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On était tous tellement Miossec

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Nous sommes en 1997 + 25 ans et tandis que Dominique A publiait il y a quelques semaines un quinzième album ambitieux, inventif, parfois raté mais pétri d'idées et de talent, Miossec continue d'essorer son back-catalogue. La comparaison est cruelle ? Pas plus que la réalité. Quand on se rappelle ce que l'un et l'autre ont pu représenter dans les années 90, à quel point ils ont, chacun dans son registre, révolutionné la manière dont on jouait et chantait le rock en français... la mise en parallèle de leurs trajectoires ne peut qu'interpeller. À Dominique la postérité, la crédibilité, les titres ronflants de Nouveau Bashung et les critiques dithyrambiques même lorsqu'il y aurait à redire. À Christophe la dérive variétoche, les autoplagiats, les retours aux sources foirés et les fulgurances étouffées au sein d'albums oscillant entre le gentiment anecdotique et le fortement embarrassant. Ne fût-ce la lassitude implacable que provoque aujourd'hui la seule évocation d'un nouveau disque de Miossec, on pourrait passer des pages à filer la comparaison et expliquer pourquoi ce hiatus n'est même pas si surprenant. Restons-en au constat initial : Dominique A, qui n'était à ses débuts qu'une discrète promesse, continue de créer, d'étonner, quitte à parfois décevoir. Miossec, qui relevait plutôt de l'énorme coup de latte dans la fourmilière, s'est pris la totalité du château de cartes sur la gueule et réédite ses albums cultes (Boire hier, Baiser aujourd'hui) dans l'espoir (on suppose) de rappeler à ceux qui n'y étaient pas à quel point il fut important – ce qui ne fait bien entendu que souligner auprès des autres à quel point il ne l'est plus. Tout ou presque tient dans la déclaration d'intention accompagnant la sortie1 : « À l’occasion de l’anniversaire des 25 ans de Baiser, nous allons rééditer ce disque fondateur, en version vinyle gatefold et CD digibook accompagnée d’un magnifique livret enrichi de photos inédites. Ce deuxième disque a incontestablement continué à faire bouger quelques lignes de l’histoire de la chanson. »2 

On ne sait si l'on doit se gausser de la grande humilité du propos, ou au contraire s'étonner de sa platitude. Ce ne serait donc que cela, Baiser ? Un album qui a fait bouger les lignes (et encore, juste quelques unes) ? La seule utilisation de cette hideuse expression BFM suffirait à justifier un article entier réclamant le licenciement de l'attaché de presse. Mais la vérité est qu'avec Miossec, on n'est plus à cela près. On a juste envie de répondre Chut, arrête. Ta gueule. On y était. Baiser, tu l'as peut-être publié mais nous, on se l'est pris en plein cœur – en plein tout ce qu'il était possible de se le prendre. Et puis est-ce qu'il y a au moins un inédit sur ta réédition d'abord ? Non ? Alors vraiment arrête. Chut. Ta gueule. Laisse nos souvenirs tranquilles et retourne faire un album chiant dont tu iras roucouler des extraits live chez Trapenard ou un autre du même genre. Laisse Baiser tranquille – tu ne le mérites pas.
 

J'aimerais vous dire que je suis en train de caricaturer ma propre aversion pour l'essentiel de ce qu'a pu produire Miossec depuis (facile) quinze ans. Que je n'en suis pas arrivé à un tel niveau de rejet vis-à-vis d'un artiste ayant accompagné une très grande partie de ma vie, et dont je persiste à écouter religieusement chaque nouvelle sortie, plusieurs fois, avant de me rendre à une conclusion que j'aurais dans le fond pu énoncer au bout de trois minutes. J'ai moi-même du mal, alors que je réécoute Baiser, à me convaincre que je pense sincèrement ce que je suis en train d'écrire. N'est-ce pas d'ailleurs le but de ce type de rééditions (en dehors de ramasser un peu de pognon en passant, ce qui ne fait jamais de mal) ? Tout remettre au même niveau en espérant que l'auditeur, tout à sa nostalgie, n'entendra rien au subterfuge ? Rabaisser Baiser au rang de modeste album ayant fait bouger les lignes (eurk) : en voilà un bon moyen de ne pas accabler ses innombrables successeurs, rejetons laborieux régurgitant tellement d'arrangements douteux et de jeux de mots navrants qu'ils en piétinent sans remords le déjà maigre héritage ? On dit souvent des grands albums, cultes, fédérateurs, qu'ils appartient à leur public plus qu'à leurs auteurs. S'agissant de Boire et Baiser, la figure de style s'intitule lapalissade. Ces deux chefs-d’œuvre bruts, flamboyants, parfaits jusque dans leurs imperfections... ne peuvent appartenir qu'à leur public puisque leur propre auteur les a abandonnés sur une ère d'autoroute. Rappelons que l'album ici honoré fut largement dénigré par Miossec lui-même durant les années qui suivirent, au point d'entraîner le licenciement de la quasi totalité du groupe jouant dessus.

Mais que trouve-t-on donc sur ce Baiser qui soit si extraordinaire que le freluquet du Golb veuille interdire à Miossec de le rééditer (qui plus est « en vinyle gatefold et CD digibook », ce qui n'est tout de même pas rien) ? S'il voulait être taquin, ledit freluquet répondrait « Guillaume Jouan », tant il est évident que c'est à partir du moment où son fidèle guitariste n'a plus été dans le coin que la discographie de Miossec a commencé à vriller. On l'aura noté au long des trois paragraphes précédents, la taquinerie n'est heureusement pas le genre de la maison. N'allez pas penser que ce soit par fascination pour la rade de Brest qu'on persiste vingt-cinq ans après à se farcir des albums comme Mammifères (au hasard). Faisons simple, puisque c'est sa principale qualité : Baiser est tout simplement le second meilleur album français de son époque, juste derrière Boire. Un petit précis de la désagrégation des couples sur le fond ; une grosse claque alt-country sur la forme. Il reprend une formule puissamment établie par son prédécesseur et la fait revenir dans l'électricité, tout en conservant ce qui rendait alors Miossec exceptionnel : une langue unique, viscérale, dont le sentiment de crudité ne découlait pas uniquement de l'usage de gros mots mais aussi (surtout) de sa manière de charcuter les pieds, d'éventrer les rimes, d'asséner la voix quand tous ses contemporains se contentaient de la poser. Miossec chante mieux sur ses deux (et même trois) premiers albums que sur tous les suivants, alors qu'il y chante paradoxalement moins. Il y a sur ces disques un art du phrasé, de l'éructation en faisant quelque chose de bien plus dur et rock'n'roll que ce que les arrangements eux-mêmes, plutôt apprêtés, parviennent à produire. Il en va de même, bien sûr, du vocabulaire.

 
On a souvent écrit que Miossec, plus encore que Renaud (dont il se réclamait alors, à juste titre), avait (r)amené le langage parlé dans la chanson française. C'est fort joliment dit et ferait du brave Christophe un genre de Céline de la pop, le problème, c'est que c'est doublement inexact : c'est précisément parce qu'il écrivait en s'affranchissant des contraintes littéraires franco-françaises que Miossec était révolutionnaire. Il introduisait dans la chanson francophone une approche typique de la musique anglo-saxone, directe, sans métaphores élaborées, sans images poétiques surfaites ni enluminures. La "chanson rock", au sens le plus strict d'un terme qui sera inventé bien plus tard, et utilisé à peu près n'importe comment pour désigner à peu près n'importe qui. Revenons un instant sur la comparaison inaugurale pour observer qu'à la fin des années 90, si le Nantais sonnait sans doute plus rock (il n'y a rien qui se rapproche d'albums comme La Fossette ou Remué dans la discographie Miossec), le Brestois, lui, se contentait de l'être. En 1997, vous entendiez « La Fidélité » à la radio et vous vous disiez Mais c'est quoi ce truc ? C'est qui ce mec ? Qu'est-ce qu'il raconte, là ? Qu'est-ce qu'il dit ? "Oh mon amour je crève de ne pouvoir te baiser" ? Il a vraiment chanté ça à la radio ?

Certes, pour tous ceux qui avaient entendu Boire durant les deux années précédentes, Baiser n'était déjà plus un électrochoc. Il enfonçait simplement le clou. Boire est meilleur, nettement. Il a cette pureté acoustique faisant que certains albums ne vieillissent jamais. Baiser ne fait pas ses vingt-cinq piges, mais quelques petites choses dans la prod sembleront un brin datées – en partie parce que ce disque, plus encore que son fameux prédécesseur, fut pompé à n'en plus finir par la suite. Sur le fond, Miossec pousse un peu trop les potards de la vulgarité par moments – si « La Fidélité » est un excellent exemple du choc esthétique que constitua son irruption dans le paysage musical de l'époque, c'est en revanche un titre assez peu représentatif de la richesse de cette langue, jamais si brillante que lorsqu'elle détourne la préciosité pour la confronter au réalisme le plus terre-à-terre (voir ces « lettres de repentir » sur lesquelles il convient de « tirer la chasse »). Qu'importe, puisque Baiser fait partie de ces albums dont mêmes les mauvaises chansons ont fini par devenir cultes. Les bonnes ? De « Ça sent le brûlé » à la reprise de Joe Dassin en passant par « Je plaisante », « L'Infidélité » ou la désespérément actuelle « On était tellement de gauche », ça pue tellement la sueur, la lose et la résignation que le seul terme qui vienne à l'esprit pour les désigner est bien entendu anglo-saxon : instant classic. Pas encore obsédé par la peur de devenir sa propre caricature3 et pas encore saturé de tous les tics de songwriting qu'on lui connaît aujourd'hui, le mec déboulait à chaque chanson comme un fou furieux, presque la bave au lèvres, pour nous raconter nos vies de merdes sans même les enjoliver un peu. C'était tout à la fois déplaisant et formidable, et la seule manière dont pouvait imaginer se fâcher un jour avec ce nouveau super copain, c'était à la fin d'une soirée trop arrosée dont on aurait tout oublié le lendemain, bouderies incluses.

Bref (dit-il au bout de trois pages). Miossec réédite Baiser. Faites-vous plaisir si vous ne l'avez pas, rachetez-le d'occase à 5 balles, il se trouve facilement et les rayures ou le livret jauni lui vont parfaitement au teint. Vous n'aurez certes pas droit au super digibook, mais comme vous ne savez pas plus que moi ce qu'est un digibook, je pense que vous aussi pourrez vivre sans.


Baiser
Miossec | [PIAS], 1997


1.Quant à l'art et la manière d'écrire une bio d'artiste, profitions-en pour renvoyer à cet excellent papier paru sur Gonzaï pas plus tard qu'hier (amusant hasard de calendrier).
2. Notez que dans ma grande mansuétude, j'ai pris soin de corriger les fautes d'orthographe. Je n'ai pas le dossier de presse en main mais j'ai tout de même retrouvé les mêmes sur trois sites différents...
3. Car c'est bien là le triste fin mot de l'histoire : à partir de Brûle (2001), Miossec fait d'évidents efforts pour ne pas s'enfermer dans une formule ou un personnage. Or non seulement il ne parvient que rarement à l'éviter (rien ne ressemble plus à une chanson de Miossec qu'une autre chanson de Miossec), mais chaque fois qu'il y parvient, l'auditeur a plutôt tendance à le regretter...


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