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Motörhead Is.

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[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - Hors-série N°17]

Il est deux questions que tout(e) adulte raisonnable (et de bon goût) redoute se voir un jour posées par un enfant. La première arrive toujours bien trop tôt, mais nécessite heureusement plus de tact que de sens de l'argumentation – le parent-lecteur aura reconnu de lui-même la célèbre Comment on fait les bébés ? La seconde arrive souvent bien plus tard, voire n'arrive jamais si vous avez un peu de chance, et vous en aurez besoin car elle est autrement plus retorse : le parent-rocker aura bien évidemment reconnu la redoutable Pourquoi c'est bien Motörhead ? Croyez bien que si je n'ai absolument aucun problème à expliquer à mes neveux et nièce pourquoi il n'est pas souhaitable que nous prenions notre bain ensemble, je redoute fortement le moment où cette marmaille sera en âge de me demander des comptes sur les vociférations de Lemmy Kilmister. Espérons que leurs parents feront leur travail en leur délivrant dès que possible une éducation musicale digne de ce nom, mais je n'ai que très peu d'espoir sur ce point. Un rapide calcul à base de ratio nombre de mouflets dans mon entourage/nombre de fois où j'écoute No Sleep 'til Hammersmith dans une année permet d'estimer que le risque que l'un d'eux se mette à dérouler le magnifique fil de l'histoire musicale jusqu'à me demander un jour Pourquoi c'est bien Motörhead ? oscille entre l'important et le considérable.


Si aucun(e) adulte raisonnable ne peut décemment souhaiter vivre un tel moment, c'est parce qu'il faut bien admettre que la question n'est ni absurde, ni illégitime. Certes, selon l'âge de l'interlocuteur, aucune question ne l'est. Mais dans le contexte d'un déroulé de fil musical digne de ce nom, celle-ci l'est assurément moins que Pourquoi les filles elles ont pas de zizi ? On peut légitimement supposer que le jeune garçon (ou la jeune fille mais soyons lucides, il y a statistiquement plus de chances que ce soit l'un des garçons), tout tourneboulé par sa découverte des grands classiques du rock'n'roll, se trouve un jour comme démuni face à quelque chose d'aussi délicat, élégant et sophistiqué que, au hasard, "Orgasmatron". Ma génération n'a pas réellement eu à se poser ce genre de question : du vivant de Lemmy, on ne découvrait jamais vraiment Motörhead. Motörhead était là, point. Lemmy était un Monsieur sans âge qui disait plein de gros mots dans ses interviews (lorsqu'il prenait la peine de les honorer), trouvait toujours que son nouvel album était le meilleur de sa carrière, avant de déplorer qu'il n'existe plus que trois (puis deux puis un seul) vrais groupes de rock'n'roll en activité, et de conclure en clamant pour la millième fois son amour pour Elvis Presley. Évidemment, on se rendait assez vite compte que Motörhead ne sonnait pas exactement comme le King, ni comme aucun des pionniers dont il se revendiquait. Mais si vraiment on se retrouvait dans une impasse au moment de le faire découvrir, il restait toujours le joker authenticité. Motörhead c'était bien parce que c'était authentique, voire : Motörhead c'était bien parce que c'était Motörhead. Lemmy était cool. Lemmy était classe, enfin à sa manière. Pauvre Lemmy, quand on y pense. Littéralement empaillé de son vivant par toute une cohorte de mecs ne l'écoutant jamais plus de dix minutes, mais adorant porter ses t-shirts. Malgré toute sa morgue, toute son indécrottable authenticité, l'auteur de "No Class" a fini en mascotte pour trentenaires incapables de citer une seule de ses chansons hormis "Ace of Spades", mais très contents d'aller le voir en concert comme d'autres vont au zoo, ricanant comme des ploucs "ah là là c'était fort hein mais hé, si c'est trop fort c'est que vous êtes trop vieux lol" (oui : les ploucs du rock indé pensent que c'est une citation de Lemmy). Même les autres musiciens. Ah ça, citer Motörhead comme influence, ça fait toujours bien. Juste entre nous : vous en avez entendu combien des groupes sonnant réellement Motörhead dans votre vie ?


Pas des masses et cela, mon neveu, c'est une des raisons pour lesquelles Motörhead, c'est bien. Ce n'est pas la seule. Mais elle compte double, voire triple. Motörhead ne sonnait comme personne, et personne ne sonnait comme Motörhead. Les rares qui s'y essayèrent finirent tous en mauvais speed-metal (Lemmy les méprisait) ou en hardcore de seconde zone (Lemmy ne s'abaissait même pas à prendre note de leur existence). Quelques uns réussirent, ponctuellement, à se hisser au niveau des maîtres, pas toujours d'ailleurs les plus attendus (Nirvana effleurait ponctuellement ce niveau de morgue, notamment en live) mais allons : dans l'ensemble, en 2022 comme toujours depuis 1975, le meilleur moyen d'entendre quelque chose d'aussi puissant et rock'n'roll que Motörhead reste encore d'écouter un album de Motörhead. Certains tenteront sans doute de t'expliquer que Motörhead, ma foi, c'est un peu comme AC/DC : quelques classiques et puis toujours, encore, sempiternellement le même album jusqu'à ce que la mort finisse par achever la bête. Rien n'est moins vrai. Les vingt-trois albums de Motörhead ne sont sans pas doute pas tous bons (encore qu'aucun ne soit fondamentalement mauvais), et ce sont bien évidemment des albums de Motörhead jusqu'au bout des poils de moustache, mais chacun a son truc à lui. On ne peut pas confondre un extrait de Bomber (1979) avec un extrait de Hammered (2002), ni un d'Another Perfect Day (1983) avec un autre d'Overnight Sensation (1996). Motörhead a constamment redéfini son style, son approche, en trio, en quatuor, avec des soli dans tous les coins ou carrément aucun, des titres frôlant l'épilepsie ou d'autres à la pesanteur menaçante, une voix mixée très en avant ou au contraire très en retrait. À l'exact inverse d'AC/DC ou des Ramones, Motörhead a toujours refusé d'être un groupe à formule, sans pour autant renier la sienne. Écoute les albums si cette phrase ne te paraît avoir aucun sens.


Alors évidemment, mon neveu, je ne vais pas te mentir : Motörhead ne fait pas franchement dans la tendresse. On en rajoute énormément concernant son côté pied-au-plancher ; dès la quatrième piste du premier (vrai) album, "Iron Horse", on tape dans le blues, et ce ne sera ni la première et dernière fois que le groupe fera montre d'un songwriting bien plus évolué que le traditionnel Rock-One-Two-Three-Party! auquel Lemmy lui-même aimait souvent se résumer. Reste que tu ne viens pas de découvrir un groupe de rigolos (dans le cas contraire tu ne serais pas venu me demander pourquoi c'était bien). C'est sans doute pourquoi, du plouc indie-rock susmentionné au meuhtaleux extrême en passant par le punk à chien ou le rock-critic fatigué, personne n'a jamais eu l'outrecuidance de se moquer de Lemmy de son vivant (alors que franchement, quand tu voyais sa gueule, ça ne devait pas être l'envie qui manquait). Motörhead, ce sont vingt-trois LPs et une grosse dizaine de lives ne cherchant jamais la joliesse, la petite mélodie entraînante, le refrain qui emballe tes fins de soirées. Tu ne vas pas aimer Motörhead au premier abord et rassure-toi : tu ne seras ni le premier ni le dernier. Motörhead n'a pas été pensé pour te plaire, ni à quiconque. Motörhead n'a d'ailleurs pas été pensé, tout court. Il a été arraché à on ne sait quelle douleur, craché, éructé... dégueulé. Sur la dernière réédition d'Overkill, il y a un CD live de 79 garanti sans overdubs et à peine mixé, au bout de trois morceaux tu te dis Mais attends, il y a vraiment des gens qui payaient pour aller voir ça à l'époque ? Ils cherchaient quoi, en fait ? C'est simple : ils voulaient se faire botter le cul et passer la tronche à l’essoreuse. En la matière, les Londoniens s'y entendaient comme personne. Tu ressors de trucs comme "Stay Clean" ou "(We Are) The Road Crew" avec le popotin chauffé pour l'hiver, et si cela fonctionne avec presque chaque titre de chaque période, c'est pour bonne part car la principale et seule influence de Motörhead a toujours été... Motörhead. Dans tout ce que cela peut avoir de limité, peut-être – de viscéral et d'intemporel, surtout.


J'aimerais avoir une formidable anecdote à te raconter avec Motörhead, mais ce n'est pas le cas. Je ne suis même plus sûr du premier album que j'ai eu d'eux (je dirais Snake Bite Love, en 1998, mais je n'y mettrais pas ma main à couper). Je n'ai écrit qu'un seul article dans toute ma vie sur Motörhead, alors que j'en ai écrit au moins cinq sur à peu près tous les groupes de sa génération. C'était il y a déjà quinze ans et c'était une impasse : "... plus on écrit sur Motörhead, moins on a envie de le faire. Il est même possible que ce ne soit tout simplement pas possible."


Affirmer que Motörhead défie l'analyse est déjà une lapalissade – il doit bien y avoir des gens qui rédigent des thèses sur des bastons entre piliers de comptoir (il existe des thèses sur n'importe quoi), mais même les plus grands Champions du Poncif Ampoulé ne s'essaieraient pas à tenir cent pages sur un gros coup de latte dans la gueule. Motörhead défie trop de choses. Presque tout. La vie, le monde, les gens, le rock lui-même. Je disais plus haut ne pas me rappeler quel avait été mon premier Motörhead ; je me rappelle en revanche mon état de stupéfaction la première fois que j'ai écouté No Sleep 'til Hammersmith. Ce n'était pas tant le sentiment de n'avoir jamais rien entendu de pareil que celui de n'avoir jamais rien entendu, du tout, avant ce jour. La seule "Bomber"était meilleure que TOUS les groupes de rock que j'écoutais à l'époque. Meilleure que TOUT le metal qui se réclamait d'elle. Meilleure que TOUT le punk qui lui était contemporain. La rythmique totalement démentielle, le refrain terrible, le solo qui te donne envie de défoncer un truc... n'importe quel truc là maintenant – ou même le premier mec qui passe, aucune importance du moment que tu peux éclater quelque chose ou quelqu'un. Ce n'est pas explicable, même en dégoupillant toutes les bouteilles d'adjectifs de la cave : férocité, hargne, rage, violence... autant de mots qui paraissent totalement vides de sens quand on les dépose au pied de ce Monument du Rock. On peut tenter toutes les figures de style, se perdre en métaphores et en périphrases, convoquer la cosmologie ou l'immanence... au fin du fin, Motörhead est un groupe que tu ne pourras qualifier qu'avec des gros mots. Et promis, tu ne seras pas obligé de mettre vingt centimes dans ta tirelire après avoir dit que Motörhead ça déchire sa putain de mère de sa race. Je préfèrerais que tu évites devant tes parents mais entre nous : ça ira. Tout ira tant que tu ne me demandes plus jamais pourquoi Motörhead c'est bien. Tu as compris à ce stade, je pense, que Motörhead ce n'est pas : bien. Motörhead, c'est juste Motörhead. Ce putain de bordel de Motörhead.



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