Quantcast
Channel: LE GOLB
Viewing all articles
Browse latest Browse all 494

George R.R. Martin - Tergiversations autour d'un maître du genre

$
0
0
...
Dans tous les domaines ou presque, il est de bon ton de se moquer de ce que l'on appelle faute de mieux "les nouveaux fans". Simples amateurs parfois, curieux qui resteront ou ne resteront pas, mais dont le point commun est d'arriver longtemps après les préliminaires et rapidement après la hype. Ces suiveurs. Ces ignares qui ne savaient pas avant tout le monde (c'est-à-dire avant MOI). J'aimerais tourner cela en dérision mais j'avoue que c'est non seulement un phénomène que je comprends, mais encore une tentation à laquelle il peut m'arriver de céder. C'est un sentiment de confiscation aussi idiot que très humain.

On reconnaît facilement un "nouveau fan" de Game of Thronesà la manière qu'il a d'appeler la saga de George Martin Game of Thrones, ce qui n'est pas son titre, même si l'on conviendra que c'était le plus évident, le plus évocateur, le plus limpide et le moins lourdingue (A Song of Ice & Fire, franchement...). Or, le "nouveau fan" de Game of Thrones, s'il est bien une chose pour laquelle on a le droit de lui en vouloir, c'est de ne pas connaître sa chance. Non pas tant de découvrir peu à peu l'univers de la série, mais tout simplement de le faire avec un œil frais sans avoir eu à attendre des années entre chaque tome. Je le dis d'autant plus sérieusement que j'ai moi-même découvert l’œuvre de Martin assez tardivement, et ne fais donc pas partie de ceux qui ont attendu frénétiquement ce cinquième volume durant six longues années, pour qui je n'ai que respect et compassion.

Car soyons honnêtes, si c'est un lieu commun que de dire au moment de la découverte d'un ouvrage tant attendu que la crainte se mêle à l'excitation, dans le cas d'une saga aussi foisonnante que complexe, c'est surtout la crainte qui prédomine. Aussi, plutôt de se perdre dans l'impossible synthèse d'un ouvrage dont le principal est défaut est - attention spoiler de la suite de l'article - son incapacité crasse à pratiquer l'art délicat de synthèse... je vous propose une petite visite guidée d'A Dance with Dragons au travers des trois principales craintes qui saisissent immanquablement le lecteur au moment de l'entamer.

Crainte N°1 : ne plus s'y retrouver, se mélanger entre les quatre-cent-trois-mille personnages secondaires, avoir totalement occulté des détails devant s'avérer capitaux et se sentir finalement un peu étranger à cet univers que l'on a autrefois parcouru avec tant de plaisir. Sans doute la crainte la plus fondée de toutes, et pourtant bizarrement celle qui se dissipe le plus rapidement - au bout de quelques chapitres seulement. D'une part, la construction d'A Dance with Dragon (nous allons y revenir plus bas) s'y prête. On ne l'avait pas vraiment envisagé, mais l'on réalise que la plupart des personnages que Martin avait abandonnés à la fin du troisième tome ne l'avaient pas été n'importe où : la plupart étaient à la croisée des chemins, venaient de solder pas mal de conflits, et pouvaient donc être retrouvés (beaucoup) plus tard sans que la compréhension du récit n'en souffre trop. L'exemple le plus parlant est celui de Tyrion Lannister (mais cela ne fonctionne pas beaucoup moins bien concernant Jon, Daenarys - ou plus encore Theon) : on l'avait laissé en fuite après avoir assassiné son père, c'est-à-dire à un moment où le personnage était écarté de la plupart des intrigues auxquelles il était jusqu'alors intrinsèquement lié. A cette qualité assez nébuleuse s'ajoute l'extrême fluidité du récit, qui malgré la longueur des descriptions a rarement paru aussi vif, rythmé - alors même qu'il ne raconte en réalité pas grand-chose durant le premier tiers. Malgré les années nous séparant de la lecture d'A Feast for Crows (un peu plus de deux, dans mon cas), on rentre dans A Dance with Dragons comme dans un moulin, même s'il faut tout de même jeter de temps en temps un coup d’œil à la carte du monde. Encore ceci est-il écrit par quelqu'un n'étant pas le plus fin spécialiste de la série. Autant dire que pour un die hard fan, tout cela n'aura été qu'une promenade de santé.

Bilan pour la crainte n°1 : infondée

Crainte N°2 : que la série littéraire se soit mainstreamisée avec le succès de la série télévisée, autrement dit qu'elle se soit simplifiée ou faite plus racoleuse pour coller à un show qui, pour très fidèle qu'il soit, n'en est pas moins bien plus glamour et catchy que ne l'ont jamais été les bouquins. Si vous avez bondi en lisant l'intitulé, laissez-moi vous dire que vous êtes de bien piètres connaisseurs de la littérature populaire contemporaine, car les exemples sont légions. Le plus fameux d'entre eux étant évidemment évidemment Harry Potter (pas de mainstreamisation dans ce cas, bien entendu). Récemment encore, The Walking Dead version BD n'a plus tout à fait été la même à partir du moment où elle a été déclinée en série. S'il y a bien une chose que l'on était en droit de craindre au moment d'attaquer A Dance with Dragons, c'est que la saga se mette à téter la roue d'une adaptation qui a de toute façon déjà figé l'imaginaire du spectateur/lecteur. Par exemple en injectant toujours plus de cul (l'une des grandes spécificités de la version HBO, récemment récompensée pour cela), ou l'en faisant involontairement glisser les personnages de l’œuvre papier vers leurs équivalents télévisés. Rien d'étonnant ni de foncièrement répréhensible, d'ailleurs : un auteur est un être humain, pas un mur imperméable aux influences, et voir un univers qui l'accompagne depuis plus d'une décennie subitement projeté à l'écran ne peut pas ne pas avoir d'impact sur son imaginaire et sa manière de l'appréhender, quoiqu'il tente pour s'en préserver. Or, si la première crainte a été facilement balayée, celle-ci s'avère beaucoup moins nettement tranchée. Certes, Martin ne s'est pas mis à mettre une scène de cul par chapitre, il ne s'est pas prostitué lui-même, et a globalement préservé l'intégrité de son cycle. En revanche, l'écriture a bien changé de manière perceptible. Les chapitres sont de plus en plus courts ; l'utilisation des cliffhangers, aussi, s'avère souvent bien plus appuyée (et bien plus gratuite) qu'elle ne l'était par le passé, notamment dans les deux cents dernières pages, qui inondent le lecteur de rebondissements parfois un peu douteux. Or, paradoxalement, l'intrigue n'a jamais donné l'impression d'avancer aussi lentement, à tel point que s'il semble acquis que si le troisième tome (A Storm of Swords) sera adapté en plusieurs temps, celui-ci devrait en revanche être facile à condenser tant foultitude de choses y semblent superflues (ce qui ne signifie nullement, entendons-nous bien, qu'elles soient déplaisantes). Du rythme, oui, mais dans quel but, finalement ? Si A Dance with Dragonsétait une série télé et que l'on était cruel, on pourrait être tenté de dire en caricaturant à peine que celle-ci se compose à 80 % d'épisodes fillers.

Bilan pour la crainte n°2 : mitigé

Crainte N°3 : que trop de temps se soit écoulé et que la série ne soit plus tout à fait ce qu'elle était. Tous les lecteurs de l'incontournable The Dark Tower, qu'ils aient aimé ou non sa dernière partie, vous dirons la même chose : lorsque King a retrouvé le chemin de son œuvre-maîtresse après six ans de stand-by, quelque chose avait changé. La preuve : même moi qui l'ait adorée, j'ai cette fâcheuse tendance à l'appeler la dernière partie alors que ces trois livres et près de deux mille pages représentent en proportion plus de la moitié du récit. Pourtant, avec Wolves of the Calla (2003), c'était presque une seconde série qui commençait. On pouvait d'autant plus craindre que le même phénomène se produise chez Martin qu'A Feast for Crows, en dépit de ses nombreuses qualités, avait - on l'avait noté à l'époque - des airs de série dans la série. Et le fait que l'auteur continue à injecter de nouveaux point of view charactersà un rythme effréné n'avait rien pour rassurer. Pourtant, nulle trace tangible de ce syndrome dans A Dance with Dragon. Certes, le style est plus aéré, certes aussi, le nombre de lieux évoqués et/ou explorés devient de plus en plus délirant, mais globalement, c'est toujours à cette bonne vieille chanson de glace et de feu que l'on a affaire. Peut-être même plus que dans le précédent volet, qui marquait une véritable rupture dans la continuité narrative, quand celui-ci reprend le plus gros de ce qui faisait l'efficacité des trois premiers épisodes - même dans leurs temps faibles. Sauf que justement, c'est là que le bât blesse.

Bilan pour la crainte n°3 : R.A.S.

Crainte subsidiaire : que ce soit juste, tout simplement, moins bien. Il va falloir être franc, malgré toute l'admiration que l'on voue à George Martin et la fascination qu'inspire sa saga : A Dance with Dragons n'est qu'un bon roman, plaisant quoiqu'environ 1,5 fois trop long. Pas moins, mais pas beaucoup plus, ce qui est fatalement décevant au regard des attentes et fantasmes qu'il a pu engendrés, et en fait sans doute l'épisode le moins abouti du cycle. Il se lit avec plaisir, contient d'excellents passages... et énormément de faiblesses, lorsque son auteur - celui-là même qui s'était payé la tronche de la dernière saison de Lost (on est peu de choses) - ne tombe pas purement et simplement dans le déni d'écriture. Si la manière dont A Feast for Crows balayait une grosse partie des repères du lecteur ne manquait pas de panache, son courage et sa radicalité sont largement relativisés par celle, autrement plus pataude, dont Martin essaie désormais de se raccrocher aux branches. Pensez donc qu'A Dance with Dragons se déroule à la fois avant, pendant et après son prédécesseur, ce qui serait absolument révolutionnaire si c'était voulu (ça ne l'était pas à la base, l'auteur a la bonne foi de le reconnaître), mais ne paraît ici qu'un artifice narratif grossier visant à ralentir déraisonnablement une intrigue dont, déjà, beaucoup se plaignaient depuis des années de la lenteur. Au terme d'A Dance with Dragons, les choses ont relativement peu avancé, ce qui ne serait pas grave en soi si cela n'avait pas déjà été le cas au terme d'A Feast for Crows, six ans plus tôt. Nous plaisantions plus haut sur le côté "filler" de certains passages... mais dans le fond, c'est tout A Dance with Dragons qui n'est qu'un monumental - et parfois sublime - épisode filler. Il n'est certes pas question d'avoir un rapport utilitaire et contingent au récit. Tous les éléments d'une histoire n'ont pas à servir à quelque chose, la beauté de la littérature réside en partie là-dedans. Mais quand la majorité des éléments d'une histoire donnent le sentiment de n'être là que pour décorer ou meubler, cela demeure assez fâcheux. Drapé dans une posture de grand écrivain qu'il n'a en rien usurpée, Martin a tendance à négliger un aspect essentiel de toute saga (a fortiori littéraire) : lorsque après cinq volumes et plus de quatre mille pages (environ) on en est encore à rédiger une scène d'exposition tous les dix chapitres, c'est qu'il y a tout de même un léger problème dans le plan de travail. Vous vous demandiez pourquoi j'avais choisi ce plan inhabituel en guise d'article ? C'est tout simplement parce que, quand les épisodes précédents s'articulaient autour de thèmes et/ou de figures fortes, celui-ci part un peu dans les tous les sens au point d'être n'être quasi pas résumable, que ce soit du pont de vue de l'intrigue comme du point de vue thématique. Il est même par moments l'antithèse de ce qui faisait la série, en cela qu'autrefois, les personnages étaient immobiles dans l'espace tout en évoluant beaucoup, quand ils sont à présent tous plus ou moins en goguette mais mentalement figés. Le résultat, c'est un roman dont la narration se donne de grands airs de complexité tout en étant dans le fond très linéaire, avançant bêtement d'un point A à point B, sans grande folie les trois quarts du temps.

L'ensemble étant malgré sa longueur relativement avare en surprises, le sentiment final demeure un peu mitigé. Oui, c'est bien. Oui, cela se lit étonnamment vite et facilement pour un ouvrage de cette taille. Oui, l'univers de la série n'a rien perdu de son pouvoir d'attraction, ni ses personnages de leur pouvoir de fascination, notamment Theon Greyjoy, qui réussit à l'occasion de ce tome un combeack fracassant et s'en octroie les plus beaux moments. Mais arriver au bout de mille pages avec un arrière-goût d'inachevé est difficile à accepter de la part d'un auteur qui avait jusqu'ici toujours surgit là où on ne l'attendait pas, et qui semble cette fois un peu en pilotage automatique par instants. Peut-être cette remarque est-elle rangée dans la mauvaise catégorie - elle devrait figurer dans la case Crainte N°2. Celle de l'auteur devenu esclave de son monstrueux succès et essayant bon an mal an de s'en dépêtrer, pas forcément avec bonheur lorsqu'il se retrouve contraint de glisser un chapitre de (presque) tous les personnages par-ci par-là, parfois avec la plus grande inconséquence. Après tout, dans A Dance with Dragons, Martin commet surtout l'erreur de donner à ses fans hardcore (anciens et nouveaux) ce qu'ils veulent. Or un fan, ça ne veut pas être surpris ni dérouté (s'il ne le savait pas sur la ligne de départ, George ne pouvait plus l'ignorer depuis A Feast of Crows). Un fan d'A Song of Ice & Fire veut du Snow, du Dany, le tout servi avec une bonne louche de conflits intérieurs et d'héroïsme simpliste. C'est ce qu'il aura donc, et encore avec bon cœur, et toujours avec un indéniable talent. Il n'empêche que, ce faisant, Martin se perd un peu lui-même. Et les lecteurs les plus exigeants avec. Ceux qui se foutent pas mal de savoir qui est la mère de Jon Snow et attendent juste qu'on leur serve un roman du niveau des trois premiers volets.


A Song of Ice & Fire, vol. V : A Dance with Dragons, de George R.R. Martin (2011)

Viewing all articles
Browse latest Browse all 494

Trending Articles


Patama Quotes – Tanga love tagalog quotes


Pokemon para colorear


Sapos para colorear


tagalog love Quotes – Tiwala Quotes


Patama tagalog quotes – Move On Quotes


Ligaw Quotes – Courting Quotes – Sweet Tagalog Quotes


Tropa Quotes


Hugot Lines 2020 Patama : ML Edition


RE: Mutton Pies (frankie241)


EASY COME, EASY GO


FORECLOSURE OF REAL ESTATE MORTGAGE


Girasoles para colorear


Gwapo Quotes : Babaero Quotes


Long Distance Relationship Tagalog Love Quotes


Boy Banat Patama Tagalog Love Quotes for you


Inggit Quotes and Kabit Quotes – Tagalog Patama Quotes


INUMAN QUOTES


Re:Mutton Pies (lleechef)


Vimeo 10.7.0 by Vimeo.com, Inc.


Vimeo 10.7.1 by Vimeo.com, Inc.