...
2013 est une grande année à vieux, et les Queens Of The Stone Age sont les plus cools de tous les vieux. L'équation est aussi simple que ça. On sait que ce premier album en six putains d'années sera un bonheur avant même de l'entendre, et on pourrait presque s'arrêter ici. Gros bisou mon p'tit Josh - ça fait vraiment plaisir de te voir prendre de la bouteille.
Parce que c'est tout de même un problème sacrément récurrent : à force d'être éternellement jeune, on finit par devenir bêtement vieux. Drôle d'histoire, quand on y pense. Le petit Josh, qu'on connaît quasiment depuis sa puberté, vient de fêter ses quarante balais - on avait presque fini par cesser d'y croire. C'est une joie intense - pas loin - qui s'empare de l'auditeur à l'écoute de ...Like Clockwork : ENFIN ! Enfin, Josh nous sort un album avec rien que des mid-tempos et un quart de ballades ! MERCI MON DIEU - il y a donc une justice. Le problème évidemment, c'est qu'en dehors du fait que ...Like Clockwork est un grand disque, la réalité est un peu plus complexe que cela. So much pour le proverbial album de la maturité. Comme si le rock'n'roll devait ou même pouvait devenir mature. Au moment de jeter son oreille un tantinet anxieuse sur le nouvel opus des QOTSA, l'auditeur n'a que deux craintes : qu'il s'avère un énième ouvrage d'adult-rock aussi dépourvu de groove que de fraîcheur, et/ou qu'il se révèle à l'instar de son prédécesseur un disque à formules. Même si l'on a fini par s'y habituer et même apprécier Era Vulgaris, il était tout de même tout sauf rassurant d'entendre le meilleur groupe de sa génération capitaliser mollement sur son sens du riff et ses facilités en matière de refrains catchy, oubliant qu'une grande chanson est un peu plus qu'une somme de qualités intrinsèques.
C'est que si elles se sont rarement réunies autrement que pour tourner ces dernières années, les Reines de l'Âge de Pierre n'ont en revanche pas manqué de nous inonder de projets plus caricaturaux les uns que les autres, déclinant à l'infini le son Queens Of The Stone Age comme autant de rejetons honteux dont aucun parent digne de ce nom n'aurait osé soutenir le regard. Si les Queens n'ont jamais inventé la poudre, elles avaient au moins une identité musicale forte et c'est une lapalissade que de dire que ses membres ont, de guests en side-projects, passé leurs six dernières années à se pasticher eux-mêmes dans un mélange de talent pur et de ridicule. Si ...Like Clockworks fonctionne quasi instantanément, c'est en grande partie parce qu'il sonne bien moins QOTSA que tous les autres projets de ses musiciens. Alors que les dernières tournées présentaient un groupe de plus en plus carré et prévisible, ces dix nouveaux titres rassurent sur la santé d'un collectif dont on finissait par craindre qu'il essaie de nous refaire "Go with the Flow" ad vita aeternam. Point du tout, très chers : les Queens' 2013 ont décidé de prendre des risques, quitte à décevoir, et même si elles n'en avaient peut-être pas besoin tant leur trône de meilleur groupe en activité a peu vacillé sous les assauts d'une concurrence incroyablement faible durant ces six années de silence (allez, citons pour le principe les géniaux A Place To Bury Strangers, dans un registre on ne peut plus différent). Les premières secondes du ténébreux "Keep Your Eyes Peeled", sa poisse made in Lullabies for Paralyze et ses relents d'Alice In Chains, abondent d'ailleurs dans ce sens. Idem de la sucrerie maison qui lui succède, "I Sat by the Ocean" : le titre le moins original et même prévisible de ce nouvel album suffit amplement à rappeler qui est le patron du rock'n'roll contemporain, qui connaît les bons riffs, les bonnes mélodies et les bons gimmicks de prod' (le son est pour ainsi dire parfait. As usual). Qu'ils nous ont manqué, putain. A peine s'ils ont besoin de se forcer pour récolter les suffrages, et le pire - enfin : le mieux - c'est que cette entrée en matière à la fois totalement brillante et absolument paresseuse ne dit quasiment rien ce qui va suivre. C'est sur la durée que ...Like Clockworks s'impose comme une évidence. Qu'il s'installe confortablement dans le cerveau de l'auditeur pour ne plus en sortir - et pas que pour lui faire du bien.
Car ce que son auteur présente de manière sibylline comme une réflexion sur la nécessité d'aller de l'avant (autant ne rien dire, hein Josh...) se révèle surtout au fil des écoutes bercé par une inhabituelle mélancolie, voire une forme de douleur sourde que l'on ne s'attendait pas forcément à croiser sur un disque du groupe le plus indolent et crâneur de sa génération. Lullabies for Paralyze, dont celui-ci se rapproche souvent, était bien évidemment un disque sombre, torturé et ombrageux. Mais il n'était jamais triste, ce que ...Like Clockworks est pour sa part très régulièrement, notamment dans ses innombrables ballades qui, la prod' ultra-léchée mise de côté, dévoilent un dénuement d'autant plus surprenant qu'il s'agit bel et bien - et comme toujours - d'un album à guests. Sauf que non. Sauf qu'on a tôt fait de les oublier. Alex Turner, Reznor, Oliveri, Lanegan, Elton John (!) et tous les increvables VIP du rock-qui-présente-bien ont beau se succéder piste après piste, aucun ne parvient à gâcher les "The Vampyre of Time and Memory" et autres "My God is the Sun". Ils arrivent parfois même à apporter quelque chose (Cf. "Kalopsia", power-ballade XXL co-signée Turner), quoique le sentiment dominant soit paradoxalement celui d'un album... intimiste, oui. Malgré ses trente-douze invités et sa propension à bander très fort les muscles (et les amplis) pour montrer que là, il va y avoir de l'émotion. En un sens, ...Like Clockworks est un album très facile à moquer et caricaturer, comme tout ce qui brûle la chandelle rock'n'roll par les deux bouts.Ce sera sans doute un défaut au yeux des plus intégristes, qui déjà lui reprochent d'être mou du jonc (on ne saura que trop leur conseiller de monter le son et de se resservir un godet). C'est pourtant bien l'une de ses forces que cet art de jouer dans les interstices, et de composer de grandes chansons accessibles sans jamais confondre le grandiloquent avec le putassier. Des trucs ultra codifiés (ah ! ces soli qui donnent l'impression de jaillir pile quand on les attend) rarement aussi simples qu'ils y paraissent (derrière les mélodies ultra-bright, les architectures des morceaux filent assez régulièrement le tournis). Des exercices de style peut-être, sûrement, mais qui n'ont jamais l'air de l'être et épatent par leur spontanéité et leur mordant. Un ami me disait il y a quelques temps qu'il avait l'impression d'aimer cet album par nostalgie ; il devait être fin saoul, car jamais ...Like Clockworks ne donne le sentiment d'essayer d'être un nouveau Rated R ou Songs for the Deaf. A la fois bien plus aéré et autrement plus corsé, ce sixième album s'en va, ses deux premiers morceaux passés, sur des territoires que le groupe n'a jamais sérieusement pris le temps d'arpenter, surprenant plus qu'à son tour et délivrant quelques jolies leçons de pop. Preuve en est que toute personne allergique aux power-chords a 90 % de chance de rejeter la greffe. Et tant mieux - à ce degré de notoriété les groupes encore susceptibles de prendre des risques sont trop nombreux. Celui-ci y parvient, et encore avec la manière. En se rappelant ce qu'est cette musique qu'il joue, cette musique basique, commerciale et sans fioriture même lorsqu'elle essaie pataudement d'être jolie. Peu importe dès lors qu'il se fasse déboiter pour de mauvaises raisons : "The Vampyre of Time and Memory" serait-il l’œuvre d'un groupe inconnu que l'on crierait au génie, et si Soundgarden publiait un truc moitié aussi bon que "Kalopsia" ou "Fairweather Friends", on parlerait de la plus grande reformation de tous les temps. Il y a moins que jamais à tortiller du cul : les Queens Of The Stone Age sont le plus grand groupe de rock'n'roll de notre époque. En fait, il est fort possible qu'ils soient le seul.
...Like Clockwork, des Queens Of The Stone Age (2013)
2013 est une grande année à vieux, et les Queens Of The Stone Age sont les plus cools de tous les vieux. L'équation est aussi simple que ça. On sait que ce premier album en six putains d'années sera un bonheur avant même de l'entendre, et on pourrait presque s'arrêter ici. Gros bisou mon p'tit Josh - ça fait vraiment plaisir de te voir prendre de la bouteille.
Parce que c'est tout de même un problème sacrément récurrent : à force d'être éternellement jeune, on finit par devenir bêtement vieux. Drôle d'histoire, quand on y pense. Le petit Josh, qu'on connaît quasiment depuis sa puberté, vient de fêter ses quarante balais - on avait presque fini par cesser d'y croire. C'est une joie intense - pas loin - qui s'empare de l'auditeur à l'écoute de ...Like Clockwork : ENFIN ! Enfin, Josh nous sort un album avec rien que des mid-tempos et un quart de ballades ! MERCI MON DIEU - il y a donc une justice. Le problème évidemment, c'est qu'en dehors du fait que ...Like Clockwork est un grand disque, la réalité est un peu plus complexe que cela. So much pour le proverbial album de la maturité. Comme si le rock'n'roll devait ou même pouvait devenir mature. Au moment de jeter son oreille un tantinet anxieuse sur le nouvel opus des QOTSA, l'auditeur n'a que deux craintes : qu'il s'avère un énième ouvrage d'adult-rock aussi dépourvu de groove que de fraîcheur, et/ou qu'il se révèle à l'instar de son prédécesseur un disque à formules. Même si l'on a fini par s'y habituer et même apprécier Era Vulgaris, il était tout de même tout sauf rassurant d'entendre le meilleur groupe de sa génération capitaliser mollement sur son sens du riff et ses facilités en matière de refrains catchy, oubliant qu'une grande chanson est un peu plus qu'une somme de qualités intrinsèques.
C'est que si elles se sont rarement réunies autrement que pour tourner ces dernières années, les Reines de l'Âge de Pierre n'ont en revanche pas manqué de nous inonder de projets plus caricaturaux les uns que les autres, déclinant à l'infini le son Queens Of The Stone Age comme autant de rejetons honteux dont aucun parent digne de ce nom n'aurait osé soutenir le regard. Si les Queens n'ont jamais inventé la poudre, elles avaient au moins une identité musicale forte et c'est une lapalissade que de dire que ses membres ont, de guests en side-projects, passé leurs six dernières années à se pasticher eux-mêmes dans un mélange de talent pur et de ridicule. Si ...Like Clockworks fonctionne quasi instantanément, c'est en grande partie parce qu'il sonne bien moins QOTSA que tous les autres projets de ses musiciens. Alors que les dernières tournées présentaient un groupe de plus en plus carré et prévisible, ces dix nouveaux titres rassurent sur la santé d'un collectif dont on finissait par craindre qu'il essaie de nous refaire "Go with the Flow" ad vita aeternam. Point du tout, très chers : les Queens' 2013 ont décidé de prendre des risques, quitte à décevoir, et même si elles n'en avaient peut-être pas besoin tant leur trône de meilleur groupe en activité a peu vacillé sous les assauts d'une concurrence incroyablement faible durant ces six années de silence (allez, citons pour le principe les géniaux A Place To Bury Strangers, dans un registre on ne peut plus différent). Les premières secondes du ténébreux "Keep Your Eyes Peeled", sa poisse made in Lullabies for Paralyze et ses relents d'Alice In Chains, abondent d'ailleurs dans ce sens. Idem de la sucrerie maison qui lui succède, "I Sat by the Ocean" : le titre le moins original et même prévisible de ce nouvel album suffit amplement à rappeler qui est le patron du rock'n'roll contemporain, qui connaît les bons riffs, les bonnes mélodies et les bons gimmicks de prod' (le son est pour ainsi dire parfait. As usual). Qu'ils nous ont manqué, putain. A peine s'ils ont besoin de se forcer pour récolter les suffrages, et le pire - enfin : le mieux - c'est que cette entrée en matière à la fois totalement brillante et absolument paresseuse ne dit quasiment rien ce qui va suivre. C'est sur la durée que ...Like Clockworks s'impose comme une évidence. Qu'il s'installe confortablement dans le cerveau de l'auditeur pour ne plus en sortir - et pas que pour lui faire du bien.
Car ce que son auteur présente de manière sibylline comme une réflexion sur la nécessité d'aller de l'avant (autant ne rien dire, hein Josh...) se révèle surtout au fil des écoutes bercé par une inhabituelle mélancolie, voire une forme de douleur sourde que l'on ne s'attendait pas forcément à croiser sur un disque du groupe le plus indolent et crâneur de sa génération. Lullabies for Paralyze, dont celui-ci se rapproche souvent, était bien évidemment un disque sombre, torturé et ombrageux. Mais il n'était jamais triste, ce que ...Like Clockworks est pour sa part très régulièrement, notamment dans ses innombrables ballades qui, la prod' ultra-léchée mise de côté, dévoilent un dénuement d'autant plus surprenant qu'il s'agit bel et bien - et comme toujours - d'un album à guests. Sauf que non. Sauf qu'on a tôt fait de les oublier. Alex Turner, Reznor, Oliveri, Lanegan, Elton John (!) et tous les increvables VIP du rock-qui-présente-bien ont beau se succéder piste après piste, aucun ne parvient à gâcher les "The Vampyre of Time and Memory" et autres "My God is the Sun". Ils arrivent parfois même à apporter quelque chose (Cf. "Kalopsia", power-ballade XXL co-signée Turner), quoique le sentiment dominant soit paradoxalement celui d'un album... intimiste, oui. Malgré ses trente-douze invités et sa propension à bander très fort les muscles (et les amplis) pour montrer que là, il va y avoir de l'émotion. En un sens, ...Like Clockworks est un album très facile à moquer et caricaturer, comme tout ce qui brûle la chandelle rock'n'roll par les deux bouts.Ce sera sans doute un défaut au yeux des plus intégristes, qui déjà lui reprochent d'être mou du jonc (on ne saura que trop leur conseiller de monter le son et de se resservir un godet). C'est pourtant bien l'une de ses forces que cet art de jouer dans les interstices, et de composer de grandes chansons accessibles sans jamais confondre le grandiloquent avec le putassier. Des trucs ultra codifiés (ah ! ces soli qui donnent l'impression de jaillir pile quand on les attend) rarement aussi simples qu'ils y paraissent (derrière les mélodies ultra-bright, les architectures des morceaux filent assez régulièrement le tournis). Des exercices de style peut-être, sûrement, mais qui n'ont jamais l'air de l'être et épatent par leur spontanéité et leur mordant. Un ami me disait il y a quelques temps qu'il avait l'impression d'aimer cet album par nostalgie ; il devait être fin saoul, car jamais ...Like Clockworks ne donne le sentiment d'essayer d'être un nouveau Rated R ou Songs for the Deaf. A la fois bien plus aéré et autrement plus corsé, ce sixième album s'en va, ses deux premiers morceaux passés, sur des territoires que le groupe n'a jamais sérieusement pris le temps d'arpenter, surprenant plus qu'à son tour et délivrant quelques jolies leçons de pop. Preuve en est que toute personne allergique aux power-chords a 90 % de chance de rejeter la greffe. Et tant mieux - à ce degré de notoriété les groupes encore susceptibles de prendre des risques sont trop nombreux. Celui-ci y parvient, et encore avec la manière. En se rappelant ce qu'est cette musique qu'il joue, cette musique basique, commerciale et sans fioriture même lorsqu'elle essaie pataudement d'être jolie. Peu importe dès lors qu'il se fasse déboiter pour de mauvaises raisons : "The Vampyre of Time and Memory" serait-il l’œuvre d'un groupe inconnu que l'on crierait au génie, et si Soundgarden publiait un truc moitié aussi bon que "Kalopsia" ou "Fairweather Friends", on parlerait de la plus grande reformation de tous les temps. Il y a moins que jamais à tortiller du cul : les Queens Of The Stone Age sont le plus grand groupe de rock'n'roll de notre époque. En fait, il est fort possible qu'ils soient le seul.
...Like Clockwork, des Queens Of The Stone Age (2013)