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Il arrive que qui ne dise mot ne consente pas. En ce sens, le silence assourdissant ayant entouré, sur Le Golb, la troisième saison d'American Horror Story, avait tout pour être éloquent. Laquelle saison avait, passé un premier épisode jouissif, rapidement ennuyé. En dépit du soin maniaque apporté à l'emballage, comme toujours impeccable, Coven n'était sur la longueur qu'errances narratives et messages assénés de manière lourdingue – d'autant que chaque scène semblait prendre un plaisir sadique à contredire le propos général. C'était bien gentil de conclure sur dans un festival d'anathèmes à la sauce girl power, mais après douze heures à mettre en scène des femelles hystériques se crêpant le chignon, cela tombait bizarrement à plat et ne servait qu'à démontrer ce que l'on savait déjà : un casting à 95 % féminin ne suffira jamais à faire une œuvre féministe.
Le bon côté des séries de type "anthologie", c'est évidemment que chaque saison permet de remettre les compteurs à zéro. Quant un drama traditionnel peut dans le meilleur des cas promettre de faire mieux l'année prochaine, American Horror Story permet pour sa part d'y croire réellement ; et si la promesse n'est finalement que partiellement tenue au niveau qualitatif, il faut reconnaître à Freak Show de ne provoquer ni la lassitude ni l'extrême irritation que l'on pouvait ressentir devant Coven. Mieux : Ryan Murphy & Brad Falchuk, plutôt que de se reposer sur une formule dont on sentait bien qu'elle n'aurait pu être déclinée à l'infini avec la même efficacité, ont cette fois essayé de proposer quelque chose de franchement différent des précédentes éditions – c'est bien sûr tout à leur honneur.
Exit, donc, le montage épileptique, les effets tape-à-l’œil et les illustration sonores à décorner une demi-douzaine de bœufs. Dès le générique, toujours remarquable mais plus sage et dont le thème a été sensiblement ralenti, Freak Show marque sa différence. Ça tombe bien : de différence, il sera justement question ici. Celle des freaks of nature et autres monstruosités qui peuplent le cabinet de curiosités d'Elsa Mars, ancienne prostituée et diva ratée vivant chaque soir son triomphe par procuration. Rien de très original, comme un peu toujours avec AHS, mais du recyclage habile permettant à la série de coller plus que jamais à son thème de prédilection : la tolérance, qui ne va pas jamais sans son double négatif. Jusqu'alors toujours sous-jacent, le sujet devient ici central, et ce n'est assurément pas un hasard si c'est au moment de l'évoquer de manière plus frontale que jamais que son duo de producteurs s'est mis à proposer un show plus calme, plus posé, plus mélancolique – moins "différent", en somme. Et de s'attacher à des personnages aux psychés relativement simples, aspirant à des choses aussi inoffensives que le bonheur et l'amour, dans un univers où les bons et les mauvais sont – une fois n'est pas coutume – assez clairement identifiés. Série puritaine au sens littéral (littéraire !) du terme, American Horror Story s'assume désormais enfin et complètement, y compris lorsqu'elle bouleverse son schéma habituel.
C'est que jusqu'alors, son autre thème principal était l'enfermement. Au sein du foyer américain traditionnel (symbolisé par la maison hantée) dans Murder House. Dans un institut psychiatriquepour ce qui était d'Asylum, ou encore en soi-même et son égo dans Coven. Dans Freak Show, au contraire, les personnages sont à l'extérieur (de la société, du monde... de la vie telle qu'on l'entend), reclus dans leur seul véritable espace de liberté, et n'aspirant qu'à pénétrer, par tous les moyens, dans le cercle très fermé des gens ordinaires.
Avec un tel renversement, le moins qu'on puisse dire est qu'on ne serait pas surpris que la série perde quelques fans au passage. D'autant que le moment est venu de soulever le vrai lièvre de ce cru 2014-15 : mis à part lorsque Jessica Lange chante du Bowie, American Horror Story n'a plus grand-chose de l'horreur vendue par son titre. Plus franchement stressante, absolument plus effrayante et à peine dégueulasse, elle pourrait presque prétendre au Drawa de la série qui fait très bien semblant de ne pas être un soap– ne fussent-ce tout de même deux ou trois saloperies histoire d'assurer un service minimum. Et puis, allez : Amour, Gloire & Beauté, c'était plutôt dans Coven. Les chiens ne faisant pas des chats, Freak Show lorgnerait plutôt vers un Glee pour grandes personnes. Après tout, pourquoi pas ? Si l'on n'achètera sûrement pas la même l'an prochain, l'idée d'une normalisation du show pour adresser un chant d'amour aux "anormaux" a quelque chose de suffisamment subtile pour qu'on la valide une fois – juste une. Et tant pis si Murphy reste nettement plus doué pour déranger que pour vendre des bons sentiments : même si de plus en plus inégale, American Horror Story a toujours pour elle l'intelligence d'avoir évité la surenchère de surenchère de surenchère, ce qui n'était pas forcément gagné au départ et suffit à conforter sa place dans le club très fermé des séries les plus intéressantes et pertinentes des dernières années.
American Horror Story (saison 4 : Freak Show), créée par Ryan Murphy & Bad Falchuk (FX, 2014-15)
Il arrive que qui ne dise mot ne consente pas. En ce sens, le silence assourdissant ayant entouré, sur Le Golb, la troisième saison d'American Horror Story, avait tout pour être éloquent. Laquelle saison avait, passé un premier épisode jouissif, rapidement ennuyé. En dépit du soin maniaque apporté à l'emballage, comme toujours impeccable, Coven n'était sur la longueur qu'errances narratives et messages assénés de manière lourdingue – d'autant que chaque scène semblait prendre un plaisir sadique à contredire le propos général. C'était bien gentil de conclure sur dans un festival d'anathèmes à la sauce girl power, mais après douze heures à mettre en scène des femelles hystériques se crêpant le chignon, cela tombait bizarrement à plat et ne servait qu'à démontrer ce que l'on savait déjà : un casting à 95 % féminin ne suffira jamais à faire une œuvre féministe.
Le bon côté des séries de type "anthologie", c'est évidemment que chaque saison permet de remettre les compteurs à zéro. Quant un drama traditionnel peut dans le meilleur des cas promettre de faire mieux l'année prochaine, American Horror Story permet pour sa part d'y croire réellement ; et si la promesse n'est finalement que partiellement tenue au niveau qualitatif, il faut reconnaître à Freak Show de ne provoquer ni la lassitude ni l'extrême irritation que l'on pouvait ressentir devant Coven. Mieux : Ryan Murphy & Brad Falchuk, plutôt que de se reposer sur une formule dont on sentait bien qu'elle n'aurait pu être déclinée à l'infini avec la même efficacité, ont cette fois essayé de proposer quelque chose de franchement différent des précédentes éditions – c'est bien sûr tout à leur honneur.
Exit, donc, le montage épileptique, les effets tape-à-l’œil et les illustration sonores à décorner une demi-douzaine de bœufs. Dès le générique, toujours remarquable mais plus sage et dont le thème a été sensiblement ralenti, Freak Show marque sa différence. Ça tombe bien : de différence, il sera justement question ici. Celle des freaks of nature et autres monstruosités qui peuplent le cabinet de curiosités d'Elsa Mars, ancienne prostituée et diva ratée vivant chaque soir son triomphe par procuration. Rien de très original, comme un peu toujours avec AHS, mais du recyclage habile permettant à la série de coller plus que jamais à son thème de prédilection : la tolérance, qui ne va pas jamais sans son double négatif. Jusqu'alors toujours sous-jacent, le sujet devient ici central, et ce n'est assurément pas un hasard si c'est au moment de l'évoquer de manière plus frontale que jamais que son duo de producteurs s'est mis à proposer un show plus calme, plus posé, plus mélancolique – moins "différent", en somme. Et de s'attacher à des personnages aux psychés relativement simples, aspirant à des choses aussi inoffensives que le bonheur et l'amour, dans un univers où les bons et les mauvais sont – une fois n'est pas coutume – assez clairement identifiés. Série puritaine au sens littéral (littéraire !) du terme, American Horror Story s'assume désormais enfin et complètement, y compris lorsqu'elle bouleverse son schéma habituel.
C'est que jusqu'alors, son autre thème principal était l'enfermement. Au sein du foyer américain traditionnel (symbolisé par la maison hantée) dans Murder House. Dans un institut psychiatriquepour ce qui était d'Asylum, ou encore en soi-même et son égo dans Coven. Dans Freak Show, au contraire, les personnages sont à l'extérieur (de la société, du monde... de la vie telle qu'on l'entend), reclus dans leur seul véritable espace de liberté, et n'aspirant qu'à pénétrer, par tous les moyens, dans le cercle très fermé des gens ordinaires.
Avec un tel renversement, le moins qu'on puisse dire est qu'on ne serait pas surpris que la série perde quelques fans au passage. D'autant que le moment est venu de soulever le vrai lièvre de ce cru 2014-15 : mis à part lorsque Jessica Lange chante du Bowie, American Horror Story n'a plus grand-chose de l'horreur vendue par son titre. Plus franchement stressante, absolument plus effrayante et à peine dégueulasse, elle pourrait presque prétendre au Drawa de la série qui fait très bien semblant de ne pas être un soap– ne fussent-ce tout de même deux ou trois saloperies histoire d'assurer un service minimum. Et puis, allez : Amour, Gloire & Beauté, c'était plutôt dans Coven. Les chiens ne faisant pas des chats, Freak Show lorgnerait plutôt vers un Glee pour grandes personnes. Après tout, pourquoi pas ? Si l'on n'achètera sûrement pas la même l'an prochain, l'idée d'une normalisation du show pour adresser un chant d'amour aux "anormaux" a quelque chose de suffisamment subtile pour qu'on la valide une fois – juste une. Et tant pis si Murphy reste nettement plus doué pour déranger que pour vendre des bons sentiments : même si de plus en plus inégale, American Horror Story a toujours pour elle l'intelligence d'avoir évité la surenchère de surenchère de surenchère, ce qui n'était pas forcément gagné au départ et suffit à conforter sa place dans le club très fermé des séries les plus intéressantes et pertinentes des dernières années.
American Horror Story (saison 4 : Freak Show), créée par Ryan Murphy & Bad Falchuk (FX, 2014-15)