...
[Taux de spoil : 12 %] C'est l'histoire d'un homme qui meurt. Pas moins. Pas beaucoup plus, lorsque l'on prend la peine d'y regarder plus près. Un homme qui meurt lentement, sûrement, qui semble ne pas en avoir conscience et qui pourtant agi comme s'il n'avait que cette idée en tête.
Boss aurait pu s'arrêter à la fin de sa première saison. Ou même dû, selon certains, auxquels on ne pourra pas complètement donner tort sans toutefois parvenir à être tout à fait d'accord avec eux. La mort brutale d'Ezra Stone, la déchéance d'Emma... Tom Kane au milieu, contemplant les ruines de sa ville et de sa vie - agonisant mais moins que jamais prêt à raccrocher les gants. C'était une fin plus qu'acceptable : bonne, dure et à hauteur de l'amoralité de la série. Mais Starz en a décidé autrement. A dire vrai, la chaîne a été la première à s'en mordre les doigts, qui prolongea le programme presque immédiatement et sans se douter que les audiences allaient être misérables (ils ne sont tout de même pas très malins, chez Starz). Bref : il a fallu continuer. Écrire la suite - ou plutôt la fin.
Pour toutes les raisons invoquées dans le paragraphe précédent, il faut attaquer la seconde et ultime saison de Boss en ayant bien à l'esprit qu'elle sera de toute façon superfétatoire. C'est probablement la seule manière de l'apprécier à sa juste (haute) valeur, tant elle s'éloigne volontairement - et pertinemment - de sa prédécesseuse. Ce chapitre qui n'en est pas un ne raconte pas la chute ; il ne se veut pas (du moins pas réellement) la suite de l'histoire mais en constitue plus prosaïquement une forme d'appendice, un vrai-faux épilogue dont on aura d'ailleurs tôt fait de deviner les grandes lignes (oui, Kane meurt un peu plus à chaque plan. Oui, Zajac est amoché par son goût pour les femmes. Oui, tout cela se passe dans l'indifférence la plus totale des citoyens de Chicago, dont la vie est tout aussi âpre et qui ont bien d'autres chats à fouetter). On ne peut pas vraiment dire que c'est moins bien, car le fait est que c'est assez différent, parfois loin du cynisme et du sentiment de résignation permanent qui hantaient la précédente saison. Parce que les scénaristes succombent à cette petite lâcheté scénaristique consistant à tenter donner un visage un peu plus tendre à leur héros, un peu. Parce qu'ils ont eu le courage de partir vers quelque chose d'autre, beaucoup. D'une certaine manière, Boss n'est plus tout à fait une série politique. Elle repose moins sur l'addiction au pouvoir que sur un portrait empreint de pitié pour une bête politique agonisante ; ne seraient-ce deux dernières heures bien plus noires et cassant un peu la dynamique qui finissait de s'installer, cela ferait presque de cette saison deux le double inversé de la première. Dans celle-ci, la maladie de Kane n'était qu'un artifice, un postulat de départ qui se réduisait à la portion congrue au fur et à mesure que se développait le récit. Cette fois, c'est donc le contraire : la maladie de Kane est tout, au point de se substituer à lui puisqu'on sait de moins s'il avance motivé par un sincère besoin de rédemption ou s'il se contente d'osciller au gré de ses lubies et de ses hallucinations (la réponse la plus probable étant bien évidemment les deux). Le contraste est saisissant et le résultat étrangement moins anxiogène. Parce que plus humain. Parce que toujours aussi désespéré, mais absolument plus de la même manière tant le regard de - sur - Kane a fini par glisser. Par instants, on se surprend même à être touché par la détresse de ce vieux bonhomme malade qui s'agite dans son bocal sans paraître avoir conscience que le monde a déjà commencé à fonctionner sans lui. C'est ici que réside la beauté de cette saison ; dans cette succession de mauvais choix motivés par de bonnes intentions (soit donc là encore l'inverse presque absolu de ce que narrait initialement la série). Histoire d'une agonie en même temps que récit par le menu d'un suicide politique, Boss 1.2 constitue au final une singulière mise en perspective de la première version, presque un remake, dans le fond : on garde le concept, le lieux, la plupart des personnages ; et l'on raconte une autre histoire. La nuance étant évidemment que si la première saison de Boss n'avait jamais existé, la seconde n'aurait pas la même beauté et ne secouerait pas de la même manière - les meilleures appendices ne sauraient se substituer aux plus mauvais romans.
Boss (saison 2), créée par Farhad Safinia (Starz, 2012)
[Taux de spoil : 12 %] C'est l'histoire d'un homme qui meurt. Pas moins. Pas beaucoup plus, lorsque l'on prend la peine d'y regarder plus près. Un homme qui meurt lentement, sûrement, qui semble ne pas en avoir conscience et qui pourtant agi comme s'il n'avait que cette idée en tête.
Boss aurait pu s'arrêter à la fin de sa première saison. Ou même dû, selon certains, auxquels on ne pourra pas complètement donner tort sans toutefois parvenir à être tout à fait d'accord avec eux. La mort brutale d'Ezra Stone, la déchéance d'Emma... Tom Kane au milieu, contemplant les ruines de sa ville et de sa vie - agonisant mais moins que jamais prêt à raccrocher les gants. C'était une fin plus qu'acceptable : bonne, dure et à hauteur de l'amoralité de la série. Mais Starz en a décidé autrement. A dire vrai, la chaîne a été la première à s'en mordre les doigts, qui prolongea le programme presque immédiatement et sans se douter que les audiences allaient être misérables (ils ne sont tout de même pas très malins, chez Starz). Bref : il a fallu continuer. Écrire la suite - ou plutôt la fin.
Pour toutes les raisons invoquées dans le paragraphe précédent, il faut attaquer la seconde et ultime saison de Boss en ayant bien à l'esprit qu'elle sera de toute façon superfétatoire. C'est probablement la seule manière de l'apprécier à sa juste (haute) valeur, tant elle s'éloigne volontairement - et pertinemment - de sa prédécesseuse. Ce chapitre qui n'en est pas un ne raconte pas la chute ; il ne se veut pas (du moins pas réellement) la suite de l'histoire mais en constitue plus prosaïquement une forme d'appendice, un vrai-faux épilogue dont on aura d'ailleurs tôt fait de deviner les grandes lignes (oui, Kane meurt un peu plus à chaque plan. Oui, Zajac est amoché par son goût pour les femmes. Oui, tout cela se passe dans l'indifférence la plus totale des citoyens de Chicago, dont la vie est tout aussi âpre et qui ont bien d'autres chats à fouetter). On ne peut pas vraiment dire que c'est moins bien, car le fait est que c'est assez différent, parfois loin du cynisme et du sentiment de résignation permanent qui hantaient la précédente saison. Parce que les scénaristes succombent à cette petite lâcheté scénaristique consistant à tenter donner un visage un peu plus tendre à leur héros, un peu. Parce qu'ils ont eu le courage de partir vers quelque chose d'autre, beaucoup. D'une certaine manière, Boss n'est plus tout à fait une série politique. Elle repose moins sur l'addiction au pouvoir que sur un portrait empreint de pitié pour une bête politique agonisante ; ne seraient-ce deux dernières heures bien plus noires et cassant un peu la dynamique qui finissait de s'installer, cela ferait presque de cette saison deux le double inversé de la première. Dans celle-ci, la maladie de Kane n'était qu'un artifice, un postulat de départ qui se réduisait à la portion congrue au fur et à mesure que se développait le récit. Cette fois, c'est donc le contraire : la maladie de Kane est tout, au point de se substituer à lui puisqu'on sait de moins s'il avance motivé par un sincère besoin de rédemption ou s'il se contente d'osciller au gré de ses lubies et de ses hallucinations (la réponse la plus probable étant bien évidemment les deux). Le contraste est saisissant et le résultat étrangement moins anxiogène. Parce que plus humain. Parce que toujours aussi désespéré, mais absolument plus de la même manière tant le regard de - sur - Kane a fini par glisser. Par instants, on se surprend même à être touché par la détresse de ce vieux bonhomme malade qui s'agite dans son bocal sans paraître avoir conscience que le monde a déjà commencé à fonctionner sans lui. C'est ici que réside la beauté de cette saison ; dans cette succession de mauvais choix motivés par de bonnes intentions (soit donc là encore l'inverse presque absolu de ce que narrait initialement la série). Histoire d'une agonie en même temps que récit par le menu d'un suicide politique, Boss 1.2 constitue au final une singulière mise en perspective de la première version, presque un remake, dans le fond : on garde le concept, le lieux, la plupart des personnages ; et l'on raconte une autre histoire. La nuance étant évidemment que si la première saison de Boss n'avait jamais existé, la seconde n'aurait pas la même beauté et ne secouerait pas de la même manière - les meilleures appendices ne sauraient se substituer aux plus mauvais romans.
Boss (saison 2), créée par Farhad Safinia (Starz, 2012)