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Pale Grey Skies

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[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - N°113]
Mechanical Animals - Marilyn Manson (1998)

Ziggy Stardust a comme un vieux mal de crâne. C'était sympa, ces années soixante-dix ; la dope était bonne – les groupies aussi – mais il en a peut-être un peu abusé. Cela ne s'est guère arrangé après. Les années quatre-vingts ? Aucun souvenir. Le début des nineties ? Il se rappelle vaguement avoir déchiré des jeans cinq minutes après les avoir achetés, mais le reste est assez flou. Non vraiment, tout tourne au ralenti ce matin. Même la date du jour. 14 septembre 1998 ? Déjà ? Ziggy plisse les yeux de douleur. Il va peut-être attendre encore quelques minutes avant d'ouvrir les volets.

Marilyn Manson a tué son meilleur album en novembre 2000, lorsqu'il se mit à déclarer – a priori dans l'unique but de vendre son gros four artistique du moment – que ses trois derniers disques formaient une trilogie inversée – de l'innocence souillée de Holy Woodà l'apocalypse industrielle d'Antichrist Superstar, en passant par l'on-ne-sait-trop-quoi de Mechanical Animals (une zone de gris, probablement et à en juger par sa pochette). Le genre de déclaration grandiloquente dont il a toujours été coutumier, mais qui cette fois-ci semblait trop grosse, trop sortie de nulle part pour être autre chose qu'un bon gros foutage de gueule. Le premier d'une longue série ponctuée d'autant de sursauts créatifs et de changements de line-up, d'albums de la maturité-car-figurez-vous-que-son-cœur-saigne et de retours aux sources taries de l'indus-metal-en-fusion-que-même-il-fait-fondre-la-couette-One-Direction-de-ta-petite-sœur. Manson n'a plus jamais vraiment été Manson après Mechanical Animals– ou peut-être conviendrait-il de dire qu'il n'a plus jamais été Brian Warner, cet ado précocement vieilli qui voulait se déguiser en Bowie mais ne ressemblait qu'à un vieux travelo alcoolique, vibrait honteusement pour Maiden, Priest et le hard FM le moins avouable, et prétendait ressusciter le glam-rock en publiant l'un des albums les moins paillettes et les plus déprimants des années quatre-vingt-dix. Lui, le meilleur disciple du Duke ? Tu parles : le garçon avait tout pigé de travers, et au lieu d'un climax où il assassinait son double, il nous servit en guise d'apothéose un chef-d'œuvre dans lequel il se supprimait lui-même.


L'idée-même de trilogie (inversée ou pas) était quoiqu'il en soit absurde, puisque quel que soit le sens dans lequel on la prenait, Mechanical Animals en occupait la position centrale. Soit donc la seule qu'il ne pouvait décemment tenir – si ce n'est peut-être du strict point de vue harmonique – tant il oscille entre préliminaires et apogée, comme s'il avait été conçu pour ne jamais avoir d'avant ni d'après. Mechanical Animals aurait pu être un premier album, oui. Ou un dernier. Des débuts pétaradants, gorgés de hits sous lesquels perce un indicible malaise (ce "Dope Show", tout de même...), ou bien l'épilogue sous assistance respiratoire d'une décennie qui, à quelques gros tubes britpop près, aura surtout ressemblé à un "Coma White". "Posthuman", Manson ? Plutôt post-grunge, post-indus, post-neo-metal. Post-nineties, ces foutues années qui ont vu la mort des grands courants esthétiques du rock'n'roll, des guerres de chapelles et des rockstars faisant se pâmer les stades. C'est toute l'affaire de "Rock Is Dead", énorme hit un peu mal fagoté et au moins tout aussi mal compris. Ce n'est pas le rock lui-même, qui est mort. Lui est là pour rester, comme aurait dit "le seul artiste grunge" que Manson avoua un jour avoir aimé. C'est ce rock-là. Son imagerie et même son iconographie, en ces temps où déjà, les nouvelles stars se contentent de singer les anciennes (et lui donc). Monumentale, cataclysmique et à deux doigts de faire monter des éléphants roses sur scène, la tournée qui suivra en sera le testament logique, une revisitation outrancière et surproduite de tous les excès rock'n'roll possibles et imaginables, comme si dans le fond celui qu'on surnomme encore le Révérend savait que tout cela était déjà terminé. S'il se retrouve à pasticher Bolan à la sauce X-files, ce n'est pas tant qu'il lui voue une admiration démesurée, ni même qu'il entrave quoi que ce soit à T-Rex. C'est tout simplement parce que Bolan, son élégance, sa voix velouté et son charisme animal symbolisent ce rock agonisant dont il est l'ultime hoquet. Lui dont les gestes sont chaotiques, le look aléatoire, la voix calcinée et la présence assez peu tangible une fois tombé le maquillage. Marilyn Manson, on considère trop cela comme un détail, est sans conteste la rockstar la plus moche depuis l'invention de la guitare électrique. Comment s'étonner que ce grand machin mal fichu essaie de se glisser dans les sapes de l'ange Bolan ou du félin Bowie ? Les enfants se choisissent rarement les héros les plus repoussants. Le plus fou, dans son cas, est qu'il ait à ce point réussi à tromper son monde, en proposant des ces icônes déchues – ou pire : vieillies – la version triste, décadente, décolorée.


Si les compositions de Mechanical Animals, assez exemplaires, ont suffisamment tourné en boucle pour aspirer à l'intemporalité, il convient cependant pour parfaitement en saisir les tenants et aboutissants de les replacer dans leur contexte. On l'a presque oublié désormais, mais Mechanical Animals n'est pas "juste" un proverbial troisième album dit de la maturité. C'est le dernier des années 90, le premier sans Trent Reznor, le premier également – surtout – après la scarification starification. Vedette montante de la scène metal branchée il y a encore une poignée d'années, Warner est devenu entre temps LA plus grande rockstar de son pays, LA plus grande rockstar depuis Kurt Cobain, LE sujet de discussion chez tous les kids white trash des États-Unis. Ce qu'il a toujours rêvé d'être, en somme. Et qu'il vit tellement mal, désormais. Alors qu'il ne se passe pas une journée sans qu'on parle de lui à la télé, que les rumeurs les plus folles circulent à son sujet, qu'il a terminé la précédente tournée en étant menacé de mort quasiment chaque semaine... Manson s'aperçoit que ce n'est pas si cool que ça, d'être Ziggy, et a de plus en plus de mal à faire le lien entre son personnage épouvantant parents et ligues de vertus et Brian Warner, ce fils de prolo timide et solitaire qui rêvait juste qu'on le laisse avoir les cheveux longs à l'école. Écartelé entre la conscience qu'il doit avancer sans son mentor et une compréhensible peur du vide, il se renferme sur lui-même, ne fréquente plus que son vieux compère Twiggy et son néo-complice Billy Corgan1, vire un énième guitariste et ne sort plus la tête du sac que pour se défoncer avec Dave Navarro – ce qui, on ne le dira jamais assez, n'est jamais une bonne idée. Pensé un temps pour paraître sous le titre d'Omega & The Mechanical Animals (qui sera réutilisé pour le merch', il n'y a pas de petit profit), le troisième album prend des airs d'ouvrage solo, chronique autistique et paranoïaque de la vie d'une rockstar qui tremble à l'idée d'être reconnue dans la rue, a juste à se démaquiller pour éviter que cela arrive, mais ne peut décidément pas s'empêcher de le provoquer. À dominante acoustique et malheureux comme les pierres, n'évoquant dans ses texte que solitude, tromperie, trahison et dépression, et dans ses ambiances que les paysages glaciaires qui serviront plus tard de cadre au clip de "The Great Big White World", le résultat est parti pour ne ressembler à rien, c'est-à-dire à un peu tout et n'importe quoi. Fort heureusement – ou malheureusement, étant donné sa saveur – le mésestimé Michael Beinhorn va se pencher sur son cas et en extirper la substantifique moelle, plus sophistiquée quoique tout aussi désolée, pour offrir à "The Speed of Pain", "Disassociative" ou l'éloquent "I Want to Disappear" un son dense à la hauteur de leur claustrophobie.


Le résultat est incroyable. L'un des albums les plus immersifs de son époque, malgré ses défauts ou son côté bicéphale – moitié confession glauque sur oreiller crasseux, moitié délire de rockstar en plein bad trip. Les titres calmes sont habités par une violence insoutenable. Les morceaux les plus rock'n'roll crient aimez-moià chaque refrain. Alors que quelques mois plus tôt, l'autre groupe américain le plus populaire de sa génération étalait sa vacuité au long d'un disque dont même la pochette par Todd McFarlane sonnait creux, Manson transcende ce vide existentiel, le digère, le rend presque tangible par instants.

Et pourtant à la minute où paraît Mechanical Animals... à la seconde où l'adolescent que je suis encore l'achète, lui et moi savons déjà que tout est terminé. "This isn't me, I'm not mechanical / I'm just a boy / Playing the suicide king" feule le chanteur dès la plage 3 (le morceau éponyme, comme de juste), sans que quiconque semble prêt à l'entendre. Les pitreries, le grand-guignol... tout cela aurait dû immédiatement voler en éclat. Un Last Tour on Earth histoire d'étrenner le nouveau costume – et n'en parlons non plus. Sauf que non. Inexplicablement, le contraire s'est produit. Peut-être parce que l'heure était plus à la solitude post-moderne et au cynisme qu'à la naïve incandescence de Ziggy Stardust, Marilyn Manson est resté Marilyn Manson. A publié un autre album, puis encore un autre... puis tout un tas d'autres, chancelant sans cesse, un coup je te montre mes muscles, un coup je t'ouvre mon cœur. Un coup je te fais du meutal qui fait boum boum, un coup je te dévoile ma face romantico-torturée. Jamais plus la démarche n'a paru aussi sincère et viscérale que dans ce disque tout en faux-semblants, qui se la joue industriel en étant très organique, glam-rock'n'roll en étant dépressif, pugnace en étant désespéré. Quand son maître Bowie a passé sa vie à changer de masque, Brian a simplement continué de s'effacer, disque après disque. Perdu pour la pop et des milliers de fans endeuillés, il n'aura enregistré en tout et pour tout qu'un seul album, Omega & The Mechanical Animals, paru le 14 septembre 1998 dans l'indifférence générale d'un monde trop occupé à imaginer le prochain scandale scatologique de Marilyn Manson.



Trois autres disques pour découvrir Marilyn Manson Brian Warner :

Portrait of an American Family (1994)
Antichrist Superstar (1996)
The Pale Emperor (2008)


1.Qui devait apparaître sur l'album, avant que son auteur ne change d'avis de peur qu'on le rendît responsable d'un virage "pop" au demeurant très relatif.


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