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The Best of the Best

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[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) - N°55] 
I Married a Communist - Philip Roth (1998)

C'est peut-être un détail pour vous. Pour moi, ça veut dire beaucoup : demain, Philip "ce bon vieux Philou" Roth fêtera ses quatre-vingts ans. Ce n'est rien. Une broutille. Un chiffre. Ou peut-être pas, puisqu'il annonçait il y a peu être devenu sec comme un biscuit avarié et sérieusement songer à raccrocher les gants. Ce que le bons sens ne saurait totalement déplorer, tant ses deux/trois derniers ouvrages se sont en effet avérés trop loin - et dans le même temps trop proches - du grand Philip Roth, de l'increvable Philip Roth... de celui dont il y a encore six ou sept ans encore on pensait qu'il continuerait de défier temps, raison et histoire. Ça oui, on le voyait bien devenir un écrivain centenaire continuant de surclasser la concurrence, toujours, encore, inlassablement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ce le sera peut-être demain. Je ne crois pas que le génie soit une donnée quantifiable, un truc qui soit susceptible de disparaître du jour au lendemain, avec le temps et donc l'âge. Ce qui est certain, c'est que Phillip Roth méritait bien de voir son Mes livres à moi (et à rien qu'à moi) (évidemment prévu de longue date, d'autant que j'ai déjà consacré plusieurs billets à ce roman précis) paraître à l'occasion de ses quatre-vingts ans. Même David Bowie n'a jamais eu l'insigne honneur d'un article du Golb pour son anniversaire. Mais il est vrai que Philip Roth est un cas tout particulier : si l'on excepte quelques auteurs encore trop tendres pour que cela signifie quoi que ce soit, il est en effet le seul - le seul - écrivain dont tous les livres ont été évoqués au moins une fois dans ces pages. Surtout, il a cette particularité, rarissime dans cette rubrique (ou dans son pendant musical), d'être cité ici pour des raisons quasi objectives (entendre par-là : se rêvant comme telles). Sur le papier, rien - ou peu de choses - ne justifie la passion que je nourris pour cet auteur depuis plus de quinze ans. L'univers de Philip Roth, si j'y retrouve bien quelques petites choses (notamment son rapport à l'autobiographie et ses perpétuelles interrogations identitaires), n'est pas ce qui se fait de plus proche de mon existence. Jamais il ne m'a pris aux tripes, bouleversé, troublé pour avoir trop bien écrit ce que je n'aurais pas même su dire. Non : Philip Roth est une légende golbienne parce qu'il est le meilleur. Tout simplement le meilleur. Le meilleur conteur, le meilleur styliste, le meilleur penseur, le meilleur concepteur de la littérature contemporaine. Une preuve ? Chaque année, on parle de lui pour le Nobel, et chaque année, il le loupe. Si ça, ce n'est pas irréfutable...

Yeeeees ! Bowie, Cave, Faulkner et les autres... je les ai tous niqués ! MOI, je l'ai eu, mon article d'anniversaire !

Or donc, nous retrouvons ici Nathan Zuckerman, le double littéraire favori de Philip Roth (David Kepesh n'a jamais tant compté). Celui-là même qui s'était délivré de ses démons dans la Tétralogie Zuckerman signée par l'auteur dans les années quatre-vingts, avant de ressurgir de manière inopinée (et usé par le temps) dans le sinistre American Pastoral.

Comme dans celui-ci, Nathan est ici le narrateur. Et sa narration, de même que la structure du roman, est typiquement philiprothesque (non ! philiprothissime) : A rencontre B et ensemble ils parlent de C. En l'occurrence, Nathan rencontre par hasard son ancien professeur de littérature du lycée, Murray Ringold. Son professeur préféré, à l'égard duquel il nourrissait une grande admiration, le genre d'admiration qu'à ma connaissance, seul un personnage de Philip Roth aura jamais été susceptible de nourrir pour un prof. Dans le temps, Murray avait un frère, Ira Ringold, alias "Iron Rinn", l'Homme de Fer. Vedette d'un soap radiophonique, beau comme un dieu. Communiste. Qui, à l'instar de beaucoup de communistes de l'époque, gardait ses convictions secrètes y compris auprès de ses plus proches amis, y compris auprès de sa femme – l'ex star de cinéma Eve Frame. Une grande bourgeoise, riche, belle, célèbre...  et totalement jetée.

Il n'est pas forcément commode de résumer les quelques six cents pages d'I Married a Communist. Comme toujours avec Philip Roth (plus précisément : comme toujours avec le Philip Roth d'après les années soixante-dix) on a affaire ici à une histoire à tiroirs composée de portraits à tiroirs. Le roman est extrêmement fluide, mais il l'est presque en dépit de lui-même tant sa construction est touffue, imprenable, toute de flashbacks, de digressions, de bonds temporels et de changements de narrateurs. Les premières pages peuvent plonger le lecteur non-averti dans un état de relative confusion. Mais c'est un livre de Philip Roth : la magie opère, parce qu'un livre de Philip Roth n'est que magie. Certains ont usé leur existence à analyser les thèmes récurrents, les passions, les faiblesses aussi de la littérature de Roth. Ils ont perdu leur temps car dans le fond, Roth n'est jamais question que de mots. La manière dont ils s'imbriquent incarne, pour moi, ce qui s'approche le plus de la perfection en matière de roman. Même dans un mauvais Philip Roth - celui-ci en est un excellent - le récit est à ce point maîtrisé qu'on ne peut s'empêcher de tourner les pages. Depuis, disons, le milieu des années soixante-dix ans, Roth a inventé le page turner philosophique. Ou la grande littérature pop, selon où vous vous situez. C'est le secret de son incommensurable succès. Je n'ai pas souvent eu l'occasion de l'écrire, car avec Roth la tentation est grande de se laisser avaler par la puissance du fond, mais ce qui m'a séduit presque instantanément chez lui, dès la première lecture il y a des années maintenant, c'est son absolue... drôlerie. Ce n'est pas la première chose que l'on songe à associer à l'auteur de quelques uns des livres les plus sombres/douloureux/révoltés des six dernières décennies, j'en conviens. Et pourtant : aucun écrivain ne me fait autant rire que Philip Roth. A m'en rouler par-terre par moments tant son sens de la vanne, sa cruauté burlesque et sa capacité à alterner diatribes politico-cérébrales et grivoiserie pince-sans-rire en font un auteur au ton absolument unique. Vous avez le droit de trouver que j'ai un humour particulier.


Le génie de Philip Roth, c'est de rendre crédibles ses personnages, de les faire exister sous nos yeux. Dans ce texte-ici (cela marche pour quasiment tous les autres, à part la trilogie libidineuse de Kepesh, qui comme son surnom golbien l'indique ne poursuit pas les mêmes objectifs), il parvient en quelques pages à faire exister Ira Ringold, son épouse, sa belle-fille... et transforme en figures historiques crédibles des personnages de fiction. Ils sont là ; ils existent. Enfin ils ont existé. Personne n'aurait l'idée saugrenue d'en douter. C'est ce qui fait la force de romans uchroniques telsThe Great American Novel ou The Plot Against America. Régulièrement et sans avoir l'air d'y toucher, Roth écrit du roman historique et c'est bien de cela qu'il s'agit avec I Married a Communist : d'un roman historique où n'apparaîtrait aucun personnage historique, un roman historique transcendant tellement le genre que c'est presque avec une moue dégoûtée que l'on utilisera l'expression à son sujet. Il aurait voulu écrire une biographie de tel ou tel personnage célèbre qu'il n'aurait pas fait mieux. A quoi bon, d'ailleurs, s'encombrer de la réalité quand l'imaginaire sait lui être à ce point supérieur ? "Tu peux être tellement plus vrai, dans ta fiction", fera-t-il écrire à Zuckerman à la fin de son autobiographie à lui, Roth, comme si lui-même avait fini par arriver à cette conclusion que même s'agissant de ses secrets les plus intimes, il ne saurait être si puissant, évocateur et sincère qu'en défigurant la réalité.

Dans I Married a Communist, il se contente de la remodeler à sa guise, pour en projeter finalement une image bien plus éloquente que s'il s'était piqué de réaliser un documentaire. Magicien, donc précis et méticuleux, il recrée totalement un univers, et une époque pas si lointaine (celle du MacCarthysme) où des gens mourraient encore aux États-Unis pour avoir osé dévier de la pensée dominante. Sans complaisance ni naïveté : si ceux qui les traquent font figures de lâches aussi grotesque que fanatiques, les communistes sont pour leur part ridiculisés la moitié du temps et, c'est peu de le dire, ne sortent pas grandis de cette analyse piquante, suffisamment solide pour ne pas avoir à s'encombrer de marqueurs temporels trop voyant (à moins que cela m'ait échappé, le nom de MacCarthy n'apparaît d'ailleurs pas une seule fois dans le roman). Il accomplit en cela ce qui est théoriquement la seule vraie mission du roman historique, et qu'oublient un peu trop volontiers nombre d'auteurs contemporains : renvoyer les époques dos à dos, les confondre habilement plutôt que les confronter schématiquement. Finalement, avec son style bouillonnant et ses airs de fresque, I Married a Communist est moins affaire de communisme que d'Histoire. De comment elle influence les vies les plus misérables, de comment elle modèle les esprits les plus éclairés, de comment elle se glisse dans le plus infime détail et peut en filigranes jeter un éclairage aussi que drôle que dérangeant sur une vulgaire dispute conjugale.


Trois autres livres pour découvrir Philip Roth :

When She Was Good (1967)
Zuckerman Unbound (1981)
Operation Shylock : A Confession (1995)
...

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