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Son of a Bitch

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[Mes livres à moi (et rien qu'à moi) N°62]
Batman : Year One - Frank Miller & David Mazzucchelli (1987)

Je n'ai jamais été un grand fan de Frank Miller. Non pas tant en raison de ses prises de positions politiques (dont je me bats d'autant plus les steaks que la plupart des héros DC Comics, à commencer par Batman, ont toujours été un brin réacs sur les bords) que parce qu'il incarne à mes yeux une espèce de quintessence de l'auteur de comics chiants et maniérés qui se prend très au sérieux. Un genre d'Alan Moore paroxystique et raté (car l'auteur de Watchmen ou From Hell est un génie, lui) dont l'égo démesuré non seulement l'aurait empêché de s'améliorer, mais l'aurait encore encouragé à se complaire dans une forme de médiocrité esthétique merveilleusement incarnée par Sin City (aka la série de comics la plus surestimée de tous les temps). Sans surprise, c'est dans les balbutiements de son travail qu'il m'a toujours paru le plus inspiré (soit donc, en gros, Daredevil– encore qu'il y ait pas mal à dire aussi à ce sujet), quand le reste de son œuvre oscille entre les bonnes idées réduites en bouillies (The Dark Knight Returnsétait excellent mais n'aurait jamais dû avoir de suite), les trucs éculés ultra-sentencieux (Ronin) et les daubes vénérées par des légions d'incultes (Sin City, donc, mais ça marche aussi avec 300). Ajoutez à cela un égo d'une taille inversement proportionnelle à la qualité intrinsèque de son œuvre, saupoudrez d'un soupçon d'hypocrisie assez déplaisant (Miller crache depuis vingt ans sur une industrie sans laquelle il ne serait rien et pour laquelle il n'a jamais cessé de travailler, même une fois devenu une superstar)... et vous comprendrez aisément que la dernière chose que j'avais envie de faire était de l'évoquer dans la rubrique la plus passionnée et fétichiste de ce blog.

Et pourtant, aussi dingue que cela puisse me paraître lorsque je prends le temps d'y penser (c'est-à-dire le moins souvent possible), je suis moi-même un enfant de Frank Miller. Ma vie n'aurait assurément pas été la même sans son Batman : Year One, que je possédais dans sa version française de l'époque (Vengeance oblige) et qui, compte tenu de sa date de publication chez nous (1988), doit probablement être le premier album mettant en scène un superhéros que j'aie jamais possédé1. Possédé sans réellement, cela va sans dire, en supposer la valeur ni en saisir la portée culte. Le fait que je n'aime aujourd'hui plus vraiment Miller ou que ce ne soit même pas mon Batman préféré ne change rien à l'affaire : une première véritable rencontre avec le Chevalier Noir2, pour un petit garçon, ça compte plus que n'importe quel argument sérieux.


De ma lecture de l'époque, étrangement, je me rappelle surtout l'odeur de soufre – je parle au sens propre, bien que la réflexion fonctionne également au sens figuré. Je n'avais jamais rien senti de semblable, et aujourd'hui encore cela reste l'une de mes odeurs préférées, agréable et vaguement nauséeuse à la fois, qui malheureusement tend à disparaître. Puis, confusément, de ce costume reprenant ce que je découvrirai plus tard être l’emblème originel3, d'une chauve souris (une vraie) fracassant une fenêtre et des dernières cases, où le commissaire Gordon allume sa pipe en pensant à ce type qui menace d'empoisonner les réservoirs d'eau de la ville – "Il se fait appeler le Joker. J'ai un ami en chemin qui pourrait peut-être aider. Il devrait arriver d'une minute à l'autre." Sur le coup, j'avais trouvé assez génial que l'ouvrage s'achève sur cette simple évocation de la Némésis de Batman, réduite à une indicible menace4– la conclusion parfaite à une centaine de pages oppressantes durant lesquelles le héros n'a pas grand-chose de super et enregistre plus d'échecs que de victoires. Avec le recul, j'ai fini par comprendre que c'était tout sauf une pirouette, et que ce n'était pas un hasard si le seul ennemi habituel du justicier à apparaître était Catwoman : le côté outrancier du Joker l'avait probablement disqualifié d'office, quand Selina Kyle a ce côté profondément élégant et expressionniste seyant à ravir tant à l'univers de Miller qu'aux dessins de David Mazzucchelli. Reste qu'il en découle cette idée sous-jacente, qui fera plus qu'école, voulant que Batman soit un fou parmi les fous générant ses propres ennemis en entendant les combattre. Ici réside sans doute le plus grand apport de Miller à la mythologie de Gotham City, bien plus que dans la glauquerie de son univers. L'idée n'était pas inédite (on la retrouve déjà en substance sous la plume de Steve Englehart, une décennie plus tôt), mais elle était suffisamment neuve et bien exploitée pour marquer durablement un personnage qui n'avait jamais semblé aussi introverti, ne s'exprimant quasiment que par l'entremise d'un stream of conciousness revisité à la sauce comics. Le Batman version Miller parle peu et agit surtout, dans l'ombre si ce n'est dans les ténèbres. Le trait sans fioritures de Mazzucchelli (déjà acolyte de Miller sur Daredevil et qui, lui, rompra réellement avec l'industrie peu après) fait du vigilante une silhouette glaçante, parfois difficile à distinguer, n'apparaissait que de noir vêtue dans décors dévastés et obscurs. Une petite révolution esthétique à l'époque, car si Batman avait déjà opéré plusieurs dark turns depuis sa création, et si ses aventures pré-Miller, contrairement à ce que l'on raconte souvent (et que Miller lui-même prend un malin plaisir à corroborer), étaient déjà assez sombres, sa couleur dominante était depuis de nombreuses années un genre de bleu nuit qu'on pouvait même retrouver, parfois, dans les cheveux de Bruce Wayne.


Il va sans dire que compte tenu de l'antipathie que m'inspire l'auteur, j'aurais voulu conclure en vous disant que ce n'est pas la meilleure aventure de Batman. Je n'aurais pas vraiment eu à me forcer, puisque c'est la vérité : le combo The Long Halloween/Dark Victory restera probablement indépassable pour l'éternité. Mais ceux-ci n'auraient jamais vu le jour sans Miller – Jeph Loebe et Tim Sale se sont contentés de faire mieux avec le même matériel, d'exceller dans ce que Miller ne voulait de toute façon pas faire (en gros, intégrer le reste de la mythologie à cette réinvention). Year One demeure – malheureusement ? – le plus important, au moins à égalité avec le Batman primitif de Bob Kane et celui, trop souvent oublié, du long run de Dennis O'Neil dans les années soixante-dix, qui fut le premier à présenter le justicier comme un être traumatisé avide de vengeance5. Sous la plume de Miller, Batman est plus et moins qu'un superhéros : une légende urbaine angoissante d'un côté, un type seul et faillible de l'autre. Cette approche sur le fil a à ce point modifié la perception que l'on avait du personnage que désormais, plus personne ne saurait l'imaginer autrement que comme cet être brisé, déchiré par des pulsions contraires, luttant pour le bien mais fondamentalement addictà la violence. Il y a eu d'excellents épisodes de Batman par la suite, y compris dernièrement (Batman est même sans doute le seul héros classique de DC – avec Wonder Woman – à ne pas avoir été ruiné par les derniers relaunch), mais aucun n'a su, pu ni même simplement essayé de s'écarter de cette vision sèche et ultra-minimaliste dont on se rappelle à peine, aujourd'hui, qu'elle ne fut pas du goût de tout le monde à l'époque. Qu'importe, du reste, puisque les ambitions de DC, qui venait de totalement rebooter son univers, avaient été largement surpassées par le résultat. Ce sale con de Miller a tout simplement amené plus de gamins (et d'adultes ! et de critiques !) à l'éditeur que tous ses prédécesseurs mis bout à bout. Le petit Thomas Sinaeve compris.


Trois Six autres volumes pour commencer à gravir le mont Batman :

Batman in the Seventies (anthologie 1971-79, 2000)
Strange Apparitions (1978)
The Killing Joke (1988)
The Long Halloween (1997)
Batman : Ego (2000)
Dark Victory (2000)


1.Il y a sans doute eu des périodiques un peu avant ; je me souviens de quelques Spidey et Captain America, et aussi beaucoup de M.A.S.K. et de Tortues Ninja (mais je suis presque sûr que les comics mettant en scène ces dernières ont été traduits plus tard en France, vers 90/91). Tout cela reste assez confus dans ma mémoire.
2.La série télé totalement barrée ne mérite pas d'être prise en considération. Même si elle est cool.
3.Le fameux logo jaune de Batman, toujours aussi populaire après des décennies à être malmené, n'apparaît qu'au début des années soixante.
4.Un pied de nez d'autant plus amusant que Miller n'a jamais eu l'intention d'écrire une suite à ces quatre petits épisodes, même s'il y en eut deux autres (Year Two et Full Circle) sous la direction de Mike Barr.
5.Accessoirement, on lui doit également la création de Ra's Al Ghul et les versions modernes de nombreux personnages phares de la franchise, à commencer par Double Face.


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