selon les périodes mais reste fondamentalement le même dans tous ses épisodes 8 bits. Soit donc un jeu de plateformes très orienté action, parfois à la limite du run and gun, dans lequel un petit robot qui ne se déplace vraiment pas très vite et saute encore moins haut doit se débarrasser de huit autres pas franchement aimables, leur piquer leurs armes de prédilection, et les utiliser à bon escient les unes contre les autres. Megaman 2, c'est l'apothéose de ce concept tout con et trop bon, un véritable sommet pour Capcom (encore eux) qui se fera dès lors une spécialité de signer ce qui se fait plus beau, de plus addictif et de plus dansants à chaque époque et dans chaque genre qu'il abordera. Oui oui : dansant. Parce que Megaman 2 (comme les suivants, mais encore un peu plus), ce sont certes des bosses super cools, des niveaux hardcore et des graphismes étonnamment profonds et détaillés pour l'époque... mais c'est surtout le meilleur soundtrack de jeu vidéo de son époque. La preuve par ici.

            Deux autres jeux pour découvrir la série : Megaman 3 (N.E.S., 1990) ; Megaman X (Super Nintendo, 1993)


            RESIDENT EVIL (Aventures. PlayStation, 1996) Capcom, encore et toujours. On ne parlait pas encore à l'époque de survival horror, et le fait est que le premier épisode d'une saga qui n'a fait qui décliner par la suite était surtout orienté recherche, réflexion et exploration. Cela n'en rendait les scènes d'actions que plus surprenantes et intenses – pas uniquement en raison d'une jouabilité légendairement boiteuse. Au-delà de ses qualités-mêmes (peu de jeux peuvent se targuer d'avoir inventé un genre à eux tout seuls), Resident Evil m'a aussi marqué pour avoir été le dernier jeu à totalement me captiver avant que je n'abandonne les joypads pour une petite décennie. Ce n'est pas le dernier auquel j'aie joué avant cette césure ; c'est en revanche le dernier sur lequel j'ai pu passer des heures... parfois des nuits entières, à tourner en rond dans cet abonimable manoir de l'angoisse. Il est difficile aujourd'hui de faire comprendre à quelqu'un qui n'y était pas à quel point ce soft reposant avant tout sur le suspens et la suggestion était révolutionnaire (et magnifique) pour l'époque. Si j'ai bien acquis les trois ou quatre épisodes suivants quasiment le jour de leur sortie, quelque chose s'était déjà clairement cassé. Trop d'action, plus assez de réflexion. Trop de survie, en fait – et plus assez d'horreur. Au final, les Resident Evil auxquels j'ai le plus joués après celui-ci sont sûrement... ses remakes et remastérisations, dont le somptueux Rebirth, paru en 2002 sur GameCube.

            Deux autres jeux pour découvrir la série (si vraiment, vous en avez fini avec celui-ci) :Resident Evil 2 (PlayStation, 1998) ; Resident Evil : Code Veronica (PS2, 2000)


            SECRET OF MANA (Action-RPG. Super Nintendo, 1994)Seiken Densentsu 2, pour les intimes les puristes, fait partie de ces jeux absolument intouchables pour toute une génération de joueurs, qu'elle a souvent initiés aux principes du RPG à une époque où ce genre tout entier était inaccessible aux occidentaux. Symboliquement, c'est le tout premier jeu que j'ai ressorti quand j'ai pris la résolution de me remettre à jouer, quitte à en (re)découvrir certains défauts (ses bugs lors des séquences d'action pure et dure comme son côté un brin bourrin – notamment contre les bosses). J'étais certain que rien ne pourrait me le gâcher, et il s'est avéré que j'avais raison. Parce qu'il est immense (dans tous les sens du terme), porté par un trio de héros inoubliables, un scénario très simple mais parfaitement mené, sans oublier ce qui est peut-être bien le plus beau soundtrack de toute l'histoire du jeu vidéo. Non vraiment, Secret of Mana est intouchable, d'autant plus fort et miraculeux qu'il est quasiment le seul jeu réussi d'une série devenue très vite très médiocre.

            Deux autres jeux pour découvrir la série : Seiken Densetsu 3 (Super Nintendo, 1995) ; Dawn of Mana (Game Boy Advance, 2003)


            SUPER BOMBERMAN 2 (Stratégie. Super Nintendo, 1994) Quand ils ont cinq minutes à tuer chez eux, la plupart des gens jouent au solitaire, aux échecs ou au démineur – éventuellement, s'ils vivent avec leur temps, ils joueront à Candy Crush. Moi, dans ces cas-là, je me colle toujours devant un Bomberman. Pas toujours le même, mais tout de même très souvent celui-ci. Pas uniquement parce que c'est le premier que j'ai eu (même s'il cela joue sans doute, plus ou moins inconsciemment), mais parce que c'est certainement celui, parmi toute une série ayant bâti sa réputation sur le multijoueurs, qui propose le mode solo le plus fun et le plus élaboré. L'un des plus difficiles, aussi, encore que cet aspect soit relatif : dans Super Bomberman 2 comme dans tous ses prédécesseurs et successeurs, votre pire ennemi c'est vous-même, votre enthousiasme, votre volonté d'y aller trop vite... et votre capacité à vous faire exploser tout seul comme un con. C'est rien, et c'est déjà tout : Bomberman fait partie de ces jeux immortels, dont la formule peut se décliner à l'infini, tant et si bien qu'à chaque période où Hudson Soft essaie de réinventer son hit succède une période d'exquis retour aux sources. Il y a sans doute trop de jeux Bomberman, sur trop de machines, c'est une évidence. Alors s'il ne vous en fallait qu'un seul...

            Deux autres jeux pour découvrir la série :Mega Bomberman (Megadrive, 1993) ; Bomberman (Nintendo DS, 2005)


            SUPER MARIO BROS. (Plateformes. N.E.S., 1985) Je ne me rappelle plus exactement en quelle année la N.E.S. est arrivée à la maison (87 ? 88 ?), je sais juste que j'étais très jeune, suffisamment pour mettre une semaine à finir le premier niveau de ce qui restera un bon moment comme mon seul et unique jeu. A l'époque, tout reste à faire (pour les concepteurs) et à découvrir (pour les joueurs) ; pourtant, une partie du meilleur est déjà passé. On le dit peu, tout simplement parce que ce serait un terrible aveu d'impuissance de la part de toutes les parties, mais le meilleur jeu de la N.E.S. est tout simplement le premier à être sorti dessus. D'apparence rudimentaire en regard de ses successeurs, Super Mario Bros. a cependant pour lui un dynamisme incroyable en regard des standards de l'époque (on insiste souvent, à raison, sur la vitesse de Sonic, mais Mario n'a jamais rien eu à lui envier sur ce point), et fourmille de véritables, belles, grandes idées de gameplay, quand les épisodes suivants se contenteront surtout d'enrichir l'univers de la série, avec le talent que l'on sait. Super Mario Bros. n'en est pas moins un sommet en soi, parfait du début à la fin, et qui n'aurait certainement pas été moins culte s'il n'avait pas eu de multiples suites et spin-off. En ce qui concerne mon propre parcours, il va sans dire que le premier jeu (qui ne l'est pas réellement : mes parents possédaient une vieille Atari avec Pong et un jeu de voitures – enfin, je crois qu'il s'agissait de voitures, ce n'était pas très parlant) représente bien évidemment le début d'un quelque chose. Auquel je me dois d'associer Duck Hunt (aaaaah, cette double cartouche). Bizarrement, à l'époque, j'étais beaucoup plus fort à ce jeu pourtant, dans l'absolu, beaucoup plus difficile pour un enfant. Tout en étant dans le même temps complètement nul au tir à la carabine. Allez comprendre...

            Quatre autres jeux (oui, quatre : c'est quand le minimum pour découvrir la meilleure série de tous les temps) : Super Mario All Stars (Super Nintendo, 1993) ; Super Mario World 2 : Yoshi's Island (1995) ; Super Mario 64 (Nintendo 64, 1996) ; New Super Mario Bros. (Wii, 2009)


            SUPER MARIO KART (Course. Super Nintendo, 1992) Je ne fais pas partie des vieux réacs qui considèrent que seul compte le premier-le-seul-le-vrai Mario Kart. Je n'en aime certes pas toutes les suites, mais certaines m'ont pas mal scotché malgré tout. Je ne serai pas non plus du genre à vous expliquer que si cet épisode est le meilleur (car tout de même, il l'est) c'est parce qu'il demande une véritable dextérité en terme de pilotage, quand la plupart des suivants s'avèreront plus ou moins "assistés". Non, si je retiens Super Mario Kart SNES ici, c'est tout simplement parce qu'à l’époque, ce jeu est une petite révolution. L'un des trucs les plus originaux, ambitieux et funs qu'on ait jamais vus jusque-là. Un jeu qui avait le culot d'inventer son propre genre et ses propres codes, repris avec plus ou moins de succès par la concurrence... mais surtout un hit incontournable, un over-mega-seller sur une console qui en comptait pourtant un sacré paquet. Tous le monde n'avait pas Zelda III. Tout le monde – à commencer par moi – n'avait pas Super Mario World (et beaucoup de ceux qui l'avaient le devaient surtout au fait qu'il était vendu avec la console). Plus tard, tout le monde n'aurait pas Donkey Kong Country ou Star Wing. Mais tout le monde avait Super Mario Kart. Tous mes copains. Et tout le monde pensait être le meilleur à ce jeu loin d'être une partie de plaisir. Bien entendu, tout le monde se trompait : le meilleur, c'était moi, et aujourd'hui encore vous pouvez me filer n'importe quel jeu de la série, même un que je ne connais pas, il ne me faudra pas plus de trois parties pour vous humilier.

            Deux autres jeux pour découvrir la série :Mario Kart Super Circuit (Game Boy Advance, 2001) ; Mario Kart DS (Nintendo DS, 2005)


            TETRIS (Puzzle game. Game Boy, 1989) 1989 fut une année incroyable pour le jeu vidéo. Probablement la plus grande des années 80. Le lancement de séries destinées à devenir mythiques (Sim City, Prince of Persia, Golden Axe, John Madden Football), l'édition de one-shot cultes (Batman : The Video Game, Shadow of the Beast), des suites comptant parmi les meilleurs épisodes de leurs franchises respectives (Revenge of the Shinobi, Graduis III), auxquels on pourra encore ajouter Duck Tales, Solstice ou le mémorable jeu Emmanuelle (si si, il existe)... pourtant, soyons raisonnables : rien de tout cela n'aura su éclipser la parution de la meilleure console portable de tous les temps, transcendée par ma crise d'appendicite suivie de péritonite, et surmontée par un jeu devenu bien plus que cela, puisqu'il servira de matrice à tous les puzzle games d'hier, d'aujourd'hui et probablement de demain... dont aucun n'égalera jamais ni sa simplicité, ni son efficacité. Pour un peu, on en oublierait presque que Tetris existait déjà depuis bien longtemps sur ordinateurs et bornes d'arcades... Sega.

            BONUS : 10 autres jeux qui auraient pu y être, qui ont failli y être... et puis finalement non : Batman : Arkham City (PS3, 2011) ; Chrono Trigger (Super Nintendo, 1995) ; Dr. Mario (N.E.S., 1990) ; Duke Nukem 3D (PC, 1996) ; FEZ (PC, 2012) ; Paper Mario Sticker Star (Nintendo 3DS, 2012) ; Sonic the Hedgedog 2 (Megadrive, 1992) ; Tekken 3 (PlayStation, 1997) ; Terranigma (Super Nintendo, 1995) ; Warcraft II : Tides of Darkness (PC, 1995)...


            1.Je sais que c'est quasiment devenu tabou de le dire en 2016, mais le jeu vidéo, non, désolé, n'est pas un Art au même titre que la littérature ou la musique. C'est un jeu, et c'est d'ailleurs pour cela qu'il est essentiel à la société d'aujourd'hui, qui n'a que le mot divertissement à la bouche mais s'amuse finalement si peu...
            2.Sans oublier qu'il n'y avait pas Internet et que l'on ne trouvait pas des magasins de jeux vidéo à tous les coins de rue comme c'est le cas désormais. S'il y a bien une chose que je ne vais pas aller reprocher aux jeux – ou aux joueurs – modernes, c'est bien d'avoir suffisamment démocratisé l'activité pour que je n'aie eu somme toute que 600 mètres à marcher pour trouver un jeu potable, quelle qu'ait été la ville où j'ai pu résider ces dernières années.

            L’Éternité c'est long. Surtout vers la fin.

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            C'est vrai ça. Il a raison, Woody. L’Éternité, on ne dirait pas comme ça, mais on se demande parfois si on va en voir en bout. C'est long comme quelque chose d'interminable. Tellement qu'au bout d'un moment, on finit par perdre de vue celui où ç'a commencé.

            Le Golb fêtait ses dix ans ce dimanche. Moi, je fêtais surtout un mariage1 mais quelque part, dans le moite secret de mon coffre-for intérieur, j'ai trinqué avec moi-même. Trois-mille-six-cent-cinquante fois. Autant vous dire que j'étais bien bourré et que ça ne s'est pas arrangé lorsque je me suis rappelé que cette décennie avait compté trois années bissextiles. À la fin, je ne tenais plus debout, et le trajet du retour m'a réellement paru une Éternité.

            Je suppose que plus l'on vieillit, plus le temps devient quelque chose de relatif. On a beau de ne pas rajeunir (je vous assure), dix ans, pour quelqu'un de mon âge, c'est encore presque une vie entière. Quand je contemple Le Golb (ce que  je ne fais pas si souvent), ce n'est pas un blog, que je vois. C'est une existence qui défile à chaque clic. Composer le petit best of qui s'alimente chaque jour ci-contre depuis quelques semaines a en ce sens été une expérience assez particulière, car je ne suis pas quelqu'un qui se retourne volontiers sur le passé. En fait, je n'y pense presque jamais. J'ai une facilité étonnante à tourner les pages, sans me retourner. Ce n'est pas forcément que je le veuille : c'est juste que je suis comme ça. Je me détache des choses et des lieux et des gens, sans bruit ni sans cris, sans drame – je m'en rends à peine compte, puisque je suis à peine plus liant et présent dans la vie des gens auxquels je suis attaché. Avoir persévéré dans une activité durant une décennie entière, ce qui est déjà assez remarquable en soi, me paraît tout simplement extraordinaire à mon niveau. Il était hautement improbable, en mai 2006, que je sois toujours en train d'écrire sur ce blog en mai 2016. Et quand je dis improbable, je veux bien sûr dire impossible.

            Je vais vous épargner le coup du long discours. Ce n'est pas très intéressant et j'ai déjà dit l'essentiel il y a quelques années, dans un article qui reste l'un de ceux dont on me parle le plus souvent (en toute humilité, je devrais ajouter ici je ne suis pas sûr de savoir pourquoi, même si je sais très exactement pourquoi). Entre les réjouissances déjà lancées (best of, nouvelles rubriques, refonte progressive de la navigation...) et celles qui arrivent dans les jours/semaines qui viennent, je pense qu'il y en a bien assez et qu'il n'est pas nécessaire de se lancer en plus dans un grand exercice d'auto-célébration (et là, en lisant ça, vous avez vraiment le droit de vous dire que je vieillis). Pas envie de me perdre dans des déclarations fracassantes la main sur le cœur – ou définitives, les trémolos dans le clavier. Hé : j'ai dix ans. Je suis un grand, maintenant. Terminé le pathos, je me dois d'afficher une certaine distinction (d'ailleurs je n'ai toujours pas enlevé mon costume depuis le mariage).

            Voudrais-je écrire quelque chose que je ne saurais de toute façon pas quoi tant le chiffre est abstrait. DIX ANS. Dix ans que nous avons vous et moi une relation particulière, et en même temps votre vous est aussi multiple que mon moi renvoie à tout à un tas d'individus cohabitant sur la même ligne temporelle. En dix ans, il n'y a pas eu qu'un seul lectorat du Golb, mais il n'y a pas eu non plus qu'un seul Golb. Ses lecteurs (c'est-à-dire un peu vous, mais pas que) ont formé tout un tas de petites vagues successives, des micro-générations de gens attirées par différentes choses au fur et à mesure que moi-même, j'évoluais dans tel sens ou tel autre. La dernière fois que j'ai lu un billet célébrant les dix ans d'un site (je vous arrête tout de suite, bande de galopins : je ne me rappelle plus de qui ou quoi il s'agissait), l'auteur(e) semblait se faire une fierté d'être resté(e) le ou la même après toutes ces années. Je me souviens très bien que la phrase était écrite noir sur blanc : "Je n'ai pas changé". Outre que c'était sans doute faux, j'ai trouvé pour le moins curieux de se gargariser ainsi de n'avoir pas bougé d'un iota en une décennie. Chacun voit midi à sa porte mais moi, j'aurais plutôt tendance à me féliciter du contraire. J'ai beaucoup changé et j'espère que quand nous nous retrouverons pour évoquer le sujet en mai 2026 (soyons ambitieux), il en sera de même2. Vous m'avez un peu vu grandir, et réciproquement. Dans l'ensemble, j'ai sans doute mieux vieilli que vous, mais il est vrai que la mauvaise foi conserve. Et là c'est affreux, pour la première fois de cette Golbodécade, je n'ai pas de chute – je pense aux dix ans du Golb depuis ses neuf ans et à présent que le moment est arrivé, je n'ai plus du tout envie d'écrire un texte à ce sujet. En même temps, convenons qu'il est pour le moins compliqué de rédiger un épilogue à l’Éternité. Je crois que je vais donc simplement vous dire Merci.

            EtÀ bientôt.

            Non : À demain.

            Cet article est bien sûr tout spécialement dédié à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la bonne tenue de ce blog. Leur liste est aussi longue que mes carences techniques sont vastes. Je disais que je tournais facilement la page, soit ; cela ne signifie pas que je n'aie pas de mémoire, et je les embrasse tous très fort – y compris ceux dont je n'ai pas eu de nouvelles depuis des années.


            1.Je sais, les lecteurs sont toujours choqués lorsqu'ils apprennent que je fais des choses qu'eux-mêmes pourraient faire. Pour vous dire, j'ai même fait la chenille. Mais ne vous en faites pas, je l'ai faite avec infiniment plus d'élégance que vous.
            2.Entièrement d'accord en revanche pour stopper la décrépitude physique au point où nous en sommes.

            Le 10 Years After des 10 Years After : ces 105 albums qui ont golbé Le Golb - Overture

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            Entre nous, qu'y a-t-il de plus horripilant que les classements des 100 meilleurs quoi que ce soit de n'importe quel registre sur n'importe quelle période ? Probablement rien. Il est donc tout à fait logique qu'à l'occasion des dix ans du Golb, celui-ci vous propose les 105 meilleurs albums des 105 meilleurs artistes durant ce laps de temps, que par soucis de commodité autant que de modestie nous nommerons Golbodécade. Parce que Le Golb, on l'oublie souvent à force qu'il soit génial, c'est aussi l'un des sites les plus horripilants et contradictoires du Web culturel. La preuve avec un classement qui ne manquera pas de gratter chaque lecteur dans le sens inverse des aiguilles d'une montre à poils, a fortiori s'il est un habitué de ces pages (autant vous y préparer, il y a des albums avec lesquels je vous ai soûlés durant des mois qui n'y sont pas même mentionnés, quand d'autres dont je n'ai pas pipé mot en 1096 articles musique réalisent des scores soviétiques). Vous pensiez que le blogueur golbeur était par définition de mauvaise foi ? Croyez-moi, vous n'avez encore rien vu. Le 10 Years After des 10 Years After (je vous autorise à lui trouver un surnom plus court entre les deux premiers épisodes), c'est 4 % d'objectivité + 8 % de foutage de gueule + 1,3 % d'aspiration à l’exhaustivité + 0,9 % de jazz + 0,00 % de reggae. Le reste ? 85,8 % de go... allez, je vous laisse le crier vous-mêmes devant votre écran.


            105. Halcyon Digest– Deerhunter (pop branchouillarde, 2010)

            J'aimerais vous dire que le règne du Golb fut sans partage durant les dix dernières années, malheureusement il dût régulièrement frayer avec une drôle d'espèce qu'il n'avait pas vu venir : Pitchfork et ses lecteurs, toujours plus nombreux et avides de branchitude (il n'est d'ailleurs pas interdit de supposer que Pitchfork, dont le nom n'est pas sans rappeler un médecin nazi, a carrément inventé le hipster en fécondant des étudiantes en arts plastique avec le sperme de chroniqueurs médias de Canal + et des Inrocks). Deerhunter, groupe de pop bruitasse dont le chanteur se contorsionnait avec l'élégance d'un Thom Yorke sous tranxène, était un de leurs chouchous – je ne l'ai donc jamais écouté. Et puis le groupe s'est mis à écrire des chansons, a commencé à voir ses notes chuter en décimales, s'est fâché avec une partie de ses fans, et je me suis dit que j'allais les trouver cool. Coup de bol, l'album était vachement bien.

            À écouter en priorité : "Don't Cry"& "Desire Lines"
            Aussi conseillé sur cette période (mais un peu moins, forcément) : Monomania (2013)
            Face B : Fading Parade, de Papercuts (2011)

            104. Women, Ladies & Girls sing the Bucky Songbook– Bucky (soldats indie-pop inconnus, 2012)

            Mon histoire avec Bucky est assez particulière, puisque c'est Crispian Mills, de Kula Shaker, qui me l'a recommandé au détour d'une conversation off the record. Le hic, c'est que le temps que je découvre cette référence obscure, je n'étais plus certains du tout qu'il s'agissait du bon groupe, ni même qu'il avait prononcé le mot "Bucky". Et que je n'ai jamais pu vérifier, car figurez que je ne croise pas Crispian Mills toutes les semaines (je sais, c'est dingue), et qu'à vrai dire, je ne l'ai rencontré qu'une seule fois. Toujours est-il que cela ne m'a pas empêché de m'amouracher de cet obscur combo lo-fi qui n'avait à l'époque sorti qu'un seul album, l'excellent All the New Mistakes. Celui qui nous intéresse (il n'y en a que deux) a pour sa part un concept assez particulier, puisqu'il s'agit comme son nom l'indique de faire interpréter le répertoire inconnu d'un groupe inconnu par des chanteuses non-professionnelles – autrement dit : encore plus inconnues. Rien que pour ça, il méritait sa place ici, d'autant que le résultat est tout à fait probant et aussi attachant que lorsque Bucky interprètent leurs chansons eux-mêmes. Accessoirement, ils démontrent à ceux qui en doutaient encore qu'entre la lo-fi américaine et la twee-pop britannique, les différences se comptent avant tout en fuseaux horaires.

            À écouter en priorité : "My Boyfriend's Band"& "O Miranda"
            Face B : Fixing the Charts, d'Everybody Was In The French Resistance...Now! (2010), autre projet pop totalement farfelu et attachant.

            103. Brett Anderson– Brett Anderson (pop FM gonflée à la créatine, 2007)

            Durant la dernière décennie, Brett Anderson a appris dans la douleur ce que tout le monde n'avait eu de cesse de lui seriner à la grande époque de la britpop : non, le futal en cuir ne fait pas le Bryan Ferry. S'il semblera évidemment bien mineur à l'échelle de la discographie de Suede, ce premier album solo paraît en revanche tout à fait miraculeux au vu de l'indigence de ses successeurs, lesquels font se demander si Anderson n'a pas été remplacé par un sosie au moment de la très réussie reformation de son ex-ancien groupe. Alors soit, c'est ampoulé (il voulait faire épique), parfois assez mièvre (il voulait faire lyrique) voire gentiment cucul (il voulait faire son Bête noire). Mais Brett Anderson a un truc, un vrai. Une espèce de candeur, de sincérité en rendant les défauts sympathique et le kitsch élégamment décadent. Mine de rien, peu d'artistes de la génération actuelle oseraient se lancer sans rougir dans un titre de rock héroïque sanglotant intitulé "The Infinite Kiss". Un titre qui résume somme toute assez bien le personnage d'Anderson : une sensualité androgyne apparente mais des gros biscotos bien seyants sous le t-shirt moulant.

            Àécouter en priorité : "The Infinite Kiss"& "Ebony"
            Aussi conseillé sur cette période : aucun
            Face B : Bloodsports, de Suede (2013), comeback plus que réussi.


            102. TPOBPAH– The Pains Of Being Pure At Heart (pop pour vieux ados, 2009)

            Durant la Golbodécade, j'ai statistiquement cessé d'être jeune. Je ne vous cache pas que cela m'a foutu un petit coup au moral. Pas immédiatement, pas longtemps, mais un peu quand même : je n'ai pas échappé à une période de quête effrénée de la jeunesse perdue. J'ai écouté beaucoup de groupes me rappelant une époque où certains lecteurs du Golb n'était pas nés, jeunes voire parfois morveux, et les ai sans doute trouvés pour cette raison un peu plus passionnant qu'ils ne l'étaient en réalité. De tous ceux-là, The Pains Of Being Pure At Heart est le seul à avoir rejoint le club finalement assez fermé des disques que j'écoute encore avec le même plaisir des années après leur sortie. Ce qui peut sembler aussi amusant que paradoxal, dans la mesure où leur second album sonne beaucoup plus comme la musique de mon adolescence que ce premier LP plus late 80's, où se côtoient surtout les fantômes de groupes (Smiths, Pastels) que je n'ai découverts et/ou réellement aimés qu'à l'âge adulte. Comme quoi n'étais-je pas totalement perdu pour la cause du bon goût. Je me suis depuis complètement rétabli – il faut dire que je me suis senti beaucoup mieux lorsque j'ai compris qu'en vrai, c'était de la musique faite par des jeunes pour des vieux machins comme moi, et certainement pas de la musique que les jeunes écoutaient vraiment.

            Àécouter en priorité : "Young Adult Friction"& "Everything with You"
            Aussi conseillé sur cette période (mais un peu moins, forcément) : Belong (2011)
            Face B : non, non, n'exagérons pas non plus.

            101. Tadaloora– Phantom Buffalo (forever changés, 2012)

            Auteurs de débuts attachants sous le patronage virtuel de The Coral, les membres de Phantom Buffalo se sont demandés un beau matin s'il n'y avait pas eu des trucs sympas en rock psyché avant les potes des Libertines, ont découvert Love et décidé sur le champ d'arrêter la musique. Grondés par leur manager, ils ont accepté de s'y remettre, sans toutefois pouvoir détacher de leur esprit l'image d'Athur Lee et Brian McLean chantant en chœur. Ainsi naquit, du moins selon une légende jamais vérifiée, l'un des albums les plus fétichistes des années 2010 – mais aussi assurément l'un des plus réussis. C'est qu'il faut au moins autant de talent que de problème neuro-psychiatriques pour oser se mesurer à la perfection pop du groupe californien. Non seulement Phantom Buffalo réussit son coup, mais encore n'a-t-il par endroit vraiment pas à rougir de la comparaison avec les maîtres absolus de la comptine sous acides.

            Àécouter en priorité : "Wedding Day Massacre"& "Amator Florist"
            Aussi conseillé sur cette période (mais un peu moins, forcément) : Cement Postcard with Owl Colors (2010)
            Face B : Songs from the Vanished Frontier, des Yellowbirds (2013)

            100. Western Medecine– The Builders & The Buchers (country-rock râpeux, 2013)

            S'il y a bien une donnée que les lecteurs du Golb ont eu le temps d'intégrer en dix ans, c'est que certaines voix entre la râpe à gruyère et le crissement de pneus avaient automatiquement la carte ici. Dès lors, la rencontre avec The Builder & The Butchers, dont le chanteur évoque un Michael Stipe qui aurait séché le contrôle anti-dopage, n'était qu'une question de temps. Si elle a eu lieu vers 2010-11, c'est en 2013 que la relation a pris un tour déterminant, avec la publication ce cet album fiévreux et rageur dont presque chaque titre est devenu un hit de ma radio mentale. À se demander comment certains ont pu oser taxer ces malandrins d'être des clones des fadasses Decemberists, groupe très à la mode durant cette Golbodécade mais dont on n'a jamais rien eu à branler par-ici – la golbitude, c'est aussi savoir être visionnaire dans les trucs à ne pas écouter.

            À écouter en priorité : "Dirt in the Ground"& "No Roses"
            Aussi conseillé sur cette période (mais un peu moins, forcément) : Dead Reckoning (2011)
            Face B : Feast of the Hunter's Moon, de Black Prairie (2010)


            99. Bloodstreams– DZ Deathrays (Arctic Monkeys, mais en bien, 2012)

            Tous les cinq ans environ, un jeune groupe morveux déboule en essayant de faire gober à tout le monde que c'est lui et lui seul qui a inventé le disco-punk. Originaire de Brisbane, Australie, le (très) jeune duo nommé DZ Deathrays a voulu faire encore plus fort, balançant en l'espace de quelques mois deux EPs supersoniques et un premier LP tapageur ayant pour unique but de nous convaincre que les Arctic Monkeys n'avaient jamais existé. Et autant dire qu'en armant leur bazooka pile au moment où Alex Turner se mettait à écrire des chansons pour plaire aux mamans de ses groupies, ils ne pouvaient pas mieux tomber. Atomique, sismique, nucléaire... Bloostreams accepte tous les qualificatifs les plus guerriers (et éculés) susceptibles de qualifier ce genre d'agression qu'on devrait logiquement appeler hard rock si le terme n'était pas désormais si mal connoté. Onze bombes, des refrains à vous faire exulter un stade et des percussions assurées à coup de batte de baseball... Bloodstreams est le genre d'album qui vous réconcilie sans aucun problème aussi bien avec le lad-rock qu'avec le Pays des Kangourous – voire avec la jeunesse dans son ensemble.

            À écouter en priorité : "Dollar Chills"& "No Sleep"
            Aussi conseillé sur cette période (mais un peu moins, forcément) : Black Rat (2014)
            Face B : Favourite Worst Nightmare, des Arctic Monkeys (2007), parce que quand même.


            98. Let the Dominoes Fall– Rancid (punk fatigué, 2009)

            Il n'y a guère que sur Le Golb (et PS !) que Rancid aura marqué la décennie, ce qui justifie en soit la présence de Let the Dominies Fall dans cette sélection. Album des retrouvailles avant celui de trop, il voit le groupe de Berkeley enquiller une dernière fois les tubes décharnées et nauséeux avant de rester accidentellement bloquer en mode "authentique" et "survivant". "Last One to Die", "Civilian Ways", "Dominoes Fall"... sont autant de titres qui ont ravi le fan dégarni, en ont même sans doute acquis quelques nouveaux, provoquant d'autant plus d'enthousiasme que l'on n'a bien failli ne jamais les entendre (je vous renvoie à l'article de l'époque pour revenir sur le cheminement plutôt chaotique ayant amené ce petit miracle tatoué). Si d'aventure cela devait s'avérer être le dernier grand album du meilleur groupe punk de sa génération, ç'aura été une belle manière de conclure.

            À écouter en priorité : "Civilian Ways"& "New Orleans"
            Aussi conseillé sur cette période : aucun
            Face B : aucune, personne ne peut sérieusement se comparer à Rancid.


            97. Ultra Orange & Emmanuelle – Ultra Orange & Emmanuelle (rock photoshopé, 2007)

            Un duo culte pour douze personne et demi, une icône glamour mariée à une légende du cinéma... l'attelage était trop beau pour ne pas se prêter à la suspicion. La presse généraliste ne s'y trompera d'ailleurs pas, qui accordera à ce threesome d'un soir plus de pages de modes que de passages en radio. N'empêche, il tenait drôlement la route, ce LP incompris qui essayait moins de verser dans le rock vintage que d'offrir de celui-ci une vision iconique et fantasmée, avec une actrice trop sous-estimée dans le rôle de la rockstar fougueuse, sexy à en crever, et bien évidemment inaccessible. Une espèce d'accomplissement pour Ultra Orange, qui gravait là quelques uns de ses meilleurs morceaux ("Sing Sing", "Bunny", "The Good from the Bad") avant de disparaître dans la nature, tandis qu'Emmanuelle Seigner se lançait dans une série d'albums probablement plus personnels, mais tellement variétoches et anecdotiques que seul Next leur aura accordé plus de trois phrases.

            À écouter en priorité : "Won't Lovers Revolt Now"& "The Good from the Bad"
            Face B : Under My Bed, de Lou Lesage (2011), qui pour le coup pourrait vraimentêtre la Face B de l'album.



            96. The Shepherd's Dog– Iron & Wine (Led Zep III.2, 2007)

            Tout était tellement plus simple, il y a dix ans. On pouvait encore faire semblant de croire que les chapelles avaient un sens, et que les étiquettes collaient plus aux doigts qu'à la peau. Les choses étaient claires, nettes. Sam Beam, par exemple, était un petit génie de l'indie-folk. Peut-être pas encore un chef de file, mais un presque patron auteur d'un des plus grands chefs-d’œuvre du genre, Our Endless Numbered Days. Rétrospectivement, The Shepherd's Dog marque le moment où tout a basculé. Celui où Iron & Wine, qui découvre les sentiers bouseux de Led Zeppelin III et du Jar of Flies d'Alice In Chains, cessera petit à petit de faire systématiquement l'unanimité, y compris dans ces pages. Point de bascule ou d'achoppement (est-ce si différent, dans le fond ?), à cheval entre son brillantissime prédécesseur ou son embarrassant successeur, on peut voir The Shepherd's Dog comme le dernier disque d'une période irréprochable ou le premier d'une autre plus contrastée, dont il préfigure déjà certains excès (notamment un goût pour les arrangements néo-baba-cools sucrés qui se fera de plus en plus prononcé au fil du temps). En lui-même, il reste en tout cas l'un des plus jolis albums de folk-rock des dix dernières années, même si l'honnêteté oblige à reconnaître que ses meilleurs titres sont clairement ceux rappelant l'Iron & Wine de la décennie d'avant.

            Àécouter en priorité : "Resurrection Fern"& "Flightless Bird, American Mouth"
            Aussi conseillé sur cette période (mais un peu moins, forcément) : Ghost on Ghost (2013)
            Face B : Luxe, de Stranded Horse (2016)


            La Petite Femelle - Faites sortir l'accusée

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            Je ne sais pas exactement ce qui est arrivé à Philippe Jaenada ces dernières années. Depuis qu'il ne nous raconte plus sa vie dans ses romans, c'est un peu comme s'il nous laissait sans nouvelles ; on se sent un peu con et on imagine le pire, on essaie de demander à des connaissances communes si elles l'ont vu récemment, on va le stalker sur Facebook juste au cas où – on réalise qu'il a fermé sa page, on balise, on hésite à aller traîner dans le bar en bas de chez lui, on se ravise, on ouvre La Petite Femelle et on repart pour un tour. Je ne sais pas exactement ce qui est arrivé à Philippe Jaenada ces dernières années. Donc. Peut-être quelqu'un lui a-t-il dit Bon, t'es bien gentil mais tu commences à soûler à nous raconter ta vie, en plus c'est pas comme s'il s'y passait plein de trucs, pourquoi tu ne raconterais pas plutôt les vies de personnes un peu plus illustres (peut-être lui a-t-on dit méritantes, ou quelque chose de plus doux dans ce goût-là) ? Ou bien alors sont-ce les hasards des rencontres, des lectures ou des excellents documentaires diffusés à trois heure du mat' sur La Chaîne Parlementaire... qui l'ont amené à écrire coup sur coup deux biographictions– ou quel que soit l’intitulé sordide donné par quelque sordide journaliste à cette mode sordide dont Jaenada sera probablement le seul des représentants à pouvoir encore se regarder dans la glace au matin du Jugement Littéraire Dernier.

            Pourquoi ? Comment ? Eh bien tout d'abord, contrairement à certains autres que nous ne nommerons pas, lorsque Philippe Jaenada s'attèle à décrypter l'affaire Pauline Dubuisson, il raconte (c'est assez incroyable, vous en conviendrez) la vie de Pauline Dubuisson. C'est-à-dire qu'il ne nous raconte pas la vie de Philippe Jaenada essayant d'écrire un roman sur Pauline Dubuisson, ni la vie de Pauline Dubuisson revue et corrigée par les problèmes de couple de Philippe Jaenada – encore moins le monologue intérieur érotico-mortifère de Pauline Dubuisson dix minutes avant que Dieu, La Faucheuse ou Zidane ne descende recueillir son dernier soupir. Simplement, presque scolairement (dans le bon sens du terme : c'est-à-dire avec soin et application), Philippe Jaenada vient nous raconter la vie de Pauline Dubuisson. Et c'est passionnant.

            Car en enquêtant sur un fait divers que même des amateurs du genre ne connaissent que superficiellement (Dubussion sera condamnée en 1953 à la perpétuité pour le meurtre de son amant), l'auteur s'aperçoit rapidement que tout son contexte, tout son arrière-plan ont été totalement réécrits tant par l'accusation que par la presse de l'époque. D'abord soupçonneux puis absolument convaincu que le "monstre" décrit par tous relève plus d'une construction médiatique anarchique que d'une quelconque réalité, il s'attèle à une incroyable opération de démolition/réhabilitation – ses lecteurs connaissent déjà sa passion immodérée pour les personnages de détectives privés ; le voici ajoutant une cape de justicier à son attirail habituel, prêt à éplucher tous les témoignages, toutes les pièces du dossier. Inconsciemment sans doute, il se transforme tout simplement en l'avocat compétent que la jeune étudiante n'a pas eu à l'époque, réglant son compte à l'accusation à coups de parenthèses assassines – on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a.

            Foncièrement, le traitement narratif est similaire à celui que l'auteur appliquait déjà à Bruno Sulak : récit aussi minutieux et fidèle que possible à la réalité, humour tantôt bon enfant et tantôt plus acide, apartés autobiographiques à rallonge quoique toujours au service du récit. Les défauts en sont donc à peu près le mêmes (longueurs, digressions totalement en roue-libre – je ne parle pas uniquement des légendaires parenthèses de Jaenada, mais bien de sa capacité à étaler l'approfondissement d'un point de détail sur trois pages en donnant parfois l'impression d'oublier ce qu'il racontait au début... tu m'étonnes que le bouquin en fasse sept cents), à cette nuance près que l'histoire de Pauline Dubuisson est autrement plus captivante que celle de Sulak, dans les faits autant que dans ce qu'ils disent de leur époque (et de la nôtre). Il ne fait en effet rapidement aucun doute que la jeune femme a été avant victime de sa condition, de son tempérament, de son intelligence et de son indocilité. Le monstre sanguinaire, la salope, le démon... était surtout une femme belle, décidée, sexuée et indépendante dans une époque encore moins prête que les suivantes à accorder de tels traits à une individue de sexe féminin, tout encore bercée, conditionnée, hypnotisée par le vieux trope de la vierge contre la putain. Pour avoir simplement voulu rester digne et n'avoir pas projeté l'image que la société attendait d'elle (celle d'un être fragile, émotionnel et ontologiquement soumis au sexe masculin), Pauline Duisson se sera vu refuser toute circonstance atténuante – et Dieu sait pourtant qu'elle en avait. Les page les plus fascinantes du livre sont assurément celles, nombreuses et chaque fois plus stupéfiantes, dans lesquelles Jaenada s'attèle à remettre de l'ordre dans le n'importe quoi hyberbolique qui entoura l'affaire dès le premier jour (toute la partie du livre consacrée à la vie de Dubuisson durant l'Occupation est purement et simplement géniales, notamment les passages consacrées au procès-verbal ou au supposé viol collectif), quitte à verser dans l'obsessionnel. Jaenada va jusqu'à compter les marches menant au lieu du crime ou demander à son coiffeur quelle serait l'épaisseur de cheveux de quelqu'un qui aurait été tondu X mois auparavant – entre autres efforts totalement disproportionnés par rapport à la place qu'occuperont les infos obtenues dans le texte. Quand on pense à ces types qui se prétendent biographes après deux interviews d'oncles alcooliques, trois recherches Google1 et cinq paraphrases d'autres livres, il y a de quoi être admiratif devant tant d'énergie et d'altruisme.

            L'énergie, oui. C'est cette sensation que l'on en garde une fois le livre refermé et quelques semaines écoulées. Qu'il vous prenne par la main et ou vous traine par le colbac, Jaenada s'affirme plus que jamais comme un formidable conteur, faisant (re)vivre ses personnages, coloriant ce qui ailleurs n'aurait été que des vignettes en noir et blanc jaunies. Son style, d'ailleurs, n'avait plus semblé si vigoureux depuis des lustres. Probablement depuis Plage de Manaccora. Entendons-nous bien, Sulak, n'était pas un mauvais roman (même si celui-ci lui donne des airs d'ébauche trop peu ou trop mal dégrossie) ;La Femme et l'Ours, pour sa part, était formidable. Mais son écriture y était empreinte d'une amertume, d'une tristesse, même, qui paraissent bien loin de l'enthousiasme irrigant ce nouveau récit pourtant très sombre, dur, douloureux. Les livres de Jaenada ont toujours été ainsi, projetant dans la lumière les saynètes les plus déprimantes, rendant amusante et pittoresque l'anecdote la plus plombante. Le même talent appliqué à la réparation d'une injustice criante, utilisé pour faire le bien, si l'on peut dire, impressionne d'autant plus et force le respect même chez ceux qui en avaient déjà beaucoup pour l'auteur. Il a bien fait de sortir de sa cape, le Philippe : il est devenu en sept cents pages le plus truculent et droopyesque des superhéros.


            La Petite Femelle, de Philippe Jaenada (Julliard, 2015)



            1. Bon, en même temps, si vous virez les quatre-cent-douze-mille interviews de Jaenada, Google ne vous donnera quasiment aucune info sur Pauline Dubuisson.

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