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Channel: LE GOLB
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Golb My Games

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Quand j’étais petit, j’étais un gamer. Un vrai. Un pur et dur. Un acharné. Le mot gamer n’existait même pas encore, du moins personne ne l’employait-il, que je savais déjà ce qu'il signifiait. Je jouais, je jouais. Je ne faisais presque que cela. Bien entendu, pour mon avenir, j’hésitais entre testeur de jeux vidéo et plus modestement concepteur. J’en inventais plein – et des révolutionnaires, encore. Sur des bristols. J’énumérais chaque niveau avec force détails et illustrations. Mais surtout : je jouais. Au grand désespoir de mes parents, qui se consolaient en se disant que certes, les jeux vidéo rendaient violents et épileptiques, mais qu’au moins ils me permettaient de développer mes réflexes. Ce genre de discussion avec ses parents a désormais quelque chose d’universel, c’est un cliché qui, alors, n’en était pas encore devenu un. C’était une autre époque, ni meilleure ni pire, juste différente. On découvrait les jeux vidéo de manière frontale, sans véritable esprit critique, presque empiriquement. On les finissait aussi, souvent, intuitivement – il n’y avait pas encore mille magazines et sites et il pouvait se passer des années avant qu’on ne tombe sur la soluce permettant de nous débloquer. En 2016, si j'abandonne un jeu, c'est juste qu'il m'ennuie.

Car je joue toujours, un peu ou beaucoup – selon les périodes. A des jeux plus ou moins récents, plus ou moins bons. J'ai quand même certaines lacunes. Je connaissais peut-être le mot gamer avant même d'avoir jamais tenu une manette, mais la première fois qu'un ami m'a traité retro-gamer, j'ai réellement appris une expression (ce qui ne m'arrive pas tous les jours, ni même tous les mois). J'ai aussi appris dans la foulée qu'il avait tort, puisque la vérité serait plutôt que je suis un timeless gamer. Je me fous un peu que le jeu date de 1988 ou de 2014, tant qu'il me divertit. Tant qu'il parvient à me faire oublier le monde qui m'entoure, j'estime la mission accomplie. C'est peut-être en cela que je suis retro. Si je n'ai jamais jusqu'ici éprouvé le besoin d'écrire sur une activité à laquelle je consacre tout de même un peu de temps chaque jour, et ce depuis tout gamin, c'est peut-être dans le fond parce qu'une part de moi considère qu'il ne devrait pas y avoir de grands discours à écrire sur un jeu vidéo. Je conserve en un sens la même approche que lorsque j'avais douze ou treize ans, simple et... ludique. Il y a une immense faille spatio-temporelle dans ma vie de joueur ; j'ai petit à petit arrêté de jouer après avoir commencé à coucher avec des filles (je n'irai pas jusqu'à affirmer qu'il y a un lien de cause à effet), et lorsque j'ai commencé à m'y remettre (aux jeux vidéo – je n'ai jamais réussi à arrêter les filles), à la fin des années 2000, j'ai été très étonné de voir que tout un nouveau langage avait remplacé le sacro-saint (de mon temps) player fun. Dans les tests que je lisais (qui s'appelaient désormais fort pompeusement des critiques), on parlait désormais de scénario (!) voire de mise en scène (!!!). On disait qu'un jeu était vraiment très beau "pour de la 3DS" (la première fois que j'ai eu un jeu 3DS en main j'ai failli m'évanouir tellement je trouvais ça sublime, vous imaginerez donc mon étonnement face à cette frilosité). Pis, on reprochait à un Zelda d'être "très léger en terme d'histoire" (WHAT????!!!!!!!!!!) et aux jeux de plateformes d'être "pour les enfants" (silence effaré). En somme, le monde des jeux vidéo semblait être devenu terriblement adulte, terriblement prétentieux et, par conséquent, terriblement chiant aux yeux de quelqu'un ayant caressé sa première manette en 1987 ou 88. Une époque où tout paraissait original, puisque tout restait à faire. A quoi bon écrire un scénario tortueux lorsqu’un petit bonhomme sautant de plateforme en plateforme et écrasant des champignons des deux pieds suffisait à enchanter la terre entière ? Je ne pouvais clairement pas être un rétro-gamer, puisque je ne venais pas simplement d'un autre temps : j'appartenais à un autre monde.


Même à l’époque, je ne me rappelle pas que quiconque se soit extasié devant la beauté de Super Mario Bros, et The Legend of Zelda me paraissait même dès le départ très pauvre visuellement. Sauf que cela n’avait à ce moment qu’une importance infime pour le joueur, qui était bien loin d’imaginer, alors qu'il jouait au déjà très beau Batman : The Video Game, qu’il verrait un jour des choses comme la série des Batman : Arkham. Ce qui comptait, c’était l’addiction réelle que pouvaient provoquer ces jeux, les crises de rires et parfois de nerfs lorsque Toad ne sautait pas assez haut ou que les piles de la Game Gear claquaient au moment d’affronter le Dr Robotnik (ce qui arrivait assez régulièrement, les heureux possesseurs de cette console uniquement créée pour enrichir les Duracell, Varta et autres Wonder s'en rappelleront). C’était de hurler (littéralement) de joie lorsque l’on découvrait une warp zone et de hurler (littéralement) d’effroi lorsque l’on perdait sa dernière vie à un cheveu de botter enfin l’arrière-train de ce gros tas de Bowser (ce qui ne devrait plus jamais arriver en 2016, mais on n'est jamais à l'abri d'un accident).


Alors voilà : puisque Le Golb va bientôt entrer dans sa onzième année (les célébrations approchent à grand pas, préparez-vous bien : vous allez bouffer des dix ans du Golb jusqu'à prier pour qu'il n'y ait jamais de vingtième anniversaire), j'ai décidé de m'offrir cette rubrique jeux vidéo sur laquelle je lorgne depuis un bon moment maintenant. Ce n'est pas une façon de parler : le premier paragraphe de cet article a été écrit début 2012. C'est vous dire si j'ai laissé mûrir, réfléchi à si oui ou non j'avais quelque chose d'intéressant à dire sur un sujet que je connais sans doute un peu moins à fond que ceux sur lesquels j'écris habituellement, et si j'ai des munitions en réserve. En me confrontant à la médiocrité parfois assez sidérante des sites de références sur le sujet, sans même parler de leur vide stylistique presque absolu (si vous en avez de bons à me recommander, d'ailleurs, je suis preneur), je me suis cependant dit qu'il y avait peut-être un petit espace pour un petit Golb tout humble. Bon ok : je ne vous aurais pas, vous me connaissez désormais beaucoup trop bien. Je me suis plutôt dit un truc du genre "Ah vous voulez de la Critique et de la Chronique, bandes de guignols ? Bougez pas, le Patron a quelque chose à vous dire." Mais ça reste entre nous (et je n'hésiterai pas à supprimer cette phrase – voire tout cet article – une fois que je me serai cassé les dents de devant).

Cependant, avant de passer à textes plus spécifiques, petit récapitulatif rapide des 11 commandements de la golbitude vidéo-ludique :

1. Tous les bons jeux vidéo naissent égaux, sans distinction d'époque, de couleur, de machine ni d'éditeur.

2. Ceci étant dit, Mario, c'est mieux que Sonic. Ç’a l'a toujours été, et ça le sera toujours.

3. Le scénario ne compte pas, sauf dans les RPG (et encore, ça dépend lesquels).

4. Les jeux de bagnoles, c'est de la merde, sauf les Mario Kart (et encore, ça dépends lesquels). J'en profite d'ailleurs pour souligner que d'une manière générale, les bagnoles, c'est de la merde. Même si ça peut dépanner parfois.

5. Un bon jeu est un bon jeu, quel que soit son support. S'il est moins (ou plus) efficace avec un émulateur, voire sur un mobile, il y a de fortes chances que ce ne soit pas un si bon jeu que cela.

6. Un bon jeu repose sur plein de facteurs différents, mais il y a fort à parier que ses mécanismes en sont l'un des principaux. Ce n'est pas un hasard si Tetris, Bomberman ou Doom ont été adaptés sur tous les supports possibles et imaginables au long de trois voire quatre décennies, alors que le Tamagotchi, curieusement, un peu moins.

7. Un bon jeu n'est pas nécessairement un beau jeu (même si ça aide). Les prouesses techniques ne doivent pas être un cache-misère, mais servir une esthétique (comme pour n'importe quoi en ce bas monde).

8. Un bon jeu propose un challenge. Il est divertissant ET gratifiant. Conséquence de quoi, la phrase "ce jeu aurait pu être bien mais il est beaucoup trop dur" est absolument proscrite sur Le Golb, y compris des commentaires.

9. Ne pas confondre cependant niveau de difficulté et difficulté due aux limites techniques et autres mauvais choix. Mourir quand on tombe d'une passerelle, ce n'est pas un problème (c'est même plutôt logique, quand on y pense). Mourir parce que le personnage est ridiculement faible par rapport à tous les ennemis qu'il rencontre, c'est beaucoup moins excusable. Mettre deux mois à finir un jeu parce qu'à son époque, il n'y avait pas de sauvegarde, ça n'ajoute ni n'enlève rien à sa qualité.

10. Rétro si vous voulez, mais certainement pas fétichiste. La nostalgie excessive n'aura pas sa place ici. D'ailleurs, je préfèrerai toujours découvrir un vieux jeux auquel je n'ai pas joué à l'époque plutôt que ressortir un jeu qui a marqué mon enfance.

11. Ceci posé, je ne crache jamais sur une petite partie de Super Bomberman 2.



Crystalis - Pink Gets Me High As a Kite

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La première réaction est de sourire face à un jeu dont l'introduction a considérablement vieilli, et dont le personnage est... rose. La seconde réaction est d'être consterné par la lenteur et la faiblesse des coups d'épée qu'il donne. La conclusion logique consiste à déduire que l'on ne va pas y jouer bien longtemps, à ce jeu tellement culte qu'il a fini par être à  peu près oublié de tous.

Comme beaucoup d'autres de l'époque (1990), Crystalis amuse avant d'exciter. Un brin trop ambitieux par rapport à ses moyens, il tente à la fois de révolutionner le RPG (en intégrant une storyline complexe et originale) et le jeu d'action (en faisant se dérouler les combats en temps réel, à la manière de The Legend of Zelda, référence quasi indépassable d'alors)... mais peine sur l'un et l'autre des tableaux, puisqu'au final le but du jeu reste de sauver le monde en tuant des bosses (aucune princesse n'était disponible pour être secoure), et qu'abattre le moindre ennemi demande dans un premier temps de longues minutes de réflexions - ne serait-ce que pour déterminer si cela en vaut réellement la peine. Autant dire que beaucoup n'auront pas été loin, l'écriture extrêmement confuse en faisant de toute manière un poids en plume en comparaison de ses modèles (citons encore Ys, même si cette série est chiante comme la pluie à la pèche). Spoiler alert : je l'ai néanmoins terminé. Deux fois.

Car c'était sans compter sur ce qui fait déjà le charme numéro un de ce que l'on n'appelle pas encore action-RPG, à savoir ces petits plaisirs simples que le genre enrobe d'éléments scénaristiques histoire de se donner bonne conscience : gambader à (en l’occurrence tout) petit trot dans les plaines, botter quelques culs ici ou là alors qu'on pourrait très bien contourner les monstres, le tout dans une chouette ambiance et si possible sur fond de musique épique. Ça tombe bien : la bande-son de Crystalis compte parmi les musts de l'époque, et colle parfaitement à une atmosphère post-apocalyptique un peu plus fine et nuancée que les cavalcades à travers Hyrule. Il n'en faut pas beaucoup plus pour se laisser happer et continuer à jouer un peu, ce que l'on ne regrettera finalement pas : le gameplay, beaucoup plus dynamique qu'il y paraît de prime abord, révèle petit à petit ses mécanismes astucieux, lesquels ne sont pas sans rappeler ceux d'un Secret of Mana... en moins ergonomique, évidemment. Parce que nous sommes tout de même en 1990, et que si l'on finit par ne plus du tout voir la roseur étrange du protagoniste, le déroulement du jeu va rapidement se charger de nous le rappeler.

A la décharge de notre hérose, 1990, c'était encore un peu les années 80.

Laissant d'abord reposer sa difficulté sur ses limites (absence de carte pour un monde particulièrement vaste1, faible endurance du héros, allers-retour incessants - et parfois assez perturbants - en direction du menu...), Crystalis devient au bout de quelques heures d'une difficulté et d'une complexité assez stupéfiantes... et perverses, puisque plus l'on avance dans le jeu, plus on s'éclate, et plus on a envie de le finir. Une gageure tant rien n'est fait pour vous facilitez la tâche. Accrochez-vous bien, surtout si avez moins de vingt-cinq ans ou n'avez commencé à jouer que dans les années deux-mille : voici non pas ce qu'est un jeu difficile, ce serait trop beau, mais simplement ce qu'était la difficulté moyenne d'un RPG moyen en 1990 :

a) l'absence d'indications est parfois totale, et si vous ne progressez sur la carte du monde que petit bout par petit bout, n'allez pas croire que cela va arranger quoi que ce soit : ça n'en sera que plus rageant, car la solution se trouve dans un périmètre restreint tout en étant totalement invisible à vos yeux. Il faut un certain temps pour comprendre que presque toutes les énigmes fonctionnent sur le même procédé : vous devez trouver l'objet A qui se trouve dans le lieu B et le donner au personnage C qui vous donnera en échange l'objet D qui, enfin, vous permettra de continuer votre périple. Bien entendu, vous ignorez l'existence ne serait-ce que d'un seul des ces éléments. Faudrait pas trop se mâcher le travail.

b) preuve que la civilisation présentée dans ce jeu est bel et bien décadente, ses architectes semblent n'avoir été capables de bâtir que d'immenses enchevêtrements de couloirs étriqués et de passerelles sur lesquelles on pourrait difficilement stationner à plus deux. Ce qui doit être déjà bien chiant lorsque l'on est un simple promeneur mais devient une vraie torture s'agissant d'un guerrier devant courageusement (mouais) sauver le monde. Autant dire que si vous avez souri quand j'ai parlé plus haut de contourner les monstres dans les A-RPG, vous allez sacrément être punis : nous seulement le contournement est la plupart du temps inenvisageable, mais on se trouve rapidement dans la situation de devoir choisir entre se défendre ou se soigner. J'insiste sur l'expression se défendre : plus vous avancerez dans ce jeu (et l'atmosphère étant de plus en plus envoûtante, croyez-moi : vous allez avancer, parfois à votre corps défendant), plus l'usage du verbe attaquer vous semblera superflu.

Par contre, si vous aimez taper dans le vide, les attaques spéciales sont nombreuses et fort jolies

c) De toute façon attaquer, c'est bien joli, mais encore faut-il être en mesure de triompher. Si la faible endurance du héros et sa force physique de moucheron sont rapidement compensées par le full package habituel (armures, expérience, items... il finit même par aller presque trop vite), ce qui est d'ailleurs plutôt rare pour le genre et l'époque (Link, par exemple, devient plus résistant mais pas nécessairement plus balaise), rassurez-vous : certains ennemis n'en demeureront pas moins pas moins impossibles à ne serait-ce que blesser à moins d'avoir le bon objet. Que vous obtenez généralement vingt minutes après avoir traversé une zone peuplés des ennemis en question, bien évidemment. Heureusement que les niveaux d'expérience montent très vite, ce qui fait que l'on meurt paradoxalement assez peu.2

d) L'expérience monte très vite, mais attention : toute chose en ce bas monde a un prix (ils étaient très moraux, ces jeux vidéo qui nous rendaient violents et épileptiques). Celui que l'on paie dans Crystalis n'a ni nom, ni visage, juste une silhouette menaçante : celle du Général Kelbesque, deuxième boss du jeu. Survenant en réalité assez longtemps après le début de la partie (vu qu'on a beaucoup gambadé en rond avant de parvenir à lui), ce brave monsieur en armure symbolise le moment très embarrassant où la plupart des joueurs (sauf vous, grâce à moi) se retrouveront comme des cons à taper dans le vide, sans même parvenir à toucher leur adversaire. Cela risque de donner une scène à la fois drôle et un peu pathétique, puisque ce général - comme tous les bosses du jeux - n'est pas spécialement fort, il y a donc peu de chance de perdre face à lui. Mais il n'y en a aucune - absolument : aucune - de gagner non plus, sauf à avoir le niveau d'expérience suffisant. Et vous vous doutez bien qu'il n'y a nulle part un petit panneau ou une bonne âme pour vous le signaler au préalable - encore moins pour vous dire à combien s'élève le niveau en question. Démerdez-vous. Vous voulez pas non plus qu'on vous vende la soluce avec le jeu, quand même ?

Je conçois que le tableau ne fasse pas très envie, et pourtant, bizarrement, le jeu est vraiment sympa. D'une part parce qu'il est rapide et accorde une place égale au scénario et à l'action, offrant au passage une liberté de mouvement qui détonne avec la plupart des jeux contemporains. D'autre part parce qu'en dépit des stigmates du temps, il se révèle au fil des chapitres très moderne dans son déroulement, et plein de trouvailles habiles - voire carrément novatrices pour l'époque (je vous laisse les découvrir, vous verrez, certaines sont vraiment étonnantes). Et enfin parce que, décidément, ces musiques sont irrésistibles et contribuent à créer une ambiance tout à fait singulière, presque mélancolique par instants.

A noter qu'un remake relativement foireux a été réalisé une dizaine d'années plus tard sur Game Boy Color (pléonasme ?). Entre temps, l'original avait déjà pris un coup de vieux, et cette version non seulement n'apportait pas des masses de nouveautés, mais réussissait à plomber les qualités de l'édition N.E.S. (en modifiant notamment des pans entiers de l'intrigue, à commencer par sa fin). Je crois même avoir réussi à tuer le Général Kelbesque en cinq minutes, ce qui m'a ôté toute envie d'aller plus loin.



Crystalis - N.E.S. (A-RPG - SNK, 1990)



1. Tellement vaste, à dire vrai, que je ne suis pas parvenu à en trouver une carte complète pour illustrer cet article !
2.Je réalise d'ailleurs en l'écrivant que je n'y suis même jamais mort, ce qui peut sembler surprenant après tout ce que je viens d'énumérer.

Sunk - Dis donc toi, tu ne serais pas un récit allégorique, par hasard ?

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C'est l'histoire d'un monde qui prend la flotte. Ou d'une flotte qui prend le monde. Il est clairement expliqué dès les premières pages que le sujet prête à polémiques depuis une éternité. Et c'est vrai que les habitants de Sunk, polémiquer, ils savent faire. A vrai dire, ils ne font même que ça tout au long de ce curieux récit à plusieurs voix, dont aucune ne donne l'impression de pouvoir être pris au sérieux mais qui toutes, mises bout à bout, révèlent une parabole un peu moins punk et crétine que ce que l'introduction suggère.

Bien sûr, le texte est burlesque, outré et ne rechigne jamais devant la tentation d'écrire trois pages de suite consacrées au premier truc qui passe par la tête des auteurs (recette de pizza, histoires d'amitié virile entre un homme et une taupe - on en passe). Les illustrations plutôt chouettes du dénommé Arnaud Crémet soulignent le petit côté Vonnegut déjà assez prononcé, avec moins de systématisme cependant (ouf). On intègre assez rapidement qu'il faudra prendre l'ensemble au second degré, dans tous les sens que recoupent ce terme. Ne cherchant pas vraiment à cacher son côté allégorique (en fait on est presque surpris qu'à aucun moment un personnage ne se mette subitement à déclarer Hé oh les mecs, réveillez-vous : ceci est une allégorie !), l'ensemble a le bon goût d'être plus barré que parodique (qui ? Pratchett ? Désolé mais je n'ai cité aucun nom, ça va bien maintenant), et rappelle finalement plus la première partie de Gormenghast, lorsque Peake prend utilise le temps pour dresser le portrait d'un monde en plein délitement et qui semble totalement s'en foutre. Exemple évident lorsqu'il s'agit d'organiser une expédition pour découvrir ce qui se cache tout en haut de l'île, information qu'on imagine de la plus haute importance dans un monde peu à peu englouti par la flotte et dont on peut légitimement s'étonner que personne ne s'en soit préoccupé pendant les premières centaines de morts par noyade. C'est une qualité qui ne manque pas de faire de ce petit livre aux accents rabelaisiens un peu plus qu'une aimable farce ; le revers de la médaille, c'est que c'est aussi ce qui fait qu'arrivé au bout, on ne peut s'empêcher d'être un chouïa déçu tant on avait fini par en attendre. En effet une fois le décor planté et les ambitions (plus que louables) exposées, Sunk ne va finalement pas bien loin au-delà de sa propre barrière de nuages : drôle, enlevé, parfois très inventif, il n'offre pas grand-chose de plus que des saynètes (impeccablement disposées), des vannes (sacrément bien troussées) et des trouvailles farfelues (ah ! le schizophrène affligé de deux personnalités identiques), d'ailleurs plus souvent énumérées que véritablement exploitées. On va sourire (voire carrément rire) à la lecture de telle ou telle curiosité plantée au coin d'une page, on va savourer l'illustration qui va avec lorsqu'il y en a une... et puis le temps de ravaler la gorgée de café qu'on vient de recracher sur l'écran (oui, je lis au boulot et je dois dire que la construction de ce roman est idéale pour lire au boulot), les auteurs seront déjà passés à la description de la curiosité suivante. D'une certaine manière, ils tombent donc un peu dans leur propre piège, en proposant un roman qui n'est "que" drôle, "que" barré... "que" jouissif pour le lecteur. Oui, bon : nous sommes d'accord, il y a bien pire dans le genre piège fatal.


Sunk, de David Calvo & Fabrice Colin (2005)

Les 10 meilleurs épisodes de 2015, une sélection 100 % golbitude et 0 % Dix pour Cent

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Parce qu'un CDG des séries serait trop lourd à mettre en place, mais que cela me démange.

Parce qu'il n'y a pas que les Drawas dans la vie, mais aussi parfois des trucs bien à la télé. Des fois.

Parce que faire le meilleur de l'année civile pour un genre qui fonctionne encore principalement de manière saisonnière, c'est totalement con.

Parce qu'une sélection avec les justifications de façade, ce sera toujours mieux qu'un top.

Parce qu'une série, c'est tout plein d'épisodes qui ne sont pas du tout comme les chapitres d'un roman, nom d'une pipe andalouse !

Voici donc le classement totalement subjectif et assurément pas exhaustif des meilleurs épisodes de séries de l'année 2015. Spoilers intended, of course.


10. "Sizzurp"- Man Seeking Woman (1x05) Aussi paradoxal que cela puisse paraître concernant une comédie uniquement composée d'histoires bouclées, il est assez difficile d'isoler un épisode de Man Seeking Woman plutôt qu'un autre, tous étant à peu près aussi loufoques et barrés (et croyez-moi si vous n'avez jamais vu la série, les mots sont faibles). Va pour "Sizzurp", donc, qui est sans doute plus bête et vulgaire que ne l'est le show dans son ensemble, mais qui a le mérite de constituer une excellente porte d'entrée pour qui voudrait s'y essayer. Soit vous accrochez dès la première minute (et vous devenez fan), soit vous lâchez instantanément (et il sera inutile d'insister, promis juré).

09. "Party of Four" - Masters of Sex (3x11) Il existe sans doute une infinité de réponses à la question "à quoi reconnaît-on une bonne série ?" ; sur Le Golb, on sera tenté dire que c'est une série qui, au milieu d'une saison mineure (voire en l'occurrence carrément médiocre par moments), parvient malgré tout à signer quelques scènes ou épisodes mémorables. En 45 petites minutes, Masters of Sex réussit ainsi à se faire pardonner dix épisodes poussifs, vingt-trois ellipses temporelles pour zéro maîtrisée, et 1000 minutes à vouloir coller des baffes dans la gueule de Bill Masters. Dur, cruel, drôle... ce quasi huis-clos en mode jeu de massacre et restaurant étoilé donne envie de revenir en saison 4, ce qui était loin d'être garanti une semaine auparavant.

08. "Kali" - Halt and Catch Fire (2x09) L'une des principales (et nombreuses) qualités de la seconde saison de Halt and Catch Fire est de donner une leçon d'écriture à toutes ces séries, primées aux Drawas, dont la moitié des personnages vivent leur vie de leur côté sans que cela ait la moindre incidence sur l'intrigue principale. Halt fait exactement pareil les trois quarts du temps, mais en réussi : tout se recoupe parfaitement, naturellement, comme en témoigne cet excellent épisode qui, s'il n'est pas encore le final, sonne déjà comme l'accomplissement d'une saison maîtrisée de bout en bout.


07. "A Fixer of Sorts" - Banshee (3x03) Ne cherchez pas plus loin la baston la plus barge, longue, violente et overzetop de l'année : il n'était même pas encore terminé que le duel à mort entre Nola et Burton était déjà entré dans les annales. Hyper-intense et proprement interminable (elle ne dure que six minutes, mais on a l'impression qu'elle en fait le double), la scène a la particularité de confronter les deux personnages secondaires les plus charismatiques et badass du show, tant et si bien qu'il est quasiment impossible prédire lequel des deux en sortira vivant. Une manière un peu plus classe de purger son casting que dans le premier Game of Thrones venu.

06. "Blood Must Have Blood" - The 100 (2x15-16) Si le show post-ap, post-Hunger Games et post-joie de vivre de la CW a probablement donné son meilleur épisode juste avant Noël 2014, ce final de la saison 2 n'était pas piqué des vers et s'est bien amusé à jouer avec les attentes d'un spectateur qui pouvait craindre que la division en deux parties n'étire le suspens en longueur. Que nenni : la césure était parfaite, totalement inattendue et tout à fait vertigineuse, témoignant une fois encore du culot de Jason Rothenberg et son équipe. Parce qu'il en faut et pas qu'un peu, pour totalement redistribuer les cartes à seulement quarante minutes de la fin. Quant à la seconde partie, elle va boucler toutes les intrigues en suspens de la manière la plus radicale et suffocante qui soit, à tel point qu'on se demande comment la saison 3 parviendra à faire plus sombre et sans issue.

05. "Persistent Romeo" - Fresh off the Boat (1x05) Presque tous les épisodes de Fresh off the Boat auraient potentiellement pu figurer dans cette liste : c'est tout simplement la meilleure comédie de l'année. Si "Success Perm", le précédent, est l'épisode qui démontre que Fresh est incontournable, "Persistent Romeo", en plaçant Constance Wu plus en retrait, est celui qui achève d'imposer le reste du casting et souligne que même les gosses sont susceptibles de tenir la baraque, à tout moment. Pour le pitch, je vous laisse la surprise - sachez juste qu'Eddie et ses copains y découvrent le porno.


04. "Wedding Videography" - Community (6x12) Si le grand final de Community a arraché des larmes à la terre entière (c'est-à-dire aux 2000 personnes qui suivaient encore la série la plus sous-estimée des dix dernières années), le vrai chef-d'oeuvre de cette formidable saison 6 était l'avant-dernier épisode, une merveille de comédie acide qui, laissant de côté les délires méta, renouait avec les grandes heures de la première saison : personnages odieux, donc trop humains, quiproquos, vannes ciselées et Chang qui se rachète une conduite (au propre comme au figuré) dans les dernières secondes, après des années à les avoir brisées menues aussi bien à nos héros qu'au spectateur. La meilleure manière de boucler ses valises avant d'embarquer pour un final pour le coup absolument meta et 2000 % sentimental.

03. "eps1.0_hellofriend.mov" - Mr Robot (1x01) Oui, Mr Robot a été surbuzzée. Non, ce n'est pas la série parfaite et "coup de poing" que la critique a voulu vous vendre. Oui, elle n'était pas exempte de défauts dans sa seconde moitié. Mais oui aussi, cela n'en reste pas moins une des meilleures séries de l'année passée, pour tout un tas de raisons tout à fait objectives (casting, mise en scène, atmosphère)... etc. Brillante de A à Z, cette ouverture en forme de baffe dans la gueule est sans conteste l'un des meilleurs pilotes qu'on ait vu depuis pas mal de temps, et constitue sans doute involontairement la source du malentendu. C'est d'ailleurs aussi le meilleur épisode de la série à ce jour, ce qui est toujours un peu problématique - mais c'est un autre débat.

02 "A Most Powerful Adversary" - The Leftovers (2x07) Isoler un épisode de la splendide saison 2 de The Leftovers relève du sacerdoce tant celle-ci s'est avérée proche de la perfection esthétique la plus absolue. L'ouverture est surprenante et fascinante, le final fait frissonner du début à la fin, et le reste propose à chaque scène plus d'idées que la quasi-intégralité des autres séries de HBO réunies. Idéalement placé entre l'épisode le plus sombre ("Lens") et le plus onirique ("International Assasin", qui rappelle qu'avant de créer Lost, Damon Lindelof était le plus grand fan du monde des Soprano), "A Most Powerful Adversary" bluffe par sa construction et la manière subtile dont il bascule de l'un et l'autre des pôles qui encadrent la série : une première demi-heure durant laquelle The Leftovers s’enfonce plus loin que jamais dans le fantastique... puis une seconde qui dégonfle complètement cet aspect, tant et si bien que les deux confrontations entre Kevin et Virgil, chacune à un bout de l’épisode, provoquent des impressions totalement différentes et contradictoires – la première donne envie de croire à l’existence de ce fameux adversaire, quand la second montre juste deux mecs pathétiques qui ont totalement perdu pieds. Brillant.


01. "Heaven Sent" - Doctor Who (9x09) Longtemps, Steven Moffat a paru incapable de dépasser le trailer de ses "grands"épisodes (on les reconnaît facilement à leur musique mélodramatique et au nombre de fois où le Doctor s'écrie "I Am the Doctor!"). Et lorsqu'il y parvenait, c'était surtout pour recycler ses vieux gimmicks, comme l'an dernier dans l'épisode "Listen", tellement inattendu que certains se sont sentis obligés de le trouver génial. Cette fois-ci, pourtant, c'est la bonne. En 45 minutes, Moffat nous fait regretter tout le mal qu'on a dit de lui depuis des années, et le fait qui plus est de la plus cruelle et arrogante des manières : en restant droit de ses bottes. "Heaven Sent", comme toute l'excellente saison 9, contient à peu près tout ce qu'on détestait dans Doctor Who depuis 2010 (une intrigue centrée sur l'introspection du Doctor, des timey wimeyà ne plus savoir qu'en faire, une ambiance over-geek et high concept)... mais en bien - en génial, même. Du coup, on oubliera l'existence d'une deuxième partie beaucoup moins emballante (sacré Steven, bientôt six ans qu'il nous nique comme ça).


Ils ont failli y être : le final de Justified ("The Promise"), le rebondissement le plus réussi de l'année (Black Sails, 2x05), "AKA Sin Bin" (Jessica Jones, 1x09), "Out of Time" (The Flash, 1x15), le season premiere de Black-ish ("The Word"), le poilant "Headquarters!"(Limitless, 1x09), "Do Mail Robots Dream of Electric Sheep?" (The Americans, 3x09), l'ultra-stressant "If-Then-Else" (Person of Interest, 4x11)... et bien entendu plein d'autres que je n'ai pas vus ou auxquels je n'ai pas accordé l'attention nécessaire.

[GOLBEUR EN SÉRIES RE-OPENED]

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Non, il n'y a pas que les vieilles séries de quand j'avais les cheveux longs qui ont droit à leur reboot. Il y a aussi les (pas si) vieilles rubriques du Golb qui peuvent revenir après une longue période d'abstinence, un split jamais officialisé ou encore un spin off sur le câble (ou le Classement des blogueurs - auquel vous êtes tous cordialement invités, soit dit en passant et en dépit d'un titre fleurant bon l'entre-soi). La rubrique Golbeur en séries fait donc son grand retour, pour le plus grand bonheur d'au moins deux personnes, mais probablement pas au rythme effréné de ses premières saisons. De toute façon, en seulement quelques années, tout a changé et la moitié des nouveautés sont livrées par pack de 12 épisodes le même jour, ce qui a tendance a réduire considérablement le nombre de titres susceptibles d'être évoqués dans une rubrique hebdomadaire (merci encore, Netflix, d'ubériser mon blog. Heureusement que tu as racheté Longmire pour te faire pardonner).

BASKETS La meilleure vanne de la semaine, c'est l'ami Sixtine qui l'a faite sur le Classement des blogueurs. Je cite respectueusement : "Donc Louis CK a un nouveau projet fou : transformer les comiques les plus bouffons de leur génération en types aussi chiants et nombrilistes que lui. Le mec de Télérama a craqué son slip kangourou, moi j’ai éteint au milieu." Je souscris à tout, sauf peut-être à l'histoire avec Télérama, parce que je n'oserais pas affirmer que l'on y porte encore des slips kangourous en 2016. Pour le reste, les deux premiers épisodes de Baskets sont effectivement nuls. À chier, même. Absolument horripilants. Tenir jusqu'au bout relève de la prouesse, et encore est-ce avec l'envie de défoncer la gueule de chaque personnage à coup de batte de baseball. Nous sommes le 31 janvier et nous tenons peut-être déjà la comédie la plus mauvaise et la plus prétentieuse de l'année.

Ah oui au fait : ça raconte l'histoire d'un mec qui sort d'une école de clown à Paris et... ouais, je sais : le pitch invitait à la méfiance.

DC's LEGENDS OF TOMORROW Voici donc la série tellement importante, tellement capitale,  tellement vitale... qu'elle nous a valu de nous pourrir et Arrow, et The Flash durant près de trois mois et au moins cinq backdoor pilots (sans compter la précédente saison d'Arrow, dont une scène sur trois était elle-même un genre de backdoor pilot). Ça valait bien la peine, surtout pour aboutir à un premier épisode nous répétant mollement sur deux fois 40 minutes ce qu'on savait déjà depuis des semaines (voire depuis le premier pitch dévoilé il y a quoi ? Un an ?) Rien de désagréable en soi, certes. On peut même considérer que le choix d'avoir placé Victor "Droopy" Garber-Bristow en lead était une chouette idée. On peut même se dire qu'à terme, une série réunissant le meilleur personnage d'Arrow et le meilleur personnage de Flash ne peut décemment pas être la plus mauvaise des trois, surtout qu'on devine déjà qu'ils vont pousser le crossover jusqu'à coucher ensemble. On peut même se faire plein d'autres réflexions et se dire plein d'autres trucs puisque, sur le papier, la plupart des feux sont au vert - ce qui n'enlève malheureusement rien au fait que ce double-pilote était un peu emmerdant (surtout la partie 1), un peu cheap (surtout la partie 1), et ressemblait à tout un tas trucs (surtout la partie 2). On ne peut s'empêcher non plus de se dire que la moitié du casting ne sait pas jouer (même si Brandon Routh et Ciara Renée sont très agréables à regarder), et que même le charisme de Caity Lotz ajouté à la coolitude de Wentworth Miller ne peuvent rien pour le jeu erratique d'Arthur Darvill, ni la fadeur de Jean-Pierre Mec-qui-joue-Hawkman et de Jean-Luc Nouveau-Firestorm-encore-pire-que-le-cousin-Amell. Et on ne parlera pas du méchant, qui a tout de même réussi en à peine cinq scènes dans les sister-shows à se hisser dans le Top 10 des pires bad guys aux derniers Drawas. Bref, c'était pas terrible.

DRAGON BALL SUPER Après deux arcs pleins (soit un peu moins de 30 % de la commande initiale), l’heure d’un premier bilan s’impose. Positif mais mitigé tant, passé le plaisir de retrouver ce bon vieux Goku chaque semaine (ainsi que l'excellent générique), il y a de quoi rester circonspect. Akira Toriyama, rappelons-le, a passé cinq ou six ans, sur les onze qu'a duré son manga mythique, à se plaindre de ses conditions de travail, de son contrat, des rythmes qu'on lui imposait de tenir, des idées qu'on ne le laissait pas mener à bien ou encore de ce qu'il ne pouvait mettre le point final qu'il voulait à son histoire. Pour cette raison et seulement celle-ci, on arrivait à trouver à cette suite une raison d'être. Mais si l'on retrouve bien, dans un premier temps, le ton et l'humour potache des débuts, on ne peut pas dire que la table-rase annoncée ait vraiment eu lieu. Et si l'on ne peut que se féliciter qu'il ait choisi de ramener au premier plan certains personnages qui n'auraient jamais dû le quitter (Bulma en tête),  on a revanche le sentiment qu'il ne sait pas du tout quoi faire de certains autres, en particulier tous ceux conçus dans les dernières années du manga (Goten, Boo... même Gohan dans sa version adulte). S'ajoute à cela une vraie paresse scénaristique ; contrairement à ce que pensent ceux qui le connaissent sans le connaître, l’univers de Dragon Ball a toujours été très écrit, peuplé de seconds rôles hauts en couleur, et même la partie baston, si elle était parfois interminable et excessive, n’était pas exempte d’un minimum de scénarisation/chorégraphie. Dragon Ball (Z), c’est en partie ce qui en a fait un succès mondial et intergénérationnel, ça n’a jamais été QUE les gentils qui combattent des méchants. Il y a toujours eu une mythologie, un background... toutes choses assez absentes de ce DBS dont les meilleurs moments sont pour la plupart les saynètes à vocation strictement comique, tandis que les combats, dommage collatéral de la volonté de ne pas les faire trop s'éterniser, sont relativement dénués d'intensité dramatique. Et ce n'est pas la direction que semble prendre le troisième et dernier arc, dans lequel aucune véritable menace ne se profile, qui risque de changer cela...

Trunks et Son Goten dans leur principale activité de la série : rentrer à la maison jouer aux Legos

The FLASH (saison 2) Si c'était volontaire, ce serait super classe : figurez-vous que The Flash est en train de mettre en abyme sa propre incapacité à dépasser sa très bonne saison 1. Ainsi, après que le meilleur épisode de l'automne a été celui marquant le retour au générique de Tom Cavanagh, le meilleur épisode de l'hiver (premier réussi de bout en bout depuis trèèèèès longtemps) est bien parti pour être un petit coup de reviens-y avec le Reverse Flash, le vrai, le seul, l'unique : Eobard Thawne. Dans le genre aveu d'impuissance, on pourrait difficilement faire mieux, d'autant que cet épisode enterre officiellement la romance avec l'ultra nunuche Patty Spivot, solde l'intrigue avec la mère d'Iris et célèbre le retour des pouvoirs de Cisco (dont on avait presque oublié l'existence). Ce qu'on appelle des scénaristes en pleine contrition. Reste à savoir quoi faire après, et redresser la barre ne sera malgré tout pas chose commode tant l'arc entourant Zoom a été trop mal (et trop peu) conduit depuis le début de la saison. Faut dire que c'était tellement vital de nous introduire les personnages tellement charismatiques de Legends of Tomorrow, vous comprenez...

GALAVANT (saison 2) C'est déjà presque fini et, comme l'an passé, l'être faible que je suis face aux comédies musicales s'est aisément laissé emporter. À tout prendre, cette seconde saison était sans doute un poil meilleure que la précédente, notamment parce que les scénaristes ont pris acte de ce qu'ils tenaient une vraie bonne locomotive en la personne du Roi Richard - désormais de tous les plans et de toutes les vannes. L'ensemble reste assez inégal, les bons mots faisant aussi souvent mouche que flop, mais c'est surtout la diffusion qui pose parfois un peu problème : deux épisodes par semaine, c'est un peu trop pour n'importe quelle série en général, et particulièrement quelque chose se voulant aussi léger. Enfin, vu les audiences, on ne va pas non plus se plaindre, il est très possible qu'on n'ait plus de sitôt la chance de revoir Vinnie Jones chanter une chanson d'amour avec des cœurs dans les yeux et des petits oiseaux tout autour.

"Un Drawa du personnage locomotive ? Moi ?!"

The X-FILES (saison 10) Le meilleur pour la fin ? Pas vraiment, non. Le moins qu'on puisse dire est que le très attendu (même un peu ici, avouons-le) retour de Mulder & Scully s'est fait sur une note plus que mineure, avec un premier épisode franchement raté, et un deuxième sympathique mais n'effleurant pas le niveau moyen des stand-alone d'avant. Au programme de 2016 ? Une fausse nouvelle mythologie, un faux nouveau rapport de force, une Scully qui s'est nettement femmefatalisée en vieillissant et une tentative pas très heureuse de nous ramener en arrière, tout en rappelant à grand coups de one-liners lourdingues que nous ne sommes plus dans les années 90 (merci pour l'info, Chris). Ah et sinon, il paraît que Mulder et Scully étaient traqués par le gouvernement et que les extra-terrestres devaient nous envahir il y a quatre ans. C'est bien, notez : Chris Carter prend sur lui et assume pleinement le fait que quasiment personne n'a regardé la série originale jusqu'au bout. Plus qu'à accepter que les meilleurs épisodes de la série aient été écrits par tous ces gens à qui il n'adresse plus la parole depuis quinze ans, et on pourra légitimement espérer une excellente saison 13 aux alentours 2022.

Hé oh : dans Golbeur en séries, avant, il y avait toujours des bonus !

Voilà, voilà : j'arrive. Avec un chouette bonus, en plus, puisqu'il s'agit d'un article entier que j'avais écrit mais n'avait pas eu le temps de publier avant la cérémonie des Drawas. Rien moins que le Top 10 des meilleurs épisodes de série de l'année 2015. C'est par-ici que ça se passe.

Menu Maxi Best of

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Ce n'est pas franchement le secret le mieux gardé de l'année : le 1er mai prochain, Le Golb fêtera ses dix ans. Un anniversaire qui n'arrive qu'une fois et qui ne pouvait décemment pas aller sans sa cohorte de célébrations en tout genre. Après la création de la rubrique jeux vidéo, et en attendant d'autres surprises, voici donc que s'invite le Menu Maxi Best of. Tous les jours d'ici à la date fatidique, la section Head of the Class sera ainsi rejointe par une archive ayant marqué cette décennie de golbitude, pour toutes sortes raisons, par recommandations des lecteurs ou tout simplement parce que j'en ai eu envie, là, comme ça.

Une manière sans doute plus sympathique et digeste qu'une autre de (re)découvrir les meilleurs articles du Golb. Je n'allais tout de même pas me lancer dans une liste énorme que personne n'aurait lue, voire vous demander de voter pour savoir ce que, moi, j'avais préféré écrire et relire. Il y en a tout de même suffisamment (presque 3000 - sans compter ceux qui ne sont plus en ligne) pour que je sois le premier à en redécouvrir régulièrement, parfois à ma plus grande stupéfaction. Je vous invite donc à un petit voyage quotidien dans les archives, au cours duquel je ne serais pas un guide, mais un simple compagnon enthousiaste (ou un peu embarrassé).

A noter que pour l'occasion, je rouvrirai les commentaires sur les archives de la période over-blog, histoire que vous puissiez vous moquer à haute voix de certaines vieilleries pas toujours très heureuses ;-)

Kula Shaker - Greatest Myths

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La discrétion condamne à l'excellence. Ce n'est pas une opinion, c'est un fait, qui constitue tout le paradoxe de cette époque où les réseaux sociaux nous permettent de suivre la vie de nos artistes favoris en temps réel, tout en nous faisant éprouver un besoin constant de nouveauté, de récurrence. De tout temps en dehors de celui-ci, Kula Shaker, c'est le moins qu'on puisse dire, ne souscrit pas franchement à cette règle 2.0. Dix ans après l'EP Return of the King, qui célébrait une reformation ayant elle-même eu lieu pas moins de vingt-quatre mois auparavant, le groupe londonien n'avait jusqu'ici publié que deux albums, séparés par une longue période de silence. On l'a peu vu sur scène, et certainement pas en France, où les places pour son concert du 20 février se sont écoulées à la vitesse de lumière. Un vrai groupe culte à l'ancienne, que tout le monde connaît, que peu écoutent, dont chaque manifestation est guettée avec fébrilité par cette poignée de fans fervents dont Le Golb, je ne vous apprendrai rien, fait partie. On en accueille chaque sortie avec un enthousiasme foufou, même lorsqu'il s'agit d'un simple single de Noël. Le revers de la médaille, c'est que la dite sortie, plus encore que pour d'autres artistes, n'a pas le droit de décevoir. C'est un contrat tacite : d'accord pour patienter cinq ans entre chaque opus, mais pas question de passer ces cinq prochaines années à se repasser en boucle un Kula Shaker moyen. Pensez donc qu'il s'est cette fois-ci écoulé plus de temps entre ce nouvel album et son prédécesseur qu'entre le split de la fin des années 90 et la reformation des années 2000.


K 2.0 vient donc conclure - ou relancer ? - un cycle quinquennal, non sans qu'on l'accueille avec une certaine appréhension, comme n'importe quoi frappé du sigle "2.0" (ce n'est pas ça qu'il avait dit, Lemmy ? "Si c'est 2.0 quelque chose..." ?) Hors du temps, vous dit-on. Et inimitable, ajoutera-t-on après quelques secondes d'écoute d'"Infinite Sun", premier single et titre d'ouverture au faux air de "Great Hosannah" (le meilleur morceau du groupe, faut-il le rappeler ?) On évolue en terrain familier - ce qui ne veut pas dire conquis. Celui d'une pop psychédélique élégante et racée, produite avec soin, bien loin des atermoiements garage que le revival de la dernière décennie nous a souvent imposés. Kula Shaker a beau ne jamais avoir été le ponte de la britpop que la presse anglaise a voulu voir à ses débuts, il n'en demeure pas moins champion du tube en devenir, mélodique mais puissant, à la dimension classique presque instantanée. Évocateur, équilibriste dans sa manière de pasticher sans jamais pomper, K 2.0 s'avale goulument à la première écoute, joyeusement à la seconde, et captive à la troisième. A l'instar de son prédécesseur, le formidable Pilgrims Progress (album de l'année golbienne 2010, faut-il le rappeler ?), en peut-être plus solide encore, il se révèle incroyablement cohérent tout en caressant des styles parfois contradictoires, et monte tranquillement en puissance. On croit un temps que le groupe ne fera pas mieux, sur ce cru 2016, que la splendide "Here Come My Demons", ballade sidérale qui explose en son milieu en heavy rock sidérant. On se trompe, et pas qu'un peu. Si la tension retombe effectivement sur les titres suivants, les quatre derniers morceaux sont une véritable orgie psyché, qui culmine avec l'exceptionnelle "Get Right Get Ready". Impressionnant tour de montagnes russes au groove impeccable, elle renoue avec des aspirations funkoïdes qu'on n'avaient plus entendues chez Kula Shaker depuis son tout premier album, genre de "Grateful When You're Dead" mieux produit, mieux construit et moins moucheté des taches post-grunge l'ayant fait un peu mal vieillir. C'était donc cela que voulait nous dire l'intitulé ?

Oui. Il arrive parfois que le titre d'un album signifie exactement ce qu'il semble signifier. Chaque écoute, et Dieu sait qu'il y en a eu ces dernières semaines, souligne cette évidence que l'on perçoit dès la première sans vraiment pouvoir trouver les mots : si K 2.0 sonne immédiatement familier, c'est tout simplement parce qu'il est un véritable condensé de Kula Shaker. Une œuvre-somme réunissant tout ce que le groupe sait faire de mieux dans un rutilant... shaker, allant chercher ici le romantique de Pilgrim, là le raffinement pop de Strangefolk, là encore les rythmiques obèses de Peasants, Pigs & Astronauts, sans oublier l'incandescence d'un premier album que le groupe donnait parfois l'impression de ne plus tout à fait assumer. Et ne sont-ce pas les Jeevas, attachant groupe de Mills durant les années de split, que l'on croit par instants entendre sur "Death of Democraty" ? Même les breaks hindouisants, portés disparus depuis des lustres, sont cette fois-ci de la partie - dès les premières secondes, de surcroît, comme pour annoncer la couleur chatoyante. Le genre de disque qui n'a aucune chance de convaincre les éternels réfractaires (ces fous) mais qui, dans le même temps, ne peut que faire tomber en pâmoison le fan moyen : tout ce qu'il aime chez Kula Shaker, tout ce qu'il n'aurait pas osé rêver entendre à l'annonce de ce nouvel album, est réuni dans K 2.0. On commence à le déflorer en se disant que ce ne sera pas leur meilleur, on finit par l'épouser en se demandant s'ils sauront un jour faire mieux. La seule mauvaise nouvelle, c'est que pour le prochain album, en 2024, Kula Shaker sera plus que jamais condamné à l'excellence.



K 2.0, de Kula Shaker (12/02/2016) - En concert le 20 février prochain à la Maroquinerie (Paris)

[GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaine 2

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LONGMIRE (saison 4) Et dire qu'il y a encore un an, je regardais cette série pour m'endormir. Autant dire que ça ne m'arrive plus très souvent, sauf lorsque je suis vraiment trèèèèèès fatigué. Rien à dire, cette première sur Netflix était tout simplement la meilleure de la série. On pourra toujours chipoter en quatre cheveux à propos de sa construction un peu étonnante, avec trois premiers épisodes qui semblent être un long téléfilm concluant les intrigues des saisons 2–3, et un season premiere qui aurait donc été reporté au quatrième épisode (qui introduit son lot de nouveaux enjeux et de nouveaux personnages). Cela dit, la qualité elle-même de chacune de ces 60 minutes n'est pas en cause, loin s'en faut. C'était sombre, c'était drôle (si si) et c'était bon. Il faut le souligner, Netflix a été très respectueuse des trois premières saisons, ce qui n'est pas toujours le cas lorsqu'une série est transportée d'un réseau à un autre (changements de lieux de tournage, nouvelles équipes techniques... des séries comme Scrubs ou Medium, voire The X-Files– qui n'avait pas changé de chaîne mais de localité – ont vraiment souffert de ce genre de passage charnière, ce qui n'est pas du tout le cas de Longmire, où on ne voit tout simplement pas la différence). Je pourrais entrer un peu plus dans le détail, mais il se trouve que nous parlerons plus longuement du shérif le plus bougon du monde dans un prochain article.

"Mais n'importe quoi ! Je souris tout le temps !"

The EXPANSE J'ai regardé le premier épisode un midi, en mangeant... et je me suis endormi. En mangeant. Mon sandwich à la main. La suite étant à l'avenant, j'ai rapidement perdu le fil d'une série qui s’auto-proclamait avant même son pilote "Game of Thrones de l'espace" (comme si on avait besoin d'une deuxième série bavarde et prétentieuse pour geeks n'arrivant pas à assumer), et en reproduisait tant les ambitions que les lourdeurs. A vouloir être tout le monde à la fois (le show de HBO, donc, mais encore Battlestar Galactica ou Babylon 5) on finit toujours, c'est malheureusement une règle immuable, par ne plus ressembler à rien. Un casting honnête et un budget impressionnant ne suffisent pas toujours à cacher la misère, a fortiori lorsqu'on se réclame de hits dont certains font désormais figure de classiques : la splendide coquille de The Expanse sonne creux et semble n'avoir retenu de ses inspiratrices que la lenteur de leurs intrigues et la complexité souvent un peu vaine de leurs backgrounds. Pour le dynamisme de Battlestar ou la profondeur de Babylon, il faudra revenir plus tard.

The MAGICIANS On reste sur Syfy qui, sans faire bruit, semble avoir entamé une petite révolution de sa grille. Bien fichue, bien écrite et bien jouée, The Magicians en est un exemple parmi d'autres (le plus parlant est sans doute à l'heure actuelle Z Nation), le genre de show qu'on aurait plutôt attendu d'un gros Networks aussi bien en terme d'ambitions que de production values. Là où on imaginait au mieux un teen-show efficace (ce que The Magicians n'est absolument pas), on trouve ainsi une série assez subtile dans le développement de ses personnages et l'utilisation de ses références, à l'atmosphère joliment prenante et aux dialogues assez réussis. Sera Gamble étant à la production, il est difficile de ne pas penser à Supernatural, dont on retrouve la manière de saupoudrer de second degré des intrigues foncièrement assez sombres, mais c'est surtout le traitement de ses deux axes principaux, la magie et le passage à l'adule, qui séduit au terme de ces (trois) premiers épisodes. La première, évidemment fascinante, se révèle tout sauf facile et glamour. Le second est abordé à rebours de ce que l'on peut attendre, en s'attardant sur des personnages à cheval entre deux périodes de leur vie – donc, entre deux mondes : la jeunesse, en train de passer, n'est déjà plus vraiment insouciante, tandis que le monde des adultes paraît d'autant plus mystérieux et inquiétant que les seuls personnes de plus quarante ans à être apparues à l'écran sont, pour le moment, des magiciens aux intentions pas très claires. Ma femme me fera d'ailleurs remarquer par la suite que le pilote semble commencer exactement là où finissait la première génération de Skins : une vue sur New York et "Time to Pretend"à fond les ballons. Bref, sans être révolutionnaire, ce début de première saison paraît plutôt solide et prometteur. Après toutes ces semaines de morne plaine, ça fait du bien de l'écrire.


SHADOWHUNTERS Pas tellement qu'on en doutait, mais c'est quand même bien d'avoir confirmation que le changement de nom d'ABC Family n'avait rien à voir avec un infléchissement de sa politique. Adapté (comme tout le monde de nos jours) d'une série de livres jeunesse à succès (La Cité des Ténèbres, en VF), elle même déjà adaptée au cinéma (comme tout le monde de nos jour), Shadowhunters est, devinez quoi ? Un teen-drama fantastique dans lequel une héroïne plus mignonne que charismatique passe à l'âge adulte en découvrant un monde qu'elle ne soupçonnait pas, entourée de jeunes gens jolis et bien lookés (même et peut-être surtout les monstres), et de quelques vieux de 35 à 38 ans histoire de faire le nombre. En somme, tout le contraire de The Magicians. Rien que de très formaté (ce qui est tout de même un peu con quand on rebaptise sa chaîne... Freeform), mais cela dit rien de très désagréable non plus quand on n'est pas réfractaire au genre. On appréciera notamment la dynamique à la Vampire Diaries, avec des intrigues avançant tambour-battant et ne cherchant pas à maintenir trop artificiellement le suspens, tandis que la mythologie qui se met en place est pour l'heure suffisamment intrigante (on n'a pas dit passionnante, hein) pour donner envie de revenir encore pour quelques semaines.

à part ça...

NBC songerait, ne riez pas, à proposer une adaptation télé de... Cruel Intentions. Attention, pas des Liaisons dangereuses, hein, ils doivent à peine savoir ce que c'est. Juste de son adaptation ciné pour adolescents blancs des classes moyennes, sympathique au demeurant mais le genre de film qui n'est à peu près culte que chez les personnes ayant perdu leur virginité l'été de sa sortie. Et comme ils sont très malins, chez NBC (on parle tout de même du Network qui nous a donné, rien que l'an passé, Constantine, Aquarius,Blindspot et Heroes Reborn, un Network dont le rayonnement est tel qu'en 2016, sa meilleure série - et de loin - est... Grimm), ils aimeraient bien que Sarah Michelle Gellar reprenne l'un des seuls trois bons rôles de sa pathétique carrière. On fait quoi : on leur dit ou pas ?



Kid Icarus Uprising - La Laideur cachée des beaux

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Certains jeux déçoivent parce qu'on en attend beaucoup trop ; d'autres déçoivent juste parce qu'ils veulent trop. En faire, en donner. En montrer. Et dans le genre, Kid Icarus Uprising se pose-là. Vous qui entrez ici, sachez que ce n'est pas un jeu que vous tenez entre vos mains déjà moites, mais un blockbuster de chez blockbuster. Un console seller, comme on dit. Un chef-d'oeuvre qui, sans doute par pudeur, refuse de dire son nom. D'ailleurs, il se veut inclassable. Un jeu d'action ? Un jeu d'aventures ? Un jeu de tir ? Et pourquoi pas tout cela à la fois ? Sky is the limit, et ça tombe plutôt bien puisque le héros est un ange qui passe beaucoup de temps dans les airs à shooter du... attendez : je relis vite fait le scénario. Ah mais oui, bien entendu qu'il y a un scénario : nous ne sommes plus au vingtième siècle. Il y a même, accrochez-vous bien : des personnages et des rebondissements. Bon, rien d'exceptionnel non plus, mais à la décharge des développeurs,  la dernière fois que l'on avait croisé Kid Icarus et son héros Pit, ça ressemblait à ça :

Kid Icarus (N.E.S, 1986)

... ou plutôt, soyons précis, à ça :

Kid Icarus : Of Myths & Monsters (Game Boy, 1991)

... on peut donc excuser une certaine envie d'en coller plein mirettes pour le grand retour d'une franchise qui prenait mystérieusement la poussière depuis deux décennies, en dépit d'un statut ultra-culte et d'une place enviable dans la liste très select des jeux les plus hardcore de tous les temps. Mais si, souvenez-nous : c'était avant les piles de sauvegardes, à l'apogée de l'ère des mots de passe (qui est un peu aux jeux vidéo ce que celle du CD gravé fut à la musique). Il y avait des méchants dans tous les coins, on passait son temps à grimper d'écran en écran (j'ai toujours eu une coupable tendresse pour les jeux à scrolling vertical – ne demandez pas pourquoi), à tirer dans le vent, à tomber, à mourir, à mourir en tombant et à ramasser tout un tas d'objets dont on ne savait la plupart pas du temps pas quoi faire. D'une simplicité confinant à la poésie, d'une difficulté quasiment surhumaine et d'un rythme carrément effréné pour l'époque, Kid Icarus a glané le cœur de millions d'enfants et méritait bien, au moins une fois, de revêtir ses habits de lumière ailleurs que dans les affreux Super Smash Bros. Soit, on n'aurait pas dit non à un reboot façon New Super Mario Bros., histoire de retrouver un peu des sensations d'antan (et aussi parce que le scrolling vertical, c'est top moumoute, comme on disait alors). Kid Icarus Uprising se présente d'emblée comme bien plus qu'une version modernisée : un tout autre jeu, qui non content de supprimer le scrolling vertical fait aussi un sort aux plateformes. A vrai dire, on ne peut même plus mourir en tombant – ni même tomber tout court.

Qu'importe : dès les premières minutes, la promesse est tenue. On en prend plein la poire : c'est beau (très), ça va vite (très), c'est intense (très) et même assez marrant. Mieux, fidèle à la réputation de ses ancêtres (ainsi qu'à la volonté de Nintendo de vendre des 3DS aux plus de douze ans, on suppose), le jeu place immédiatement la difficulté à un niveau honorable. On en prend plein la poire, oui : dans tous les du terme. Et après ce prologue en mode shoot 'em up aérien, on est bien content de fouler la terre ferme, espérant naïvement pouvoir respirer un peu. C'est au contraire ici que les chosent se corsent – là aussi, dans tous les sens du terme.

Nous en sommes approximativement à cinq minutes de jeu et soudain, tout se met à aller de travers. Au sol, l'action qui se veut intense, chaotique, pan-ta-gueule... se révèle surtout très fouillis, pour ne pas dire abrutissante. Ça tire dans tous les sens, ça saute, ça fait de plein de couleurs et bien évidemment, ça tourne dans tous les sens puisque vingt ans après Super Mario 64, il n'y a toujours personne chez Nintendo qui soit foutu de régler ces putains de caméras 3D. Surtout: ça fait du bruit. Mais genre : beaucoup, beaucoup de bruit. Ça braille comme pas permis, au point qu'on en vienne à se demander si l'apparition des voix n'est pas la pire évolution technologique de l'histoire du jeu vidéo (ce ne sont pas les couinements de Link dans les derniers Zelda qui serviront de pièce à décharge). Un progrès aux airs de dégénérescence, laquelle irait de paire avec, encore et toujours, cette décadence artistique voulant que même un jeu de tir qui fait boum boum se voie désormais infliger des développements scénaristiques – des fois qu'on s'ennuierait. S'il n'est pas le plus important, c'est certainement et de loin l'aspect le plus raté du jeu, puisque le scénario se déroule simultanément à l'action sur l'écran inférieur de la console, tant et si bien qu'il est impossible de suivre les nombreux dialogues (la partie vocale – non traduite en français – étant pour sa part totalement noyée dans l'hystérie générale). On se demande un peu comment les mecs ont pu de ne pas s'en rendre compte avant de sortir la cartouche, mais les voies du jeu vidéo moderne sont parfois impénétrables.

Dans le même ordre d'idées, on aimerait bien savoir à l'occasion pourquoi les bosses sont contractuellement tenus de faire 3,5 fois la taille du héros. Être plus gros ne les rend clairement pas plus durs, et en plus, c'est un peu insultant pour les gros.

Trop occupés à écrire un scénario palpitant pour leur jeu splendide, les développeurs ont donc légèrement oublié de le rendre lisible... mais ce n'est pas bien grave, puisque de toute façon, ils avaient déjà oublié de le rendre jouable – sans doute dans un louable souci de cohérence : les dialogues sont fouillis, la bande sonore est fouillis, l'action est fouillis... il eût été décevant que le gameplay ne soit pas au niveau. Fort heureusement, nos amis du studio Project Sora (il faut les nommer, ils le méritent) se sont surpassés. Que serait après tout un console seller s'il ne repoussait pas les limites de la machine qu'il est supposé faire écouler par bus entiers ? La 3DS offrant par définition de nombreuses possibilités de gameplay (voir ce petit schéma si vous n'en avez jamais tenu une), il a donc été décidé que Kid Icarus Uprising les explorerait toutes afin de créer une expérience de jeu unique en son genre. Et pour être unique, celle-ci l'est assurément. Pensez donc qu'un type, quelque part, sans doute quelqu'un qui a fait des études et a un C.V. long comme le bras, a trouvé que c'était une idée délicieuse, voire géniale – peut-être même révolutionnaire– de faire jouer simultanément ET avec le stick directionnel ET avec la gâchette ET avec le stylet. A quoi bon refuser le progrès, n'est-ce pas ? Tout me va, mon Général : cochez toutes les cases !

Même en testant tous les réglages et combinaisons de touches offertes dans les paramètres (comme quoi quelqu'un chez Project Sora – renommons-les, ils le méritent toujours – a quand même bien dû s'apercevoir qu'un truc clochait), le résultat est le même : ce gameplay est idiot. Tout simplement I-DIOT. Tellement stupide que Nintendo a depuis sorti une New 3DS avec un stick supplémentaire quasi uniquement pour qu'enfin, quelqu'un ait le courage de finir ce jeu, dont on n'ose imaginer ce qu'il aurait été s'il avait été développé directement pour la New 3DS. Encore plus beau, sans aucun doute. Encore plus clinquant, bruyant et hystérique. Encore plus vide et raté ? Probablement. Sky is the limit, on vous a dit.


Kid Icarus Uprising - Nintendo 3DS (Action - Nintendo, 2012)

DC's Untold Legend of Berlanti

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"Dis Tonton Toto, il a fait quoi en fait, Greg Berlanti, pour avoir le droit de faire tout ce qu'il voulait avec toutes les franchises de DC Comics ?"

Ne niez pas : vous aussi, à l'instar de ma nièce du futur (elle n'a qu'un an pour le moment, donc il est un peu tôt, même si elle a déjà eu ses petits chaussons Supergirl), vous vous êtes déjà demandé quel étrange sort le créateur d'Everwoodétait parvenu à lancer aux patrons de chez DC pour devenir le nouveau golden boy de cette vénérable institution. A la différence de son binôme, le discret Marc Guggenheim, connu des amateurs de comics même si plutôt marqué Marvel, Berlanti n'avait, il y a encore cinq ans, pas spécialement tâté du genre – et entre nous, on ne peut pas dire qu'avoir été scénariste du plus gros four ciné de DC depuis Shaquille O'Neil en Steel (Green Lantern) en jette beaucoup sur un profil LinkedIn. Toujours est-il que le gars a semble-t-il profité d'une opération C.V. anonyme pour réussir à enfumer tout le monde, ce qui n'est pas nécessairement une mauvaise chose dans une époque où le film/show de superhéros est quasiment devenu un genre en soi, au même titre que le polar ou la série médicale. En somme, ce vers quoi les comics DC ou Marvel ont toujours tendu, sans pouvoir réellement le réaliser faute de moyens (et souvent d'idées). Nous y reviendrons dans un prochain article, mais il est très réducteur de penser que l'actuelle "mode des superhéros" n'est qu'une vague pénible (car elle l'est) comme une autre. Batman, Superman ou Spidey ne sont pas de simples marques ; ils sont ce qui se rapproche le plus de nos jours de figures mythologiques, relisibles et rebootables à l'infini, capables de survivre à toutes les incarnations et, sans doute, à tous les outrages. Ne pas aimer une version ne condamne pas automatiquement à haïr toutes les autres, et certaines de ces figures peuvent passer des années – parfois des décennies ! – avant de trouver un auteur susceptible de leur donner une nouvelle dimension. Wolverine n'avait rien de Wolverine lorsqu'il est apparu pour la première fois dans L'Incroyable Hulk (1974), les premiers X-Men furent un gros bide, Daredevil existait depuis déjà quinze ans lorsque Frank Miller en fit le personnage que l'on connaît aujourd'hui, le deuxième Robin put mourir dans d'atroces souffrances sans que cela embarrasse qui que ce soit (les gens avaient même voté pour), de même que Barry Allen n'eut aucune difficulté à supplanter la précédente incarnation de Flash (Jay Garrick), pourtant forte de plus de seize années d'aventures en tout genre. Si nous n'en sommes pas encore arrivés à ce stade (encore que Nolan, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, s'en soit approché avec son Batman, tout comme les Gardiens de la Galaxie ont peut-être déjà réussi leur breakthrough movie), il est plus que probable que des réinventions aussi mémorables de personnages se produisent un jour ou l'autre, aussi, à l'écran. Après tout, la meilleure Antigone n'est pas celle de Sophocle, ni la meilleure Andromaque celle d'Euripide ou de Sénèque – et les meilleures adaptations de Tristan et Iseult sont respectivement un opéra et un roman contemporain. Partant de là, on se demande bien pourquoi Greg Berlanti ne pourrait pas nous livrer le meilleur Captain Cold de tous les temps...


La réponse est pourtant tristement évidente : parce qu'il n'a aucune vision, ou plus précisément parce qu'il n'en a qu'une seule (des héros de DC et très probablement aussi de l'existence) qu'il applique aveuglément à tous, tout le temps, pour des raisons probablement moins esthétiques que bassement mercantiles. Il va sans dire qu'associer les grands altruistes de DC Comics avec les fameux philanthrope de la CBS Corporation pouvait difficilement donner un autre résultat, mais on saura néanmoins gré à Berlanti (et surtout Guggenheim ?) de nous avoir permis d'espérer le contraire le temps une poignée de mémorables secondes. Rendez-vous compte qu'on a cru à un moment que Supergirl, personnage éternellement mal aimé et mal traité (une fille dans un univers de superhéros, en somme) aurait peut-être, enfin, droit à une incarnation digne de ce nom, capable d'envoyer la purée avec le même panache que ce cousin dont elle peinera toujours à sortir de l'ombre, aussi bien à l'écran que dans le cœur des lecteurs1. Si Supergirl (la série) est probablement le plus gros ratage de Berlanti à ce jour, c'est aussi sans doute celui qui nous fera, sur Le Golb, nourrir la plus grande frustration tant il y avait – aurait – à faire avec ce super personnage (dans tous les sens du terme).

Malheureusement, Berlanti a déjà changé de camp. La conquête du pouvoir est terminée, le voici dans le cumul des mandats (rappelons qu'il produit également, en plus de toutes les séries DC, la tragique Blindspot sur la toute aussi tragique NBC). Il décline tranquillement sa formule – c'est d'autant plus voyant qu'il ne l'a pas trouvée immédiatement et a opéré un joli rétro-pédalage pour lui donner l'air d'un style. Récapitulons : au départ était Arrow, série assez moyenne devenue très bonne (puis très mauvaise puis de nouveau assez moyenne), inspirée des aventures d'un des superhéros les plus bidons et a-charismatiques de chez DC Comics, Green Arrow. Un sous-Batman que personne n'a jamais réellement compris, et qui n'a souvent existé, dans les comics, qu'au travers de ses relations avec d'autres (qu'il s'agisse de son amitié indéfectible avec le surpuissant Green Lantern ou de son mariage avec Black Canary – la meilleure superhéroïne de comics de tous les temps, il est toujours bon de le rappeler). Au-delà du résultat, qui vaut ce qu'il vaut, la série souffre rapidement de la difficulté de ses auteurs à déterminer dans quelle direction ils veulent partir, ce que l'inanité de la plupart des BDs mettant en scène Oliver Queen n'a probablement pas facilité (90 % des méchants de la série télé sont d'ailleurs issus d'autres franchises DC, principalement Batman et Flash) : le cul entre deux chaises, Arrow va mettre longtemps à décider si elle veut être une série aux aspirations réalistes (post-The Dark Knight, pour résumer sommairement), ou bien une série plus orientée comics, soit donc épique et introduisant les éléments fantastiques nécessaires à la fondation d'une Justice League digne de ce nom. Un dilemme cornélien que Batman lui-même traversa à d'innombrables reprises dans ses incarnations papier, sa relation avec Superman étant certainement l'un des sujets les plus passionnants de la galaxie DC mais étant aussi, dans le même temps, l'un des moins raccords avec l'univers de Batman lui-même. Si la deuxième saison d'Arrow n'avait pas été si brillamment exécutée, on se serait peut-être dit dès cette époque que Berlanti était en train de nous la faire à l'envers, puisque à cette épineuse question il refusa courageusement de répondre, tentant de ménager un bien étrange équilibre symbolisé par la création ex nihilo du Mirakuru – un genre de potion magique d'Astérix, mais en plus scientifique. Plus vraiment boy mais pas encore golden, il en profitait au passage pour introduire vite fait un dénommé Barry Allen – qui sait si cela ne pourrait pas resservir plus tard ?


Immédiatement sympathique et, à la grande différence d'Oliver Queen, porté par un acteur appréhendant parfaitement le rôle2, celui qu'on ne nommait pas encore Flash a rapidement obtenu sa propre série et, ce faisant, fait vaciller Arrow– et Berlanti – dans leurs convictions quant à ce que devait être non plus leur show – mais leur univers. Lorsque The Flash débarque sur les écrans il y a un an et demi, il n'y a pas que la qualité générale de l'ensemble qui bluffe – la comparaison avec ce qui la précède également : tout y est beaucoup, beaucoup mieux qu'aux débuts d'Arrow. Pour leur seconde série sur la CW, Berlanti et Guggenheim ont appris de leurs erreurs et profitent de ce qu'on leur a ("mais pourquoi Tonton Toto ???!!!") filé un vrai poids lourd pour ré-hausser leurs ambitions tout en prenant le contre-pied parfait à leurs précédents travaux. Plus lumineux, plus héroïque, Barry Allen possède tout ce que Green Arrow ne pouvait leur offrir : de vrais pouvoirs délicieux à mettre en images, des adversaires charismatiques et souvent des plus baroques, et un univers plus optimiste se prêtant parfaitement à l'utilisation du second degré (ce truc manquant tellementà Arrow et donnant tellement l'impression que cette série se prend tellement au sérieux). L'alliage était parfait et, tandis qu'Oliver Queen s'enfonçait dans la noirceur (et les mauvaises idées de scénario), Barry était là pour nous rappeler chaque semaine que les superhéros n'étaient pas tous des tueurs refoulés (ni des gros cons misogynes). Que Star(ling) City garde son goût du psychodrame et que Stephen Amell continue de froncer les sourcils à chaquewoman in the fridge ; le seul, l'immense Flash était là, désormais, pour prendre la lumière et assurer le rôle du vrai héros, celui qui embrasse cette destinée par sens du devoir et non par goût de la vengeance, fait occasionnellement de bonnes vannes et n'éprouve pas le besoin de brailler "this is forMY city" toutes les quatre phrases - au début de la saison 2, il sera même très mal à l'aise de voir refiler les clés de la ville. Si la saison 3 d'Arrowétait vraiment bien foirée et ne supportait pas toujours très bien cette concurrence déloyale (sans même parler de l'arriver sur les écrans de Daredevil pour lui bouffer ses parts du marché héros de proximité), on aurait pu – sans doute dû – en rester là. Arrow aurait bien fini par redresser la tête en saison 4, et l'on aurait eu deux chouettes séries de superhéros, différentes, complémentaires et idéales pour crosseveriser à tout va.


Les choses se sont malheureusement compliquées avec l'arrivée de Supergirl, personnage chassant exactement sur les mêmes terres que Flash. Une héroïne très puissante mais surtout très gentille, positive et rigolote. Dès le pilote, diffusé très en amont du développement, il est clair que la seule vraie différence entre les deux dernières nées de l'écurie Berlanti ne sera pas l'argument pseudo girl power (de toute façon totalement annulé par le machisme omniprésent tant dans Arrow que dans Flash3) mais le logo du Network en bas de l'écran – différence d'autant moins importante que la CW appartient à 50 % à CBS. Entre comédie de situation et morceaux de bravoures ne manquant jamais de distiller la leçon de morale de la semaine, Supergirl s'est tranquillement mise à développer un ton – et des artifices de scénario, et une galerie de personnages – extrêmement similaires à celui (ceux) du Flash, au point que même l’interprétation de Melissa Benoist, dans les mimiques, la scansion ou la gestuelle, rappelle bizarrement celle de Grant Gustin (particulièrement dans les scènes présentant les identités "civiles" de leurs personnages)... en autrement plus énervant, puisque ce qui paraissait un peu différent chez Gustin (un superhéros timide, assez chétif et apprêté, pas forcément très à l'aise avec son corps et ne correspondant pas franchement aux canons de la virilité et de l'héroïsme selon DC) donne juste, chez Benoist, une héroïne maniérée et énervante comme, euh... presque tous les personnages féminins de la galaxie DC/Berlanti, en fait. Un constat d'autant plus problématique qu'il découle d'un choix très discutable de la part des producteurs, Kara n'étant pas nécessairement, comme l'a décrété la série, une jeune femme gauche et inadaptée au monde qui l'entoure (Flash non plus, au demeurant). Au contraire, même : c'est sans aucun doute l'une des héroïnes les plus badass de l'éditeur, qui n'use de cette image de jeune femme discrète que dans l'unique but de masquer son identité, et dont la principale préoccupation, à l'instar de Superman, est bien de sauver le monde, certainement pas de plaire à sa boss ou de se faire un quelconque bellâtre – tout Jimmy Olsen qu'il soit. En ce sens, il est presque fascinant de constater que Supergirl n'est pas une si mauvaise série que cela tant rien n'y fonctionne jamais, et tant tout y relève d'une formule déjà bien usée au terme de la première saison de The Flash (comme on aura tous pu le constater devant les derniers épisodes). Pis, elle agit même comme un révélateur des vices de fabrication de cette dernière, en ce qu'elle met en lumière le glissement progressif de Berlanti de l'adaptation à l'illustration : la réussite de The Flash s'appuyait beaucoup plus sur les comics que celle, plus relative, d'Arrow. Une série bourrée de lourdeurs, soit, mais qui avait au moins le mérite de tenter de développer une mythologie propre, quand les deux suivantes se reposeraient bien plus sur l'auto-citation et le fan-service pur et dur. Du moins au départ.


Le procès aurait pu en effet en rester là si ce n'était pas le moment qu'avaient choisi Berlanti et ses camarades pour décider qu'Arrow– sans doute devenue un peu trop dure par rapport aux autres – allait adopter un ton plus fun et léger... c'est-à-dire, elle aussi, recycler le ton de The Flash (à ce stade, il n'est sans doute pas nécessaire de préciser laquelle des trois a le plus de succès). C'est que ce pourrait être rigolo, non, si Oliver Queen commençait à écouter son cœur, se préoccuper de son amour pour Felicity et se mettre à faire des jeux de mots ? Allons-y, les gars ! Si la cassure – déjà un peu entamée l'an passé avec l'introduction de Ray "The Atom" Palmer – est un peu brutale de prime abord (façon élégante de dire que le premier épisode de la saison 4 plonge le spectateur dans la consternation la plus totale), elle sera finalement assez bien gérée sur la longueur, Oliver ne se mettant pas non plus à danser la carmagnole entre deux scènes de combats à mort avec des adversaires maléfiques (ouf). Il n'empêche que même en faisait peser le second degré sur les épaules des personnages... secondaires, Arrow n'en est pas moins devenue, elle aussi, une série bien plus cool et presque nonchalante (l'influence d'Angel est évidente... écrasante, lorsqu'il s'agit d'utiliser le côté bonnet de nuit de Diggle ou Merlyn en guise de ressort comique) – donnant par-là même l'impression que les deux premières et très sombres saisons appartiennent à une autre époque, si ce n'est un autre show, dont on n'entreverrait désormais plus que quelques éclats le temps de la woman in the fridge du mois.


Lorsque arrive enfin Legends of Tomorrow ("enfin" est une façon de parler tant on n'en attendait pas grand-chose), on n'est même pas surpris de constater qu'elle adopte dès ses premières secondes, devinez quoi ? Le même ton cool et distancié que dans The Flash (et dans Supergirl. Et dans Arrow. Mais sans doute un peu mieux que dans Supergirl. Et Arrow). Ce qui n'est pas bien difficile, puisque la moitié de son casting en est issue et que l'interprétation goguenarde de Wentworth Miller, qui s'opposait dès le quatrième épisode à Barry Allen, n'était pas pour rien dans la manière dont la série allait décoller (ni dans la sympathie qu'elle continue de susciter malgré une baisse de qualité évidente). Pour tout dire, Legends of Tomorrow pousse même l'auto-recyclage à son paroxysme puisque, ne racontant rien de bien palpitant, elle semble avoir pour seul et unique concept d'être une série cool et distanciée un peu comme The Flash, avec les personnages les plus cools et distanciés de The Flash (et Sara Lance parce qu'elle est trop forte et trop belle). En somme, à défaut d'être une synthèse des différentes séries l'ayant générée, la dernière arrivée résume assez bien la démarche de ses auteurs depuis deux ans : un lissage général et très maladroit semblant n'avoir d'autre objectif que de multiplier les crossovers sans saveur (celui de The Flash avec Supergirl arrive le mois prochain, ce n'est pourtant pas faute d'être avertis depuis longtemps quant aux dangers de la consanguinité). A l'image du double backdoor pilot de Legends..., genre de summum du Rien réussissant la prouesse d'être le plus mauvais épisode de toutes les saisons de toutes les séries qu'il impliquait. Sachant que les univers des quatre héros (on va dire que Rip Hunter est celui de Legends of Tomorrow) sont foncièrement différents, il est tout de même assez incroyable – et, sincèrement, inattendu – de réussir à avoir à ce point l'impression de regarder la même chose quatre fois par semaine, chaque semaine, quand tous les éléments étaient réunis pour attendre des shows ayant chacun son identité propre. Il est probable que dans trois séries (parce que ce taré ne compte pas s'arrêter en si bon chemin), on en soit encore à s'étonner de voir autant de franchises confiées à un seul homme quand que le principe-même des comics est de fonctionner avec une multitude d'auteurs et de sensibilités différentes. Golden boy ou pas, Berlanti a encore du boulot devant lui s'il espère réussir, par la seule force de son nom au générique, à faire gagner à DC la guerre un peu pathétique qu'elle tente de livrer à Marvel. Il n'aura en effet échappé à personne que si Daredevil et Jessica Jones se situent dans le même univers et affichent d'évidentes convergences, elles n'en développent pas moins des esthétiques propres, sans donner l'impression que leurs scènes et leurs évènements sont parfaitement interchangeables. Elles.

"Dis Tonton Toto, ils ont fait quoi en fait, Netflix, pour avoir le droit de faire tout ce qu'ils voulaient avec toutes les franchises pour les grands de Marvel ?"

De la qualité, ma choupinette. Juste, bêtement : de la qualité.


Arrow, saisons 1 - 4 (The CW, 2012-16)


The Flash, saisons 1 & 2 (The CW, 2014-16)


Legends of Tomorrow, saison 1 (The CW, 2016)


Supergirl, saison 1 (CBS, 2015-16)



1.Ce n'est pourtant pas faute de l'avoir sauvé un certain nombre de fois ces presque soixante dernières années.
2.En gros celui, plus jeune et attachant, du reboot de 2009, The Flash : Rebirth, qui marquait le retour de Barry Allen après n'avoir plus fait que des apparitions sporadiques depuis le milieu des années quatre-vingts.
3.Rappelons que si Arrow a remporté deux années de suitele Drawa Alain Soral, la saillie la plus gratinée – voire carrément hallucinante – de cet univers ("Tu décideras pour ma fille lorsque tu l'auras épousée") est bien l’œuvre de Joe West, dans The Flash.

Ces sept raisons pour lesquelles le retour des X-Files est la reformation la plus triste depuis celle des Stooges

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[Taux de spoil : 22,8 %] C'est bon ? Les fans les plus casse-bonbons de l'histoire de la télé depuis ceux de Star Trek sont calmés ? On peut le dire, à présent, que cette saison 10 des X-Files est toute pourrie ? Alors allons-y gaiement : c'est nul. Ok : des fois c'est juste moyen mais dans l'ensemble, c'est nul à chier. Et de même qu'on s'est empressé de signer un article nostalgique tout comme il faut avant son lancement, on ne va pas se gêner pour lister le pourquoi du comment en sept points essentiels. Pourquoi sept ? Tout simplement parce que mon amour des comptes ronds n'a d'égal que mon haut sens moral, et qu'arrivé au septième point, je n'avais plus l'impression d'écrire un article – juste d'être en train de battre à mort un petit vieux.

1. Parce que cette série n'a rien à dire. Du tout. C'est bien joli de vouloir faire un remakebootval, mais c'est quand même mieux d'avoir un vague truc à raconter, surtout quand il s'agit d'une série qui, par définition, va être amenée à durer plusieurs semaines. La nostalgie est une chose, qui peut forcer à l'indulgence le temps d'un épisode ou deux... pas sur une saison entière, même réduite à six épisodes. De toute évidence, Chris Carter était très enthousiaste à l'idée d'encaisser le chèque, beaucoup moins à celle de travailler pour le mériter. A l'image de la reprise du générique d'origine, séduisante avant de révéler sa nature de cache-misère, la seule idée de cette saison semblait être de réunir Mulder et Scully à n'importe quel prix (mais quand même pas en proposant le même salaire de base à Gillian Anderson– faut pas déconner). Vu le résultat, ils auraient aussi bien pu se retrouver en guest dans un autre show, sur un plateau télé, pour une troisième adaptation ciné... si c'était juste pour les voir ensemble et ressortir un générique soulignant à quel point ils ont vieilli, il devait certainement y avoir plus simple (par exemple : regarder des vieilles vidéo sur Youtube). On s'est un peu moqué de Heroes Reborn, ici (ailleurs aussi – partout, en fait), mais Tim Kring a eu au moins ce mérite d'être revenu avec une histoire à raconter, et même de nouveaux personnages. Nuls, sans aucun doute, mais au moins n'a-t-on pas eu l'impression qu'il se foutait totalement de notre gueule. Le pire, c'est qu'il aurait pu. Ce n'était après tout que Heroes. Il va sans dire que le statut mythique de X-Files– et le fait qu'elle ait toujours accordé beaucoup de place à une mythologie plus cohérente et solide que ce qu'on raconte souvent – n'est pas la moindre des circonstances aggravantes.

2. Parce que les mecs se prennent désormais pour des auteurs. Ce qui fait quand même doucement rigoler quand on sait que les seuls scénaristes de la série d'origine à avoir réellement marqué la décennie suivante (Howard "24/Homeland" Gordon, Vince "Breaking Bad" Gilligan) ne figurent pas au générique de cette suite. Il est sympa, James Wong, c'est un historique et tout, mais un type qui a réalisé Dragon Ball Evolution ne devrait tout simplement plus jamais retrouver de travail, dans aucun secteur s'approchant de près ou de loin de la fiction – et certainement pas dans le cadre d'un reboot ou d'une adaptation ne serait-ce que d'un livre de cuisine. Bref : apparemment, dans le nouveau cahier des charges, il y avait marqué "moderne" et "ambitieux". Forcément, les scénaristes restants étant tous des vieux mecs un peu ringards n'ayant pas beaucoup (ni bien) bossé depuis mai 2002, ils ne savaient pas trop quoi faire. Ils se sont dit que bon, de toute évidence, en 2016, moderne et ambitieux, ça voulait dire qu'il fallait de la profondeur, comme sur le Câââble... et se sont donc mis à nous infliger chaque semaine soit une scène pseudo-philosophique ultra sentencieuse, soit une métaphore pachydermique du genre un artiste qui crée une œuvre, c'est un peu comme une mère qui donne la vie. Et parfois même les deux. Vous avez dit pathétique ?

Vous aussi, vous vous demandez qui sont ces deux individus à l'arrière plan ?

3. Parce que les dialogues illustrent à chaque phrase le mot "lourdingue". Dans l'absolu, l'abandon de William, dont plus personne ne peut ignorer qu'il est le rejeton de Mulder et Scully (et un peu de Dieu), aurait pu servir de conducteur acceptable. On sent bien que Chris Carter et ses sbires tendent vers cela, mais encore faut-il voir avec quelle lourdeur : pas un épisode sans qu'on nous rappelle à grand renfort de musique pathos que nos héros ont abandonné leur fils (et qu'ils sont tristes), comme si ce simple fait, répété tel un mantra, devait suffire à plonger le spectateur en empathie et à lui faire ressentir la détresse des personnages. Bah non, figurez-vous. Cela donne juste l'impression que chaque épisode a été écrit en pensant à un mec qui tomberait totalement par hasard sur cette série dont il n'aurait jamais entendu parler. C'était flagrant dans l'épisode de cette semaine, avec ce monologue hallucinant de didactisme neuneu placé dans la bouche de Scully avec pour seul but se résumer pour la troisième semaine consécutive ce que tout le monde sait depuis au minimum... trois semaines, justement (quand ce n'est pas quinze ans) : "Elle parlé de William ! Notre fils ! Son petit fils ! Que nous avons abandonné !". Ridicule, tout comme l'autre gimmick présent dans chaque épisode : celui consistant à nous rappeler très subtilement (si si) que nous ne sommes plus dans les années quatre-vingt-dix, et que nos héros (surtout Mulder), sont vieux. La première fois, on sourit. La soixante-douzième, on commence à se demander si on n'essaie pas de nous dire quelque chose. Franchement, Chris, on était au courant. Il suffit de voir la coiffure que j'avais à la grande époque de ta série et celle que j'ai maintenant pour supputer qu'il s'est passé un peu de temps. D'ailleurs si nous n'étions pas tous vieux et nostalgiques, serions-nous en train d'avoir cette conversation ?

4. Parce que ses codes narratifs (et probablement aussi ses scénaristes) sont désormais ringards. Lorsque Russell T. Davies a réussi à convaincre la BBC de relancer Doctor Who après seize ans d'interruption, sa première décision, avant même de choisir un acteur ou de songer à l'histoire, a été de changer le format historique du show : aux serials divisés en plusieurs épisodes de 24 minutes ont succédé des saisons plus traditionnelles et des épisodes de 45 minutes. Le rythme s'en est trouvé profondément modifié (la pilule a d'ailleurs été assez difficile à avaler pour certains fans), tout comme le ton qui, sans bouleverser les codes de la série, s'est sensiblement modernisé. Il s'est écoulé à peu près autant de temps entre les saisons 9 et 10 des X-Files, mais on a l'impression qu'il ne s'est strictement rien passé durant celui-ci. Un épisode comme le troisième ("Mulder and Scully Meet the Were-Monster") aurait sans doute enthousiasmé tout le monde en 1996 mais quand même, soyons sérieux : vingt ans sont passés, les mecs. Des trucs barrés et méta, on en a vu des dizaines – peut-être des centaines depuis. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir recruté en guise de seconds rôles des acteurs issus de certaines des séries geeks les plus cultes des quinze dernières années : vous ne leur avez pas parlé, ou quoi ? Joe McHale était trop occupé à vous demander des autographes pour vous faire un rapide bilan ? Vous n'avez même pas la télé, chez vous ? C'est tout de même le comble du comble de faire dire à Mulder, à chaque épisode, qu'il est vieux et dépassé, et de ne pas vous demander si ça ne s'applique pas un petit peu à vous. D'autant qu'on parle ici de la forme, mais que le fond n'arrange rien. S'il est une chose que cette saison 10 nous rappelle avec un certain talent, c'est à quel point la société a changé depuis les années quatre-vingt-dix. Un voyeur homosexuel fantasmant sur Mulder en slip, c'était déjà pas drôle en 1994 – alors en 2016...

"Mulder, j'ai comme une impression de déjà-vu. Tu ne crois pas que ce pourrait être une boucle temporelle ?"

5. Parce que l'effet de surprise n'est plus (du tout) là. S'il y a bien une chose qui a joué dans la popularité des X-Files (première période, se sent-on immédiatement obligé de préciser), c'est qu'on ne savait jamais à quoi s'attendre d'une semaine – voire, dans les meilleurs épisodes, d'une scène – sur l'autre. De ce point de vue, cette saison 10 est presque l'antithèse des précédentes (même les plus mauvaises), en ce qu'elle mise tout sur un cahier des charges d'autant moins séduisant qu'il témoigne d'un manque flagrant d'ambitions, et réduit la passion de millions de fans à des choses extrêmement terre-à-terre (en gros, Mulder et Scully se balançant des vannes passives-agressives même pas drôles durant un tiers de chaque épisode, chaque semaine). La seule agréable surprise, qui n'en était même pas une si contrairement à moi vous aviez guetté les infos distillées avant la diffusion, ç'aura été de retrouver des épisodes stand-alone quand le format laissait craindre une mini-série entièrement axée sur la mythologie. En même temps, faut voir les machins, parce que le Were-monster ou Trashman n'ont pas mis longtemps à entrer dans le Panthéon des monstres de la semaines les plus ridicules et cheap de toute la série.

6. Parce que David Duchovny joue vraiment trop mal. De Californication en Aquarius, on avait largement eu le temps de s'en rendre compte entre les saisons 9 et 10, mais ceux qui ont caressé l'espoir de revoir un Duchovny un peu plus sobre au moment de retrouver le personnage qui l'a fait connaître ont vite déchanté. Pas une réplique qu'il n'adresse avec l'œil luisant et le demi-sourire en coin de Hank Moody, même quand la mère de Scully est en train de clamser à côté. Et s'il est un peu en retrait dans le deuxième épisode, les premier et troisième ne sont qu'un improbable numéro de mauvais cabotinage à faire passer le jeu de Jon Voight dans Ray Donovan pour un monument d'intériorisation. Bon, encore a-t-il l'air de s'amuser, ce qui semble beaucoup moins le cas d'une Gillian Anderson visiblement engoncée dans un rôle devenu trop petit pour son talent (et sa classe). Il faut dire qu'elle n'est pas gâtée puisque ses principaux morceaux de bravoure depuis le début de la saison auront été un décolleté plongeant, une scène pseudo-cul ridicule et une autre où elle fond en larmes dans les bras de Mulder – soit donc très précisément les trois clichés féminins les plus éculés, auxquels elle était toujours parvenue à échapper durant les neuf premières saison.

Dana Scully et Hank Moody

7. Parce que ce ne sont pas les X-Files. Et c'est une évidence quasiment dès les premières minutes de l'ouverture. C'est une série qui ressemble beaucoup à celle de notre adolescence, qui utilise les mêmes acteurs, le même générique et fait, d'une manière générale, absolument tout et plus encore pour singer l'objet de culte des années quatre-vingt-dix... mais sans jamais en retrouver ni l'atmosphère froide et anxiogène, ni l'humour noir. Vous n'êtes pas obligés de me croire (ni d'aller vérifier), mais The Sex Files, la porn parody du show, ressemblait plus aux X-Files que ces nouveaux X-Files (sans oublier que les scènes de cul y étaient mieux, et l'humour finalement pas plus douteux). C'en est presque embarrassant, a fortiori quand Chris Carter massacre sa propre mythologie de manière aussi répétitive (Mulder avait déjà fait sa crise de Foi, autrement plus convaincante, aux alentours des saisons 5 ou 6) que gratuite et irréfléchie. On est d'ailleurs en droit d'être inquiet à l'idée que la suite y soit consacrée tant le premier épisode étant encore plus lourdingue que tous les autres réunis, avec son monologue ridicule sur les théories du complot et son Fox Mulder qui, en l'espace de trois secondes, reniait TOUT ce en quoi il avait cru – et dont il avait été MILLE FOIS témoin – durant TOUTE SA VIE. X-Files ayant de toute façon duré beaucoup trop longtemps dans sa première incarnation, on est pour le moment enclin à pardonner cet énorme ratage, mais qu'il soit bien clair que si cet aspect de la mythologie n'est pas corrigé dans le final, nous n'hésiterons pas à considérer que cette dixième saison n'a jamais existé, au même titre que les quatrième et cinquième albums des Stooges, les disques d'Alice In Chains sans Layne Staley, Retour vers le futur 3 et la Coupe du Monde 2002. Il y a des choses que l'on ne peut excuser, même de la part d'un petit vieux à qui l'on a sucré sa pension.


The X-Files (saison 10), créée par Chris Carter (FOX, 2016)

Le Cannibalisme, cet art mineur et mésestimé

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[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°58]
Anissa Corto - Yann Moix (2000) 

Cela peut sembler étonnant aujourd'hui, mais Yann Moix n'a pas toujours passé ses samedi soirs à hanter les plateaux télés en jouant aux legos avec ses subordonnées. Il n'a pas toujours exercé le métier de procureur cathodique (même s'il a toujours été doué pour les réquisitoires), et n'a pas toujours distillé des leçons de morale à grand renfort de citations arrachées au plus petit commencement d'espace-temps (même s'il a toujours eu un goût assez prononcé pour le name dropping). En fait, il s'est même trouvé une époque où Yann Moix ne passait jamais à la télé, si ce n'est dans C dans l'air pour défendre le langage SMS (véridique), et en nourrissait à l'évidence une certaine frustration. C'était bien avant la forfanterie et le triomphe immodeste post-Renaudot. Bien avant Podium, le mauvais film à succès comme le très bon livre. C'était encore bien avant que ses ouvrages ne deviennent plus tordus que tortueux, suite à sa décision subite de tous les baser sur les expérimentations lourdingues du plus mauvais d'entre eux (Partouz). Yann Moix n'était pas très connu, écrivait ici ou là (je me rappelle vaguement un émouvant portrait de Neil Young dans Marianne)1, en tout cas pas suffisamment pour que quiconque le reconnaisse dans la rue, et c'est ainsi qu'un beau matin, il eut l'idée saugrenue (mais très drôle) d'acheter une page de publicité dans je ne sais plus quel journal afin d'inciter ses lecteurs (qui se comptaient sur les doigts d'une main) à le contacter pour lui dire ce qu'ils avaient pensé de son dernier roman. "Appelez Moix !" clamait l'affiche. M'est avis qu'il a dû être très content, Yann, le jour où il a créé son compte Facebook.

J'ignore si quiconque a appelé ce numéro, de même que j'ignore si quiconque à part moi a trouvé cette idée suffisamment amusante pour a) le noter et b) essayer d'acquérir le livre en question. Ce fut en tout cas le début d'une relation littéraire désormais vieille de plus de quinze ans entre un type que, globalement, tous mes amis trouvent nul (en tant qu'écrivain) et insupportable (en tant qu'individu), et moi, qui pense à peu près tout le contraire mais qui, dans le même temps, ne me suis plus franchement enthousiasmé pour un de ses livres depuis une bonne dizaine d'années. Donc oui, vous ne rêvez pas : j'ai une relation littéraire passionnelle avec un auteur que je n'ai, dans le fond, aimé que durant un petit septième de mon existence. Ce serait absolument et résolument illogique si l'auteur en question n'était pas lui-même si absolument, résolument – désespérément illogique. C'est d'ailleurs, en quelque sorte, le thème principal des Cimetières sont des champs de fleurs, roman qui entérina cette rencontre (mais n'était pas, si ma mémoire est bonne, celui qu'il promouvait en filant son numéro de portable à tous ses détracteurs (une chose qui n'a pas changé est qu'il en avait beaucoup plus que de fans, déjà, à l'époque)). Un roman noir et en même temps pas seulement. Désespéré, oui, mais surtout gênant par instants, dans sa manière – incroyable, géniale – de basculer en son milieu du lyrisme le plus affecté à une espèce de vulgarité rabelaisienne qui fascine autant par sa violence que par la bizarre tendresse qui s'en dégage. Rétrospectivement, une grande part de l’œuvre de Moix, ses inspirations comme ses excès, se retrouve déjà dans Les Cimetières sont des champs de fleurs, bien plus que dans son premier roman. Qui n'est pas dénué de noirceur mais n'a pas cette violence folle, absurde, outrancière et presque graphique – ainsi qu'on la qualifierait sans doute si Moix écrivait des bandes dessinées.

Ma lecture d'Anissa Corto est survenue quelques temps après et si j'ai été tout de suite séduit, il m'a fallu un certain temps pour comprendre que ce texte plutôt court était devenu l'un des mes préférés. C'est ici qu'il faut que je vous précise que je n'étais encore qu'un jeune homme, sensible avant tout au romantisme le plus échevelé, ne tolérant que des œuvres au minimum crépusculaires (j'ai d'ailleurs découvert Joy Division et la pans les plus palpitants de l'histoire de la new wave dans la foulée). Or, Anissa Corto n'était pas si noir. Pas autant que Les Cimetières..., qui ne portait que trop bien son nom. Par de nombreux aspects, il était même plutôt amusant, non sans soulever quelques questionnements métaphysiques douloureux – son énergie, cependant, était plus vivante, plus positive dans sa désespérance. Dans mon (état d') esprit (d'alors), cela en faisait un ouvrage naturellement inférieur au précédent, et plus proche du tout premier roman de son auteur (Jubilations vers le ciel), avec lequel il partageait au demeurant de nombreux gimmicks (dont ce fameux name dropping – pratique dont on rappellera au passage qu'elle est la plus exaspérante du roman contemporain... sauf chez Moix et un ou deux autres). A quel moment ai-je changé d'opinion à son sujet ? Des années après, sans doute. Ce que je sais, c'est qu'au moment de coucher la première liste de Mes livres à moi (et rien qu'à moi), en octobre 2007, son choix m'est apparu évident tant il continuait à me hanter ; tant il me paraissait désormais bien plus fort et... oui, bien plus noir, finalement, que ces Cimetières sont des champs de fleurs dont le souvenir commençait à s'estomper.


Je disais plus haut qu'Anissa Corto présentait de nombreuses similitudes avec le premier roman de son auteur. Ce n'est pas une façon de parler : il débute exactement de la même manière et raconte en grande partie la même histoire. Celle d'une passion figée, obsessionnelle et surtout immaculée. Celle-là même dont chaque le livre de Moix se fait depuis le début l'écho déformé. Gilbert et sa défunte épouse dans Les Cimetières...  Nestor et Hélène dans Jubilations... Même Bernard Frédéric et Claude François dans Podium, Mohammed Atta et le cul dans le Partouz, Moix lui-même et Mitterrand dans Panthéon. Mauriacien jusqu'au bout de la névrose, le héros moixien est foudroyé, fulguré... immolé sur l'autel de sa propre passion, jusqu'aux extrémités les plus sordides – souvent narrées avec un vrai sens du burlesque (Yann Moix vénère Philip Roth, ça nous fait au moins un point commun mais surtout : ça se voit). Tous, de dévorés, deviennent petit à petit dévoreurs, ici stalker, là terroriste ou au minimum tyran domestique – pour ceux qui ont bien tourné.

Le narrateur d'Anissa Corto ne fait pas exception à la règle. Comme ses frères de bibliographie, sa vie s'est arrêtée – en l'occurrence le 21 juillet 1972. Il a alors quatre ans, et passait de très bonnes vacances jusqu'à ce que la petite fille dont il était amoureux vienne à se noyer. Il vieillira, grandira... mais ne mûrira jamais. Non en raison de ce traumatisme, parce que la Vie, cette horrible mégère, lui aura volé son innocence. Mais parce que son amour sera resté inavoué, in-formulé. Embryonnaire, de même que la mort les aura figés tous deux – lui, l'objet de son affection – dans une boucle temporelle relançant inlassablement l'année 1972 (celle de Harvest, tiens donc). De cette année fatidique, la dernière de son existence en tant qu'être sensible, il connaît tout. Le moindre détail de la moindre journée. Le moindre numéro 1 du Top 50 – et probablement beaucoup de ses numéros 2, 3 et 4. 1972 vit en lui. Pour l’Éternité.

Sa vie d'adulte, il la passe logiquement à bosser au royaume de l'enfance : Disneyland, où il incarne Donald. Un personnage – ce n'est pas dans le livre mais comment ne pas y penser ? – qui fut notoirement obsédé par la Reine Pulcinella, créée en... 1972. C'est plutôt cool, de jouer Donald. Pas autant que Mickey, la distinction ultime. Mais c'est plutôt une bonne place. Enviable. Cela ne l'empêche malheureusement pas d'être très malheureux, ou plutôt très vide, et de foirer à peu près tout ce qu'il entreprend – tentative de suicide comprise. Jusqu'au jour où il  croise dans un café une inconnue dotée d'un très joli nom, de ceux qui vous donnent envie de les répéter encore et encore, même lorsque vous n'êtes pas comme lui un maniaque obsessionnel : Anissa Corto. N'importe qui pourrait  légitimement tomber amoureux de quelqu'une portant le prénom "Anissa", non ? Ça tombe plutôt bien : notre narrateur est tout à fait n'importe qui, on ne peut plus personne. Et décide – littéralement – qu'il va aimer Anissa Corto. A sa manière.

« Je ne vécus bien que de savoir si elle avait ce qu’on nomme trivialement un mec et qui fait beaucoup souffrir les névropathes comme moi. […] Un mec. La sonorité même poussait au crime : mec. « Mon mec », « J’ai un mec », « Je crois qu’elle a un mec », « C’est son mec », « Je l’ai vue : elle était avec son mec ». […] Toutes les filles de la terre avaient un mec. On ne savait jamais comment elles l’avaient rencontré, si bien qu’on avait le sentiment qu’elles étaient nées aux côtés de leur mec […] Je voulais savoir si Anissa Corto avait le sien – ce n’était qu’une question théorique : il était évident qu’elle était nantie d’un représentant de cette caste sordide et mécanique qui fait les aigris, les suicidés et les criminels.»

Tout le livre peut être synthétisé dans ce court passage. Le narrateur va devenir obsédé non pas sexuel, car le héros moixien est toujours bizarrement asexué même quand il ne pense paradoxalement qu'à cela, mais cortoxuel. Mi-harceleur mi-érotomane, occasionnellement lucide dans sa folie, il la suit partout, s’invente une relation avec elle, lui compose une biographie seconde par seconde. Parce qu’il est irrémédiablement seul. Tout simplement. Légèrement psychopathe sur les bords, mais surtout paumé et fasciné par cet être cristallisant d'autant mieux ses fantasmes qu'il n'en est jamais assez proche pour être déçu ou simplement ramené sur terre. Anissa Corto n'a même pas besoin d'être une personne très intéressante – ce n'est pas le propos. L'héroïne moixienne, lorsqu'elle existe, même lorsqu'elle a réellement existé comme dans Mort & Vie d'Edith Stein, ne le fait jamais qu'en creux2. Elle n'est au mieux qu'une fragrance, une image vaguement jolie, distordue jusqu'à la rupture par la passion – une icône, en somme, et pas des plus animées. Ici, le narrateur lui-même narre beaucoup, n'agit presque pas, et mérite à peine le qualificatif de personnage tant il paraît fantomatique – palimpsestique. De même que Bernard Frédéric tentera de disparaître en Claude François, notre Donald tente de disparaître en Anissa Corto, n'existant qu'à la travers les yeux de cette quelqu'une qui ne le regarde jamais – et dont il essaie à peine de se placer dans le champ de vision. Comment le pourrait-il, puisque tout contact... puisque tout début de quelque chose signifierait la fin de tout. Le narrateur d'Anissa Corto est un dévoreur car il s'obsède seul, se masturbe intellectuellement jusqu'à s'en irriter les neurones ; il n'y a dès le départ aucune place pour Anissa Corto, dans son amour pour Anissa Corto. C'est ce qui rend ce récit si fascinant : il n'est pas celui  d'un amour à sens unique ou inassouvi, mais d'un amour encore moins qu'enfantin, ne s’épanouissant qu'à l'état embryonnaire et tournant à vide, en circuit fermé – une toupie coincée dans boucle temporelle. Uniquement narratif (on ne parle pas lorsque l'on est en emmuré en soi-même – a fortiori quand on n'a pas grandi depuis 1972), le style enflammé, furibard, colle parfaitement à cet étrange ensemble et n'a jamais si bien épousé une histoire de Moix. Qui, d'ailleurs, renonça par la suite progressivement à en écrire, des histoires, déconstruisant à ce point le roman romanesque que dans Naissance, il ne reste plus que la boucle, étouffante et implacable : mille-cent-cinquante-deux-pages consacrées au même évènement, dont huit cents à répéter de toutes les manières possibles les deux cents premières, dans une espèce d'annihilation absolue du concept de progression narrative. Anissa Corto a quelque chose d'une apothéose, peut-être d'une apogée, pour l'auteur d'une folie que dans mes yeux de jeune homme impressionné je qualifiai "d'ordinaire"– sans doute parce que c'était un peu la mienne.

La folie d'Anissa Corto, celle de Moix, n'a pourtant rien de commun – qu'on l'adule ou qu'on le vomisse, on ne peut que se réjouir de cette nouvelle. Elle est celle d'un dévoreur de génie qui finit logiquement, dans ses derniers ouvrages, par se dévorer lui-même. Si j'ai pu être plus tard dépité par certains de ses livres, certaines de ses sorties ou de ses prises positions, je ne peux pas dire que je n'avais pas été prévenu : toute son œuvre à venir et peut-être toute sa personne (comme il l'indique en quatrième : "Anissa Corto, ce n'est pas pas Madame bovary, d'accord, mais c'est moi"), sont déjà concentrées dans ces quelques deux-cent-quatre-vingt-trois pages. Qu'il parle de judaïsme, de Stein, de Polanski ou de Michael Jackson, Moix aborde dans le fond chaque sujet avec la même foi obsessionnelle, la même déraison et le même égocentrisme cannibale que son antihéros lorsqu'il décide d'aimer la belle Anissa Corto. Et si certains de ces textes sont beaucoup plus éprouvants à lire qu'à décrypter, c'est peut-être parce qu'il est tout simplement beaucoup plus compliqué d'aimer que de fantasmer.


Trois autres livres pour découvrir Yann Moix quand il n'a pas de micro :

Les Cimetières sont des champs de fleurs (1997)
Podium (2002)
Panthéon (2006)


1. Forcément émouvant, ai-je envie d'ajouter, puisque si je m'en rappelle alors que j'ai lu des centaines de portraits du Loner, c'est qu'il devait être plutôt pas mal. 
2. Même pas besoin d'avoir lu Une simple lettre d'amour, paru il y a quelques mois, pour affirmer qu'il ne fait pas exception à la règle, puisqu'il s'agit d'une lettre de rupture adressée une femme qui, par le fait, n'a pas droit à la parole. Ne vous inquiétez pas, j'ai bien conscience que je décris l'un des auteurs les plus étrangement misogynes qu'on puisse actuellement trouver sur le marché ("étrangement" car, si c'est un sentiment très fort qui se dégage des livres, son personnage médiatique ne produit pas du tout la même impression...)

Golden Axe Warrior - Putain, ils étaient trop bien les fan-games des Nineties !

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Les jeunes joueurs d'aujourd'hui ne savent pas la chance qu'ils ont : ils vivent dans un monde en paix. Certes, on meurt encore un peu, parfois, dans l'univers sans pitié du jeu vidéo. Mais la guerre n'est plus, ou plutôt a-t-elle à ce point changé de visage que l'on n'ose plus l'appeler ainsi. Elle est propre, presque noble, et brille plus par son escalade technologique que par la violence de ses coups bas. Rien de comparable avec ce que ma génération a pu connaître en son temps. Évoquée craintivement tant elle fut meurtrière et parfois brutale, occasionnellement surnommée pour faire court les Beatles versus Stones de la génération X, elle ne porte pourtant que deux seuls véritables visages systèmes pileux : celui d'un moustachu à la voix d'acteur porno italien des seventies, et celui d'un hérisson bleu dont l'arrogance précipitera la chute. Une guerre de cent jeux presque interminable (deux décennies !), qui se conclura par l'annexion d'un catalogue entier par un plombier si triomphant qu'il poussera le vice jusqu'à aller sadiser la bestiole jusque dans ses propres jeux.


En 1990, il n'y avait pas d'alternative : on était Nintendo ou l'on était Sega. Certainement pas les deux, aussi bien parce que posséder chacune de leurs machines était beaucoup trop cher que pour des raisons profondément intimes, esthétiques si ce n'est carrément politiques. Grandir avec Mario vous faisait mépriser Sonic, et même s'il n'a jamais fait le poids contre le plombier, il faut reconnaître que le contraire était vrai également. Votre cousin préféré n'était jamais celui qui avait la Master System. Jamais. Il n'y avait pourtant pas de quoi se mettre sur la tronche quand on pense que la guerre, dans la culture populaire, avait été gagnée depuis longtemps. Avait-elle jamais commencé, quand on y pense ? Si Sega, personne ne le conteste, a produit une poignée d'excellentes consoles au catalogue mémorable, jamais elle n'a paru en mesure de tailler des croupières à l'autre géant (pensez donc qu'en cumulant leurs consoles 8 et 16 bits on obtient, en fin de production, plus du double de Nintendo vendues !). Vaincue d'avance, la firme au hérisson se comporta le plus souvent comme un animal blessé, conscient de son extinction à venir, prêt à tous les coups pour repousser l'inéluctable. Y compris le plagiat pur et simple des licences les plus populaires de son adversaire, ce que ce dernier n'aura - faut-il le préciser ? - jamais eu besoin de s'abaisser à faire.


Paru en 1991, soit donc au plus fort de cette bataille homérique (sortie de la Super Nintendo et du Mega-CD, première apparition de Sonic, carton planétaire du troisième Zelda...), Golden Axe Warrior paiera auprès des critiques cette tactique un peu pathétique de Sega, qui ne fera que s'intensifier au fil des années avec une liste interminable de jeux recyclant de manière outrancière les idées d'un rival souvent révolutionnaire (Mario Kart, Super Mario All Stars...) en y accolant des licences maisons qui n'avaient pas vraiment besoin de cela pour devenir cultes. Si Sonic fut souvent chargé d'exécuter le sale boulot, Golden Axe hérita de cette difficile tâche parmi les premiers, et de manière d'autant plus grossière que la licence en question n'avait absolument rien de commun avec ce qu'elle entendait adapter : classique des bornes d'arcades avant de devenir l'un des premiers hits de la Mega Drive, elle s'illustre jusqu'alors dans le registre du beat 'em all qui fait boum-boum-crack, respectable mais, on l'admettra, assez éloigné des casses-têtes sophistiqués et des cavalcades hyruliennes de Zelda - puisque c'est ce terrain que Golden Axe Warriorétait censé investir. Avec juste quelques trains de retard, puisqu'il ne s'agit même pas de détrousser le dernier né de la franchise de Nintendo, mais bien son premier épisode. Déjà frappé du sceau honteux de l'illégitimité, cet unique jeu Golden Axe version action/aventures se verra donc en sus ringardisé avant même sa parution. On ne s'étonnera pas dès lors qu'il ait disparu de la plupart des mémoires.

Selon les personnes, il y aura ainsi deux manières très différentes - et probablement irréconciliables - d'aborder Golden Axe Warrior. Les uns se boucheront le nez face à une pompe odieuse d'un des jeux les plus populaires de tous les temps. Les autres, souvent ceux n'ayant pas eu la possibilité de jouer à The Legend of Zeldaà l'époque, se cacheront derrière leur petit doigt en prétendant qu'il copie ce dernier "comme plein d'autres à cette époque". Une remarque touchante, mais un brin hypocrite si l'on essaie de prendre le jeu à tête reposée et sans nostalgie excessive : Golden Axe Warrior ne pompe pas pas Zelda"comme plein d'autres", il le pompe beaucoup plus (principes de jeux, graphismes, ennemis, level design, carte du monde... on est ici à deux doigts de l'action en justice). Mais aussi, il faut le reconnaître, beaucoup mieux.

Non mais ils sont sérieux les mecs ???!!!

Car une fois avalée (non sans mal) l'épaisse couleuvre, Golden Axe Warrior présente quelques qualités incontestables, a fortiori désormais que Zelda est peu moins Zeldaà chaque nouvel épisode (nous aurons l'occasion d'en reparler. Longuement). Autrement plus coloré que le classique de la N.E.S. (certes, ce n'est que le minimum syndical pour un jeu paraissant cinq ans après la bataille) et fatalement très rapide à prendre en main pour quiconque connaît ce dernier, il offre même un embryon de scénario histoire de se donner une contenance et s'autorise à améliorer quelques menus détails - à commencer par la lenteur légendaire du brave Link. Certes, ça ne se fait pas de colorier un chef-d’œuvre en noir et blanc avec de vulgaires crayons de couleur, mais G.A.W. le fait sans déborder, ce qui suffit qui dans un premier temps à donner envie de le poursuivre. D'autant que si sa progression est plus linéaire (on est loin de l'open world de chez Nintendo), elle sait aussi se montrer bien plus tortueuse, certains PNG n'hésitant pas à vous snober si vous n'avez pas accompli les bonnes actions au moment opportun. Comme dans The Legend of Zelda, on tourne donc beaucoup en rond, mais pas pour les mêmes raisons et pas tout à fait de la manière. C'est-à-dire que déjà, il y a des PNG dignes de ce nom, pas juste une vieille sorcière cachée au fond d'une grotte vous commandant de repasser plus tard. On croisera même ici ou là de vrais villages et des marchands plus ou moins honnêtes, ce qui ancre un peu plus la copie carbone dans l'univers du RPG, auquel Zelda a toujours un peu rechigné à vraiment se mélanger. Dans le même ordre d'idées, Golden Axe Warrior offre également la possibilité d'utiliser de la magie, de manière certes extrêmement laborieuse, mais saluons tout de même ce signe de bonne volonté histoire de conclure le jeu des sept différences. Qui ne sont donc que deux. Ah non, pardon : trois, car on ne joue qu'avec un seul bouton dans Golden Axe Warrior. Ce qui pourrait rendre le tout bien plus compliqué mais qui, en réalité, le rend souvent bien plus rapide, dynamique et stressant. Heureusement, il est aussi bien plus facile que Qui Vous Savez. Tellement que l'on parvient au bout sans véritablement s'en apercevoir, tout étonné d'avoir traversé tambour battant un jeu qui nous faisait ricaner durant les premières minutes, avec ses tentatives très maladroites de s'acheter une personnalité à coup d'astuces à la limite de la blague (je vous laisse la surprise mais sachez que l'on n'y brûle pas les arbres avec une chandelle, concept d'ailleurs complètement con quand on y pense). Ce qui tendrait à prouver que l'on n'est pas en face d'un si mauvais jeu que cela, finalement. Non ?

Ah ouais. Donc ils sont sérieusement sérieux, quoi...

Peut-être bien. Peut-être même Golden Axe Warrior est-il encore meilleur aujourd'hui que la guerre Nintendo/Sega semble loin, que tous ses protagonistes sont morts ou très vieux, et que l'on est soi-même bien trop âgé pour chercher encore l'extase au moment d'allumer une console - on cherche juste à s'amuser, peu importe les méthodes odieusement démagogiques que le développeur aura utilisées à cette fin. Extrêmement bien réalisé, notamment au niveau de musiques qui n'ont pas à rougir de la comparaison avec le soundtrack-père (ce n'est pas le moindre des compliments), il est assez irréprochable concernant les phases de jeu pures et n'aurait assurément pas fait honte à la licence de Nintendo. D'aspect moins sombre, G.A.W. est également moins tordu que les Zelda de la N.E.S., limitant parfois un peu trop la liberté de mouvement (il est assez troublant de noter que les trésors des donjons ne sont par exemple presque jamais des armes offensives, mais le plus souvent des objets permettant de faciliter la circulation ou la survie). On s'y perd inévitablement beaucoup moins, de même que l'on y découvre moins de choses "par hasard", d'autant que les décors sont plus variés et que les clés sont tellement nombreuses qu'on en a deux ou trois en stock à la fin de chaque niveau, chose qui ne serait assurément jamais arrivée dans The Legend of Zelda (au contraire, on se retrouvait littéralement en dèche de clés, sans comprendre ce qu'on avait manqué et souvent sans pouvoir revenir en arrière - un problème que Golden Axe a choisi de régler en délivrant au bout d'un certain temps un genre de passe-partout... et en continuant à mettre des clés dans chaque niveau, histoire d'être bien sûr qu'on ne retrouve jamais un joueur perdu et sous-alimenté au fin fond d'un sombre cachot). Une remarque à mettre cependant en regard du fait que c'est exactement à cette époque que Zelda lui-même va devenir beaucoup moins compliqué, si ce n'est carrément facile, tant et si bien que si Golden Axe Warrior est une partie de plaisir en comparaison des deux épisodes N.E.S. (ces jeux où il faut quasiment bomber chaque mur pour en voir le bout), il propose un challenge légèrement plus relevé qu'A Link to the Past, avec un travail moins pré-mâché et des combats souvent sacrément retors. Vous me voyez venir à dix kilomètres : oui, par bien des aspects et même si j'ai une certaine affection pour The Adventure of Link, Golden Axe Warrior peut prétendre être le Zelda II que Shigeru Miyamoto, dont on oublie parfois qu'il était un psychopathe du paddle à faire rougir bien des hardcore gamers autoproclamés, s'est refusé à offrir sur N.E.S. Le plagiat, on le sait, peut parfois être vu comme le plus beau des hommages. Et si Sega en signa quelques uns, on n'a jamais dit qu'il s'agissait pour autant de mauvais jeux. Dans le fond, dès 1991, la firme plus forte que toi essayait déjà de faire savoir à Nintendo qu'elle voulait développer des jeux pour ses consoles. Elle était juste un peu trop timide pour le dire explicitement.


Golden Axe Warrior - Master System (Aventures - Sega, 1991)

Le Bonheur dans la Triche

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[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°59]
Le Pendule de Foucault - Umberto Eco (1988)

Je ne me rappelle pas vraiment ma lecture du Nom de la Rose. Je me rappelle l'avoir aimé, plus que le film, mais je me rappelle à peine l'avoir lu. N'ayant aucun souvenir de notre rencontre (si ce n'est qu'elle fut agréable), Umberto Eco ne pouvait prétendre entrer dans ce Panthéon du Golb que de manière détournée, en trichant, par une porte dérobée ou un passage secret – idée qui lui aurait certainement plu. Fidèle à sa réputation d'être facétieux, il choisit donc le moyen le plus improbable pour changer ma vie de lecteur – un moyen où il avait 99 % de chances se perdre avant même de franchir la porte de ma chambre : aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il est passé par mon père. Qui, m'ayant vu me délecter du Nom de la Rose (et s'en souvenant visiblement mieux que moi) eut l'idée soudaine de m'en parler, concluant la discussion  le monologue en affirmant que Le Nom de la Roseétait formidable, à la différence du Pendule de Foucault, ce truc prétentieux "qui nécessitait d'avoir fait dix ans d'études pour y comprendre quoi que ce soit".

Mon père était un con, et je ne dis pas ça parce que j'ai de plus longues études que lui, ni parce que j'ai lu (et compris) Le Pendule de Foucault deux fois. Je le savais déjà à l'époque, de manière diffuse : je voyais bien qu'il était con, le problème était plutôt que je ne connaissais pas encore la définition du mot. Si je l'avais écouté, je me serais sans doute privé d'un des plus gros geekasmes de mon existence, c'est pourquoi je ne peux que supposer que tout cela était un complot orchestré par Umberto Eco lui-même ; une habile manipulation partant du principe que j'allais faire le contraire de ce que mon père me disait, et m'empresser de lire Le Pendule de Foucault pour lui donner tort. Le sujet du livre lui-même tendait vers cette interprétation, puisque la théorie du complot (et même la théorie du complot sur les théories du complot) est au cœur de son récit.


Mon père était un con, c'est entendu, mais il n'était pas non plus un abruti. Il serait d'une grande malhonnêteté intellectuelle de lui reprocher de ne pas avoir compris un livre que la plupart des gens, à l'époque, n'ont pas compris, et qu'il fallait alors recevoir comme le manifeste de liberté artistique d'un écrivain à l'apogée de son talent qui, se découvrant une notoriété planétaire, se refusait à devenir une star comme il se refuserait, une fois vieux et sage, à virer statue du commandeur. L'erreur que mon père avait commise, comme presque tous les critiques de la fin des années quatre-vingts, c'est d'avoir pris au sérieux une vaste plaisanterie, explicitement présentée comme telle, mais de manière si subtile et si élaborée qu'il fallait être sacrément attentif pour s'en apercevoir. On sera d'ailleurs libre d'y voir une forme de cynisme assez inhabituelle chez Eco, grand humaniste à la Foi en l'homme continuellement réaffirmée.

Pourtant, Le Pendule de Foucault, qui sera probablement pour l'éternité le livre le plus complexe et exigeant à être jamais devenu best-seller, n'est pas un texte si foncièrement différent du Nom de la Rose. Umberto Eco y livre un nouveau "thriller lettro-lettré", genre alors très en vogue qu'il a lui-même initié sans le vouloir, et qu'il fut bien incapable de porter par la suite (d'autant que son héritage avait de quoi emplir de plus de pitié que de fierté). Tous les éléments qui firent le succès du Nom de la Rose y sont : un héros charismatique et torturé, un bon gros mystère, un amour des mots clamé à quasiment chaque paragraphe, une culture infinie, presque glamour, s'auto-célébrant sans cesse sans pour autant rechigner pas à se marier aux codes du roman populaire. Tout y est, oui, mais tout y paraît détraqué : le mystère est absolument abscons et le récit, tout en bavardages (passionnants) et en digressions (aussi), ne semble pas vouloir avancer, inondant le lecteur de références qu'il ne connaît pas nécessairement et abusant – d'où ma réflexion intriguée à propos de son cynisme – de ce procédé consistant à raconter n'importe quoi en ne donnant aucune indication quant à sa nature nimportequoiesque. Croyez-moi, il fallait au moins le talent d'Umberto Eco pour me faire apprécier un procédé que je trouve fondamentalement malhonnête, qui viole sans vergogne tous les pactes tacites entre l'auteur et le lecteur. La fiction est une fiction, il n'y a aucun problème, mais si on me dit, comme l'auteur le fait ici à plusieurs reprises, que quelque chose est un fait historique avéré alors que ça ne l'est pas, ce n'est plus raconter une histoire : c'est tout simplement mentir. C'est tricher avec le lien essentiel unissant celui qui raconte à celui qui l'écoute. Et c'est bien de cela qu'il s'agit dans Le Pendule de Foucault : de triche. De pièges et de chausse-trappes. De poursuivre un truc qui n'existe pas en sachant qu'il n'existe pas mais de le poursuivre tout de même pour le plaisir de se dire qu'il existe peut-être. Eco s'amuse à jouer avec les interdits (le vrai et le vraisemblable sont l'équivalent littéraire du tabou de l'inceste), et parce qu'il est "cet homme qui savait tout", comme le titre joliment La Repubblica ce matin, il en a le droit – peut-être même le devoir. Il peut – et va – imbriquer des mystères dans des énigmes dissimulant des questions. Il peut – et va – rédiger une théorie du complot les englobant toutes. Il peut – et il va – se moquer du monde, donc de lui-même et de l'arrogance de ces intellectuels obsessionnels et névrosés qui portent son récit de manière si molle, si statique, si pesante... à la manière d'universitaires sur-cultivés, en somme, plutôt qu'à la manière de passionnés.

Alors c'est vrai, c'est à la fois sa qualité et son défaut, Le Pendule de Foucault est un ouvrage d'apparence difficile. C'était sans doute une nécessité : pour que la blague soit drôle, elle devait échapper à certains. A la première lecture, il y a fort longtemps, j'ai été impressionné mais me suis perdu dedans. J'ai voulu saisir les références, voir à travers le texte plutôt que de me laisser porter par un récit extrêmement simple et fluide. Il peut avoir quelque chose de décourageant au premier abord et est d'ailleurs, sans aucun doute, l'un des romans les plus difficiles à résumer que je connaisse (en gros, il raconte l'histoire de copains très pédants qui s'inventent des théories du complots pour déconner, jusqu'à ce qu'ils s'aperçoivent que l'une d'entre elles est peut-être vraie... autant vous dire qu'avec ça, vous ne saurez absolument rien de ce qui vous attend réellement. Et en même temps, tout le roman est bel et bien contenu dans cette courte phrase). A la seconde lecture, je me suis aperçu que mon père n'avait peut-être pas complètement tort : il faut sans doute un certain bagage pour l'apprécier à sa juste valeur, ou à tout le moins quelques clés. L'ironie de cette histoire, c'est que ce bagage n'est pas nécessaire pour en absorber les inspirations, allusions ou palimpsestes – mais au contraire pour ne pas s'y attarder, et ainsi en savourer la virtuosité, l'humour, l'auto-dérision, le style et la vivacité. Oui, Le Pendule de Foucault est sans doute et avant tout un grand roman sur rien, du vent, quelques faux géants et deux ou trois moulins. Private joke écoulée à des centaines de milliers d'exemplaires, il est lui-même l'exemple le plus parfait des snobismes qu'il moque – ce n'est pas la moindre de ses qualités. Ce livre qu'on vous présentera souvent comme très sérieux, très compliqué, très prise de tête... est en réalité l'ouvrage parodique ultime. Celui qui parodie même des romans n'ayant pas encore été écrits – Possession, Da Vinci Code et d'autres. Celui qui parvient même à accoucher, un chapitre sur deux, de sa propre parodie, dont l'aspect ultra-cohérent et compact ne sert qu'à masquer la dimension hautement fumeuse. Avoir fait dix ans d'études pour le comprendre ? Certainement pas. Avoir fumé tous les tapis de la maison, en revanche, ça se discute...


Trois autres livres pour découvrir Umberto Eco :

Le Nom de la Rose (1980)
L'Île du Jour d'Avant (1994)
La Mystérieuse Flamme de la Reine Loana (2004)

[GOLBEUR EN SÉRIES RE-O] Semaines 3 & 4

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11.22.63 S'il est dans l'absolu très regardable (quoiqu'un peu longuet), on ne trouve malheureusement rien dans ce pilote qui puisse laisser penser qu'11.22.63 soit destiné à briser la malédiction des adaptations de Stephen King. Une exposition très (trop) brève (un comble s'agissant d'un épisode d'une heure vingt), une simplification extrême de la psychologie du héros (on se retient de dire que James Franco, pas mauvais au demeurant, est bien trop jeune et clean pour le rôle), et surtout une direction artistique laissant craindre que la série s'oriente surtout vers la partie voyage temporel - au risque de passer, peut-être, totalement à côté du sujet. Alors ok, c'est toujours énervant ces gens qui vous disent que c'est mieux dans les bouquins (même quand c'est la ravissante Sarah Gadon qui s'en charge). En même temps, ce n'est quand même pas ma faute (ni la sienne) si c'est vrai dans 90 % des cas - voire dans 99,9 % lorsqu'il s'agit de livres de Stephen King...

The 100 (saison 3)"Oui, bonjour, c'est Game of Thrones à l'appareil. Ce serait possible que vous me rendiez mon mojo ?""Désolé monsieur Thrones, ce n'est pas possible pour le moment, ma responsable est partie faire du catch dans la boue avec ses amis. Je peux prendre un message ?"

Il est vraiment trop nul, le GoT de la CW : les filles ne se battent même pas à poil !

AMERICAN CRIME STORY Beaucoup et peu à la fois, dans ce drame policier qui hurle à chaque plan son intention de ramasser tous les Emmys possibles lors de la prochaine cérémonie. Beaucoup de grands noms, devant et derrière la caméra. Beaucoup d'ambitions, dans la mise en scène ou l'illustration sonore. Beaucoup d'indépendance, aussi, vis-à-vis d'American Horror Story et des autres travaux de Ryan Murphy, moins impliqué dans ce nouveau show, ce qui n'est pas forcément plus mal. Mais peu, aussi, donc. Peu d'originalité à offrir, en tout cas à ce stade, et une vision pas nécessairement très claire d'une affaire dont tout le monde connaît le moindre recoin (et dont on peut s'étonner quelle ait été choisie pour inaugurer cette nouvelle anthologie). Peu de fiction, également, à tout le moins pour le moment. American Horror Story a bien des défauts, mais elle a montré - bien plus que True Detective - la voie de ce que doit être une bonne série d'anthologie : quelque chose qui compense l'absence de continuité entre les saisons par une identité visuelle forte, des thématiques transversales... etc. S'il est évidemment bien trop tôt pour affirmer qu'American Crime Story ne disposera pas de tout cela à terme, on n'en a pas moins le sentiment de regarder un drame policier beaucoup plus classique, a fortiori désormais que The Jinx ou Making a Murderer sont venues ringardiser le côté "inspiré d'une histoire vrai". Ce qu'on peut et doit lui reconnaître pour le moment, c'est de posséder une atmosphère assez envoûtante et d'embrasser le spectateur sur un faux rythme assez plaisant (la dynamique narrative est relativement lente mais, dans le même temps, on ne voit pas passer les épisodes). C'est déjà un bon point de départ.

HEROES REBORN Quelqu'un attendait-il quoi que ce soit de cette suite ? Quelqu'un, quelque part... vivait-il dans l'angoisse de ce à quoi allait ressemblait le retour de Heroes ? Voire, se disait depuis des années "mon Dieu, Heroes me manque, j'aimerais tant qu'on la reboote !" Rappelons qu'à l'époque, on blaguait déjà sur Tim Kring qui devait avoir de sacrés dossiers sur les patrons de NBC pour pouvoir maintenir à l'antenne une série que plus personne ne regardait. Visiblement, le grand patron a encore fauté avec des enfants handicapés, pour le plus grand plaisir de douze fans que les 472 séries de superhéros actuellement à l'antenne (sans compter les films) ne parvenaient pas à rassasier. Le pire, c'est que dans l'ensemble, Heroes Reborn n'aura pas été ce que la série franchise aura offert de plus mauvais (la dernière saison de la série originale était bien pire). Mais quel manque de nerfs dans l'écriture ! On aura bâillé plus d'une fois, et le fait que le show soit parti pour une longue pause entre novembre et fin janvier n'aura pas aidé à ce qu'on s'intéresse plus au sort de ses personnages. La comparaison avec les séries de superhéros qui ont pullulé ces dernières années est évidemment cruelle, même la (de moins en moins) moyenne saison 2 de The Flash paraissant d'un intérêt et d'un dynamisme exceptionnels en comparaison de ces treize épisodes tout mous du genoux, visuellement très peu inspirés, principalement peuplés de seconds rôles ne servant strictement à rien et de stars de l'ancienne série venues prendre un petit chèque histoire de s'acquitter des dettes de drogues contractées à l'époque où ils essayaient encore de piger quelque chose à la storyline du show. Heroes Reborn aurait même presque pu s'en sortir avec les honneurs d'un plaisir coupable, n'étaient-ce deux derniers épisodes transpirant tellement le manque d'idées qu'on était tout de même plus proche du pathétique que du comique involontaire...

"Quoi ? Comment ça, la compta est en grève ?!"

SOUTH OF HELL Pauvre Mena Suvari. Je ne sais pas ce qu'elle a fait pour mériter une telle carrière, mais elle a clairement dû fâcher des gens très (trop) puissants pour en arriver là. Quand on pense que des comédiens bien moins talentueux ayant eu des rôles bien moins mémorables que celui qu'elle tenait dans American Beauty réussissent à chaque rentrée à se recaser dans une nouvelle série, on se demande vraiment pourquoi elle ne fait que cachetonner dans des trucs de seconde zone qui n'ont jamais de deuxième saison (voire parfois pas de fin du tout). En l'occurrence, cette série binge produced par l'obscure WE.tv a carrément des airs de décharge publique, puisque Mena y côtoie Zachary Booth (éternel plus trop jeune premier qui au faîte de sa carrière boitillante incarnait le fils de Patty Hewes dans Damages), sous la direction de Jennifer Lynch (fille de dont le C.V. ressemble, 25 après son Journal de Laura Palmer, à un véritable charnier), le tout avec aux manettes Eli Roth (qui cherche désespérément à percer dans le monde des séries mais s'est fait bouter hors de Netflix sitôt Hemlock Grove achevée) et James Manos Jr (un mec qui a tout de même été scénariste des Sopranos et de The Shield avant de devenir showrunner des bonnes saisons de Dexter... puis de sombrer dans l'alcoolisme, la drogue et la prostitution). Foncièrement, South of Hell n'est pas si terrible que ça, elle est juste désespérément cheap. Quand on a zéro budget et trois scénaristes dont un de seize ans (j'exagère, mais pas tant que ça vu l'acharnement que le jeune puceau met à essayer de désaper l'héroïne), c'est difficile d'avoir de grandes ambitions... d'autant que si l'on ne peut qu'éprouver de la compassion pour Mena Suvari, on ne va pas non plus faire semblant de croire que c'est une super actrice - la charité a ses limites. Ce qui est sûr, c'est qu'on du mal à en vouloir à cette pauvre série, qui certes est parfois d'un ridicule consommé, mais qui compte tenu de ses moyens dérisoires et de sa diffusion confidentielle fait surtout plus de peine que de mal. Et puis allez, Suvari a assez dégusté comme ça ces dernières années, elle a tout de même été forcée par son agent à jouer dans The Cape et même dans Psych. L'horreur, la vraie, pas celle toute molle de cette série aux airs de True Blood tourné avec un vieil iPhone.

SUPERNATURAL (saison 11) Sans atteindre la nullité sidérante de la précédente, on ne peut pas dire que cette dixième saison de Supernatural ait vraiment fait saliver jusqu'ici. Si l'on oublie un très bon stand alone centré sur l'Impala, seul le retour pour deux épisodes de Mark "Lucifer" Pellegrino aura réellement fait frissonner le fan... tout en lui rappelant à quel point la grande époque de la série était loin derrière elle. Terrifiés par cette prise de conscience au moment de l'insertion des inévitables flashbacks, les scénaristes se sont par conséquent immédiatement repris grâce à l'idée la plus con qu'ils aient eue depuis longtemps (probablement depuis l'époque où Dean traînait avec un vampire de mer amoureux) : faire de Castiel (enfin du mec qui lui sert d'enveloppe corporelle) le "vaisseau" du susnommé Lucifer. D'abord étonné (cela faisait bien trois ans qu'il pensait ne plus rien avoir à faire pour justifier son emploi fictif), Misha Collins a alors entrepris de les faire changer d'avis en réinventant chaque semaine le verbe surjouer ; en en faisant tellement trop, à la moindre mimique, que son nouveau personnage censément terrifiant ne fait que provoquer l'hilarité depuis les premiers mots de sa première réplique. On ajouterait bien que tout cela risque de mal finir, si le problème n'était pas précisément que Supernatural semble ne jamais vouloir se décider à raccrocher le Colt et ranger définitivement l'Impala au garage. Dix ans, c'est déjà plus que bien. C'est un compte rond. C'est plus long que Buffy et même que X-Files. Suffisant ? Apparemment, non. Et Supernatural de s'approcher dangereusement du moment où sa mauvaise période aura été plus longue que la bonne...

"Insiste encore et je contacte l'inspection du travail."

Mieux vaut tard que jamais

LOW WINTER SUN Diffusée à l'été 2013 avec l'ambition avouée de succéder à une Breaking Bad finissante, Low Winter Sun a surtout réussi la performance de se faire totalement occulter par la fin de la série dont elle entendait prendre la relève, ce qui dit déjà tout sur ce plantage monumental. Il faut dire qu'elle n'a pas tellement été aidée par des critiques un peu sévères, tant et si bien que je l'ai personnellement découverte quelques mois plus tard à la faveur d'une... parodie dans The Good Wife. Normal. Et il est vrai que Low Winter Sun est une série à problèmes qui, comme elle se prend très, très au sérieux, peine à trouver des circonstances atténuantes (en admettant qu'être lancée à la va-vite par AMC à cette période-là n'en soit pas déjà une). Tout y est trop, tout le temps, dès les premières minutes. Trop noire, elle est parfois carrément glauque, et flanquée d'une paire d'acteurs principaux (Mark Strong et Lennie James) pas franchement connus pour leur jeu épuré. Trop écrite, elle se noie dans deux intrigues parallèles qui ne se croisent que trop peu et trop tardivement. Trop consciente d'être belle (elle est extrêmement léchée), elle s'avère souvent trop bavarde - lorsqu'elle ne donne pas carrément l'impression de s'écouter parler. Et tout ça pour quoi, au juste ? Un show qui, en gros, pompe The Shield du début à la fin. Pourtant, c'est assez loin d'être déplaisant. Dans ses meilleurs moments, telle scène à la noirceur surréaliste ou tel face à face chargé d'intensité, elle réussi réellement à être le polar crépusculaire ambitionné. On a même un petit regret une fois ses dix épisodes terminés, en se disant que la plupart des défauts auraient pu être corrigés en saison 2, et qu'on est peut-être passé à côté de quelque chose. Les voies des programmateurs sont parfois impénétrables. Le fait qu'elle se soit faite défoncer par la critique a probablement joué auprès d'une chaîne plus que jamais en quête de respectabilité à cette époque où se concluaient tous ses hits. Dans la mesure où c'est Halt and Catch Fire qui prit sa place dans la grille l'année suivante, on ne va pas se plaindre non plus.


Ocarina of Time - Votre jeu à vous, et rien qu'à vous.

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Quelque chose de moi n'a jamais survécu au Noël 1998. Une part de mon enfance, de la manière dont je regardais le monde qui m'entourait. De ce que j'attendais, de ce qui me passionnait. Rétrospectivement, cette fête marque le moment précis, au jour près, où j'ai commencé à me désintéresser des jeux vidéo. Où l'idée de jouer elle-même a commencé à me paraître secondaire, enfantine. Le moment où j'ai abandonné ma manette pour consacrer mon temps – et mon argent – à d'autres choses moins chronophages ni décevantes, comme la musique (ma brève carrière de guitariste a commencé quelques mois plus tard), l'écriture (mon premier "vrai" roman – j'entends : texte de plus d'une centaine de pages – sera écrit l'été suivant), les sorties entre potes, les expériences sexuelles en tout genre et même les drogues récréatives. Maintenant que j'y pense, le Noël 1998 a réellement constitué un moment charnière dans mon existence. Je n'ai jamais réellement su s'il y avait un lien de cause à effet avec la sortie d'Ocarina of Time. Peut-être l'aurais-je reçu différemment s'il était paru un an plus tôt, comme il le devait au départ. Peut-être pas. Comme je l'ai raconté ailleurs, j'ai fini par retrouver le chemin me menant à mes vieilles manettes poussiéreuses, et même des nouvelles. Une chose en revanche n'a pas changé, près de vingt ans plus tard : je n'ai jamais plus aimé un Zelda. Plus vraiment, en tout cas.


Ce qui est amusant quand j'y pense, c'est que si on m'avait demandé à l'époque, je n'aurais pas forcément cité la série de Nintendo parmi mes jeux favoris. Le formidable (et fantaisiste, et facétieux) épisode sur Game Boy, à la rigueur. Rien d'autre. Durant la période faste de la Super N.E.S., j'ai bien plus joué à Secret of Mana. De même que durant l'ère 8 bits, les deux premiers épisodes comptaient bien moins à mes yeux que les Mario, Megaman 2, Batman et tant d'autres. Ce n'est que bien plus tard (trop) que j'ai réalisé à quel point ils m'avaient marqués, à quel point je connaissais leurs musiques par cœur – à quel point aucun de leur recoin n'avait de secret pour moi. En les ressortant ces dernières années, les uns après les autres, des centaines d'heures de jeux sont remontées à la surface. Des souvenirs très nets de recherches désespérées de solutions restées depuis gravées dans ma mémoire. Des engueulades familiales pour savoir qui allait jouer le premier – et à quel moment il lâcherait la manette. Et bien sûr, encore et toujours, de longues cavalcades dans Hyrule à planter des flèches dans tout ce qui bouge. C'est à ce moment là que j'ai  réalisé combien j'étais obsédé par ces cavalcades dans Hyrule, que j'ai déjà citées dans presque tous les articles de cette rubrique, sans même m'en apercevoir. J'étais un fan de Zelda qui s'ignorait et qui, en plus, n'aimait désormais plus Zelda. Quelle drôle d'histoire...

Si je suis honnête, toutefois, je n'ai pas forcément détesté Ocarina of Timeà sa sortie. Dans un bon jour, il pourrait même m'arriver de dire que c'est le dernier Zelda digne de ce nom, en ce sens où c'est la toute dernière fois que Nintendo se mettra en danger et tentera de réinventer son gameplay1. A l'époque, j'étais très perturbé par ce passage en 3D, très conscient également qu'avec la Nintendo 64 les différences entre Mario et Zelda fondaient comme neige au soleil, mais je ne le voyais pas nécessairement comme le pire jeu du monde. J'étais déçu, c'est vrai, mais comme beaucoup de gens alors (où se cachent-ils désormais ?) s'agissant ni plus ni moins du jeu vidéo le plus attendu de son époque. Un projet marteau annoncé comme une Œuvre, une vraie, inlassablement repoussé depuis des années et qui entendait, enfin, faire entrer Link dans le monde moderne – dans ce monde des adultes, que je rejoignais moi-même un peu plus chaque jour.

A dire vrai, j'ai sans doute dû à un moment louer son originalité, son atmosphère et plein d'autres qualités qu'aujourd'hui, à présent qu'il est devenu le symbole du moment où la série a totalement déraillé, je n'arrive plus à voir quand je le relance. A la place, je l’agonis d'injures parfois excessives, quoique rarement injustifiées. Par certains côtés, Ocarina of Time concentre tous les défauts d'une console que je n'ai foncièrement jamais aimée, dont les jeux me paraissaient excessivement chers et, exception faite de certains devenus des classiques (Goldeneye, Super Mario 64, Perfect Dark), très souvent décevants et/ou inaboutis (ah ! cette délicieuse brume enrobant les horizons). Comme le Mario mais en pire encore, Ocarina of Time me paraît aujourd'hui un jeu aussi immense que vide, au sens propre (on croise bien peu d'ennemis dans ses – très – grandes étendues sauvages) comme au sens figuré : une superproduction creuse, désincarnée, à peine jolie par rapport à ce que l'on pouvait voir sur PlayStation à la même époque, avec son gameplay compliqué (on passe du jour au lendemain de deux boutons à approximativement 2678 combinaisons de touches), ses caméras aux réglages très aléatoires, son personnage piailleur qui va plus vite en marche arrière, ses séquences scénaristiques aussi niaises qu'interminables, ses quêtes annexes aussi innombrables qu'inutiles, ses putains de parties à jouer à l'ocarina (L'OCARINA, bordel !) et bien sûr son insupportable fée – première d'une longue série d’acolytes de plus en plus imbitables et symbole de la casualisation progressive d'une série qui, à ses débuts, se classait dans ce qui se trouvait de plus long et hardcore sur consoles. Ou comment en l'espace de quelques années des jeux proposant l'exploration aléatoire d'un monde ouvert se sont peu à peu transformés en parcours de santé dont la progression linéaire semble être la seule et unique finalité : constamment entravé, le joueur enchaîne dans Ocarina of Time les missions – parfois très longues – se résumant à trouver le moyen d'accéder à la suivante, qui elle même consiste à trouver l'objet ouvrant sur la prochaine... et ainsi de suite. Tout ce qui déjà m'énervait, gamin, devant le mythique Zelda III... l'unique défaut que je lui trouvais n'avait pas simplement été conservé dans son très attendu successeur : c'était devenu le concept-même du jeu. Ocarina of Timeétait tout simplement un spin-off entièrement basé sur ces plots qui vous bloquaient l'accès à une large partie de la carte au début du jeu Super N.E.S., ainsi que sur ces rochers noirs que vous ne pouviez bouger que très tard dans le jeu – vous obligeant à revenir sur vos pas en permanence pour trouver des trésors oubliés. Les quêtes parallèles, de même, n'étaient plus d'aimables digressions ; les digressions elles-mêmes étaient devenues des quêtes.

"Ohé ! Y'a quelqu'un ?! Un gobelin ? Un troll ? Non ? Personne ? Ohéééééé !!!!!"

Un minimum d'honnêteté intellectuelle oblige en effet à reconnaître que si OOT (pour les intimes, dont je ne fais vous l'aurez compris pas partie) est un modèle de réinvention ratée, le ver était dans le fruit depuis un bon moment. Dès A Link to the Past (1991), le niveau de difficulté avait déjà drastiquement fondu, comme un immense acte de contrition après un Adventure of Link réputé interminable sans soluce (et encore2). Splendide et épique, très long et riche pour l'époque, le classique de la Super N.E.S. n'en reposait pas moins sur quelques pics de difficulté (les issues multiples du Palais des Squelettes, les étages et sous-sol à n'en plus finir du Palais de Glace...) isolés au milieu d'un océan de donjons particulièrement faciles (notamment tous ceux du monde dit "de la lumière"). Il inaugurait également un début de foire aux items qui virera rapidement à la surenchère, atteignant le point de non-retour dans Skyward Sword (2011) et A Link Between Worlds (2013), ce dernier étant un véritable festival d'objets ne servant strictement à rien si ce n'est satisfaire la soif du Nintendomaniaque contemporain, notoirement obsédé par la collectionnite et la customisation (un double fléau qui mériterait un dossier entier). Son successeur, Link's Awakening (1993), s'il est peut-être le meilleur épisode de la série en raison de son originalité et de son humour omniprésent, cachait pour sa part une difficulté assez relative derrière sa réputation de Jeu Le Plus Long Paru Sur Game Boy (ce qui n'était pas vrai3, même si sa durée de vie était immense), et jetait avec ses chouettes (et brèves) séquences 2D horizontales les bases d'une croyance qui sera amplifiée à partir d'Ocarina pour culminer avec le dernier spin-off en date (Tri-Force Heroes) : cette idée totalement inepte selon laquelle l'avenir de Zelda résiderait non pas dans un retour aux sources taries du dungeon-RPG mais dans... le jeu de plateformes. A partir de 1998, la palette de mouvements de Link va ainsi réussir la prouesse de s'enrichir de manière considérable (bonds, combinaisons à l'épée, esquives, roulades et galipettes en tout genre) tout en appauvrissant le gameplay d'ensemble. Au point que le boss le plus difficile de toute la saga (dans Oracle of Ages, sur Game Boy Color) finisse par se dérouler dans un environnement de pures plateformes, avec des blocs pour prendre appui et de multiples sauts à effectuer.

Croyez-le ou non, rien que de regarder l'image, je suis au bord de la crise d'angoisse.

Car si Ocarina of Time marque sans discussion le moment où Zelda a bugué, on était loin d'être au bout de nos peines et il ne s'agit pas encore du pire Zelda qui soit. Il a au moins ce mérite de proposer une atmosphère et des séquences réellement immersives (ce combat final, tout de même), sans être aussi stressant que pouvaient l'être les deux voire trois premiers. Un goût  pour les atmosphères et une certaine tension que l'on ne trouve assurément pas dans la plupart de ses successeurs, en particulier les épisodes sur consoles portables, qui se parcourent en sifflotant et ne composent plus qu'un enchevêtrement de casse-têtes et de puzzles, une horlogerie parfois très subtile mais dont la mécanique huilée – et ultra-répétitive d'un volet à un autre – peine à faire oublier le souffle épique qui fit de la série l'une des plus populaires de l'histoire du jeu vidéo. Une construction en filigranes, souvent masquée à grand renfort de couleurs et de musiques épatantes, dont la réalité m'a frappé lorsque le vrai plus mauvais jeu de la série, Spirit Track (2009, DS), propose en guise d'énigme de faire rouler des cubes géants pour les imbriquer dans les ouvertures disposées au sol à cet effet :

Je vous mets une image, car c'est encore plus prise de tête à expliquer qu'à résoudre.

Il faut savoir qu'il y a peu de créations humaines que je trouve plus irritantes et profondément stupides que le Rubik's Cube – ce jeu qui depuis quarante ans donne l'illusion à des millions de gens d'être intelligents, alors qu'ils ne font qu'accomplir des séquences de gestes incontournables et limités aboutissants toujours au même résultat. Le contraire de l'imagination, de la créativité. Même pas des maths – car les maths peuvent être fantaisistes, inventives – juste un foutu circuit de voitures adapté aux geeks. "Putain de bordel de merde !", me suis-je écrié alors que je venais encore de rater mon coup, "je ne joue pas à Zelda pour me retrouver à faire un putain de Rubik's Cube !" Sauf que je me suis aperçu que... si, justement. Car les derniers Zelda n'étaient plus que cela : d'immenses Rubik's Cube en 3D, où l'on fait glisser les salles pour balayer la route vers la sortie, souvent visible dès la première pièce mais inaccessible avant d'avoir accompli... des séquences de gestes incontournables et limités aboutissants toujours au même résultat. Ce qui était un passage particulièrement pénible dans un jeu globalement raté, passage injouable de surcroît, était en fait ni plus ni moins qu'une métaphore (une métonymie !) de ce que la série entière était devenue au fil du temps. Bizarrement, j'ai arrêté Spirit Tracksà cet endroit. Je ne finirai probablement pas non plus Tri Force Heroes, que sa qualité de spin-off autorise au moins à jouer cartes sur tables : c'est un Zelda réduit à ses casse-têtes, ses puzzles, ses déclinaisons du Rubik's Cube rendues encore plus tonitruantes par la (fort belle) 3D stéréoscopique. Pour aimer Zelda en 2016, il faut aimer les Rubik's Cube,  oui. Les énigmes de Télé 7 Jeux, les sudokus et tout ce qui s'en rapproche. Ainsi bien sûr que l'action réduite à sa plus faible expression, les longs tunnels de dialogues tournant à vide, les PNG vous expliquant ce que vous voyez au moment où vous le voyez, et les bosses se mouvant à quatre à l'heure (la tortue et ses coups de queue dans Zelda III, ça, c'était du boss sportif). Si le jeu pourra occasionnellement se montrer ardu, ce sera toujours dans ce registre, celui de la prise de tête totalement gratuite, du Rubik's Cube géant à la complexité exacerbée, conçu sur le modèle de l'épuisant Temple de l'eau d'Ocarina of Time (on y revient) : une splendeur imaginée par un esprit machiavélique mais visiblement oisif, tant tout y semble aussi tordu que vain. Il faut se pincer pour se rappeler qu'il y a trente ans tout pile, The Legend of Zelda commençait avec un petit bonhomme, une épée et un monde trop vaste pour qu'on en sorte jamais.

La vérité c'est que la théorie de l'évolution s'applique à tout, y compris au jeux vidéos. Si Zelda n'a pas aussi bien franchi le cap de la 3D que Mario, c'est peut-être tout simplement parce que ses fondamentaux étaient moins forts, son code génétique plus altérable, quand le plombier, même amoindri ou limité techniquement, est fondamentalement toujours resté un bonhomme moustachu sautant sur des champignons – avec plus de variations esthétiques que conceptuelles. Il est d'ailleurs assez frappant de noter qu'au moment de donner une suite à Super Mario Bros. (connue chez nous sous le titre The Lost Levels), Shigeru Miyamoto optera pour une "simple" version hardcore du premier volet, tandis que dès son deuxième épisode, le mésestimé Adventure of Link (1987), Zelda vacillera énormément sur ses fondations. Des trajectoires opposées que l'on pourrait ainsi comparer à l'infini : au fil des années, Mario synthétise, quand Zelda surenchérit ; Mario réinvente constamment son gameplay, quand Zelda s'y enlise4 ; le courageux plombier, qui aux premiers jours se contentait de foncer de gauche à droite5, explore et voit son univers se métamorphoser en une infinité de niveaux jouables dans un ordre de plus en plus aléatoire, tandis que le valeureux chevalier, après avoir connu un monde parfaitement ouvert, se trouve face à des parcours chaque fois plus linéaires et balisés. S'il était important pour moi de rédiger ce long article malgré tout assez superficiel, c'est parce qu'au fil des chroniques de la rubrique jeux vidéos, le nom de Zelda reviendra probablement souvent, et que compte tenu de la notoriété de certains de ses épisodes récents, il me semblait nécessaire de préciser ce que j'entends quand j'écris son nom. Tout comme ce que j'entends quand j'écris celui d'Ocarina of Time ; soit donc le nom du jeu vidéo qui (m')a tué le jeu vidéo, du moins tel qu'on le connaissait dans les années 80 et 90. Quand on sait qu'il est généralement considéré comme le meilleur jeu de tous les temps alors que tous les excès contemporains que je moquais dans l'article inaugurant cette rubrique y figurent déjà, dès 1998... on comprendra que je ne me sente plus tout à fait concerné par l'actualité vidéoludique de 2016.


Une anecdote amusante, pour conclure : aussi invraisemblable que cela puisse paraître après tout ce que je viens d'écrire, Ocarina of Time est de loin le jeu dont je possède le plus d'exemplaires. Quatre, pour être exact : l'original, une version pour émulateur, ainsi que les remakes Game Cube et 3DS. C'est aussi – de loin – l'un des jeux auxquels j'ai le plus souvent joué ces dernières années, souvent pour quelques heures et chaque fois avec l'envie folle de le redécouvrir et de réaliser combien je m'étais trompé à son sujet. Ce n'est malheureusement jamais le cas.


The Legend of Zelda : Ocarina of Time - Nintendo 64 (Aventures - Nintendo, 1998)



1.Attention, je n'ai pas dit que c'était le dernier Zelda "ambitieux", rôle dévolue à Majora's Mask, sorti deux ans plus tard. Je parle bien des principes de jeux.
2.Rappelons que l'une des grandes spécialités de Nintendo à l'époque de la N.E.S. était de produire des jeux extrêmement difficiles – voire quasiment impossibles à terminer seul – afin d'inciter les joueurs à contacter la hotline, dont les coordonnées téléphoniques et minitel ne manquaient jamais d'apparaître à un endroit ou un autre de la notice ou de la jaquette.
3.Ce titre revient, sans le moindre doute possible, à Mystic Quest (1991), premier volet d'une série Seiken Densetsu– sur le déclin de laquelle il y aurait également beaucoup à dire.
4.Paradoxe et même double paradoxe : Zelda a réussi à totalement se vider de sa substance depuis vingt ans en reproduisant pourtant scrupuleusement les mêmes mécanismes implantés dans les mêmes univers. Peu importe leur qualité réelle ou supposée : tous les épisodes de la série parus depuis 1998 sont fondamentalement des émanations d'Ocarina of Time, comme si celui-ci avait achevé de figer le concept.
5. Souvenez-vous : il ne pouvait même pas revenir en arrière !

Baron noir - Les Amis de mes amis sont mes ennemis. Ou le contraire, à moins que ce ne soit l'inverse.

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La politique a ceci de merveilleux que sa réalité dépasse toujours, invariablement la fiction. Il suffit de voir Donald Trump pour s'en convaincre : aucun scénariste, même totalement défoncé, n'aurait jamais envisagé un tel personnage en tant que candidat crédible à la Maison Blanche. De même qu'aucune série télé, même pas Law & Order : SVU, n'aurait d'elle-même déniché une intrigue comme l'affaire DSK. La vie politique, et c'est sans doute pourquoi beaucoup continuent d'éprouver pour elle une grande fascination tout en la méprisant dans le même temps, est presque une série télévisée en soi. Diffusée tous les jours, sur toutes les chaînes et à toutes les heures, qui ne s'arrête quasiment jamais à part une semaine l'été et trois jours à Noël. Chez nous, en France, c'est même de très loin la meilleure série télé du moment, à chaque moment de chaque année. On peut s'en lasser un peu, car comme tous les soaps dilués sur des décennies, elle a ses temps forts et ses temps faibles. Mais que Valérie Trierwieler sorte un livre ou que Nicolas Sarkozy soit mis en examen que tout de suite, l'étincelle se rallume.

Pour cette raison peut-être, la représentation de la politique dans les films et quelques rares tentatives de séries françaises n'a jamais dépassé le cas de l'essai courageux, dont on louait l'ambition tout en déplorant les limites, lourdeurs et facilités. Il faut dire ce qui est : en France, nous sommes beaucoup plus doués pour produire des politiciens à la chaîne plutôt que des séries. D'ailleurs, nous avons d'innombrables grandes écoles visant à accoucher de l’Élite de la Nation, mais bon pour courage pour trouver un cours de creative writing digne de ce nom. Le gros ratage des Hommes de l'ombre, tentative ambitieuse et totalement lourdingue de France 2 il y a quelques années, n'avait rien d'une surprise : il n'était que la conséquence logique d'approches fondamentalement incompatibles. Si l'on s'est parfois moqué de certaines séries françaises, on ne leur a jamais vraiment reproché de ne pas s'attaquer à ce sujet tout simplement parce que la fiction politique, tradition ancrée dans les mœurs anglo-saxonnes, n'en est pas une dans l'Hexagone. Elle ne l'a jamais été, même en littérature, même à d'autres époques. La France n'a jamais eu son The West Wing (paradoxalement archi-culte chez toute une génération de politiques français), mais elle n'a jamais eu non plus son Philip Roth. Et si la politique encombre les rayonnage de nos librairies, elle n'a généré que très peu de littérature durant ces quelques cent dernières années. Comment le pourrait-elle, dans un pays où la collusion entre pouvoir et médias est aussi souvent épinglée qu'elle semble immuable, et où la politique elle-même se mêle à longueur d'années de la culture et/ou du statut de créateur ?


Il y a tout cela dans Baron noir, et plein d'autres choses encore. Sur le papier, on est déjà agréablement surpris qu'elle existe en tant que telle. Dans les faits, on l'aime dès ses premières secondes (son pilote est d'ailleurs sans doute son meilleur épisode), parce qu'elle n'a pas peur de faire de la fiction là où d'autres auraient fait du pamphlet, ni du réalisme là où d'autres se serait cachés derrière l'agréable confort de l'allégorie. Toute en équilibre. Toute en dosage parfaitement mesuré. Rien n'y est jamais trop gros, parce que la vie politique française, avec ses centaines de micro-parti satellitaires, de subdivisions, de syndicats déguisés en assos et d'assos déguisées en syndicats, de structures imbriquées les unes dans les autres et parfois impossibles à démêler y compris pour leurs protagonistes... la vie politique française, oui, est elle-même bien trop grosse. Lorsque vous avez eu comme ministre Rachida Dati ou Emmanuel Macron, ou lorsque des gens n'ayant jamais été élus par qui que ce soit peuvent sérieusement envisager de concourir directement pour la Présidentielle... la transmutation du personnage d'Anna Mouglalis de jeune conseillère du Président en chef de parti rouée ne choque pas trois secondes. Quand vous avez vu l'un des hommes les plus puissants du pays, si ce n'est du monde, frayer avec un personnage aussi invraisemblable que Dédé la Saumure, ce n'est tout de même le personnage de Michel Muller qui va vous faire hausser les sourcils. D'une manière générale, si vous avez réussi à re-voter depuis la publication de Merci pour ce moment, vous ne devriez a priori rencontrer aucune objection à avaler goulument l'histoire que vont vous servir (sur un plateau) Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon.

"Moi j'organise pas ma vie en fonction du calendrier des cinq prochaines élections[...] J'ai de l'ambition mais tu vois, moi, quand je monte à la tribune j'ai de l'eczéma. J'ai le dos cassé."

En choisissant de s'attaquer à cet univers, nos deux auteurs voient se dresser devant eux beaucoup d'écueils, et on ne peut qu'applaudir à la manière dont ils évitent la plupart d'entre eux. Premièrement, ils n'essaient pas de faire du pseudo-documentaire, ce qui fait que l'on enchaîne les deux premiers épisodes sans respirer : ils font de la fiction, de la vraie, assumée comme telle. Ancrée dans une réalité, géographique, sociale, politique (les noms des lieux et des partis sont conservés, chose absolument inimaginable dans une série française il y a de cela trois semaines). Mais fiction tout de même, extrêmement rythmée et n'ayant pas peur d'y aller franco sur les cliffhangers. Si tout n'est pas réussi de ce point de vue et si, de temps en temps, certaines ficelles sont un peu grosses, on ne peut globalement que les en féliciter (dans un monde où des gens réussissent à trouver le moindre intérêt à House of Cards passée sa première saison, on ne va tout de même pas leur reprocher une ou deux invraisemblances). D'autant que Baron noir a cette grande intelligence de partir d'une histoire très simple pour en explorer toutes les nuances, plutôt que de s'embarrasser (comme d'autres auraient été tentés de le faire) d'une intrigue trop complexe qu'il aurait fallu lutter pour résoudre en huit épisodes. Ou comment à la veille du second tour, le meilleur ami du candidat socialiste se retrouve à devoir étouffer une sinistre histoire d'office HLM, ne pouvant échapper à un inévitable lâchage de la part de celui qu'il considère comme un frère. Vexé et humilié, il décide donc de lui pourrir la vie – ça tombe bien : Philippe Rickwaert, c'est son nom, a plein d'excellentes idées pour ce faire.


Le chemin n'est pas facile, pour Rickwaert comme pour les scénaristes, d'autant que dans "série politique française", il y a certes "série politique", avec tous les pièges que cela comporte... mais il y a aussi "française"– ce qui en général peut vite amener à d'autres écueils. Ceux-ci sont également évités, et bien évités : tout d'abord, le casting est absolument impeccable, seconds rôles inclus. C'est le minimum, mais quiconque a regardé – au hasard – Dix pour Cent sait qu'il ne suffit pas de coucher deux-trois noms connus sur un bout de papier pour avoir un casting XXL (en revanche, ça suffit amplement pour avoir de bonnes critiques partout). Kad Merad, Anna Mouglalis et Niels Arestrup, eux, ne mettent que quelques minutes à habiter leurs personnages1. Et à donner envie de les suivre. Surtout, Baron noirévite le plus gros travers de la fiction télé hexagonale2, particulièrement meurtrier du côté des créations originales de Canal + : se reposer sur des concepts, oubliant qu'une bonne série, c'est avant toute autre chose une bonne histoire mettant en scène de bons personnages. Sobrement réalisée, presque trop parfois (la musique, assez ratée, paraît totalement anonyme – ce pourrait être celle d'Engrenages ou de n'importe quel thriller lambda), Baron noir ne verse pas dans l’esbroufe et colle au plus près de son trio central, sans trop se perdre en intrigues secondaires et surtout sans tomber dans un didactisme inévitablement tentant dès lors que l'on évoque la grandeur et la décadence des puissants (aucun type de show n'a un plus fort potentiel soapesque que la série politique, ce ne sont pas les scénaristes de House of Cards ou Game of Thrones qui iront vous dire le contraire). Personnages complexes, aux ambitions aussi souvent contradictoires qu'elles sont contrariées, Rickwaert, Dorendeu et Laugier sont loin d'être d'un seul tenant, basés sur des archétypes (surtout les deux premiers) que les scénaristes désossent progressivement, méthodiquement. Antihéros tantôt inquiétant et tantôt touchant, Rickwaert n'est assurément pas qu'un homme politique pourri et corrompu (ce dont il n'a d'ailleurs aucunement conscience). Capable d'un immense cynisme et plutôt doué pour la manipulation, il n'en est pas moins un homme de conviction, élu de terrain aimé de ses électeurs de la troisième circonscription de Dunkerque, proche du peuple (ou croyant l'être), farouche opposant au FN, père attentionné et aimant. L'une scènes les plus fondatrices du personnage survient à l'épisode deux lorsque, menacé de perdre son siège, il envisage à voix haute d'envoyer des gens casser les urnes pour invalider l'élection et faire d'une pierre deux coups en accusant "les fachos". Devant la consternation de ses conseillers, il se reprend (et trouve une autre méthode aussi vicieuse mais moins extrême), chose que n'aurait assurément pas faite le premier Frank Underwood venu. On évitera l'énumération (d'autant que la série elle-même évite admirablement la liste de situations pré-mâchées), mais chaque personnage subit le même genre de traitement : Amélie Dorendeu est bien plus qu'une jolie technobobo parachutée de sa grande école ; quand à Laugier, il incarne admirablement la déconnexion lente et inéluctable du Pouvoir-avec-un-grand-P, et n'aura quasiment plus de scène en extérieur (voire même plus de scène ailleurs qu'assis à une table) durant la seconde moitié de la série.

Bien entendu, tout ce beau monde s'entre-déchire joyeusement sur fond de grogne sociale et de montée de l'extrême droite, sujet lui aussi habilement traité puisqu'à la fois omniprésent et parfaitement invisible : tout le monde en est conscient, personne n'y croit vraiment, sauf s'il s'agit de balancer son instrumentalisation à la tronche du rival. On ne peut décidément pas dire que la classe politique sorte grandie d'une telle série, mais Baron noir a ceci d'assez exceptionnel qu'épousant au plus proche le point de vue de ses héros, aussi contestable soit-il, elle parvient à trouver un juste un milieu entre les grandes tendances de la série politique des dernières années. Loin du thriller quasi cartoonesque à la House of Cards ou du drame shakespearien à la Boss, elle est également à des années lumières de l'humanisme joyeux de l'axe Sorkin/Borgen. Elle n'est pas forcément meilleure que toutes ces séries – elle ne le cherche pas. Elle n'a pas besoin d'être bêtement meilleure puisqu'elle parvient à être elle-même, à chaque plan, avec ses propres défauts mais avec surtout une liste impressionnante de qualités.  Euphorisés par ces dernières, ce qui se comprend, beaucoup de critiques ont présenté Baron noir comme la série politique française tant attendue. C'est évidemment le contraire qu'il faut comprendre : Baron noir, à tout point de vue, le fond comme la forme ou la qualité finale, est une série que l'on n'attendait absolument pas, dont on n'aurait même pas osé rêver lorsque le projet a été annoncé.


Baron noir (saison 1), créée par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon (Canal +, 2016)
 


1. Sans vouloir lui faire offense, car il est sympathique, on n'était pas trop sûr pour Merad, archétype de l'acteur – globalement surestimé – qu'on a beaucoup trop vu dans tout et n'importe quoi... or, il est absolument irréprochable ici.
2.
A quelques exceptions près comme Un village français, Fais pas ci fais pas ça ou, dans une moindre mesure, Les Revenants.

30 années de Goku en son, en couleurs et en mouvement

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Après Zelda la semaine dernière, c'est Dragon Ball, dans sa version animée, qui fêtait il y a quelques jours ses trente ans. Un hasard qui fait vraiment bien les choses puisque, comme pour Zelda la semaine dernière, j'étais justement en train de plancher sur un article à son sujet, et suis en train de revoir – et par certains aspects : redécouvrir – l'anime depuis quelques mois. Merci d'ailleurs à Madame Sinaeve, puisque c'est elle qui, dernièrement, a contracté une terrible addiction à Son Goku : toutes ces soirées à m'enfiler quatorze épisodes à la suite en me disant que je suis en retard sur The 100 ou Man Seeking Woman n'auront finalement pas été vaines.

Si Dragon Ball a considérablement influé sur mon imaginaire et si le manga, dans son ensemble, aura sans doute droit un jour à son passage dans la rubrique Mes livres à moi (et rien qu'à moi), j'ai en revanche toujours nourri un rapport assez ambigu au dessin-animé, pour cette excellente raison que je n'ai pas eu la possibilité de le suivre régulièrement à l'époque. Merci à Ségolène Royal, Familles de France et un peu aussi à mes parents : durant de nombreuses années, je n'ai tout simplement pas eu le droit de regarder le Club Dorothée et les dessin-animés japonais ; je n'ai vu de Dragon Ball (Z), au moment de sa première diffusion, que des morceaux d'arcs, le plus souvent en cachette, comblant les vides avec la version papier avant de lire celle-ci dans son intégralité. Je n'ai donc que très peu d'affect et de nostalgie lorsque je vois Goku et ses amis en couleurs et en mouvement. J'ai d'ailleurs souvent eu le sentiment d’être en décalage par rapport aux gens de ma génération, d'autant que si j'ai largement eu le temps de devenir une encyclopédie vivante de Dragon Ball depuis, je ne connais quasiment rien de ce qui passait dans les mêmes émissions à l'époque – Ranma, Lamu, Creamy et compagnie ont longtemps été pour moi de parfaits inconnus.

Le bon côté des choses (ou peut-être le mauvais : honnêtement, je ne saurais le dire), c'est que j'ai toujours eu sur Dragon Ball un regard plus mûr et critique ; plus global, également, puisque le manga était déjà quasiment terminé lorsque j'ai enfin pu en connaître tous les épisodes. Le mauvais côté des choses (ou peut-être le bon, honnêtement, je ne saurais le dire), c'est que j'ai souvent pu faire preuve d'une certaine dureté à propos de l'animé, ayant toujours considéré qu'il était intrinsèquement inférieur au manga papier pour cette seule raison que je préférais lire à regarder la télé. Or, s'il y a sans doute du vrai et si je ne crois pas qu'on puisse sérieusement trouver la série meilleure que les livres, l'intrinsèquement est tout de même très exagéré. Ne serait-ce que parce que, visuellement, Dragon Ball est une splendeur, aussi bien sur papier qu'à l'écran. Toutes les premières saisons, notamment, bénéficient d'arrière-plans magnifiques, aux couleurs pastels et aux accents d'aquarelles très prononcés (des choses que, bien entendu, je ne pouvais pas noter quand j'étais enfant). Même Dragon Ball Z, conçu par des équipes différentes et dont j'ai toujours pensé confusément qu'il marquait une chute de qualité technique, est extrêmement bien réalisé et animé, a fortiori lorsqu'on le compare à d'autres hits nippons de l'époque, bien plus cheaps en terme de production values.


Je pourrais continuer longtemps ainsi, en cumulant mes griefs les plus injustifiés aux idées reçues qu'on peut lire très régulièrement sur la (les) série(s) (par exemple, saviez-vous contrairement à ce que même certains fans pensent, il y a en réalité beaucoup plus d'épisodes fillers dans Dragon Ball que dans Dragon Ball Z ?). A la place, j'ai préféré ne garder que le meilleur de ces trente années de Goku en son, en couleurs et en mouvement, qui continuent encore aujourd'hui avec Dragon Ball Super (dont nous reparlerons dans le prochain Golbeur en séries). Trente ans, trente moments... le choix de la forme a été vite fait, et autrement plus facile que le choix du contenu tant les (à ce jour) 541 épisodes cumulés de DB, DBZ, DBGT et DBS ne manquent pas de séquences mémorables. Qui ne sont pas nécessairement les mêmes que dans les livres, comme souvent avec les (bonnes) adaptations.

A noter que si je précise à chaque fois les épisodes et leur équivalent en tomes, c'est surtout pour vous permettre d'éviter les spoilers si toutefois vous n'auriez pas connaissance des développements de l'intrigue  (oui, c'est encore possible en 2016). Dragon Ballétant inlassablement redécouvert par chaque génération depuis trente ans, il serait tout de même dommage de vous révéler que... enfin, bref.

30. Champion du monde, frère ! (DB - Arc 23e Tenkaichi Budokai, ép. 148 ; tome 17) J'ai longuement hésité avec la mort de Tortue Géniale, moment d'une intensité dramatique inversement proportionnelle à sa brièveté, et puis finalement... le sourire de Goku m'a vaincu. Et sa joie. Et son cri de victoire. Au terme d'un combat titanesque avec le rejeton de Piccolo Daimao, qui détruira entièrement le stade et ses environs, notre héros ne perd pas le nord et demande à l'inénarrable présentateur de vérifier si son adversaire est bien hors du ring. Le rire provoqué par cette stupéfiante demande (tout le monde a oublié qu'un tournoi avait lieu avant que l'affrontement ne dégénère) est immédiatement effacé par l'émotion qui submerge le spectateur quand il comprend qu'enfin, après avoir perdu deux finales consécutives, Son Goku a réalisé son rêve de devenir champion du monde d'arts martiaux. Si les épisodes précédents avaient pu être un peu fatigants par instants, la fin était logique, sobre, parfaite. Sauf qu'en fait, les choses ne faisaient que commencer.

Ah oui au fait : les dessins de la fin de DB et du début de DBZ sont vraiment très moches.

29. Le Meilleur met de l'univers(DBS - Arc Résurrection de F*, ép. 16) J'ai beaucoup hésité à inclure Dragon Ball Super dans cette liste, d'autant que je suis convaincu que son meilleur reste à venir, mais en attendant mieux, il fallait tout de même rendre hommage à cet épisode d'une remarquable drôlerie dans lequel Vegeta tente de convaincre ce gourmand de Whis de l'entraîner. Pour ce faire, le Prince des Saiyajins, pas franchement réputé pour être un bon vivant, doit trouver le meilleur met de l'univers. La suite se passe de commentaires...



28. Vegeta, ce grand diplomate (DBZ - Arc Buu, ép. 285 ; tome 42) Si Vegeta peut prétendre au titre de personnage le plus populaire de la série, c'est sans doute parce qu'il est un modèle d'évolution subtile et intelligente, jamais brutale comme chez d'autres rivaux de Goku destinés à devenir ses alliés. Vegeta s'adoucit, mais ne ramollit pas, et reste égal à lui-même jusqu'à la toute fin de DBZ (et même, encore, les dans les différents spin-off), comme en témoigne ce moment totalement WTF? où il essaie de convaincre les Terriens de participer à un immense Genki Dama... en des termes pas super super stimulants : "Vous ne voyez pas qu'on essaie de vous sauver, abrutis ! C'est votre planète ! Pourquoi on devrait faire le travail à votre place ? [...] Arrêtez de poser des questions et levez vos mains au ciel le ciel, c'est un ordre !" Bizarrement, ça ne va pas fonctionner très bien.

27. Putain mais tue-le, bordel !!!(DBZ - Arc Freezer, ép. 104 ; tome 28) Après quasiment quatre heures de combat (en épisodes cumulés), des morts à n'en plus finir, des transformations en tout genre, deux cents flashbacks et beaucoup, beaucoup de pauses clopes causette... Son Goku vient enfin à bout de Freezer. Ou pas. Contre toute attente et alors que celui-ci l'implore de le sauver, il consent à lui donner un peu d'énergie pour qu'il puisse quitter la planète Namek sur le point d'exploser. Même quelqu'un n'ayant jamais vu la série peut deviner la suite, mais ce n'est pas le plus important. Cet épisode est surtout tout à fait symptomatique du tempérament de Goku. Lorsqu'il est lui-même, il a tellement foi en l'être humain (ou alien) qu'il se refuse à mettre le coup de grâce, à la manière dont son homologue américain Superman. Lorsqu'il est ultra-vénère, son sang de Saiyajin prend le dessus et... il refuse de mettre le coup de grâce, frappé par un singulier complexe de supériorité lui donnant envie de faire durer plaisir. Dans les deux cas, ce ne sera jamais sans conséquences. Au final, le guerrier ultime aura paradoxalement tué bien peu de méchants ces trente dernières années. Et plus souvent dans des O.A.V. non canons que dans une série où il en convertit la plupart aux bienfaits de la Paix.

Même Freezer hallucine de la connerie du mec !

26. Fuuuuuusio... euh, non, peut-être pas en fait. (DBZ - Arc Buu, ép. 268 ; tome 42) Sans aucun doute le ratio temps d'écran/culte le plus élevé de la série. Constatant qu'il n'a plus personne avec qui fusionner pour affronter Buu, Son Goku envisage de le faire avec... Mr Satan. Il renonce aussitôt, craignant de devenir encore moins fort. Mais ces quelques secondes suffirent à créer un buzz tel que "Gotan" finira même par apparaître dans certains jeux vidéo inspirés de la série.

25. "Bien travailler, bien étudier, bien manger et bien se reposer." (DB - Arc 21e Tenkaichi Budokai, ép. 14-19 ; tome 3) Pas vraiment un passage précis, soit, mais une addition de petits moments qui, mis bout à bout, constituent l'un des mini-arcs les plus cools et insouciants de la série. L'entraînement de Tortue Géniale, mine de rien, va avoir un énorme impact aussi bien sur les spectateurs que sur l'intrigue. Très drôle, en même temps que chargé d'une morale vertueuse renforçant l'aspect décalé du vieux maître, il servira de matrice à toutes les chapitres d'entraînement de la série à venir. Ceux-ci suivront un même axiome voulant que la volonté, l'effort mais aussi le savoir soient plus importants que l'enseignement des techniques guerrières. Même dans Dragon Ball Z, lorsque les combats seront devenus omniprésents, Toriyama comme les superviseurs du show ne transigeront jamais avec ce credo que l'on retrouve bien évidemment à l'identique dans Dragon Ball Super, où le principal enseignement de Whis à Goku et Vegeta consistera à leur demander de... changer les draps du Dieu de la destruction.

24. Bon appétit, bien sûr ! (DB - Arc Piccolo Diamao, ép. 108 ; tome 12) Yarijobé n'est malheureusement pas un personnage que l'on voit souvent dans la série (quoique toujours plus que dans le manga, où il devient bien vite figurant), mais c'est certainement l'un des plus drôles et sympathiques, avec son allure bonhomme, sa mine renfrognée, son obsession pour la bouffe et son rejet farouche de tout effort physique (alors qu'il est plutôt costaud). Dans l'une de ses premières apparitions, il règle ainsi son compte à Cymbale en deux temps trois mouvements avant de... le faire cuire, et carrément se régaler, sous le regard interloqué d'un Goku pourtant jamais le dernier quand il s'agit d'avaler tout et n'importe quoi.


23. See You on the Other Side, Bro! (DBGT - Arc Li Shenron, ép. 64) Souvent critiqué (à juste titre), largement déconsidéré par les fans purs et durs, Dragon Ball GT n'en recèle pas moins quelques bons moments et une ou deux idées pas piquées des vers – notamment à son tout début et à sa toute fin. Celle-ci est d'ailleurs, avouons-le, bien plus jolie et poétique que celle de DBZ. Plus morale, également, puisque c'est le seul passage de toute la saga où Goku et ses amis sont réellement confrontés aux conséquences de leurs actes (en l'occurrence l'usage intensif des dragon balls au moindre pet de travers). Au terme d'un énième combat sans pitié, Son Goku accepte de quitter ce monde afin de ramener une dernière fois ses amis à la vie, et, après avoir fusionné avec les boules de cristal qui ont fait de lui le héros que l'on connaît, part pour un dernier tour d'honneur dans une jolie séquence nostalgie.

22. Kamehamehaaaaaaaa (DB - Arc premier, ép. 8 ; tome 2) Toutes les premières fois de Dragon Ball auraient potentiellement pu être sélectionnées ici tant elles sont susceptibles de provoquer à chaque spectateur d'intenses bouffées de nostalgie. Les premières apparitions du nuage supersonique, de Shenron, de Maître Kaïoh sont toutes des moments fondateurs qui ont marqué l'imaginaire de milliers de gosses... mais aucune ne peut sérieusement rivaliser avec le tout premier kamehahameha, réalisé par son créateur en mode body-building. C'est puissant, c'est impressionnant, ça sort de nulle part... et ça peut même faire office de gigantesque extincteur.


21. Super Namek ! (DBZ - Arc Cell,ép. 148-151 ; tome 31) Les différentes séries contiennent quelques combats mémorables, mais il en est peu qui tiennent la comparaison avec celui-ci en terme de violence et d'intensité dramatique. Quand j'étais plus jeune, ce n'étaient pas forcément les scènes de baston qui m'intéressaient le plus (ici comme ailleurs) : j'ai appris à apprécier le talent de chorégraphe de Toriyama et des développeurs de la série sur le tard. Mais même à l'époque, celui-ci m'a marqué par sa dureté, son côté sans issue et sa conclusion pour le moins ironique. Il n'est pourtant pas le plus long de la série (loin de là), et ne met en scène ni Goku, ni Vegeta, ni même Gohan. Il s'agit – les connaisseurs l'auront déjà compris – de ce duel ultra-brutal opposant Piccolo post-fusion-avec-Kami à un C-17 plus cruel et amoral que jamais. A l'excellence de ces deux épisodes et demi s'ajoute aussi, pour tous les fans, un petit facteur symbolique supplémentaire : c'est le chant du cygne d'un des meilleurs personnages de la galaxie Dragon Ball (le préféré de l'auteur, soit dit en passant), qui parvenu à ses limites se convertira par la suite en sage et même en mentor de la prochaine génération.

20. Yamcha la lose (récompense pour l'ensemble de son œuvre) On l'aime bien, Yamcha. Il est sympa et plutôt attachant. Mais il faut bien dire ce qui est, ce mec un loser absolu. Le gars qui ne gagne que deux combats dans toute la série, chaque fois aidé par des circonstances extérieures (Goku qui crève la dalle ou Krilin qui trouve une idée géniale pour contrer l'homme invisible). Le reste du temps, Yamcha est toujours en première ligne pour se faire sadiser par tout ce que le monde de Toriyama compte de méchants, et même parfois par des gentils, comme lors de ses multiples – et infructueuses – participations au championnat du monde d'arts martiaux : éliminé trois fois en quarts de finale, dont deux fois par le futur champion et une fois par... Dieu en personne. Et lorsqu'il est supposé être le plus fort de la bande, comme au moment de l'arrivé sur Terre de Nappa et Vegeta, il trouve quand même le moyen de mourir comme une merde sans même avoir le temps de combattre. Quand ça veut pas, ça veut pas.


19. Son Gohan, premier du nom (DB - Arc Baba la voyante, ép. 75 ; tome 9) S'il s'était agi de sélectionner les meilleurs moments du manga, celui-ci aurait sans doute été placé un peu plus haut tant elle est adorable, cette séquence où Goku réalise que le mystérieux adversaire en train de lui mettre la misère n'est autre que son défunt grand-père, avant de fondre en larmes dans ses bras. Malheureusement, elle est un peu moins réussie dans la version animée, l'identité de Son Gohan étant assez vite éventée. Elle n'en reste pas moins très réussie, d'autant qu'elle intervient au moment où les scènes montrant Son Goku comme un enfant normal deviennent de plus en plus rares.

18. Fuuuuuuuuuuuuu..... sion ! (DBZ - Arc Buu, ép. 251 ; tome 40) Le dernier arc de la saga en version papier est un véritable festival de n'importe quoi dans lequel Toriyama, un peu contraint et forcé de continuer jusqu'au tome 42, décide de casser ses jouets en écrivant quelques unes de ses pages les plus barrées et ouvertement "meta"– notamment toutes celles dédiées à Gotenks, de loin le personnage le plus abruti de toute la série. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la version télé (qui dans les dernières années, c'est vrai, entretenait bien plus l'aspect comédie) réussit à faire encore plus con et poilant. Déjà fort mal traité sur le papier, le pauvre Piccolo est purement et simplement ridiculisé du début à la fin de l'entraînement de Trunks et Goten. C'est peu dire qu'il ne méritait pas ça.


Je crois bien que c'est encore plus barré avec les affreuses voix US...

17. Celui qui n'a jamais été seul, au moins une fois dans sa viiiiiiie (DB - Arc 22e Tenkaichi Budokai, ép. 89 ; tome 10) Le second tournoi de la série est certainement le plus réussi et le plus mémorable ; chacun de ses concurrents ou presque est (amené à être) un des héros de la série, chacun de ses matches est, pour une raison ou pour une autre, un véritable sommet de l'écriture toriyamesque. Si celui-ci est le plus court et le moins violent, il n'en fait pas pour autant exception à la règle en entrant dans la catégorie de ces combats blagues qui deviendront de plus en plus rare par la suite. Pour ceux qui l'auraient oublié (les fous), Homme-garou (c'est son nom) vient se venger de Jackie Choun qui, en détruisant la Lune, l'empêche désormais de se changer une fois par mois en être humain pour aller draguer les filles. La suite appartient à l'Histoire avec un grand H.

"J'en peux plus qu'on me confonde avec ce chanteur de merde !"

16. Un poing c'est tout (DB - Arc Piccolo Daimao, ép. 122 ; tome 14) Si elle est sans doute l'un des chapitres les plus réussis de tout le manga, la saga Piccolo Diamao n'a malheureusement pas bénéficié du même soin dans sa version télévisée (comme d'ailleurs toute la fin de Dragon Ball). Pas bien rythmée, avec une grosse perte au niveau visuel et beaucoup trop de fillers, elle s'en sort malgré tout avec les honneurs pour l'intensité de son combat final et sa fin spectaculaire. Le moins qu'on puisse dire est que quand Goku se décide enfin à tuer un méchant, il n'y va pas de main morte.

15. Funeral for a friend(DBZ - Arc Freezer, ép. 86 ; tome 26) L'un des tropes les plus bassinant de DBZ est assurément l'attente sans cesse renouvelée de Goku, toujours indisposé, malade, en dèche de senzus – on en passe et des meilleures. Pendant ce temps, ses amis servent de sparing partners aux méchants et se font massacrer les uns après les autres, certes de manière souvent inventive – mais tout de même. Le cas de Vegeta est cependant assez particulier, puisqu'à cette époque, il est encore un véritable antagoniste, simple allié de circonstance qui se retrouve à communier dans l'agonie avec un type qu'il aurait probablement tenté d'assassiner s'il avait été en état de le faire. Une fois son dernier souffle rendu a lieu cette scène qui reste l'une des plus surréalistes de la série, durant laquelle le héros prend le temps d'enterrer dignement son ennemi avant d'aller le venger comme s'il était son meilleur pote. Bon par contre, le gentil Dendé dont le cadavre pourri cinq cents mètres plus loin, tout de le monde s'en branle.

14. Ten Shin Han, cet enfoiré très sympa (DB - Arc 22e Tenkaichi Budokai, ép. 88 ; tome 10) De tous les ennemis que Goku s'est converti en amis, Ten Shin Han est certainement celui qui aura subi la mue la plus soudaine et la moins crédible. Quelques épisodes auparavant, il est encore l'un des plus odieux connards à s'être invités dans la série, d'une méchanceté et d'un sadisme tellement hallucinants qu'ils auront traumatisé mon enfance – bien plus que les exactions d'un Vegeta ou de ce néo-nazi de Freezer. Et bien évidemment, c'est Yamcha qui le premier en fera les frais, dans une scène très courte mais particulièrement choquante qui restera d'ailleurs longtemps l'une des plus violentes de la série. Quand on pense qu'après ça, Ten Shin Han va devenir le mec le plus calme du monde, celui qui ne fait jamais chier personne et vit pépère en ménage à trois avec Chaozu et Lunch, on a du mal à le croire.


13. Commando Ginyû, pour vous servir (DBZ - Arc Namek, ép. 61 ; tome 23) Une fois n'est pas coutume, une scène bien plus drôle dans l'animé que dans le manga. La chorégraphie introductive du terrifiant commando (principalement composé de mecs plus grotesques les uns que les autres) est un truc qui n'a pas de prix et ne se décrit pas vraiment. A l'époque, bien entendu, on ignore que l'on entre dans l'un des chapitres les plus longs et pénibles de la série, en particulier sur la fin, puisque les scénaristes de la version télé, d'abord stimulés par la loufoquerie de ces personnages (ils pousseront encore plus loin que Toriyama la parodie des séries dites "sentai"), les useront jusqu'à la corde pour donner un peu de légèreté au combat contre Freezer. Mais pour le moment, ils sont juste drôles. Très, très drôles.



12. Krilin passe une très mauvaise journée (DBZ - Arc Freezer, ép. 78-79 ; tome 25) Si la violence est omniprésente dans DBZ, où les membres arrachés et les décapitations sont légions, les scènes de sadisme pur y sont plus rares et par conséquent beaucoup plus marquantes. Déjà bien moche dans le manga, celle durant laquelle Freezer s'amuse à faire danser Krilin au bout de sa corne donne le sentiment d'être d'autant plus interminable que ce supplice gratuit procure de toute évidence un grand plaisir à celui qui le perpétue. Nombreux sont ceux qui se sont d'ailleurs étonnés, en revoyant la scène à l'âge adulte, de constater que ce n'était pas si long – ni gore – que dans leurs souvenirs d'enfants. Finalement, Ségolène Royal n'avait peut-être pas complètement tort.

11. Où sont passées les boules ??? (DB - Arc premier, ép. 2 ; tome 1) Faire dans l'humour grivois et/ou scato sans jamais sombrer dans la vulgarité n'est pas donné à tout le monde. Akira Toriyama, d'ailleurs, n'a pas réussi à tous les coups – loin de là. Mais cet épisode, qui introduit le concept désormais culte de "faire pan pan", est pour sa part une petite merveille d'humour régressif introduisant qui plus est beaucoup mieux que dans le pilote le personnage – et la vision du monde – du gentil petit Son Goku. On préfèrera largement ça aux moments beaucoup plus embarrassants où l'auteur, sous prétexte de potacherie, multipliera les blagues misogynes et homophobes, allant même jusqu'à placer à plusieurs reprises des mots comme "tarlouze" et autres "tapette" dans la bouche de notre ami Krilin.

10. Krilin aurait vraiment mieux fait de rester au lit ce matin (DBZ - Arc Freezer, ép. 95 ; tome 27) A peine quelques heures (mais presque vingt épisodes) après avoir servi de yoyo, punching ball ou sex-toy (on ne sait pas trop) à cette ordure de Freezer, le pauvre Krilin remet ça au cours d'une des scènes les plus glaçantes de toute la série. Une poignée de secondes seulement mais une horreur absolue dans le regard des autres personnages, vous donnant une désagréable impression d’Éternité. Pauvre, pauvre Krilin... réduit à l'état de victime expiatoire tel un vulgaire Yamcha. Un rôle qui lui va tellement comme un gant que celui qui fut le premier de nos héros à trouver la mort deviendra par la suite le recordman absolu du trépas dans l'univers de Dragon Ball (quatre fois en tout), à tel point que désormais, dans DB Super, même quand il disparaît pour aller aux toilettes on a un peu peur pour lui.


9. Wait... What? (DB - Arc 21e Tenkaichi Budokai, ép. 24 ; tome 4) Chronologiquement, le match du championnat du monde d'arts martiaux opposant Krilin à son maître (grimé en Jackie Choun) est le tout premier où l'on verra apparaître du sang à l'écran (et également le dernier avant un bon moment). Mais ce qui le rend mémorable, c'est bien évidemment cette séquence hilarante durant laquelle, réalisant qu'ils combattent beaucoup trop vite pour les yeux des spectateurs, les deux protagonistes décident de rejouer la dernière séquence au ralenti – sous les applaudissements d'une foule en délire. Le genre de truc qui se fera de plus en plus rare par la suite, lorsque les duels se feront à la vie à la mort et que la puissance en déterminera les issues au détriment de l'imagination et de la stratégie.

8. Supaaaasayajin Mothafuckaaaaaa!!!! (DBZ - Arc Freezer, ép. 95-96 ; tome 27) Enfin ! Après des épisodes et des épisodes de tergiversations, de baratin, de "je suis le Super Saiyajin", "oh bah non en fait", "oh cette fois sûr", "ah bah non tu vois c'est moi"... et on en passe... ENFIN, Son Goku se transforme-t-il. Une scène qui pourra sembler assez anodine avec le recul, et qui doit surtout son statut mythique au fait qu'on l'aura attendue longtemps. Mais genre : vraiment trèèèèèès longtemps. Presque un an s'est écoulé entre les premières mention et apparition du Super Saiyajin. A l'époque, même pour ceux qui comme moi ne regardent que sporadiquement et en cachette, c'est LE sujet de conversation numéro 1 de toutes les cours de récré de France. Et si l'identité du fameux guerrier légendaire ne fait guère de doute, personne n'a en revanche la moindre idée de ce à quoi il va ressembler (aaaaah, les joies des temps pré-Internet). Il est probable que les gamins d'aujourd'hui arrondissent les yeux en voyant l'épisode, mais on parle bien d'une des scènes de dessin-animé les plus évènementielles de l'histoire du genre – si ce n'est LA. Aujourd'hui encore, ce moment reste à part dans l'esprit des fans. Pour son côté paroxystique autant que pour la nostalgie d'une époque où la série n'avait pas encore totalement sombré dans la surenchère, et où cette transformation avait quelque chose de parfaitement exceptionnel – unique, même.


7. Go Ninja, Go! (DB - Arc Ruban Rouge, ép. 37-39 ; tomes 5-6)Dragon Ball-sans-Z est parcouru de combats absurdes, baroques ou désopilants ; celui opposant Son Goku au terrifiant (enfin... sur le papier) Sergent Murasaki est assurément l'un des plus réussis du genre, tant dans sa scénarisation que dans ses dialogues pour la plupart tordants. Comme tous les sbires de l'Armée du Ruban Rouge, Murasaki est un personnage présenté comme affreux, cruel et sans pitié... qui s'avèrera finalement très faible et pas franchement dangereux. Mais à la différence de ses collègues, il a parfaitement conscience d'être surclassé par Son Goku, et se lance ainsi dans une partie de cache-cache (au sens littéral du terme) qu'il espère sans fin. Cela ne dure finalement que deux petits épisodes, mais on a le sentiment qu'ils pourraient y passer des semaines tant le "ninja violet" (comme on l'appelait de mon temps où l'on n'avait que la VF) déborde d'excellentes idées pour ne surtout pas se battre. Même en connaissant ces épisodes par cœur, ils restent un vrai régal.

6. Gohan, héros malgré lui (DBZ - Arc Cell, ép. 190-191 ; tome 35) Le point commun avec le combat entre Goku et Piccolo Daimao saute aux yeux : écrit lui aussi, dans un premier temps, comme une conclusion à la série, le duel Cell/Gohan met le point final aux atermoiements psychologique du véritable héros de DBZ, qui libère enfin sa véritable puissance et sauve le monde – là encore, comme son père au même âge. Un livre entier ne suffirait sans doute pas à analyser la figure versatile et torturée de Son Gohan, ce guerrier surpuissant qui déteste la violence, cet enfant surprotégé dans ses premières années qui vivra par la suite une version distordue et outrancière de l'enfance sauvage de son père, écrasé de responsabilités et hanté par la mort quasiment dès qu'il aura appris à parler. Si la fin de ce duel est aussi forte pour le spectateur, c'est parce que Gohan plus qu'aucun personnage de la série aura su le plonger dans une profonde empathie. On ne pouvait pas s'identifier à Goku, ce gamin pas tout à fait humain, pourvu d'une queue de singe et d'aspirations terre-à-terre (voire simplistes). Gohan, en revanche, est un adolescent presque comme les autres, qui rêve à autre chose et souffre explicitement du mode de vie imposé tant par les circonstances que par son père. On peut en vouloir un peu à la série d'avoir par moment involontairement amoindri cet aspect, en le faisant notamment se battre beaucoup plus souvent et de manière beaucoup plus autonome que dans le manga. On peut tout autant en vouloir à Toriyama de l'avoir ramené à son point de départ dans la suite de son œuvre, faisant de nouveau de Gohan une victime de sa puissance plus qu'il n'en tire profit, ne la libérant que de manière intermittente et souvent vaine. Il n'empêche que ces deux épisodes poignants constituent l'apothéose de Dragon Ball Z, selon un avis général qu'une fois n'est pas coutume, je partage.


5. Pervers pépère (DB - Arc premier, épisode 6 ; tome 1) Cet épisode (entier – la première saison de DB ne contient quasiment que des stand alone) aurait pu être placé en première position ou en dernière, voire ne pas apparaître du tout. Il symbolise en un sens le meilleur et le pire de la première période de la série, le meilleur étant un humour à se rouler par terre, le pire étant un fond extrêmement ambigu et perturbant (a fortiori quand on est gosse). Résumons : Yamcha veut dérober les dragon balls, mais il a peur des filles (donc de Bulma) et demande ainsi à Plume de se transformer en Son Goku pour accéder au camping-car de nos héros. Pendant ce temps Oolong, toujours à la recherche du meilleur moyen d'abuser de Bulma, drogue ses amis (oui oui), afin de pouvoir la tripoter dans son sommeil. Attendez, quoi ? Ce serait pas un peu assimilable à du viol, ça ? Mais non, voyons ! Car comme toujours avec Toriyama, la morale est sauve et le violeur en puissance puni (mais jamais condamné et toujours sympathique). Le faux Goku surprend Oolong, qui du coup se transforme en Bulma pour l'entraîner à l'écart. Yamcha en profite pour pénétrer dans le camping-car et Yamcha étant ce qu'il est, on devine déjà que cela va très mal se finir pour lui : il attrape à pleines mains ce qu'il croit être les boules de cristal et s'avère en fait être... les seins de Bulma. Une histoire tout à fait saine, surtout quand vous la voyez à l'âge de six ans.


4. Mon père, ce zéro (DBZ - Arc Cell, ép. 182 ; tome 34) Son Gohan possède une particularité quasi unique dans la série, qui le place naturellement en marge de tous les autres protagonistes : il a des parents. Chi Chi, on l'oublie souvent, et bien entendu Piccolo. Non que Son Goku n'aime pas son fils, mais ses innombrables absences (parfois choisies, de manière assez irresponsable du point de vue paternel) ont clairement créé un vide que le Namek, d'abord hostile, a peu à peu comblé au fil des années. Au point qu'au moment du combat "final", Gohan souhaite porter son dogià lui plutôt que celui de son véritable père. Si la situation ne pose la plupart du temps aucun problème, elle aura rarement été si exacerbée que dans cette scène très crue où l'ancien Démon balance enfin ce qu'il a sur le cœur à ce "père pour qui la loyauté au combat est plus importante que la vie de son propre fils". Ce n'est pas réellement un scoop, mais jamais la réalité de la faillite de Goku en tant que parent n'avait été établie de manière si explicite. Goku lui-même, certes pas le mec le plus éveillé du monde, semble réaliser quelque chose au moment où son plus ancien rival le prend à partie. L'ironie est évidemment que dans ce conflit qui oppose les deux amis (intervenir ou pas pendant que Gohan se fait éclater par Cell), la suite lui donnera néanmoins raison. Mais le temps de ce dialogue étonnamment long par rapport aux standards de la série, on aura tous voulu avoir Picccccccolo-san comme papa.

3. Tout vient à poings... (DBZ - Arc Buu, ép. 228-233 ; tomes 38-39) Le premier (et jusqu'alors : seul) affrontement entre Son Goku et Vegeta, pour n'en avoir pas moins marqué la série de son empreinte, avait malgré tout un côté un peu frustrant. Pour Vegeta, qui n'avait pas pu le terminer et avait même dû subir l'humiliation de fuir la queue de singe entre jambes, comme pour le spectateur un peu interloqué par le côté coitus interruptus de l'ensemble, continuellement perturbé par des personnages extérieurs ou des digressions pas toujours bien maîtrisées. Alors avant de conclure, il était plus que nécessaire de nous donner, à nous ainsi qu'à Vegeta, le face à face attendu depuis pas moins de six longues années. On passera sur le prétexte tout pourri de cet affrontement pour saluer ce qui restera sans doute, du strict point de vue esthétique, comme le combat le plus beau et spectaculaire de toute l'histoire de la série. Lequel, ironiquement, se terminera lui aussi en eau de boudin – mais du fait de Vegeta, cette fois-ci.


2. Tao Paï Paï, Aîe aïe aïe (DB - Arc Ruban Rouge, ép. 60 ; tome 8) C'est peut-être le combat le plus essentiel et fondateur de toute la galaxie Dragon Ball. Il est pourtant loin d'être le plus long, ni le plus novateur dans sa mise en scène (même s'il recèle le tout premier "contre Kamehameha"). Mais c'est assurément le moment après lequel Dragon Ball, encore jeune, ne sera plus jamais la même. Premier combat à mort, cette rencontre tout à fait fortuite avec Tao Paï Paï fera également découvrir à Goku le concept de dommage collatéral (Bola, le père d'Upa, exécuté de manière particulièrement choquante) et peut être vu comme le premier véritable dark turn d'une série qui en aura beaucoup d'autres par la suite. Son Goku fini d'ailleurs par perdre, ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant (toutes ses précédentes défaites étaient uniquement circonstancielles). Pour ne pas dire qu'il se fait surclasser, comprenant enfin ce que Tortue Géniale lui répète depuis le début de la série (on rencontre toujours plus fort que soi) et entrant dans une rage que l'on ne reverra plus avant très longtemps dans Dragon Ball. Brutalement, le jeune garçon fait l'expérience du monde des adultes, qui n'ont pas tous peur, qui ne sont pas tous loyaux sur le champ de bataille, qui ne connaissent pas tous le mot scrupules. Le deuxième round, quelques épisodes plus tard, ne tiendra en revanche pas toutes les promesses de cette première mémorable rencontre.


1. "Excuse-moi, Son Gohan" (DBZ - Arc Cell, ép. 190 ; tome 35) Sans doute parce qu'il est le personnage le plus austère et introverti de la série, chaque larme de Vegeta a une capacité hors-normes à en provoquer d'autres chez le spectateur/lecteur. Le Prince des Saiyajins, tout orgueilleux qu'il soit, est d'ailleurs de loin celui des héros adultes à pleurer le plus souvent, dans chaque arc le mettant en scène, généralement de frustration, d'impuissance et/ou d'orgueil blessé. Dans le chapitre consacré à Cell, il va encore plus loin, s'excusant auprès du fils de son pire ennemi lorsqu'il réalise qu'il est devenu un poids mort, incapable de participer à la bataille qui se déroule sous ses yeux. Un moment rendu d'autant plus intense qu'il survient juste après la mort soudaine de son propre rejeton, Trunks, qu'il n'a jamais explicitement considéré comme tel et qu'il reconnaît en quelque sorte par la même occasion. Là encore, on sent plus que jamais que Toriyama avait conçu ces épisodes pour être les derniers de sa saga. Son personnage le plus charismatique devait finir ainsi : rendu à l'impuissance et reconnaissant qu'il n'était ni le plus fort, ni le plus dangereux un simple père de famille enragé par le deuil. La suite a malheureusement rendu cela assez caduque (d'autant que Vegeta redeviendra par la suite clairement plus fort que Gohan), mais la scène reste malgré tout la plus surprenante et émouvante de la série.


BONUS : S'il y a un domaine dans lequel toutes les séries Dragon Ball auront été inattaquables, c'est bien celui de leurs musiques. Tantôt épiques et tantôt mélancoliques, illustrant toujours à la perfection ce qui se passe à l'écran, elles auront de surcroît été agrémentées de génériques de débuts et de fin plus efficaces les uns que les autres. Le premier thème final de DBZ, que j'ai découvert il y a finalement peu de temps, est cependant assez particulier : probablement le titre pop au texte le plus bizarre que j'aie jamais entendu. Trois minutes trente sous acides, un mystérieux Zenkaï Power et une galaxie "qui étincelle comme unedouche de pop-corn" (???)... pas de doute, nous sommes bien au Japon.


[GOLBEUR HORS-SÉRIE] 9 + 1 shows qui donnent tellement plus que ce qu'ils promettent

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Triste monde des séries que celui qui ne jure plus que par les saisons courtes, quand ce ne sont pas les séries limitées (si si, l'expression existe). Triste monde des séries que celui dont je me dis parfois que j'ai pu contribuer à le bâtir, à mon niveau, petit avis anodin par petite vanne sans conséquence (croyais-je), flinguant au bout de quelques épisodes seulement... pas toujours à tort mais parfois pour de mauvaises raisons (j'étais de mauvais de poil, j'avais mal au crâne, j'étais en train de manger du poisson blanc et des légumes vapeurs au moment du visionnage du pilote). Plus que des questions d'ordre qualitatif, je m'aperçois que c'est souvent le temps qui a conditionné mes abandons des dernières années. On aura même pu parfois me surprendre en train de lancer un "je n'ai pas de temps à perdre avec ça", voire un affreux "il y a trop de bonnes séries pour s'en infliger des mauvaises". Soyons clairs : il n'y aura jamais trop de bonnes séries, ni d'ailleurs trop de mauvaises. A-t-on jamais vu un amateur de musique se plaindre qu'il y ait trop de bons albums, ou un amoureux des lettres râler parce qu'on publie décidément trop de bons romans ?


Il y a surtout, en 2016, trop de bonnes séries accessibles trop vite à des gens leur accordant trop peu de patience – comme si une série était autre chose qu'une fiction étalée sur un temps long, avec ses inévitables hauts et bas, ses accidents de parcours, ses statu quo ou ses imperceptibles changements de cap. Aussi étrange et paradoxal que cela puisse paraître, la meilleure série de Network de ces dernières années, The Good Wife, est de loin celle qui m'aura inspiré le plus de critiques, de doutes face à telle intrigue, de scepticisme face à telle autre. Cela n'enlève pourtant rien à sa qualité globale. Cela fait partie de ce jeu bizarre consistant à suivre chaque semaine les mêmes personnages dans une même histoire étalée sur des années, et si je ne peux jamais résister au plaisir d'une vanne sur Netflix (alors que j'aime dans l'absolu beaucoup de ses créations originales), c'est sans doute plus ou moins consciemment parce qu'elle affiche crânement sa volonté de changer les règles d'un des mes jeux préférés. En cédant à ce besoin contemporain absurde d'avoir tout, tout de suite ; en livrant des produits finis d'un seul coup, défiant toute logique du format auquel ils appartiennent et défiant même le Temps-avec-un-grand-T1. Netflix – et Amazon, et de plus en plus d'autres – me donnent parfois l'impression d'être un spectateur d'une autre époque, moi qui aime butiner à un rythme hebdomadaire, dresser mes plannings en début de saison (puis les refaire au gré des abandons et des découvertes), et qui ne sais jamais quand et comment regarder ces dix, douze... seize épisodes paraissant le même jour. Je ne fais pas partie de ceux qui se pincent le nez en entendant l'expression binge watching, mais j'ai toujours eu du mal à le pratiquer moi-même. Même lorsque je prend une série déjà finie, j'ai du mal à enchaîner plus de deux épisodes à la suite. Je n'ai jamais compris ce besoin que les gens ont, désormais, de tout avoir (si encore c'était pour pouvoir tout mépriser...), de savoir qu'une nouveauté a été renouvelée pour commencer à la regarder – j'en passe. Je n'ai jamais compris car alors que l'on pérore plus que jamais sur les séries du câble, qui sont toutes de grandes sériesécrites par – tenez-vous bien – des auteurs, ce sont pourtant les séries de Networks, de plus en plus critiquées et mal aimées, qui dans leurs constructions progressives, chaotiques et parfois contradictoires... ressemblent le plus à des œuvres, toujours en mouvement, perpétuellement remises en question, et autorisant le récepteur, chaque semaine, à ne plus adhérer. Ou à se tromper, tout simplement.

En dix ans de Golb, je me suis beaucoup trompé. Cela ne m'a jamais dérangé outre-mesure, même si certains lecteurs se sont parfois amusés à mettre à jour certaines contradictions – qui pour moi n'étaient jamais que l'évolution naturelle d'une opinion. Je n'ai jamais considéré que mettre le point final à un texte équivalait à interrompre la réflexion autour de son sujet. C'est sans doute ce qui fait que j'adore le format sériel depuis mon plus jeune âge, et que j'aie une tendresse toute particulière pour les séries les moins parfaites et les plus longues. C'est de celles-ci que nous allons causer aujourd'hui (oui parce qu'en fait, tout cela n'est qu'une très longue intro). Des séries actuellement à l'antenne, pas nécessairement de Networks, d'une qualité inégale les unes en regard des autres, qui ont toutes pour point commun de demander du temps au spectateur et de ne pas cracher tout ce qu'elles ont dans le ventre dès les premiers épisodes. Des séries qui, par là-même, ne récoltent pas forcément les critiques, les audiences ni la notoriété qu'elles mériteraient. Des séries qui pour la plupart n'ont jamais été évoquées sur Le Golb, ou bien uniquement pour en dire du mal à leurs débuts – parce que se planter complètement sur la nature d'un show, l'abandonner, y revenir plus tard... cela fait aussi partie du jeu.



The 100 (The CW, depuis 2014)

Si vous avez manqué le début : la troisième guerre mondiale a eu lieu, ça s'est mal terminé, tout le monde est mort et la terre est devenue inhabitable – seuls ont survécus les habitants des stations spatiales en orbite au moment des évènements. Un siècle plus tard, deux générations de gens ayant toujours vécu dans l'espace décident d'envoyer la troisième vérifier que la terre est de nouveau habitable, mais comme ils ont un doute, ils choisissent des délinquants juvéniles. Sachant qu'il est très facile de devenir délinquant dans leur régime, et que cet aspect totalement con du pitch va quasiment être effacé des mémoires par la suite. Oh et aussi : il y en a cent gamins (aaaaah, d'accord), mais ça aussi, ça va vite être oublié.

Il n'y a que deux types de posture à propos de The 100 : ceux qui se sont arrêtés aux premiers (très, très mauvais) épisodes et considèrent donc que c'est nul à chier, et ceux qui ont poursuivi et sont devenus fans absolus d'une série qui fait très bien semblant de réinventer la roue chaque semaine, et cultive une capacité rare à surprendre et à captiver son auditoire. Sorte de mélange imbitable (mais totalement réussi) entre Hunger Games, Battlestar, Lost et Mad Max, The 100 parvient à être très référencée sans jamais sembler pomper, très sombre sans jamais tomber dans la surenchère, très bien dialoguée sans jamais verser dans le sentencieux – le tout porté par des personnages adolescents dont on oublie très vite qu'ils en sont. Pour faire simple, The 100 est sans problème l'une des 10 meilleurs séries en activité, tous genres et Networks confondus. En terme d'intensité et de noirceur de l'âme humaine, elle n'a rien à envier aux sur-vendues Game of Thrones ou Walking Dead. En terme d'écriture, elle est aisément la meilleure série de Network des dernières années (derrière The Good Wife et feu Hannibal, quand même. N'exagérons pas). En terme de casting, elle réussit la prouesse de changer en l'espace de quelques épisodes une bande de gamins têtes-à-claques en personnage forts, complexes et charismatiques (et accessoirement, confie les rôles d'adultes à Henry Ian "Desmond" Cusick et à la toujours excellente Paige Turco, ce qui ne pouvait foncièrement pas être une mauvaise idée). Bref : The 100 incarne à elle seule le concept flou de cet article. Parce que nom de Dieu : qu'est-ce que ses débuts sont mauvais. Pour vous dire, au départ, j'avais arrêté après le pilote tellement j'étais affligé, ce qui ne m'arrive que très rarement et la place donc au niveau de Minority Report ou de la dernière saison de Dexter. Heureusement, quelques avis éclairés m'ont convaincu de m'y remettre un peu plus tard. Cycle de la vie oblige, je reprends à mon tour courageusement le flambeau.

Nombre de saisons : 3
La meilleure d'entre elles : la 2 (mais à mi-parcour, la 3 se tient plus que bien)
Le meilleur épisode : "Spacewalker" (2x08), qui officialise une fois pour toute le "dark turn" opéré en fin de saison 1, et renferme à la fois un cliffhanger suffocant ET une structure narrative extrêmement soignée menant à celui-ci de manière très habile et fluide.


BANSHEE (Cinemax, depuis 2013)

Si vous avez manqué le début :à peine purgés ses quinze ans de taule, un braqueur se voit traqué par des criminels et trouve refuge dans la petite ville de Banshee, un endroit très sympa principalement peuplé de rednecks abrutis, de Mormons et d'Indiens particulièrement féroces. Dérobant l'identité du nouveau shérif, il se retrouve à lutter contre la corruption tout en reprenant ses activités illégales, et règle la plupart des ses problèmes à coups de tatanes dans la gueule.

Il n'est jamais facile de donner envie à quelqu'un de regarder Banshee. Entre ses scènes de softporn au ralenti, son héros mutique, son goût pour les plans overzetop, son évocation constante de Walker Texas Ranger et son montage entièrement réalisé sous LSD... elle avait dès le départ tout ce qu'il fallait pour rebuter les critiques sérieux, et même ceux l'étant un peu moins (son pilote fut démonté sur ce blog-même au moment de sa diffusion). Pourtant, ce qui ressemble fort à un plaisir coupable trouve petit à petit son ton et sa place, le premier plus distancié, la seconde parmi ce qui s'est fait de mieux à la télévision depuis deux ou trois ans. Là où un Ray Donovan prend très au sérieux son exaltation de la virilité et ses personnages de nettoyeurs, n'hésitant jamais à y aller franco sur les références littéraires et/ou bibliques, Banshee en compose un versant bien plus fun et décomplexé, ne cherchant pas à légitimer son obsession pour les scènes de culs qui ne servent à rien ou la violence la plus exacerbée et graphique. Si celle-ci est un peu moins présente à partir de la deuxième saison, les scènes d'actions restent toujours de grands moments de la série, souvent extrêmement bien écrits et réalisés au-delà de leur côté régressif assumé. En fait, il est assez difficile de déterminer exactement d'où vient le charme de cette série unique en son genre (même si elle peut évoquer parfois Spartacus, en moins baroque ni premier degré), qui n'est pas toujours exempte de défauts ni de choix scénaristiques hasardeux. Il serait excessif de dire qu'elle joue réellement avec les clichés du pulp : elle les absorbe plutôt, pour les recracher de manière extrême et totalement décadente (Banshee est sûrement la seule série à laquelle on a pardonné d'utiliser la vieille ficelle de la woman in the fridge dans toutes ses saisons), avec en prime une bonne dose d'humour noir. Comme dans ses livres, quand on y pense, Jonathan Tropper (The Book of Joe) réussit très souvent à convertir ses faiblesses en forces, à commencer ici par un casting qui, bien que composé de seconds couteaux pas toujours hyper justes au départ, s'avère receler l'une des galeries de personnages les plus charismatiques de la télé US. Il faut juste prendre le temps d'entrer dans le jeu de Banshee, en sachant qu'il est sûrement possible d'y être totalement réfractaire. Mais si vous acceptez d'y mettre le doigt, vous risquez d'avoir du mal à vous arrêter.

Nombre de saisons : 3
La meilleure d'entre elles : la 3 (mais la 2 est déjà d'un haut niveau)
Le meilleur épisode : "A Fixer of Sorts" (3x03), que je vous avais déjà vendu dans le top des meilleurs épisodes de 2015.


BLACK-ISH (ABC, depuis 2014)

Si vous avez manqué le début :un père de famille afro-américaine se demande à intervalles plus ou moins réguliers s'il ne s'est pas un tout petit trop peu intégré. Accessoirement, il combat le racisme avec virulence, particulièrement lorsque quelqu'un lui refuse quelque chose – même si c'est son épouse.

Il est sans doute excessif de dire que Black-ish a besoin de temps pour s’installer : comédie familiale vivante et rythmée, elle s'avère rapidement drôle et attachante, même si elle souffre dans un premier temps de la comparaison avec Fresh off the Boat (autre sitcom du même type d'ABC qui, lancé la même la saison, tape dans l'excellence dès les premières secondes de son pilote). En revanche, il lui faut du temps pour dégainer ses meilleurs épisodes, souvent ceux collant le plus à son pitch (le stéréotype social dont les Anderson sont le plus proches est effectivement celui du bobo blanc lambda). Après un début en fanfare, celui-ci  semble rapidement enterré pour mieux devenir le prétexte à de (bons) épisodes de comédie US à l'ancienne, qui n'auraient pas forcément dépareillés dans Modern Family ou The Middle, et il faut attendre un bon moment pour retrouver ce qui faisait le sel des débuts (ainsi que Lawrence Fishburne, qui a probablement décroché ici le plus bel emploi fictif de la télévision mondiale)... mais avec quel panache ! A cela s'ajoute une difficulté supplémentaire : pétrie de références très americano-américaines et ne lésinant pas sur le jargon afro-ghettoïde, Black-ish n'est pas franchement la plus accessible qui soit pour le spectateur français moyen (elle n'a d'ailleurs été achetée par aucune chaîne francophone à ce jour). Rien d'étonnant, donc, à ce que ce ne soit pas la série dont on vous aura parlé le plus souvent ces derniers mois, ici comme sur le CDB ou ailleurs. Ce qui n'est évidemment nullement une excuse pour la manquer, d'autant que non contente d'avoir un casting impeccable (gosses inclus) et d'atteindre au bout d'un certain temps un niveau de drôlerie impressionnant, elle se révèle au fil des épisodes beaucoup plus subtile et culottée que ce qu'on pouvait penser au départ, n'hésitant pas à brandir nombre de sujets épineux et/ou polémiques avec beaucoup de finesse, d'aplomb et d'astuce comme en témoigne son dernier épisode en date, "Hope" (2x16), qui prend à bras-le-corps le sujet des brutalités policières et du mouvement Black Lives Matters.

Nombre de saisons : 2
La meilleure d'entre elles : sans problème la 2, même si elle n'est pas terminée.
Le meilleur épisode : ex aeaquo, "The Word" (2x01) et "Churched" (2x05)


BLACK SAILS (Starz, depuis 2014)

Si vous avez manqué le début : Black Sails s'inspire vaguementde l'Île au trésor, dont elle entend être le prequel, et narre dans le détails les interminables discussions et manigances de pirates qui n’ont vraiment pas l’air de beaucoup aimer naviguer.

A la différence d'autres titres de cette sélection pour le mois bigarrée, les premiers épisodes de Black Sails ne sont pas particulièrement mauvais. Ils sont même assez bons, tout comme la saison inaugurale dans son ensemble. Cependant, si elle est agréable et originale (considérant que les pirates, c'est aussi top trop cool que top trop rare à la télé), elle est surtout assez bavarde et ne donne qu'une idée assez vague (hi hi) de ce que la série sera capable de réaliser une fois sa vitesse de croisière (oh oh oh) atteinte. Plus haletante, plus nerveuse, sans pour autant trahir l’ADN du show (voir plus haut), la deuxième saison fait passer Black Sails dans une autre dimension. L’utilisation des flashbacks est agréablement surprenante (dans la mesure ou contrairement à presque partout ailleurs, ils servent à quelque chose), les rebondissements sont aussi bien osés que dosés, et les décors sont toujours aussi splendides – chose devenue rare à une époque où de plus en plus de séries sont tournées sur fond vert, même pour les intérieurs. Bref, c'est très cool, les pirates sont tous très charismatiques, les cliffhangers très prenants... et le succès est là (la série est constamment renouvelée avant même qu'arrivent les premières audiences). Il reste cependant à l'échelle d'une chaîne que personne ne regarde et qui a plutôt mauvaise réputation, vu que son plus gros hit, Spartacus, est aussi la série la plus mésestimée des dernières années.

Nombre de saisons : 3
La meilleure d'entre elles : pour le moment la 2, mais je suis un peu en retard sur la 3.
Le meilleur épisode : "XIII" (2x05), qualifié en ses pages de "meilleur rebondissement de l'année 2015". Rien que ça.


HELL ON WHEELS (AMC, depuis 2011)

Si vous avez manqué le début :bien avant les grèves à répétition, les incidents de personnes, les tarifs prohibitifs et l’émergence de Blablacar, certains étaient prêt à mourir pour le train. Voici leurs histoires.

Plaisante mais oubliable, occasionnellement soporifique et souvent incapable de se démarquer du statut de Deadwood du pauvre qui lui colle à la peau dès ses premiers épisodes, Hell on Wheels n'est pourtant sûrement pas la série de cette sélection dont les débuts sont les plus médiocres. Mais c'est assurément celle qui met le plus longtemps à exploiter son potentiel – mais genre : très, très longtemps. Il faut au moins deux saisons et la mort d'un gros quart du casting de départ pour qu'enfin, on ait l'impression que cette construction de voie ferré est autre chose que le prétexte à montrer des cowboys, des indiens et des femmes fortes et indépendantes dont personne n'a compris ce qu'elles foutaient là (mais c'est pas grave, elles sont toutes très cools). Sans aller jusqu'à faire dans le jeu de mot douteux en affirmant que tout roule à partir de là (Hell on Wheels continue à avoir pas mal de défauts, à commencer par une propension très nette à se perdre dans des intrigues secondaires qu'elle ne sait jamais comment ni où terminer), c'est une autre série qui commence alors, plutôt très bonne et parfois drôlement ambitieuse. C'est qu'en 2016, Hell on Wheels appartient presque déjà à une autre époque : celle où AMC n'enquillait pas les merdes en essayant de nous les habiller comme des chefs-d’œuvre, où elle diffusait bien Breaking Bad et non son spin-off inutile, et où la classe était incarnée par les costumes de Don Draper plutôt que la barbe faussement négligée de Rick Grimes. En un sens, Hell on Wheels est un peu devenue, malgré elle et à l'ancienneté, l'ultime prestige drama d'une chaîne dont le dernier né est une série d'action tellement hystérique que personne n'arrive à la regarder jusqu'au bout, statut qu'elle assume à merveilles dans son excellente première partie de saison 5, réponse aussi habile qu'insolente à la manie d'AMC de séparer les dernières saisons de ses shows par d'immenses coupures pub d'un an.

Nombre de saisons : 5 (et demi)
La meilleure d'entre elles : ex-æquo, la 3 et la 4
Le meilleur épisode : "The Game" (3x04), un épisode assez peu représentatif du show, parce que plus léger qu'à l'accoutumée, mais qui illustre bien la nouvelle dynamique de la série à partir de cette saison (le duo Cullen/Elam y est vraiment attachant, peut-être pour la première fois)


LIMITLESS (CBS, depuis 2015)

Si vous avez manqué le début :Brian est un trentenaire tout à fait normal (donc loser et vaguement slacker sur les bords) qui, suite à un concours de circonstances absolument vraisemblable, se retrouve à être la seule personne connue du FBI à pouvoir prendre une super-drogue rendant super-intelligent sans en subir les terribles effets secondaires.

Pour le monde entier, CBS est la chaîne des vieux qui ne veulent pas qu'on fasse trop de bruit. Pour Le Golb, en partenariat exceptionnel avec le CDB, c'est avant tout une chaîne qui depuis quelques années semble se rappeler qu'elle a marqué la télé à toutes les époques, et paraît en voie de se spécialiser dans le quality procerudal (The Good Wife, Person of Interest, dans une moindre mesure Elementary, Madam Secretary ou Blue Bloods). Cette saison, elle semble même avoir pris le pari de rajeunir son audience, lançant conjointement Supergirl et Limitless, séries au ton nettement plus moderne que ce à quoi elle nous avait habitués (ce qui n'était pas non plus très difficile, j'entends bien). Si la première n'est pas franchement la réussite de l'année, la seconde est en revanche en passe devenir la série la plus cool du moment. Drôle, sans prétention, pleine de trouvailles visuelles… et au final beaucoup moins procédurale que ce qui était annoncé au départ. Si l'on trouve bien l’intrigue de la semaine chaque semaine, on évite la répétition sempiternelle du même schéma et on louche plus volontiers du coté d'un House (soit donc le must de la série à cahier des charges). Les interactions entre personnages fonctionnent bien, naturellement et loin des stéréotypes, on sent une belle alchimie entre Jake McDorman et Jennifer Carpenter (que ça fait du bien de ne plus entendre jurer ou crier à chaque scène)... en somme, un vrai bon divertissement qui occasionne de tout aussi vrais fou rires passés des épisodes d’exposition ne donnant pas une idée précise de ce que va être la série c'est-à-dire une authentique comédie avant même d'être policière ou SF.

Nombre de saisons : 1
La meilleure d'entre elles : bah... la 1
Le meilleur épisode : "Headquarters!" (1x09) ou "Stop Me Before I Hug Again" (1x13), il est difficile de dire aussi tôt lequel des deux aura été le plus marquant.


LONGMIRE (A&E, 2012-14 ; Netflix, depuis 2015)

Si vous avez manqué le début :Walt Longmire est le shérif un peu alcoolo et carrément taciturne d'un comté fictif du Wyoming barré en son milieu par une réserve indienne. Sa femme a été assassinée et il n'a vraiment pas de bol, ce qui explique qu'il ne sourit pas beaucoup. Heureusement, Katee Sackhoff est dans son crew.

Adaptée des très bons romans de Craig Johnson (publié en français chez Gallmeister – il faut les citer, ils font du super taf), Longmire a été doublement desservie par sa diffusion sur une chaîne que personne ne regarde et par le rythme extrêmement lent (voire carrément mou) de sa première saison. Elle avait pourtant tout pour plaire, particulièrement sur Le Golb, puisque l'on y trouve en vrac et dans le désordre des flics, des chapeaux de cowboys, de grandes étendues sauvages, des indiens et Katee Sackhoff (donc). Il suffisait juste de faire fructifier ce capital pour en tirer quelque chose d'un tantinet plus intense, ce qui se fera lentement (forcément) mais sûrement à partir de la deuxième, et surtout de la troisième saison. Annulée assez brutalement, cette belle anonyme sera repêchée par Netflix pour une (bientôt deux) saisons supplémentaires, ce qui semblera mystérieux uniquement à ceux qui ne l'ont jamais vue. Car au-delà de son casting impec' et de sa réalisation solide, au-delà même de la qualité d'intrigues désormais assez profondes et complexes, Longmireévoque tout simplement des sujets auxquels personne d'autre ne s'intéresse à la télévision, notamment tous ceux qui concernent la cohabitation avec les Amérindiens et la manière dont ceux-ci sont traités. L'épisode, inspiré de faits réels, évoquant les vols d'enfants indiens par les Blancs, reste l'un des plus troublants et glaçants d'une série qui en contient un paquet de très bons.

Nombre de saisons : 4
La meilleure d'entre elles : la 4, et vous savez combien ça me fait toujours de la peine d'applaudir Netflix.
Le meilleur épisode : "Population 25" (3x07) – pas vraiment représentatif de la série (pas du tout, même), mais un des rares moments télé à m'avoir réellement terrifié ces dernières années.


PERSON OF INTEREST (CBS, depuis 2011)

Si vous avez manqué le début :La Machine voit tout, partout, tout le temps, et ce qu'elle ne sait pas, elle l'anticipe. Autant dire que cela donne plein d'idées à tout le monde, de son créateur au gouvernement en passant par des scénaristes qui regardent toujours derrière eux lorsqu'ils se rendent au bureau.

P.O.I. (pour les intimes) pourrait symboliser cet article à elle seule. La dernière fois qu'on l'a évoquée sur Le Golb, quelques semaines après ses débuts, c'était uniquement pour acter son abandon en des termes ne faisant pas particulièrement envie : "C'est lourd, pas nécessairement idiot mais manquant à ce point d'âme que même Michael Emerson n'y peut rien." Procédural plus qu'ambitieux d'une CBS qui ne voulait au départ pas du tout qu'elle vire SF, elle met bien une saison entière à trouver son rythme et à tenir les promesses de son élégante réalisation. Excellemment écrite, elle jongle en permanence entre cinq ou six arcs narratifs pour certains assez longs et complexes tout en réussissant à s'inscrire dans le carcan procédural imposé par la chaine, installe une double-narration absolument bluffante, ne lésine jamais sur la mythologie même dans les stand-alone apparents, et use assez habilement de la suggestion pour développer ses intrigues principales sans perdre la ménagère de moins de cinquante ans dans des labyrinthes lostiens. Et si elle n'évite pas tous les écueils se présentant sur son passage, on ne pourra de toute façon pas lui enlever de développer un discours passionnant sur notre époque, à coup de surveillance paranoïaque et d'intelligences artificielles menaçantes. Une seule comparaison s'impose, qui vous semblera pour le moins curieuse si vous ne l'avez jamais vue : The Good Wife. Comme elle (je vous ai dit que sur Le Golb, on aimait bien CBS ?), voici une série qui ne paie pas de mine de prime abord, dont les premières saisons contiennent leur lot d’épisodes relous, mais qui une fois qu’elle a trouvé son rythme atteint un niveau de qualité, de profondeur et d’addiction qu’on n’aurait jamais soupçonné à ses débuts. Enfin, comment conclure sans souligner que Michael Emerson y est absolument formidable, au point de rapidement faire totalement oublier son rôle Benjamin .Linus ? Peu d'acteurs de séries cultes peuvent en dire autant.

Nombre de saisons : 4 (la cinquième et dernière sera diffusée courant 2016)
La meilleure saison : la 3, sans hésiter. Un véritable sommet d'écriture feuilletonnesque.
Le meilleur épisode :"Razgovor" (3x05), un chef-d’œuvre-somme de tout ce qui rend la série passionnante : de la mythologie (pas mal), une super baston, les deux nanas les plus badass de la télé au centre des évènements, une intrigue stand-alone efficace, une scène de face à face ultra-stressante, pas mal de second degré et un énorme cliffhanger en guise de chute.


POWERS (PlayStation Network, depuis 2015)

Si vous avez manqué le début : avant, Christian Walker était un superhéros. Mais ça, c'était avant. Désormais très ordinaire et très désabusé, il officie comme détective au sein d'un service gérant les cas liés aux personnes douées de pouvoir, traînant son mal être et les fantômes de sa gloire passée un peu partout avec lui.

S'il faut un temps pour accrocher à Powers, c'est en grande partie en raison de son côté cheap, aussi bien en terme d'effets visuels que de casting. Malgré un nom ronflant et de belles ambitions, PlayStation Network est encore loin de tailler des croupières à Netflix ou Amazon, et ça se voit – pas qu'un peu. Il faut ensuite parvenir à voir la série telle qu'elle est réellement, en essayant d'oublier ce qu'elle aimerait bien être et hurle – parfois assez laborieusement – à chaque plan : un antidote aux autres séries de superhéros, dont elle serait supposée prendre le contre-pied en s'attardant plus sur la psyché de ses personnages que sur leurs facultés. Ce n'est que partiellement le cas, tout comme d'ailleurs dans le comic-book originel ; Brian Michael Bendis (qui a écrit l'un et l'autre) joue parfois habilement avec les codes, mais étant lui-même une pointure de cet univers (on lui doit quelques épisodes mémorables d'Ultimate Spider-man et Daredevil– sans oublier un des meilleurs arcs Batman des quinze dernières années), on l'en sent souvent un peu trop proche pour parfaitement le désosser (ironiquement, la série qui aura le mieux tenu ce pari cette année aura été Jessica Jones... adaptée d'un de ses plus grands succès). Cela n'empêche heureusement pas Powers d'atteindre le plus gros de ses ambitions, notamment en noyant son intrigue dans une atmosphère nostalgique, jamais très éloignée des X-Men dans sa méditation sur la manière dont la société peut et doit considérer ces personnes aux capacités surhumaines et parfois involontairement dangereuses (sachant qu’il est bien difficile d’incarcérer un musclor ou un mec qui se téléporte). La bonne idée étant d’avoir couplé tout ça à une réflexion sur le succès et la quête de célébrité : les personnes dotées de pouvoir, ici, ne sont pas des superhéros mais des superstars largement fabriquées par les médias, qui utilisent plus souvent leurs aptitudes pour l’argent et la gloriole plutôt que pour sauver le monde (le héros ne fait d'ailleurs pas exception à la règle, qui regrette au moins autant les fans et les passe-droit que la possibilité de sauver des milliers de vies) Cet aspect donne à la série un côté plutôt frais malgré certaines situations un brin déjà-vu, et certains épisodes sont carrément excellents en terme d’écriture.

Nombre de saisons : 1 (la seconde est attendue pour le printemps)
La meilleure saison : L.O.L.
Le meilleur épisode : "Paint It Black" (1x05), qui concentre la plupart des qualités de la série en une grosse demi-heure


TYRANT (FX, depuis 2014)

Si vous avez manqué le début :le fils préféré (parce que mystérieusement pâle ?) d'un dictateur du Moyen-Orient rentre au pays à l'occasion du mariage de son neveu, puis trouve plein de prétextes (mort de son père, amour fraternel, coup d'état) pour ne plus jamais repartir aux États-Unis sans que sa femme et ses enfants ne lui fassent trop la gueule.

Je vais être honnête : cette liste était terminée avec Powers, mais vous connaissez mon obsession pour les comptes ronds. J'ai donc commencé à me demander quel titre allait bien pouvoir venir faire le nombre. J'avais bien quelques idées plus ou moins satisfaisantes (la dernière saison de Halt and Catch Fire m'a paru trop encensée par la critique pour trouver sa place ici ; You're the Worst avait pas mal des qualités requises, mais... je ne l'aime pas tant que ça), jusqu'au moment où j'ai réalisé que la série de Gideon Raff était sans aucun doute l'une des plus conspuées de ces dernières années, alors même qu'elle est loin d'être si mauvaise que ce que son pilote peut laisser craindre. Entendons-nous bien cependant : une fois n'est pas coutume, on ne peut pas reprocher aux Inrocks et autres Télérama de ne pas avoir fait leur boulot. Il est absolument incompréhensible et totalement inexcusable qu'en 2016 (enfin, 2014), on en soit encore à prendre un Britannique aux yeux bleus pour jouer le rôle d'un héros Arabe. Un tel choix de casting est si révoltant qu'il ne peut être que programmatique, a fortiori lorsque l'on constate que Tyrant ne lésine pas sur les clichés quant au Moyen Orient. Il est d'autant plus miraculeux qu'elle finisse par s'avérer une série tout à fait regardable si l'on réussit à dépasser ce constat, et même assez prenante si tant est qu'on n'ait rien contre le soap – car elle n'est dans le fond que cela. Comme beaucoup de séries d'auteurs de ces dernières années, soit dit en passant (Game of Thrones, c'est quoi sinon un soap ultra-violent et sur-sexué ?). Rien ne nous sera épargné, tous les clichés les plus éculés du genre y passeront, souvent de manière totalement outrancière, à l'image du J.R. de l'affaire, génialement incarné par Ashraf Barhom, qui compose un personnage totalement overzetop et parfois très inquiétant. Tout le problème de la série tient dans ce que les gens confondent série sérieuse (ce qu'est Tyrant) et série réaliste (ce qu'elle n'est jamais, dès ses premières secondes). Bon, ok, tout le problème de la série c'est surtout sa relation ambiguë avec le stéréotype racial (ambiguë car paradoxalement, on aura rarement vu autant de personnages arabes dans une série américaine), relation qu'elle partage d'ailleurs avec sa grande sœur Homeland– tout comme le goût pour les retournements de situations les plus invraisemblables (mais sympas) de ces dernières années.

Nombre de saisons : 2
La meilleure saison : la première.
Le meilleur épisode : "Preventative Medecine" (1x07), un bon vieux saut de requin comme on n'en faisait plus depuis les années 80.


1.Pour finalement n'en solder aucune des contraintes : il n'aura échappé à personne qu'à l'exception d'Orange Is the New Black, toutes les saisons de toutes les séries deNetflix souffrent de gros ventres mous en leur milieu, et se retrouvent au bout d'un moment à jouer la montre de manière encore plus criante que dans n'importe quelle série de Network (le cas de Jessica Jones est sans doute le plus flagrant : on a vraiment l'impression que ses scénaristes galèrent pour remplir les 13 épisodes commandés).

The Rebels Of Tijuana - La Crème de la crème

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Si les Rebels Of Tijuana ont toujours eu la cote sur Le Golb, il faut avouer que ce fut plus souvent pour certaines chansons précises plutôt que pour leurs albums, dont on n'a jamais caché qu'on pouvait parfois les trouver un tantinet frustrants. A vrai dire, de tous les chouchous de ce blogs, de tous ces gens dont chaque parution est chroniquée quasiment d'office depuis dix ans, les Rebels Of Tijuana sont sans doute ceux qui auront été le plus souvent et le plus âprement critiqués. Parce qu'ils étaient très (très très) forts dès le premier morceau de leur premier disque ("J'adore ce flic", qui jetait des ponts multicolores entre Nino et la West Coast), je dois reconnaître avoir parfois eu tendance à en attendre – et en demander – beaucoup, au risque de m'avouer déçu par des LPs relativement inégaux en dépit de leur brièveté. Un sentiment qu'une lectrice résuma très bien un jour – citons-la : "J'adore ses Eps mais les albums, ça ne veut pas, ils m'ennuient. Ce n'est pas seulement la question de tenir la durée. Je trouve les chansons moins bonnes tout simplement. En fait à force c'est presque comme s'ils avaient une discographie parallèle dans les Eps, que je préfère." C'était peut-être un peu exagéré, mais il y avait du vrai dans cette remarque. Ce n'est pas faire offense au talent de ces gens que de noter qu'à la maison, on se passe plutôt les chansons des Rebels en mode shuffle, sans trop s'attarder sur les ouvrages dans leur globalité. Ce n'est pas forcément un problème et, quelque part, c'est peut-être tout à fait normal venant d'un groupe basant la quasi totalité de son esthétique sur une époque où la Chanson prédominait sur l'Album. Je dis "c'est"– vous aurez déjà compris rien qu'à mon intro que l'imparfait s'impose peut-être désormais.


On ignore s'il y a un lien de cause à effet, si d'autres personnes ont eu des réactions similaires à celle de notre susmentionnée lectrice, ni d'une manière générale ce qui peut bien se passer dans la tête du groupe (osons même dire qu'on s'en balance totalement). Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'on a eu le sentiment de beaucoup moins entendre les Rebels depuis l'EP Mambo il y a déjà plus de deux ans. Est-ce que leur troisième album est à ce point meilleur que les deux précédents, ou bien est-ce qu'on a tout simplement l'oreille plus fraîche à présent que leur discographie fait parties des meubles (à lire au sens littéral du terme car mine de rien, ils commencent à prendre un peu de place à la maison, ces petits paltoquets) ? Il y a sans doute un peu des deux. Quand vous ne cramez pas deux ou trois de vos meilleurs morceaux dans un EP cinq mois avant un nouvel album, vous avez inévitablement un peu plus de matière à fournir pour celui-ci.

N'y allons pas par quatre chemin : The Rebels Of Tijuana, ou #3, est un disque remarquable quasiment de bout en bout, parcouru de sommets très hauts et de temps faibles... pas mal hauts également. Bien plus cohérent que les deux précédents, il polit l'univers si délicieusement rétro du groupe, sans rien révolutionner et sans jamais s'avérer très éloigné de tout ce qu'il a produit jusqu'à présent – juste en (parfois beaucoup) mieux. Il faut réellement prendre le temps de réécouter La Bourgeoise pour mesurer le bond qualitatif effectué en terme de songwriting. Les voir tutoyer l'excellence n'a certes rien de nouveau en soi : comme on le disait plus haut, Les Rebels ont toujours été capable de gratter un titre aussi efficace qu'"Actuel" ou d'ouvrir sur quelque chose aussi décoiffant que "Bangs". C'est bien pourquoi on a pu parfois être un peu fâché par certaines de leurs parutions un peu moins palpitantes : leur génie était jusqu'alors toujours un peu intermittent, et leur virtuosité pop comme branchée sur courant alternatif ; les "Johnny Marr" et autres "Absorbé par le beat"étaient chaque fois presque inévitablement contrebalancés par des choses sympathiques mais plus oubliables (et qu'on serait d'ailleurs bien en peine de nommer ici des années après). Rien de cela ici : sur les onze titres, pas un seul n'est à jeter et les deux morceau les plus faibles ("Remington" et "Les Groupies") sont déjà bien mieux écrits et produits que le précédent EP du groupe dans son intégralité. Le reste oscille entre bluettes renversantes ("Pampa" et ses accents burgalesques, "Le Quart d'heure de gloire") et crème de la crème du R&B dans la langue de Molière, que le groupe a rarement conjugué avec une telle élégance. Dieu sait pourtant qu'on en a entendu, ces dix dernières années, des groupes de rock francophones. Ce n'est pas franchement ça qui a manqué mais de mémoire de chroniqueur, aucun n'a su signer quoi que ce soit de comparable à ce sommet de nonchalance pop qu'est "Toi et moi". Le genre de morceau qui suspend tout autour de vous, pour ne plus vous lâcher de la journée. Et si le groupe n'abandonne ni ses pulsions yéyé ni aucune de ses référence francophiles (on a parlé de Ferrer plus haut ; l'ombre de Dutronc plane elle aussi toujours un peu, ici ou là), les rythmiques, la fluidité des mélodies... la dynamique de chaque titre tend plus que jamais vers le modèle anglo-saxon, "Actuel"évoquant plus volontiers The Coral avant qu'ils ne deviennent chiants et soporifiques. C'était de toute façon inévitable tant la production et les arrangements sont soignés, bien plus que ce à quoi on est habitué dans la francophonie... ou dans le garage (y compris de la part des Rebels eux-mêmes).

Signe qui ne trompe pas, à la minute où sont écrites ces lignes, #3 tourne depuis... une... deux heures en boucle, sans qu'on se lasse, sans qu'on ait envie de passer autre chose ou même tout simplement de rejeter une oreille à l'un de ses prédécesseurs. En fait, la seule envie qui vient en l'écoutant est d'aussitôt se repasser ses meilleures pistes (citons encore l'adorable "Burt de Roubaix", dont c'est peu dire que la mélodie est plus engageante que le titre). Ce n'est pas grand-chose et en même temps, c'est énorme tant cela arrive rarement, de continuer à fredonner un disque après seulement quelques écoutes – ou de s'apercevoir qu'on en connaît déjà toutes les paroles par cœur alors qu'on avait l'impression d'être encore, seulement, en train de le découvrir. Pour son dixième anniversaire, c'est vraiment un joli cadeau que les Rebels Of Tijuana viennent de faire à ce blog : un vrai, un grand album, dans un registre où l'on en entend finalement si peu. Ce n'est pas aussi génial que s'ils nous avaient offert un coffret Dutronc dédicacé, mais c'est quand même beaucoup mieux qu'un nouvel album de The Coral ou du vieux beau cocaïnomane qui a pris la place de Polnareff depuis le milieu des années soixante-dix. Pour un peu, cela ferait regretter toutes les fois où on a pu bougonner ici en leur réclamant un peu plus de ci, un peu moins de ça – on en passe. Tout ceci est oublié. C'était juste pour les stimuler. Un peu d'amour vache, quoi. Comme ils le chantent eux-même : "Il n'est pas de grand amour sans réelle ambition".



The Rebels Of Tijuana, des Rebels Of Tijuana (2016)

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