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Les Résidus des restes des ruines du Monde

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[Mes disques à moi (rien qu'à moi) - N°125]
The Eye of Every Storm - Neurosis (2004)

La Fin du Monde a pris une bonne décennie de retard. Une Apocalypse, ça demande un peu de temps à organiser. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en considération. Je crois que les réfractaires ne se rendent pas bien compte de l'énergie qu'il faut pour planifier simultanément une pandémie, une troisième guerre mondiale, une catastrophe écologique et des émeutes de la faiml'essence des retr... (enfin peu importe, à vrai dire : la faim ne tardera pas à suivre – à moins que la soif ne précède, le Grand Ordonnateur hésite encore). Quand vous avez près de huit milliards d'employés engagés dans un projet, il y a forcément des petits retards qui s'accumulent ici ou là. Il peut même arriver qu'un de vos principaux sous-traitants vous lâche pile au moment crucial, comme l'a tristement fait Scott Kelly il y a quelques mois, confirmant en un seul communiqué pour le moins pathétique ce que beaucoup murmuraient en coulisses depuis quelques temps déjà, à savoir que le modèle d'intégrité punk était dans le privé une véritable sous-merde, et que Neurosis n'existait virtuellement plus depuis plusieurs années. Pas de bol quand même puisque ça y est : nous y sommes, le monde tel que nous le connaissons n'a clairement plus que quelques années à vivre, les choses sérieuses vont enfin pouvoir commencer et les albums de Neurosis, servir à un peu plus qu'être la bande annonce oppressante de ce qui nous attend (de vous à moi : vous avez bien fait, pour les stocks de PQ).

Ce n'est certainement pas maintenant que l'on va se lancer dans le Panégyrique des qualités d'un monsieur dont on a de toute façon déjà dit beaucoup de bien en ces pages (on n'en retirera pas un mot), mais il faut reconnaître qu'à défaut d'avoir été un bon père de famille, Kelly fut un sacré prophète. Non pas tant en initiant une énième sous-sous-chapelle dont le rock n'avait assurément pas besoin (si quelqu'un a compris ce qu'était exactement le post-metal – à part une bande de mecs prise de tête n'assumant pas de faire du metal, s'entend – qu'il dépose un commentaire ci-dessous ou se taise pour le peu d’Éternité qu'il nous reste), mais en nous donnant un aperçu tout à fait singulier de ce qui nous attend d'ici quelques mois (ou dans dix minutes, selon le niveau d'irritation de Vladimir P. à la minute où nous écrivons). Depuis le monstrueux Enemy of the Sun (1993), qui le voyait rompre une fois pour toute avec le hardcore bas-de-gamme de ses débuts, Neurosis mit en effet un point d'honneur à peindre, dépeindre et repeindre l'agonie de notre pauvre monde sous toutes les coutures et de toutes les couleurs – souvent en rouge sang, parfois dans les noirs d'une nuit éternelle ou, le cas échéant : en gris, puisque The Eye of Every Storm est sans conteste le plus beau disque jamais écrit sur un hiver nucléaire.


Le choix de cet album plutôt qu'un autre n'a bien entendu rien d'anodin. Tous les fans, tous les critiques et moi également, dans le fond, vous affirmeront sans la plus petite hésitation que l'ouvrage incontournable de Neurosis est paru en 1999 et s'intitule Times of Grace. C'est l'archétype du breakthrough album, soit cette fenêtre de temps généralement très courte où un artiste réussit à toucher un public massif en dehors de son pré-carré habituel. Au moment de sa sortie, Neurosis est encore un groupe dont la presse ne sait pas trop quoi faire, qui revendique son appartenance à la sphère metal tout en étant issu de la prolifique scène punk californienne de la fin des 80's, et sort d'une tournée triomphale avec Pantera tout en convoquant des influences très éloignées de la doxa habituelle du genre – Kelly est fan de blues, Steve Von Till inconditionnel de Hawkwind, et le groupe dans son ensemble, lorsqu'il ne fricote pas avec les Michael Gira, Jarboe et compagnie, voue un culte tout à fait exquis à King Crimson ou Neubauten. Il suffit de voir le sommaire de Hard Rock Magazine ce mois-là (des gens aussi audacieux et révolutionnaires que Maiden, Metallica, Marduk, Iced Earth ou Rhapsody...) pour comprendre l'embarras général au moment de découvrir Times of Grace (qui aura cela dit, soyons de bonne foi, une excellente critique dans ce même Hard Rock Mag... ainsi qu'à peu près partout ailleurs). Tout cela est fort bien mais à peine annonciateur de ce qui va suivre. Car si la trajectoire de Neurosis reste à l'époque assez difficile à saisir, Times of Grace en tant que tel est incontestablement un album de metal. C'est même, objectivement, l'album le plus facile à catégoriser que le groupe ait jamais réalisé, ce qui explique sans doute en grande partie sa popularité. Ceux d'avant sont un peu entre deux eaux ; sur ceux d'après, il est carrément parti voir ailleurs si on y était (la réponse étant évidemment "non" puisque nous étions tous morts durant l'Apocalypse – merci de suivre).


Revenons à The Eye of Every Storm, album très largement déconsidéré à sa sortie, non pas tant en raison de ce qu'il est qu'à cause de ce qu'il n'est pas : à savoir, précisément, un album de metal conventionnel. S'il reste encore quelques jeunes parmi les lecteurs de ce blog, il leur faudra sans doute un certain effort intellectuel pour comprendre ce que j'entends par-là. C'est qu'ils auront grandi en étant abreuvé du fascinant mensonge collectif véhiculé par des évènements comme le Hellfest et voulant que le metal, somme toute, soit une grande famille bon enfant où chaque chapelle cohabite respectueusement avec sa voisine – parce qu'à la fin de la journée, on n'a peut-être pas exactement la même passion, mais on a le même maillot frappé du numéro 666. Bullshit que tout cela. Le metal, comme le rock lui-même et comme à vrai dire tous les arts, ne s'est construit qu'à coup d'oppositions stylistiques violentes, de tornades balayant des vagues bousculant des statuts établis. Le grunge, ou le néo-metal après lui1, n'étaient pas en leur temps considérés comme du metal au même titre que les nobles plagiaires descendants de Maiden ou de Slayer. Les inconditionnels de death accordaient à peine un regard aux fans de black, et si les groupes de goth-metal écoutaient tous Cure et Depeche Mode en cachette, croyez bien qu'il se gardaient farouchement en interview de clamer autre chose que leur amour inconditionnel pour Judas Priest (et éventuellement Celtic Frost, pour les plus courageux). Dans un tel contexte, un album comme The Eye of Every Storm ne pouvait fondamentalement pas être apprécié à sa juste valeur ni même simplement compris, puisque le public auquel il entendait s'adresser ne possédait aucune des clés pour le comprendre. S'il n'entrait dans aucune case prédéfinie par la presse metal, c'était donc probablement qu'il n'en était pas.

Et l'assertion, à vrai dire, n'était que partiellement fausse. The Eye of Every Storm, œuvre languide et frigide, relève au moins autant du post-rock que du doom. Elle garde du second ce sentiment d'une menace fondant inexorablement sur l'auditeur désarmé, mais emprunte au premier à peu près tout le reste, à commencer par les progressions harmoniques – c'est-à-dire l'essentiel, ou presque, dans un album ne comprenant que huit titres dont un seul fait moins de six minutes. Les fabuleux derniers instants du monstrueux "No River to Take Me Home"évoquent infiniment plus Godspeed, Nine Inch Nails ou la dark-folk d'And Also The Trees que ce bon vieux heavy metal, et ceci n'est presque rien en regard du monument que constitue, juste après, le morceau éponyme. "The Eye of Every Storm", la chanson, invente des genres et des mondes jamais entendus ni parcourus jusqu'alors, quelque part entre Mogwai, Current 93 et les romans southern gothic de Cormac McCarthy. Osons détourner une vieille citation, devenue quasi proverbiale : certains groupes bâtissent des carrières avec moins d'idées qu'il n'y en a sur ce titre. Qu'on n'aille pas croire que mon évidente difficulté à évoquer The Eye of Every Storm au premier degré relève d'un quelconque dédain, voire d'une envie inavouée de me payer la tronche de ses auteurs. Arrive simplement un moment où les mots viennent à manquer s'agissant de décrire une telle expédition, un voyage à la fois si contemplatif et si courageux en des terres si manifestement inhospitalières. Le huitième LP de Neurosis, sans rien renier des bases posées depuis le début de sa fructueuse collaboration avec Steve Albini (qui signe probablement ici la production la plus sophistiquée d'une carrière richissime en trucs non-arrangés sur lesquels il se contenta d'apposer son nom), explore le ton autant qu'il réinvente le son, pour produire quelque chose d'unique, en apesanteur perpétuelle, tout à la fois massif (ô combien !) et presque vaporeux par instants. Si, replacé dans le contexte d'une discographie où il n'a jamais été question que de creuser des sillons à coups de marteaux piqueurs, The Eye of Every Storm apparaît comme la suite logique à un A Sun that Never Sets qui incorporait de plus en plus d'éléments électro-acoustiques à l'habituel arsenal du groupe, il sonne également, avec ce qu'il faut de recul, comme un accomplissement. L'ultime pierre déposée au pied d'un immense temple tout entier élevé au Chaos qui nous habite, à la Déchéance qui nous guette et au Gouffre qui n'attend qu'un dernier faux pas de notre part pour nous engloutir enfin. "A Season in the Sky", pour singulier qu'il ait pu sembler sur le moment, sonne désormais ni plus ni moins comme le morceaux que Neurosis cherchait à composer depuis une décennie, tournant et retournant sans cesse autour de sa poésie désolée– au sens le plus strict que puisse recouvrir ce terme.

On ergota beaucoup, alors, y compris au sein du public le plus dévoué au groupe, sur cette immense calotte glaciaire que Neurosis semblait se refuser à laisser fondre – The Eye of Every Storm était un album trop froid, trop dépeuplé, un vaste jeu vidéo en open-world dans lequel on aurait oublié d'implémenter des personnages et mêmes des quêtes. C'est pourtant bien aujourd'hui ce qui lui confère une beauté presque absurde. The Eye of Every Storm est une errance sans but dans un monde sans vie, parsemée de quelques éclats de rage à la vanité évidente – puisque plus rien ne subsiste, l'Amour comme la Haine sont des concepts sans objet, seule la douleur reste pour nous rappeler sporadiquement que nous demeurons des êtres sensibles. On ne s'étonnera pas que dès l'album suivant, Given to the Rising, Neurosis ait officiellement renoué avec un son plus proche de sa période dorée. Il était moins question de revenir aux sources que de reconstruire un semblant de quelque chose après avoir tout détruit sur A Sun that Never Sets, pour passer la grosse heure de The Eye of Every Stormà arpenter l'ombre de la poussière subsistant de ses décombres. J'entends que présenté ainsi, le programme ne soit pas des plus alléchants ; le lecteur égaré n'aura guère envie de s'approcher de ce précipice-là, ou peut-être préfèrera-t-il simplement se voiler la face quant à l'avenir de l'humanité (qui serions-nous pour juger ?) Il aura tort – bien entendu. Et je ne saurais trop vous enjoindre à vaincre votre répulsion initiale. The Eye of Every Storm fait partie de ces quelques dizaines d'albums qu'il convient d'avoir absolument écouté, pour de vrai, au moins une fois dans sa vie. Profitez donc d'en avoir encore une pour quelques minutes.


Trois autres disques pour découvrir Neurosis :

Times of Grace (1999)
A Sun that Never Sets (2001)
Honor Found in Decay (2012)


1.Rappelons, pour l'histoire autant que le fun, que la dénomination englobait alors à peu près tout ce qui n'était pas du heavy metal classique, de Korn à Manson en passant par Tool.


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