...
[Taux de spoil : 85 %] The Good Wife va nous manquer. C'est une évidence. Son intelligence, sa vivacité, sa capacité à mélanger tous les registres vont nous manquer – sans doute pour longtemps. C'est une grande série populaire qui s'achève, peut-être la plus grande des dernières années, l'une des seules sans doute à avoir permis aux grands... aux vieux Networks américains de garder la tête haute depuis l'explosion du câble et des providers. Elle a pu indifférer certains, mais à la différence de presque tout ce qu'ont pu produire les quatre (plus si) grands sur les sept dernières saisons, elle n'a toujours inspiré que le respect. Son refus du simplisme autant que de l'arrogance en ont fait un genre de modèle absolu de ce que la télé peut produire de mieux dans une époque faite de course à l'échalote, d'annulations ultra-brutales, de remake sordides et de vains reboots.
The Good Wife va nous manquer parce qu'elle était un OVNI dans nos plannings de visionnages hebdomadaires, ni série d'auteur ni série mainstream au sens où l'on entend habituellement ; procédurale, mais parcourue d'intrigues captivantes et capable de hisser le show à cahiers des charges jusqu'à des sommets rarement – voire jamais – atteints par la concurrence. Elle est presque parvenue à triompher de cette époque elle-même, où le zapping est devenu perpétuel et ou la tentation de brûler le soir ce qu'on adorait le matin, une presque norme.
The Good Wife va nous manquer tout simplement parce qu'il est toujours triste de laisser partir une série que l'on a suivie chaque semaine durant tant d'années, a fortiori quand tout porte à croire qu'il y en aura de moins en moins sous cette forme. Très en prise avec l'actualité, elle semblait pourtant souvent, dans sa construction comme dans son esthétique, appartenir à une autre époque – The Good Wife, c'était vingt-deux/vingt-trois épisodes étalés sur neuf mois avec des respirations, des stand alone, des cassures et tous les défauts qui vont avec et que beaucoup ne savent plus pardonner à l'heure des séries limitées et autres saisons courtes.
The Good Wife va nous manquer et dans le même temps, on ne peut pas dire que cette dernière saison boiteuse, sans idées et avec bien peu de passion, nous ait donné envie de la retenir. Depuis la mort de Will, qui clôturait de manière violente, inattendue et bouleversante la meilleure période du show, celui-ci est comme sorti de son orbite. C'était assurément l'idée, du moins au départ, que de symboliquement priver cet univers de celui qui en était le point de fixation, le centre névralgique sans être jamais vraiment le personnage principal. Will, on ne s'en est aperçu qu'après coup, cimentait tout le reste du casting (amour de la vie d'Alicia, partenaire de Diane, modèle de Cary, rival de Peter, ami de Kalinda... etc.), et sa disparition a profondément bouleversé l'équilibre fragile unissant les autres personnages. Perdus, déphasés, ils se sont alors éparpillés dans d'innombrables intrigues d'intérêt inégal et ne se rejoignant que trop rarement ; toujours inspirées mais de manière moins régulière, les saisons 6 et 7 ont l'une et l'autre commencé fort pour s'enliser en leurs milieux dans des histoires pénibles et/ou bêtement redondantes, avec quelques éclats ici ou là – mais toujours bien loin de l'excellence passée. Encore la sixième présentait-elle des perspectives intéressantes et quelques très bons épisodes (même si incomparables aux "Hitting the Fan", "The Next Day", "Red Team, Blue Team" et autre "VIP Treatment" d'antan). Comme un symbole de sa nouvelle difficulté à trouver sur quel pied danser, on aura tout entendu quant à l'avenir de la série (la saison 7 sera la dernière, ou pas, ou peut-être juste la dernière avec Julianna Margulies) avant que ce qu'on savait tous au fond de nous depuis longtemps ne soit officialisé, nous arrachant des larmichettes tout en même temps qu'un soupir de soulagement : cette saison branlante serait bien la dernière. Et Peter ne serait pas Président des Etats-Unis (ouf !)
En demi-teinte et c'est peu de le dire, cette dernière danse se sera contenté la plupart du temps d'essayer de boucler la boucle d'une manière assez peu satisfaisante, multipliant les pas chassés, tentant de faire revenir de manière souvent artificielle tous les personnages secondaires (sauf bien sûr ceux qui ont été effacés de la mémoire collective, rare habitude vraiment irritante de The Good Wife1), et n'a fait qu'accentuer cette tendance dans la deuxième partie de la saison – très différente, pour ne pas dire dissonante, avec la première, plus originale et réussie. Les six ou sept derniers épisodes, pour leur part, ont été assez pénibles, malgré le charisme de Jeffrey Dean Morgan ou l'enthousiasme d'un Alan Cumming à la vigueur retrouvée.
Ramener le couple Florrick à son point de départ a sans doute fait plaisir à une partie des fans (enfin je l'espère). Cela n'en était pas moins une idée assez inepte, tant tout et son contraire avait déjà été dit et fait à ce propos, et tant The Good Wife avait dépassé son pitch initial depuis longtemps. Qu'ils divorcent, il fallait bien que cela arrive. Admettons. Que Peter se retrouve une nouvelle fois dans les griffes de la justice, qu'Alicia doive une nouvelle fois jouer les bonnes épouses... tout cela était un peu hors de propos à ce stade – surtout si c'était pour manger un temps d'antenne si considérable. Depuis la pause hivernale et la rupture très nette avec les intrigues de l'automne, le soupçon de corruption pesant sur Peter et la nouvelle histoire d'amour d'Alicia étaient devenus les seuls – faibles – fils conducteur de la série ; le reste (tout le reste) ainsi que les autres (tous les autres) ne semblaient subitement plus si importants. En témoigne la manière expéditive dont a été amenée la démission Cary – illustration parfaite de l'expression accomplir quelque chose sans conviction. Tout fut du même tonneau, pas vraiment dans le registre de la figure imposée (un peu quand même), mais assez clairement dans celui de la paresse narrative – il est tout de même dommage que la série ait attendu sa toute dernière ligne droite pour choisir de céder à la facilité. Trouver l'amour dans les bras d'un homme lui correspondant mieux que son mari était-elle vraiment la rédemption que nous attendions pour Alicia ? Il y a certes aussi pour elle une forme d'accomplissement professionnel (bien entamée dans le final, ceci dit) ; là aussi cependant, à l'image de la facilité avec laquelle David Lee accepte une idée (un partenariat 100 % féminin) contre laquelle il a pourtant lutté durant des dizaines d'épisodes, tout semble exécuté à la hussarde, en laissant l'impression que les personnages eux-mêmes n'y croient absolument pas. Lee n'aura d'ailleurs même pas l'honneur d'apparaître dans un final sur-Alicia centré, ce qui pour une série aussi chorale embarrasse un chouïa.
Il y a une forme de trahison, là-dedans, et ce n'est même pas la seule que nous offre cette conclusion. Pour tout vrai fan de la série, il y a en effet de quoi se sentir sinon insulté, du moins un peu peiné de constater que dans la dernière ligne droite, Robert et Michelle King auront manifesté plus d'intérêt pour Peter (seul personnage à n'avoir pas évolué d'un iota depuis le premier épisode) que pour Cary ou Diane (voire Grace) – des personnages qui auront bien plus porté la série durant ces sept saisons (et, j'en suis convaincu, marqué le spectateur). Les voir enfin retrouver une digne place au cœur de la série était d'ailleurs la seule justification narrative acceptable au retour au bercail d'Alicia – on aura enfin eu le plaisir de revoir tous les personnages au même endroit, mais pour n'en faire pas grand-chose et au détriment d'autres (Lucca était une super trouvaille de casting qui a fini par jouer les pots de fleurs en arrière plan). Dans le fond, la logique dictait de laisser Alicia achever son émancipation dans son cabinet indépendant, celui qu'elle avait fondé, sans l'approbation de Will, l'aide de Cary ou la présence pesante de Peter. C'était ici qu'on l'attendait, qu'on voulait la voir, et rien n'a mieux fonctionné cette saison que l'équipe qu'elle formait avec Lucca et Jason. De ce parti-pris, certes discutable, pouvait découler une conclusion satisfaisante. Celui-ci rompu, tout ce que l'on pouvait craindre est arrivé, dans l'ordre exact où l'on pouvait le prévoir. Et si l'on était très content de revoir Josh Charles, passer 80 % du final sur les hésitations amoureuses de l'héroïne n'était franchement pas une conclusion digne de la série ni à la hauteur de son propos2.
The Good Wife (saison 7), créée par Michelle & Robert King (CBS, 2015-16)
1.Selon nos sources, les enquêteurs seraient toujours à la recherche de Robin, Finn et Cary N°2.
2. Par politesse, je n'évoquerai même pas l'image finale : la série s'achève donc sur Alicia qui prend une tarte dans la gueule au point d'en faire vaciller sa perruque. Sérieusement ? Elle est censée nous dire quoi, cette image ?... Alicia n'est pas Tony Soprano ou Walter White, pour autant qu'on le sache. Elle a commis des erreurs, elle a des défauts, mais pas au point que sa série s'achève sur une scène où elle serait punie (et violentée, de surcroît)...
[Taux de spoil : 85 %] The Good Wife va nous manquer. C'est une évidence. Son intelligence, sa vivacité, sa capacité à mélanger tous les registres vont nous manquer – sans doute pour longtemps. C'est une grande série populaire qui s'achève, peut-être la plus grande des dernières années, l'une des seules sans doute à avoir permis aux grands... aux vieux Networks américains de garder la tête haute depuis l'explosion du câble et des providers. Elle a pu indifférer certains, mais à la différence de presque tout ce qu'ont pu produire les quatre (plus si) grands sur les sept dernières saisons, elle n'a toujours inspiré que le respect. Son refus du simplisme autant que de l'arrogance en ont fait un genre de modèle absolu de ce que la télé peut produire de mieux dans une époque faite de course à l'échalote, d'annulations ultra-brutales, de remake sordides et de vains reboots.
The Good Wife va nous manquer parce qu'elle était un OVNI dans nos plannings de visionnages hebdomadaires, ni série d'auteur ni série mainstream au sens où l'on entend habituellement ; procédurale, mais parcourue d'intrigues captivantes et capable de hisser le show à cahiers des charges jusqu'à des sommets rarement – voire jamais – atteints par la concurrence. Elle est presque parvenue à triompher de cette époque elle-même, où le zapping est devenu perpétuel et ou la tentation de brûler le soir ce qu'on adorait le matin, une presque norme.
The Good Wife va nous manquer tout simplement parce qu'il est toujours triste de laisser partir une série que l'on a suivie chaque semaine durant tant d'années, a fortiori quand tout porte à croire qu'il y en aura de moins en moins sous cette forme. Très en prise avec l'actualité, elle semblait pourtant souvent, dans sa construction comme dans son esthétique, appartenir à une autre époque – The Good Wife, c'était vingt-deux/vingt-trois épisodes étalés sur neuf mois avec des respirations, des stand alone, des cassures et tous les défauts qui vont avec et que beaucoup ne savent plus pardonner à l'heure des séries limitées et autres saisons courtes.
The Good Wife va nous manquer et dans le même temps, on ne peut pas dire que cette dernière saison boiteuse, sans idées et avec bien peu de passion, nous ait donné envie de la retenir. Depuis la mort de Will, qui clôturait de manière violente, inattendue et bouleversante la meilleure période du show, celui-ci est comme sorti de son orbite. C'était assurément l'idée, du moins au départ, que de symboliquement priver cet univers de celui qui en était le point de fixation, le centre névralgique sans être jamais vraiment le personnage principal. Will, on ne s'en est aperçu qu'après coup, cimentait tout le reste du casting (amour de la vie d'Alicia, partenaire de Diane, modèle de Cary, rival de Peter, ami de Kalinda... etc.), et sa disparition a profondément bouleversé l'équilibre fragile unissant les autres personnages. Perdus, déphasés, ils se sont alors éparpillés dans d'innombrables intrigues d'intérêt inégal et ne se rejoignant que trop rarement ; toujours inspirées mais de manière moins régulière, les saisons 6 et 7 ont l'une et l'autre commencé fort pour s'enliser en leurs milieux dans des histoires pénibles et/ou bêtement redondantes, avec quelques éclats ici ou là – mais toujours bien loin de l'excellence passée. Encore la sixième présentait-elle des perspectives intéressantes et quelques très bons épisodes (même si incomparables aux "Hitting the Fan", "The Next Day", "Red Team, Blue Team" et autre "VIP Treatment" d'antan). Comme un symbole de sa nouvelle difficulté à trouver sur quel pied danser, on aura tout entendu quant à l'avenir de la série (la saison 7 sera la dernière, ou pas, ou peut-être juste la dernière avec Julianna Margulies) avant que ce qu'on savait tous au fond de nous depuis longtemps ne soit officialisé, nous arrachant des larmichettes tout en même temps qu'un soupir de soulagement : cette saison branlante serait bien la dernière. Et Peter ne serait pas Président des Etats-Unis (ouf !)
En demi-teinte et c'est peu de le dire, cette dernière danse se sera contenté la plupart du temps d'essayer de boucler la boucle d'une manière assez peu satisfaisante, multipliant les pas chassés, tentant de faire revenir de manière souvent artificielle tous les personnages secondaires (sauf bien sûr ceux qui ont été effacés de la mémoire collective, rare habitude vraiment irritante de The Good Wife1), et n'a fait qu'accentuer cette tendance dans la deuxième partie de la saison – très différente, pour ne pas dire dissonante, avec la première, plus originale et réussie. Les six ou sept derniers épisodes, pour leur part, ont été assez pénibles, malgré le charisme de Jeffrey Dean Morgan ou l'enthousiasme d'un Alan Cumming à la vigueur retrouvée.
Ramener le couple Florrick à son point de départ a sans doute fait plaisir à une partie des fans (enfin je l'espère). Cela n'en était pas moins une idée assez inepte, tant tout et son contraire avait déjà été dit et fait à ce propos, et tant The Good Wife avait dépassé son pitch initial depuis longtemps. Qu'ils divorcent, il fallait bien que cela arrive. Admettons. Que Peter se retrouve une nouvelle fois dans les griffes de la justice, qu'Alicia doive une nouvelle fois jouer les bonnes épouses... tout cela était un peu hors de propos à ce stade – surtout si c'était pour manger un temps d'antenne si considérable. Depuis la pause hivernale et la rupture très nette avec les intrigues de l'automne, le soupçon de corruption pesant sur Peter et la nouvelle histoire d'amour d'Alicia étaient devenus les seuls – faibles – fils conducteur de la série ; le reste (tout le reste) ainsi que les autres (tous les autres) ne semblaient subitement plus si importants. En témoigne la manière expéditive dont a été amenée la démission Cary – illustration parfaite de l'expression accomplir quelque chose sans conviction. Tout fut du même tonneau, pas vraiment dans le registre de la figure imposée (un peu quand même), mais assez clairement dans celui de la paresse narrative – il est tout de même dommage que la série ait attendu sa toute dernière ligne droite pour choisir de céder à la facilité. Trouver l'amour dans les bras d'un homme lui correspondant mieux que son mari était-elle vraiment la rédemption que nous attendions pour Alicia ? Il y a certes aussi pour elle une forme d'accomplissement professionnel (bien entamée dans le final, ceci dit) ; là aussi cependant, à l'image de la facilité avec laquelle David Lee accepte une idée (un partenariat 100 % féminin) contre laquelle il a pourtant lutté durant des dizaines d'épisodes, tout semble exécuté à la hussarde, en laissant l'impression que les personnages eux-mêmes n'y croient absolument pas. Lee n'aura d'ailleurs même pas l'honneur d'apparaître dans un final sur-Alicia centré, ce qui pour une série aussi chorale embarrasse un chouïa.
Il y a une forme de trahison, là-dedans, et ce n'est même pas la seule que nous offre cette conclusion. Pour tout vrai fan de la série, il y a en effet de quoi se sentir sinon insulté, du moins un peu peiné de constater que dans la dernière ligne droite, Robert et Michelle King auront manifesté plus d'intérêt pour Peter (seul personnage à n'avoir pas évolué d'un iota depuis le premier épisode) que pour Cary ou Diane (voire Grace) – des personnages qui auront bien plus porté la série durant ces sept saisons (et, j'en suis convaincu, marqué le spectateur). Les voir enfin retrouver une digne place au cœur de la série était d'ailleurs la seule justification narrative acceptable au retour au bercail d'Alicia – on aura enfin eu le plaisir de revoir tous les personnages au même endroit, mais pour n'en faire pas grand-chose et au détriment d'autres (Lucca était une super trouvaille de casting qui a fini par jouer les pots de fleurs en arrière plan). Dans le fond, la logique dictait de laisser Alicia achever son émancipation dans son cabinet indépendant, celui qu'elle avait fondé, sans l'approbation de Will, l'aide de Cary ou la présence pesante de Peter. C'était ici qu'on l'attendait, qu'on voulait la voir, et rien n'a mieux fonctionné cette saison que l'équipe qu'elle formait avec Lucca et Jason. De ce parti-pris, certes discutable, pouvait découler une conclusion satisfaisante. Celui-ci rompu, tout ce que l'on pouvait craindre est arrivé, dans l'ordre exact où l'on pouvait le prévoir. Et si l'on était très content de revoir Josh Charles, passer 80 % du final sur les hésitations amoureuses de l'héroïne n'était franchement pas une conclusion digne de la série ni à la hauteur de son propos2.
The Good Wife (saison 7), créée par Michelle & Robert King (CBS, 2015-16)
1.Selon nos sources, les enquêteurs seraient toujours à la recherche de Robin, Finn et Cary N°2.
2. Par politesse, je n'évoquerai même pas l'image finale : la série s'achève donc sur Alicia qui prend une tarte dans la gueule au point d'en faire vaciller sa perruque. Sérieusement ? Elle est censée nous dire quoi, cette image ?... Alicia n'est pas Tony Soprano ou Walter White, pour autant qu'on le sache. Elle a commis des erreurs, elle a des défauts, mais pas au point que sa série s'achève sur une scène où elle serait punie (et violentée, de surcroît)...