...
Deuxième épisode de notre odyssée de la golbitude en short et crampons et déjà, un constat amer : la liste que j'avais faite a changé soixante fois, l'ordre, les noms, plus rien n'est pareil et ce qui aurait dû être une promenade de santé est d'ores déjà devenu une purge. Parce que c'est bien gentil, de revendiquer une espèce de subjectivité absolue, mais finalement c'est aussi le meilleur moyen pour ne plus savoir soi-même comment organiser les choses. A la question "pourquoi ce joueur était-il dans cet épisode et pas dans celui d'avant ou d'après ?", la réponse s'avère donc le plus souvent être Parce que j'ai envie. Ce qui est après tout un choix éditorial comme un autre. Allez, tout de même, que les lecteurs se rassurent : ils échapperont à la sélection de l'excellent Simão, joueur que j'ai toujours porté en haute estime principalement parce que j'aime bien son nom et sa tête (et aussi un peu parce que j'ai toujours adoré Benfica, soit) (vous saviez qu'il jouait toujours ? J'ai découvert ça totalement par hasard l'autre fois. Ça ne m'a pas donné envie de regarder un match de L'Espanyol - n'exagérons rien - mais la nouvelle m'a bizarrement enthousiasmé).
(58) Sócrates (1974-89) Comme toute personne le mettant dans un top des meilleurs joueurs de l'univers-de-tous-les-temps-mais-quand-même-c'est-objectif, ce que je sais de Sócrates vient plus des livres que des innombrables fois où je l'ai vu jouer. Ce n'est pas grave, puisque Sócrates était classe, sexy, brésilien et de gauche, ce qui fait beaucoup de bonnes raisons de lui accorder une place démesurée dans tous les tops de l'univers en regard de son palmarès réel, assez mince (notez qu'avoir fait partie de la génération brésilienne de la Lose Ultime a pu aider aussi. N'empêche que je me souviens autrement mieux du grand Zico). Soyons honnêtes : s'il s'était appeler Bernardhenrylevies, je ne suis pas convaincu qu'il aurait eu la même postérité. Enfin : c'était un bon joueur, il paraît.
(57) Gianfranco Zola (1984-2005) De deux choses l'une. Soit vous êtes un lecteur du Golb qui ne connaît rien au foot, et vous êtes en train de lire cette page sans esquisser le moindre mouvement de sourcil. Soit vous êtes un lecteur du Golb s'y connaissant au moins un peu, et là, vous vous demandez très franchement ce que le brave Zola vient foutre dans cette galère (surtout devant Sócrates). Je ne vais pas vous mentir : moi aussi. Je ne sais pas quoi vous dire. J'ai toujours eu une vraie sympathie pour ce joueur italien pas ou plus assez fort pour jouer en Serie A à l'époque où c'était the place to be. Il y avait chez lui ce côté décalé, improbable, qui le rendait terriblement attachant. En 1996, alors qu'il débarquait à Chelsea, on expliquait que le football italien était trop cool et qu'il s'exportait. La vérité, c'est qu'hormis un petit truc dans l'apparence sur le terrain (et encore), Zola n'avait pas grand-chose d'un joueur italien et paraissait né pour jouer dans un championnat anglais encore moins tactique et esthétique qu'il ne l'est aujourd'hui (ce qui n'est pas peu dire). A déjà trente balais, le mec était à la fin d'une carrière de second rôle, s'apprêtait à prendre sa retraite internationale (si tant est qu'il ait eu autre chose qu'une carrière de figurant en sélection) et venait s'échouer dans ce qui était à l'époque un club de seconde zone. On connaît la suite : une palanquée de buts, quelques titres bien sentis (dont une Coupe des Coupes qui disparaîtrait l'année suivante), et une renaissance faisant de l'éternel second couteau l'une des plus grandes légendes d'un club qui, désormais, compte. Zola était déjà sympa à la base, mais avouez qu'avec tout ça, c'était difficile de ne pas l'aimer.
(56) Paul Scholes (1993-2013) Quand j'étais môme, j'étais persuadé qu'un box to boxétait un gars qui collait tout le temps au derrière de l'adversaire en lui rentrant dans le lard le plus souvent possible. C'était un peu idiot mais il faut dire à ma décharge que, comme nous le notions juste au-dessus, la physionomie du foot anglais accréditait parfaitement cette hypothèse. Autant vous dire que du coup je ne comprenais pas vraiment pourquoi l'appellation revenait souvent à propos de Paul Scholes, joueur certes assez viril, mais pas plus que n'importe lequel ses compatriotes dans l'époque pré-Wenger (promis, je vous raconterai un jour pourquoi et comment Wenger, dont il est de bon de ton de se moquer, est l'entraîneur le plus important de toute l'histoire du foot briton). Au contraire, Scholes à son meilleur semblait souvent un esthète paumé au milieu d'un village de bûcherons incultes, a fortiori lorsqu'il évoluait avec une équipe nationale qui ne sut jamais vraiment quoi faire d'un tel talent et finit par lui préférer Beckham (non mais quel pays de beaufs, quand on y pense). Bref ! Le temps que je comprenne ce que signifiait réellement l'expression, c'était trop tard : Scholes ne jouait plus comme ça. Il est vrai qu'en vingt ans de carrière, le rouquin le plus cool du football mondial a joué de bien des manières, anticipant avec une décennie et demi d'avance les milieux ultra complets qui sont désormais devenus la norme. Tant et si bien qu'il n'y a pas réellement un Scholes mais une bonne demi-douzaine selon la période mancunienne, la dernière incarnation en date ayant plus souvent flatté les nostalgiques qu'impressionné des amateurs qui, malgré tout, n'auront pu s'empêcher de verser une larmichette lorsque l'inévitable nouvelle fut officialisée, finalement dans une relative indifférence puisque éclipsée par la retraite de sa superstar de coach. Quand ça veut pas...
(55) Jérémy Menez (2004-) Pour la France du foot, Ménez est un abruti qui se tape une bimbo de real tv et fait tout le temps la gueule. Pour Le Golb, Ménez est un héros qui met à l'amende la moitié des défenses du monde. Et fait tout le temps la gueule. Au vrai, peu de joueurs symbolisent mieux que lui le rapport ambigu et souvent bas de plafond qui unit l’Équipe de France à son public. Un jour, quelqu'un a décidé que la fameuse génération 87 était composée d'une bande de branleurs qui ne concrétiseraient jamais les espoirs placés en eux - et fermez le ban. Pourtant, Ménez est sans le moindre doute l'un des meilleurs ailiers de sa génération. Le regarder jouer, quel que soit le contexte, est un véritable plaisir pour les yeux précisément pour les raisons qui font que tant de gens le détestent : parce qu'il ne sourit jamais. Parce qu'il a toujours plus ou moins l'air de s'en foutre (du match, de ses partenaires, de ses adversaires, du football et probablement de la vie). Parce qu'il transpire la nonchalance et la facilité. Et après tout pourquoi pas ? Pourquoi se faire un infarctus quand vos seules qualités (vitesse, passes, placement) suffisent à surclasser la moitié des autres joueurs ? Pas un joueur français, à l'heure actuelle, n'offre un jeu aussi léché, aussi fluide que le soi-disant "gros abruti beauf" Jérémy Ménez. Le reste n'est que littérature.
(54) Josep "Pep" Guardiola (1990-2006) On l'oublierait presque, mais avant de devenir l'entraîneur bardé de trophées que l'on connaît aujourd'hui, le Philosophe fut l'un des joueurs les plus élégants de sa génération. Si l'on a souvent tendance à décréter hâtivement qu'il était le Xavi de Cruyff (comprendre par là évidemment que Xavi fut plutôt le Guardiola de Guardiola), ce qui n'est en soi pas faut en terme d'impact dans le jeu et de positionnement sur le terrain, c'est pourtant bien de Pirlo qu'il se rapprocherait le plus à l'époque moderne. Même vision du jeu incroyable, même sens du placement presque inné, même capacité à peser dans les phases offensives tout en jouant de manière très reculée. Et surtout, même distinction chaque fois qu'il foulait une pelouse. C'est ce qu'on en retient finalement, tant d'années plus tard : l'image d'un type dont les mouvements étaient trop purs et trop admirablement chorégraphiés pour le réduire à un simple accessoire - même aussi essentiel qu'un métronome.
(53) Alain Giresse (1970-88) Inconditionnel des Girondins depuis ma plus tendre enfance, par tradition familiale avant tout, j'ai un peu honte de dire que mes plus marquants souvenirs du meilleur joueur de toute l'histoire du club sont relatifs à... ses dernières saisons à l'OM, soit donc chez l'Ennemi majuscule. Marrant de voir qu'on l'a presque oublié aujourd'hui et que Giresse, auteur de ce qui fut vécu par tout un peuple comme monstrueuse trahison, reste plus qu'aucun sportif français synonyme de Classe. Passons. Reste donc l’Équipe de France, cet Euro gagné, ce Mondial perdu-mais-quelque-part-gagné-quand-même, le Carré magique... toutes choses déjà dites et écrites un millions de fois auxquelles je ne peux qu'apporter mon approbation. Giresse, c'était une certaine idée du foot et une formidable sobriété, à la ville comme à la scène. Au train où vont les choses, les mecs comme ça auront disparu de l'univers du sport dansquelques années vingt minutes environ.
(52) Alain Caveglia (1988-2002) Pour le commun des mortels, Caveglia restera sans doute éternellement associé à l'OL, dont il a considérablement marqué l'histoire. Pour Le Golb, il va sans dire que c'est sa carrière au HAC - avant et après - qui reste dans la mémoire. C'est que des mecs surnommés goal ou gol quelque chose, autant vous dire qu'on n'en pas vu passer des masses du côté de Deschaseaux. Pas facile d'en lâcher un quand il croise votre route (mais ça, c'est un peu toute l'histoire du HAC). Plus encore que ses buts rarement beaux mais toujours salvateurs, l'évocation de Caveglia me rappelle ma déception de gosse en apprenant qu'il partait rejoindre Lyon, pile au moment où le club réussissait à trouver un semblant de dynamique (c'est-à-dire qu'il ne se battait plus depuis quelques temps pour le maintien, regain de forme auquel Cavegol, notamment durant une exceptionnelle première saison, fut loin d'être étranger). Elle me rappelle aussi - c'eût été triste de se quitter sur un mauvais souvenir - mon plaisir de jeune adulte lorsqu'il revint pour finir sa carrière et qu'il entreprit, plutôt que de se contenter de toucher son chèque de fin de mois en vieille gloire traînant son amertume sur les pelouses de D2, de faire remonter le club quasiment à lui tout seul. Statistique amusante et assez révélatrice de l'efficacité de cette légende de feu la D1, dont la non-sélection en Équipe de France aura de loin constitué l'un des plus grands mystères de mon adolescence : au moment de son départ en retraite, Caveglia avait joué exactement le même nombre de match durant ses deux passages au HAC, pour quasiment le même même nombre de buts marqués (à un près), le tout à presque à dix ans d'écart. De mémoire, je ne connais pas tellement d'attaquants vieillissants capables d'en dire autant.
(51) Rui Manuel César Costa, dit Rui Costa (1990-2008) De Rui Costa, je ne me souviens de rien et je me souviens de tout. Cette élégance. Cette fluidité dans le plus petit geste. Ce port altier. Mon meilleur copain de l'époque s'exclamant que Putain, même son nom est classe ! Alors non, je ne me souviens de rien de Rui Costa, pas d'un match en particulier, pas d'une action plutôt que d'une autre. Mais oui, je me souviens de tout de Rui Costa, c'est-à-dire de tout ce que le voir sur un terrain provoquait en moi, de la fascination pour chacun de ses gestes, chacune de ses ouvertures, chaque détail de cette silhouette qu'on reconnaissait toujours aisément même à la télé : c'était la seule qui brillait. Les Français croient souvent que Zidane était le plus grand 10 de sa génération. Les amateurs de foot, eux, savent de quoi il retourne. Dans une époque où le moindre joueur talentueux est qualifié de génie, il faudrait obliger tous les journalistes à revoir ne serait-ce que dix minutes du Portugais. Ils comprendraient. En le voyant, on ne pouvait que comprendre. Rui Costa, ou le joueur qui vous donnait presque envie de visionner chaque match uniquement au ralenti.
(50) Bixente Lizararu (1988-2006) Liza a passé tellement de temps ces dernières années à faire la morale à la moitié de la planète foot qu'on en oublierait presque, parfois, à quel point il fut un remarquable joueur. Ce message s'adresse donc principalement aux jeunes qui nous lisent : nous parlons là d'un type qui a tout de même gagné, outre le fameux doublé 98/2000, sept championnats nationaux dont quatre doublés coupe/championnat. D'un type, oui, le raisonneur là-bas, qui a disputé deux finales européennes dont une Ligue des Champions ramenée dans sa besace. D'un arrière gauche qui a fait partie d'une des - sinon de la - meilleures lignes de défense de tous les temps. D'un monstre physique qui, quand la plupart de ses petits copains allaient moisir au Qatar sur leurs vieux jours, était toujours, à trente-six ans, le meilleur défenseur de Bundesliga, championnat qu'il visita en véritable pionnier dès la fin des années quatre-vingt-dix. D'un guerrier dont je revois encore le visage rageur dans les dernières minutes du Grèce-France de 2004, quand les autres - tous les autres - s'étaient déjà résignés. Alors ok. Peut-être qu'en y repensant, il a le droit de l'ouvrir un peu. Même s'il reste tout de même assez énervant.
(49) Paolo Maldini (1985-2009) Ce n'est pas un joueur et quelque part, ce n'est même pas un homme. Pour moi, Paolo Maldini restera toujours un regard. Chaque fois que je le voyais sur un terrain, c'étaient ses yeux, ce bleu-gris un peu fané, qui aimantaient les miens. Bien sûr, je pourrais me lancer dans un long discours sur les qualités du joueur, qui a révolutionné le poste d'arrière latéral et fait peut-être bien partie des très rares à avoir réellement inventé quelque chose dans le football. Je pourrais insister sur sa simplicité, son humilité et, comme tout le monde, je pourrais terminer tranquillement en insistant sur sa fidélité à un unique maillot (celui du Milan), parce que rendez-vous compte comme c'est rare et beau et grand et même que ça le rend encore beaucoup mieux. Mais ce serait un gros mensonge. Maldini, c'était (et c'est toujours, je suppose) un regard d'une profondeur étonnante, par lequel transitaient tant de choses, tant d'émotions, tant de sensations sur lesquelles on ne parvenait jamais à mettre des mots. Je vous ai dit que ce top ne serait absolument pas objectif ? Oui ? Eh bien maintenant, vous savez qu'il sera encore totalement arbitraire.
Ils auraient pu être là aussi. Et puis en fait, non :Steve McManaman, Ryan Giggs, Mario Balotelli, Carlo Ancelotti, Marco van Basten, Bruno Roux, Kaka...
Deuxième épisode de notre odyssée de la golbitude en short et crampons et déjà, un constat amer : la liste que j'avais faite a changé soixante fois, l'ordre, les noms, plus rien n'est pareil et ce qui aurait dû être une promenade de santé est d'ores déjà devenu une purge. Parce que c'est bien gentil, de revendiquer une espèce de subjectivité absolue, mais finalement c'est aussi le meilleur moyen pour ne plus savoir soi-même comment organiser les choses. A la question "pourquoi ce joueur était-il dans cet épisode et pas dans celui d'avant ou d'après ?", la réponse s'avère donc le plus souvent être Parce que j'ai envie. Ce qui est après tout un choix éditorial comme un autre. Allez, tout de même, que les lecteurs se rassurent : ils échapperont à la sélection de l'excellent Simão, joueur que j'ai toujours porté en haute estime principalement parce que j'aime bien son nom et sa tête (et aussi un peu parce que j'ai toujours adoré Benfica, soit) (vous saviez qu'il jouait toujours ? J'ai découvert ça totalement par hasard l'autre fois. Ça ne m'a pas donné envie de regarder un match de L'Espanyol - n'exagérons rien - mais la nouvelle m'a bizarrement enthousiasmé).
(58) Sócrates (1974-89) Comme toute personne le mettant dans un top des meilleurs joueurs de l'univers-de-tous-les-temps-mais-quand-même-c'est-objectif, ce que je sais de Sócrates vient plus des livres que des innombrables fois où je l'ai vu jouer. Ce n'est pas grave, puisque Sócrates était classe, sexy, brésilien et de gauche, ce qui fait beaucoup de bonnes raisons de lui accorder une place démesurée dans tous les tops de l'univers en regard de son palmarès réel, assez mince (notez qu'avoir fait partie de la génération brésilienne de la Lose Ultime a pu aider aussi. N'empêche que je me souviens autrement mieux du grand Zico). Soyons honnêtes : s'il s'était appeler Bernardhenrylevies, je ne suis pas convaincu qu'il aurait eu la même postérité. Enfin : c'était un bon joueur, il paraît.
(57) Gianfranco Zola (1984-2005) De deux choses l'une. Soit vous êtes un lecteur du Golb qui ne connaît rien au foot, et vous êtes en train de lire cette page sans esquisser le moindre mouvement de sourcil. Soit vous êtes un lecteur du Golb s'y connaissant au moins un peu, et là, vous vous demandez très franchement ce que le brave Zola vient foutre dans cette galère (surtout devant Sócrates). Je ne vais pas vous mentir : moi aussi. Je ne sais pas quoi vous dire. J'ai toujours eu une vraie sympathie pour ce joueur italien pas ou plus assez fort pour jouer en Serie A à l'époque où c'était the place to be. Il y avait chez lui ce côté décalé, improbable, qui le rendait terriblement attachant. En 1996, alors qu'il débarquait à Chelsea, on expliquait que le football italien était trop cool et qu'il s'exportait. La vérité, c'est qu'hormis un petit truc dans l'apparence sur le terrain (et encore), Zola n'avait pas grand-chose d'un joueur italien et paraissait né pour jouer dans un championnat anglais encore moins tactique et esthétique qu'il ne l'est aujourd'hui (ce qui n'est pas peu dire). A déjà trente balais, le mec était à la fin d'une carrière de second rôle, s'apprêtait à prendre sa retraite internationale (si tant est qu'il ait eu autre chose qu'une carrière de figurant en sélection) et venait s'échouer dans ce qui était à l'époque un club de seconde zone. On connaît la suite : une palanquée de buts, quelques titres bien sentis (dont une Coupe des Coupes qui disparaîtrait l'année suivante), et une renaissance faisant de l'éternel second couteau l'une des plus grandes légendes d'un club qui, désormais, compte. Zola était déjà sympa à la base, mais avouez qu'avec tout ça, c'était difficile de ne pas l'aimer.
(56) Paul Scholes (1993-2013) Quand j'étais môme, j'étais persuadé qu'un box to boxétait un gars qui collait tout le temps au derrière de l'adversaire en lui rentrant dans le lard le plus souvent possible. C'était un peu idiot mais il faut dire à ma décharge que, comme nous le notions juste au-dessus, la physionomie du foot anglais accréditait parfaitement cette hypothèse. Autant vous dire que du coup je ne comprenais pas vraiment pourquoi l'appellation revenait souvent à propos de Paul Scholes, joueur certes assez viril, mais pas plus que n'importe lequel ses compatriotes dans l'époque pré-Wenger (promis, je vous raconterai un jour pourquoi et comment Wenger, dont il est de bon de ton de se moquer, est l'entraîneur le plus important de toute l'histoire du foot briton). Au contraire, Scholes à son meilleur semblait souvent un esthète paumé au milieu d'un village de bûcherons incultes, a fortiori lorsqu'il évoluait avec une équipe nationale qui ne sut jamais vraiment quoi faire d'un tel talent et finit par lui préférer Beckham (non mais quel pays de beaufs, quand on y pense). Bref ! Le temps que je comprenne ce que signifiait réellement l'expression, c'était trop tard : Scholes ne jouait plus comme ça. Il est vrai qu'en vingt ans de carrière, le rouquin le plus cool du football mondial a joué de bien des manières, anticipant avec une décennie et demi d'avance les milieux ultra complets qui sont désormais devenus la norme. Tant et si bien qu'il n'y a pas réellement un Scholes mais une bonne demi-douzaine selon la période mancunienne, la dernière incarnation en date ayant plus souvent flatté les nostalgiques qu'impressionné des amateurs qui, malgré tout, n'auront pu s'empêcher de verser une larmichette lorsque l'inévitable nouvelle fut officialisée, finalement dans une relative indifférence puisque éclipsée par la retraite de sa superstar de coach. Quand ça veut pas...
(55) Jérémy Menez (2004-) Pour la France du foot, Ménez est un abruti qui se tape une bimbo de real tv et fait tout le temps la gueule. Pour Le Golb, Ménez est un héros qui met à l'amende la moitié des défenses du monde. Et fait tout le temps la gueule. Au vrai, peu de joueurs symbolisent mieux que lui le rapport ambigu et souvent bas de plafond qui unit l’Équipe de France à son public. Un jour, quelqu'un a décidé que la fameuse génération 87 était composée d'une bande de branleurs qui ne concrétiseraient jamais les espoirs placés en eux - et fermez le ban. Pourtant, Ménez est sans le moindre doute l'un des meilleurs ailiers de sa génération. Le regarder jouer, quel que soit le contexte, est un véritable plaisir pour les yeux précisément pour les raisons qui font que tant de gens le détestent : parce qu'il ne sourit jamais. Parce qu'il a toujours plus ou moins l'air de s'en foutre (du match, de ses partenaires, de ses adversaires, du football et probablement de la vie). Parce qu'il transpire la nonchalance et la facilité. Et après tout pourquoi pas ? Pourquoi se faire un infarctus quand vos seules qualités (vitesse, passes, placement) suffisent à surclasser la moitié des autres joueurs ? Pas un joueur français, à l'heure actuelle, n'offre un jeu aussi léché, aussi fluide que le soi-disant "gros abruti beauf" Jérémy Ménez. Le reste n'est que littérature.
(54) Josep "Pep" Guardiola (1990-2006) On l'oublierait presque, mais avant de devenir l'entraîneur bardé de trophées que l'on connaît aujourd'hui, le Philosophe fut l'un des joueurs les plus élégants de sa génération. Si l'on a souvent tendance à décréter hâtivement qu'il était le Xavi de Cruyff (comprendre par là évidemment que Xavi fut plutôt le Guardiola de Guardiola), ce qui n'est en soi pas faut en terme d'impact dans le jeu et de positionnement sur le terrain, c'est pourtant bien de Pirlo qu'il se rapprocherait le plus à l'époque moderne. Même vision du jeu incroyable, même sens du placement presque inné, même capacité à peser dans les phases offensives tout en jouant de manière très reculée. Et surtout, même distinction chaque fois qu'il foulait une pelouse. C'est ce qu'on en retient finalement, tant d'années plus tard : l'image d'un type dont les mouvements étaient trop purs et trop admirablement chorégraphiés pour le réduire à un simple accessoire - même aussi essentiel qu'un métronome.
(53) Alain Giresse (1970-88) Inconditionnel des Girondins depuis ma plus tendre enfance, par tradition familiale avant tout, j'ai un peu honte de dire que mes plus marquants souvenirs du meilleur joueur de toute l'histoire du club sont relatifs à... ses dernières saisons à l'OM, soit donc chez l'Ennemi majuscule. Marrant de voir qu'on l'a presque oublié aujourd'hui et que Giresse, auteur de ce qui fut vécu par tout un peuple comme monstrueuse trahison, reste plus qu'aucun sportif français synonyme de Classe. Passons. Reste donc l’Équipe de France, cet Euro gagné, ce Mondial perdu-mais-quelque-part-gagné-quand-même, le Carré magique... toutes choses déjà dites et écrites un millions de fois auxquelles je ne peux qu'apporter mon approbation. Giresse, c'était une certaine idée du foot et une formidable sobriété, à la ville comme à la scène. Au train où vont les choses, les mecs comme ça auront disparu de l'univers du sport dans
(52) Alain Caveglia (1988-2002) Pour le commun des mortels, Caveglia restera sans doute éternellement associé à l'OL, dont il a considérablement marqué l'histoire. Pour Le Golb, il va sans dire que c'est sa carrière au HAC - avant et après - qui reste dans la mémoire. C'est que des mecs surnommés goal ou gol quelque chose, autant vous dire qu'on n'en pas vu passer des masses du côté de Deschaseaux. Pas facile d'en lâcher un quand il croise votre route (mais ça, c'est un peu toute l'histoire du HAC). Plus encore que ses buts rarement beaux mais toujours salvateurs, l'évocation de Caveglia me rappelle ma déception de gosse en apprenant qu'il partait rejoindre Lyon, pile au moment où le club réussissait à trouver un semblant de dynamique (c'est-à-dire qu'il ne se battait plus depuis quelques temps pour le maintien, regain de forme auquel Cavegol, notamment durant une exceptionnelle première saison, fut loin d'être étranger). Elle me rappelle aussi - c'eût été triste de se quitter sur un mauvais souvenir - mon plaisir de jeune adulte lorsqu'il revint pour finir sa carrière et qu'il entreprit, plutôt que de se contenter de toucher son chèque de fin de mois en vieille gloire traînant son amertume sur les pelouses de D2, de faire remonter le club quasiment à lui tout seul. Statistique amusante et assez révélatrice de l'efficacité de cette légende de feu la D1, dont la non-sélection en Équipe de France aura de loin constitué l'un des plus grands mystères de mon adolescence : au moment de son départ en retraite, Caveglia avait joué exactement le même nombre de match durant ses deux passages au HAC, pour quasiment le même même nombre de buts marqués (à un près), le tout à presque à dix ans d'écart. De mémoire, je ne connais pas tellement d'attaquants vieillissants capables d'en dire autant.
(51) Rui Manuel César Costa, dit Rui Costa (1990-2008) De Rui Costa, je ne me souviens de rien et je me souviens de tout. Cette élégance. Cette fluidité dans le plus petit geste. Ce port altier. Mon meilleur copain de l'époque s'exclamant que Putain, même son nom est classe ! Alors non, je ne me souviens de rien de Rui Costa, pas d'un match en particulier, pas d'une action plutôt que d'une autre. Mais oui, je me souviens de tout de Rui Costa, c'est-à-dire de tout ce que le voir sur un terrain provoquait en moi, de la fascination pour chacun de ses gestes, chacune de ses ouvertures, chaque détail de cette silhouette qu'on reconnaissait toujours aisément même à la télé : c'était la seule qui brillait. Les Français croient souvent que Zidane était le plus grand 10 de sa génération. Les amateurs de foot, eux, savent de quoi il retourne. Dans une époque où le moindre joueur talentueux est qualifié de génie, il faudrait obliger tous les journalistes à revoir ne serait-ce que dix minutes du Portugais. Ils comprendraient. En le voyant, on ne pouvait que comprendre. Rui Costa, ou le joueur qui vous donnait presque envie de visionner chaque match uniquement au ralenti.
(50) Bixente Lizararu (1988-2006) Liza a passé tellement de temps ces dernières années à faire la morale à la moitié de la planète foot qu'on en oublierait presque, parfois, à quel point il fut un remarquable joueur. Ce message s'adresse donc principalement aux jeunes qui nous lisent : nous parlons là d'un type qui a tout de même gagné, outre le fameux doublé 98/2000, sept championnats nationaux dont quatre doublés coupe/championnat. D'un type, oui, le raisonneur là-bas, qui a disputé deux finales européennes dont une Ligue des Champions ramenée dans sa besace. D'un arrière gauche qui a fait partie d'une des - sinon de la - meilleures lignes de défense de tous les temps. D'un monstre physique qui, quand la plupart de ses petits copains allaient moisir au Qatar sur leurs vieux jours, était toujours, à trente-six ans, le meilleur défenseur de Bundesliga, championnat qu'il visita en véritable pionnier dès la fin des années quatre-vingt-dix. D'un guerrier dont je revois encore le visage rageur dans les dernières minutes du Grèce-France de 2004, quand les autres - tous les autres - s'étaient déjà résignés. Alors ok. Peut-être qu'en y repensant, il a le droit de l'ouvrir un peu. Même s'il reste tout de même assez énervant.
(49) Paolo Maldini (1985-2009) Ce n'est pas un joueur et quelque part, ce n'est même pas un homme. Pour moi, Paolo Maldini restera toujours un regard. Chaque fois que je le voyais sur un terrain, c'étaient ses yeux, ce bleu-gris un peu fané, qui aimantaient les miens. Bien sûr, je pourrais me lancer dans un long discours sur les qualités du joueur, qui a révolutionné le poste d'arrière latéral et fait peut-être bien partie des très rares à avoir réellement inventé quelque chose dans le football. Je pourrais insister sur sa simplicité, son humilité et, comme tout le monde, je pourrais terminer tranquillement en insistant sur sa fidélité à un unique maillot (celui du Milan), parce que rendez-vous compte comme c'est rare et beau et grand et même que ça le rend encore beaucoup mieux. Mais ce serait un gros mensonge. Maldini, c'était (et c'est toujours, je suppose) un regard d'une profondeur étonnante, par lequel transitaient tant de choses, tant d'émotions, tant de sensations sur lesquelles on ne parvenait jamais à mettre des mots. Je vous ai dit que ce top ne serait absolument pas objectif ? Oui ? Eh bien maintenant, vous savez qu'il sera encore totalement arbitraire.
Ils auraient pu être là aussi. Et puis en fait, non :Steve McManaman, Ryan Giggs, Mario Balotelli, Carlo Ancelotti, Marco van Basten, Bruno Roux, Kaka...