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Jay Reatard, celui qui aurait pu

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[Mes disques à moi (et rien qu'à moi) - Hors-série N°11]

J'ai découvert Jay Reatard sur le tard (haha), et il m'a immédiatement paru sympathique. Parce qu'il a à peu près tout foiré soit donc, selon le vieil adage rock'n'roll, tout réussi. Parti trop tard et mort avant d'avoir pu penser à arriver, le garçon de Memphis n'a eu le temps de rien, certainement pas de décevoir - à peine de laisser espérer. Bing ! une petite O.D. pile au moment où la célébrité commençait à dépasser les frontières, et l'affaire était entendue. Maxi loser du rock moderne, celui que d'autres que lui rêvaient en Kurt Cobain de la pseudo-génération Internet n'aura finalement pas eu le temps d'être cool, branché ni même génial. Hyper-prolifique mais bordélique et souillon comme pas deux, il est parti en laissant pléthore de singles tout mal enregistrés (voire pas enregistrés du tout) et dans le même temps si peu pour entretenir la légende que même la gloire posthume lui aura été interdite. Éternellement balbutiant, irrémédiablement embryonnaire, il reste à jamais celui qui aurait pu, qui aurait dû et qui peut-être aurait fini par. Se plonger dans sa discographie, chaotique, (forcément) incomplète, (souvent) incompréhensible, c'est se confronter à l’infinité des possibles : on en sort tout à la fois inquiet et émerveillé.


Ses deux albums sous son nom, Blood Visions et l'involontairement prophétique (ou quasi-métonymique ?) Watch Me Fall, les deux compiles de singles sorties respectivement chez In The Red et Matador, sans même parler de ses innombrables groupes et projets... sont autant de promesses, de coups de génie comme de flops. Des trucs - plus que des œuvres - enregistrés comme Hugo écrivait : dans un élan, une impulsion, égoïste et boulimique et fiévreuse. Capable de quasi perfection pop autant que de bourrinage régressif, visiblement inapte à choisir lequel des deux était le plus jouissif, Reatard est probablement devenu un grand artiste à chansons par paresse plutôt que par envie, si ce n'est pour l'unique raison qu'il n'a pas eu le temps d'enregistrer un Grand Album avec tout plein de majuscules - même si Blood Visions et Watch Me Fall n'en sont jamais bien loin. C'est justement et paradoxalement ce qui les rend encore plus attachants, comme souvent les ouvrages d'artistes morts avant d'avoir pu se renier, enregistrer des albums acoustiques assis ou faire la Une de Rolling Stone. Du point de vue de l'humain, c'est entendu, c'est trop mega triste et horrible et tout et tout. Pardon aux familles toussa, mais niveau symbolique et rock'n'roll, et étant entendu que le second n'est souvent qu'affaire de la première, cela confère aux travaux-qui-n'en-étaient-pas de Reatard une forme de pureté insolente - et surtout inaltérable. "Pureté" n'étant probablement pas le terme le plus indiqué tant les chansons du jeune homme, sous leurs dehors excités et rentre-dedans, sont de petites fables malades et anxieuses. Les cauchemars y occupent une place non-négligeable, les gens sont souvent très bizarres et inquiétants, les amoureuses sont quasi impossibles à regarder dans les yeux et le monde, d'une manière générale, n'est qu'une immensité effrayante. Ça sonne frais et ça sonne pop (particulièrement sur les deux albums susmentionnés), mais dès qu'on gratte un peu ne reste qu'une mélasse de honte, de culpabilité ou d'incompréhension. "It's Such a Shame", "Rotten Mind", "Night of Broken Glass"... la plupart des titres fonctionnent sur une dichotomie entre l'aisance des riffs (Reatard s'y connaissait comme personne pour torcher des mélodies punk tellement limpides que même les Ramones en auraient rougi) et la complexité de sentiments qui semblent toujours plus ou moins empêtrés, incapables de prendre leur envol car déjà à la base incapables d'être formulés. Amusant tout de même, venant d'un artiste qui prétendait - principalement pour la galerie et peut-être en partie pour se protéger - que ses chansons ne racontaient à peu près rien de pertinent et qu'il ne fallait pas les prendre au pied de la lettre. Mon cul. Il suffit de prendre à peu près n'importe quel morceau de n'importe quel disque ("Man of Steel", "Can't Do It Anymore", "I Ain't Gonna Save Me", "All Wasted", "Not Your Man"...) pour entrevoir un malaise, une incertitude, une névrose parfois profonde que le songwriter s'amusait à dissimuler derrière les pochettes craignos et les clips outrageants, fondamentalement trop ironique et distancié, sans doute, pour oser étaler ses tourments au premier degré.


Pas étonnant qu'il me soit paru immédiatement sympathique... loin des postures torturées de certains autres que l'on ne nommera pas pudeur (et aussi parce que la liste serait très longue), Jay Reatard composait avec un "Nightmares" ou un "Faking it" une musique de mec mal dans ses pompes, qui ne se sent foncièrement pas tout à fait normal mais n'aurait pas l'outrecuidance d'en faire tout un fromage et n'allait pas se priver de coucher sur disques ses fantasmes les plus moins avouables et les plus morbides - sait-on jamais qu'un refrain-killer puisse s'en dégager ? Ironiquement - mais qu'est-ce qui n'est pas ironique dans son cas ? - c'est sans doute ce qui l'aura(it) empêché de devenir à terme l'idole des adolescents en fleurs et d'afficher sa tronche de cake sur des posters. Pas assez viscéral, trop malin, trop décalé et foutraque et tant d'autres choses encore. Mais ça aussi, bien sûr, il aurait pu. Au final, il aura été un type méconnu jusque dans la mort, ayant en tout et pour tout gratté une grosse trentaine de très grandes chansons paumées au milieu de trucs que même ses fans n'écoutent jamais, et que d'autres cherchent en vain, frappés de la fièvre complétiste qui saisit tout passionné de pop lorsqu'il tombe sur un artiste capable de bâtir des univers entiers en deux minutes et dix-neuf secondes d'un "Rotten Mind".



Jay Reatard en cinq disques, parce qu'à quoi bon se priver ?

Teenage Hate (The Reatards, 1998)
Blood Visions (2006)
Singles '06-07 (2008)
Matador Singles '08 (2008)
Watch Me Fall (2009)


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